Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Rouen
Thématique : Accident de travail : contestation de la prise en charge et obligations de l’employeur.
→ RésuméLe 12 juillet 2021, la caisse primaire d’assurance-maladie [Localité 3] a décidé de prendre en charge un accident de travail survenu le 13 avril 2021, impliquant un salarié de la société [6]. Ce dernier avait subi une douleur à l’avant-bras gauche après avoir porté une charge lourde. La société a contesté cette décision, arguant qu’elle n’avait pas été correctement informée des modalités de la procédure de prise en charge.
La société a d’abord saisi la commission de recours amiable de la caisse, puis, n’ayant pas obtenu de réponse dans les délais impartis, a porté l’affaire devant le tribunal judiciaire du Havre. Par jugement du 6 mars 2023, le tribunal a rejeté le recours de la société et l’a condamnée aux dépens. La société a alors interjeté appel. Dans ses conclusions, la société a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de déclarer la décision de prise en charge inopposable. Elle a soutenu avoir formulé des réserves et que la caisse avait imposé des conditions d’utilisation d’un téléservice pour la consultation du dossier, ce qui aurait entravé son droit à la défense. La société a également affirmé ne pas avoir été informée des modalités de consultation hors ligne. De son côté, la caisse a demandé la confirmation du jugement, affirmant avoir respecté les procédures et avoir fourni à la société les moyens de consulter le dossier, y compris par courrier. Elle a précisé que le téléservice n’était pas obligatoire et que des questionnaires avaient été envoyés par voie postale. La cour a confirmé le jugement du tribunal, déclarant la décision de la caisse opposable à la société et condamnant cette dernière aux dépens d’appel, considérant que la société n’avait pas justifié de ses démarches pour consulter le dossier. |
N° RG 23/01104 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JKM4
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 11 AVRIL 2025
DÉCISION DÉFÉRÉE :
22/00050
Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DU HAVRE du 06 Mars 2023
APPELANTE :
S.A.S. [6]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT – LALLIARD – ROUANET, avocat au barreau de LYON substitué par Me Juliette AURIAU, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE [Localité 3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Thierry LEVESQUES, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 13 Février 2025 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. GUYOT, Greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 13 février 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 avril 2025
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 11 Avril 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
* * *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 12 juillet 2021, la caisse primaire d’assurance-maladie [Localité 3] (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, un accident dont a été victime M. [C] [G], salarié de la société [6] (la société), le 13 avril 2021, alors qu’il était à la disposition de la société [4]. Le certificat médical initial adressé à la caisse faisait état d’une douleur à la flexion de l’avant-bras gauche à la suite d’un port de charge trop lourde sur le lieu de travail et une probable élongation musculaire.
La société a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la caisse et, à défaut de décision dans les délais légaux, a poursuivi sa contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire du Havre.
Par jugement du 6 mars 2023, le tribunal a :
– rejeté le recours,
– condamné la société aux dépens.
Cette dernière a relevé appel du jugement le 21 mars 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions remises le 13 février 2025, soutenues oralement à l’audience, la société demande à la cour de :
– infirmer le jugement,
– prononcer l’inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, de l’accident de M. [G], du 13 avril 2021,
– condamner la caisse aux dépens.
Elle fait valoir qu’elle a formulé des réserves après avoir déclaré l’accident et que la caisse l’a informée qu’elle entendait procéder à des investigations par le biais d’un questionnaire disponible sur un site Internet ; que l’utilisation du téléservice imposait au préalable la création d’un compte (QRP : Questionnaires risques professionnels) nécessitant l’acceptation de conditions générales d’utilisation unilatéralement établies par la caisse nationale d’assurance-maladie, créant des obligations à l’encontre de l’employeur ; que les caisses locales font usage de ces modalités dans une forme de violence contractuelle contraignant l’employeur à donner son consentement, faute de quoi il ne peut faire valoir les droits qui lui sont offerts dans le cadre des procédures de reconnaissance de l’origine professionnelle d’un accident ou d’une maladie. Elle expose avoir informé la caisse qu’elle ne souhaitait pas remplir le questionnaire par le biais du téléservice, ne pouvant faire aucun commentaire ou annotation et soutient que la caisse ne l’a pas informée des modalités de consultation du dossier « hors-ligne ». Elle considère que l’utilisation du téléservice présente un caractère facultatif ; qu’il appartient à la caisse de démontrer qu’elle lui a envoyé ses correspondances et que celles-ci ont effectivement été reçues ; que la caisse, en l’espèce, a soumis l’intégralité des étapes contradictoires à l’usage du site Internet, alors qu’elle ne pouvait lui opposer le téléservice, de sorte qu’elle l’a privée de l’effectivité de son droit de consultation et/ou de son droit de formuler des observations. La société affirme par ailleurs que le tribunal indique de manière erronée que la caisse lui a adressé par courriel le dossier de l’assuré, alors que le courriel ne comportait que le questionnaire à remplir.
Par conclusions remises le 30 janvier 2025, soutenues oralement à l’audience, la caisse demande à la cour de :
– confirmer le jugement,
– rejeter le recours et les demandes de la société,
– lui déclarer opposable la décision du 12 juillet 2021.
Elle soutient que si l’une des parties ne peut remplir le questionnaire en ligne, par l’intermédiaire de l’outil QRP, ou si l’employeur choisit de ne pas utiliser le téléservice, qui ne revêt pas de caractère obligatoire, elle transmet le questionnaire sous format papier ; qu’il en va de même pour la consultation du dossier en ligne ; qu’elle a adressé le 20 mai 2021 puis le 2 juin, le questionnaire sous format papier à l’employeur, qui a lu les messages les 2, 3 et 7 juin sans retourner le moindre questionnaire complété. Elle indique avoir pris contact téléphoniquement le 25 juin avec le manager d’agence de la société et en déduit qu’elle a instruit le dossier au contradictoire de l’employeur. La caisse ajoute que la société a bien été destinataire du courrier l’informant de la mise à disposition du dossier pour consultation et formulation d’observations, avec l’indication des modalités de consultation des pièces, à savoir se rendre au point d’accueil de la caisse après avoir éventuellement pris rendez-vous pour éviter l’attente. Elle indique que la société ne justifie pas l’avoir contactée pour prendre rendez-vous afin de consulter le dossier dans les locaux ni s’être déplacée ni encore moins avoir sollicité la communication du dossier par courriel ou courrier.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort :
Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire du Havre du 6 mars 2023 ;
Y ajoutant :
Déclare la décision de la caisse primaire d’assurance-maladie [Localité 3] du 12 juillet 2021, de prise en charge de l’accident du travail dont a été victime M. [C] [G] le 13 avril 2021, opposable à la société [6] ;
Condamne la société [6] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?