Cour d’appel de Riom, 25 mars 2025, RG n° 23/01615
Cour d’appel de Riom, 25 mars 2025, RG n° 23/01615

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Riom

Thématique : Accès et Enclavement : Responsabilités des Propriétaires en Cas de Vente de Parcelles Adjacent

Résumé

Dans cette affaire, un couple de propriétaires, désigné comme les demandeurs, a acquis une parcelle cadastrée AO nº [Cadastre 9] en décembre 1998, alors qu’ils possédaient déjà une parcelle voisine, AO nº [Cadastre 8], acquise en 1981. En 2001, ils ont vendu la parcelle AO nº [Cadastre 8], qui avait un accès direct à la voie publique, sans se réserver de servitude pour leur parcelle AO nº [Cadastre 9], qui est devenue enclavée.

Face à cette situation, les demandeurs ont tenté d’obtenir une expertise judiciaire pour désenclaver leur parcelle en assignant plusieurs voisins, dont un propriétaire de la parcelle AO nº [Cadastre 3]. Leur demande a été rejetée par le juge des référés en juillet 2020. En décembre 2022, ils ont assigné une autre propriétaire, désignée comme la défenderesse, pour établir une servitude de passage sur sa parcelle.

Le tribunal judiciaire a rendu un jugement en septembre 2023, constatant l’état d’enclave de la parcelle AO nº [Cadastre 9] mais déboutant les demandeurs de leur demande de servitude, considérant que l’enclavement était volontaire. Le tribunal a souligné que les demandeurs avaient vendu la parcelle AO nº [Cadastre 8] en connaissance de cause, sans prévoir de servitude, et que l’article 684 du code civil s’appliquait, limitant leur droit de passage à la parcelle vendue.

Les demandeurs ont fait appel de cette décision, demandant la fixation d’une servitude sur la parcelle de la défenderesse. En réponse, celle-ci a demandé la confirmation du jugement initial et des dommages-intérêts pour procédure abusive. La cour d’appel a confirmé le jugement de première instance, condamnant les demandeurs à payer des frais à la défenderesse et déboutant leurs autres demandes.

COUR D’APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 25 mars 2025

N° RG 23/01615 – N° Portalis DBVU-V-B7H-GCKD

-DA- Arrêt n°

[P] [A], [O] [W] / [I] [X] divorcée [F]

Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP du PUY-EN-VELAY, décision attaquée en date du 05 Septembre 2023, enregistrée sous le n° 23/00032

Arrêt rendu le MARDI VINGT CINQ MARS DEUX MILLE VINGT CINQ

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Céline DHOME, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [P] [A]

et Mme [O] [W]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentés par Maître Nadine MASSON-POMOGIER de la SELARL OGMA, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

Timbre fiscal acquitté

APPELANTS

ET :

Mme [I] [X] divorcée [F]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représentée par Maître Isabelle LABARTHE LENHOF de la SELARL ISABELLE LABARTHE-LENHOF AVOCAT, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE, en qualité de suppléante de Maître [H] [T] suivant désignation de Madame le Bâtonnier de la Haute-Loire du 2 mai 2024 en application de l’article 48 du décret n°2023-552 du 30 juin 2023.

Timbre fiscal acquitté

INTIMEE

DÉBATS : A l’audience publique du 27 janvier 2025

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 mars 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

I. Procédure

Par acte authentique du 19 décembre 1998, M. [P] [A] et Mme [O] [W] ont acheté sur la commune de [Localité 11] (Haute-Loire), une ancienne maison de vigne, sise [Adresse 7], cadastrée section AO nº [Cadastre 9]. Lors de cette acquisition ils étaient déjà propriétaires de deux parcelles voisines cadastrées B nº [Cadastre 5] et [Cadastre 6], acquises le 28 février 1981. Plus tard, les parcelles B nº [Cadastre 5] et [Cadastre 6] ont été cadastrées AO nº [Cadastre 8]. Sur le terrain, les parcelles AO nº [Cadastre 8] et [Cadastre 9] se jouxtent.

Le 24 novembre 2001 M. [P] [A] et Mme [O] [W] ont vendu à M. [K] [L] et Mme [Z] [S] la parcelle AO nº [Cadastre 8], sur laquelle ils avaient fait édifier une maison.

Au motif que la parcelle AO nº [Cadastre 9] dont ils sont restés propriétaires est enclavée, M. [P] [A] et Mme [O] [W] ont attrait devant le juge des référés du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay plusieurs de leurs voisins, dont Mme [B] [D] [X] propriétaire de la parcelle AO nº [Cadastre 3], afin d’obtenir une mesure d’expertise judiciaire.

Par ordonnance du 6 juillet 2020, le juge des référés a rejeté cette demande d’expertise.

Par exploit du 30 décembre 2022, M. [P] [A] et Mme [O] [W] ont fait assigner au fond Mme [I] [X] épouse [F] (venant aux droits de Mme [B] [D] [X], décédée) afin de voir fixer sur son fonds cadastré AO nº [Cadastre 3] une assiette de servitude pour désenclaver leur parcelle AO nº [Cadastre 9].

À l’issue des débats, par jugement du 5 septembre 2023, le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay a rendu la décision suivante :

« Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition au Greffe ;

CONSTATE 1’état d’enclave de la parcelle cadastrée section AO nº [Cadastre 9] sur la commune de [Localité 11] appartenant à Monsieur [P] [A] et Madame [O] [W] ;

DÉBOUTE Monsieur [P] [A] et Madame [O] [W] de leur demande en fixation d’une assiette de servitude légale au profit de leur fonds cadastré sur la commune de [Localité 11] section AO nº [Cadastre 9] sur le fonds cadastré sur la même commune section AO nº [Cadastre 3] appartenant à Madame [I] [X] épouse [F] ;

DÉBOUTE Madame [I] [X] épouse [F] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE Monsieur [P] [A] et Madame [O] [W] aux dépens de l’instance ;

CONDAMNE Monsieur [P] [A] et Madame [O] [W] à payer à Madame [I] [X] épouse [F] la somme de 2.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE Monsieur [P] [A] et Madame [O] [W] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit. »

Dans les motifs de sa décision, le tribunal judiciaire a considéré que l’enclavement de la parcelle AO nº [Cadastre 9] des consorts [A] et [W] avait été volontaire de leur part, et rejeté par conséquent leur demande de désenclavement, en ces termes :

En l’espèce, il résulte des actes notariés produits au débat qu’au jour de l’acquisition de la parcelle AO nº [Cadastre 9], le 19 décembre 1998, Monsieur [P] [A] et Madame [O] [W] étaient déjà propriétaires de la parcelle voisine AO nº [Cadastre 8], ayant un accès direct à la voie publique.

Trois ans plus tard, et tel que cela ressort de l’acte notarié dressé par Maître [U] le 24 novembre 2001, Monsieur [P] [A] et Madame [O] [W] ont vendu la parcelle AO nº [Cadastre 8] à Monsieur et Madame [L] après y avoir édifié une maison d’habitation.

Ils ont ainsi procédé à la division de leur fonds. En effet, un fonds peut être composé de diverses parcelles dès lors que celles-ci sont contiguës et caractérisent une seule et même propriété. La division d’un fonds ne suppose pas que toutes les parcelles composant ledit fonds aient une origine commune, mais uniquement qu’elles aient été réunies en une seule main. Il importe donc peu que les parcelles AO nº [Cadastre 8] et [Cadastre 9] n’aient pas d’origine commune dès lors qu’elles ont été la propriété des demandeurs, avec accès la voie publique.

Il convient de constater que l’acte de vente de la parcelle AO nº [Cadastre 8] est dépourvu de mention relative à une servitude conventionnelle alors que Monsieur [P] [A] et Madame [O] [W] vendaient une parcelle ayant un accès direct sur la voirie, voisine à celle qui leur appartenait et qu’ils savaient enclavée.

C’est ainsi, en toute conscience de l’état d’enclave, qu’ils connaissaient depuis plusieurs années, que lors de la vente de leur parcelle (AO nº [Cadastre 8]), ils ne se sont pas réservés une servitude au profit de leur seconde parcelle (AO nº [Cadastre 9]).

En conséquence. Monsieur [P] [A] et Madame [O] [W], propriétaires de deux parcelles ont vendu une parcelle faisant partie de leur fonds, sans prévoir dans l’acte de vente une servitude de passage au profit de leur deuxième parcelle, dépourvue d’accès à la voie publique, de sorte que l’enclave actuelle de la parcelle AO nº [Cadastre 9] sera qualifiée de volontaire.

Dès lors, les dispositions de l’article 684 du code civil, selon lesquelles, en cas d’enclave volontaire, le passage ne peut être demandé que sur le terrain qui a fait l’objet de l’acte de vente, s’appliquent en l’espèce.

Même si les demandeurs arguent de ce que la construction d’un mur sur toute la largeur de la parcelle AO nº [Cadastre 8], rendu nécessaire lors de l’édification de leur maison en raison de l’état de déclivité du terrain, empêchait la création d’une servitude, et de ce qu’ils n’avaient pas le projet, à l’époque de la construction, d’acquérir la parcelle AO nº [Cadastre 9], ils ne ramènent toutefois pas la preuve de leurs déclarations et donc de l’impossibilité matérielle de créer un passage sur le fonds AO nº [Cadastre 8], objet de la vente.

Ainsi, Monsieur [P] [A] et Madame [O] [W], échouant à rapporter la preuve d’une impossibilité matérielle de créer un passage sur le fonds AO nº [Cadastre 8], sont aujourd’hui mal fondés à solliciter la fixation d’une assiette de servitude sur le terrain d’un tiers, appartenant en l’espèce à Madame [I] [X] épouse [F].

Eu égard à l’ensemble de ces considérations, Monsieur [P] [A] et Madame [O] [W] seront déboutés de leur demande en vue de la fixation d’une assiette de servitude à leur profit sur la propriété de Madame [I] [X] épouse [F].

*

M. [P] [A] et Mme [O] [W] ont fait appel de cette décision le 16 octobre 2023, précisant :

« Objet/Portée de l’appel : Appel limité aux dispositions du jugement par lesquelles le tribunal a : – débouté M. [P] [A] et Mme [O] [W] de leur demande en fixation d’une assiette de servitude légale au profit de leur fonds cadastré sur la commune de [Localité 11] section AO nº [Cadastre 9] sur le fonds cadastré sur la même commune section AO nº [Cadastre 3] appartenant à Mme [I] [X] épouse [F] ;

– condamné M [P] [A] et Mme [O] [W] aux dépens de l’instance ;

– condamné M [P] [A] et Mme [O] [W] à payer à Mme [I] [X] épouse [F] la somme de 2.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ; – débouté M [P] [A] et Mme [O] [W] de leur demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile. »

Dans leurs conclusions récapitulatives du 31 octobre 2024, M. [P] [A] et Mme [O] [W] demandent ensemble à la cour de :

« Vu les articles 682 et suivants du Code Civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Déclarer recevable et bien fondé l’appel régularisé par Monsieur [P] [A] et Madame [O] [W] contre le jugement rendu en date du 5 septembre 2023 par le Tribunal Judiciaire du PUY EN VELAY et y faire droit.

En conséquence, confirmer le jugement dont il s’agit en ce qu’il a constaté l’état d’enclave de la parcelle cadastrée section AO nº [Cadastre 9] sur la commune de [Localité 11] appartenant à Monsieur [P] [A] et Madame [O] [W].

Pour le reste, infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau,

Fixer l’assiette de la servitude légale pour cause d’enclave du fonds cadastré sur la Commune de [Localité 11] section AO nº [Cadastre 9] appartenant à Monsieur [P] [A] et Madame [O] [W] sur le fonds servant figurant au plan cadastral de ladite Commune section AO nº [Cadastre 3] appartenant à Madame [F] ;

Fixer l’indemnité due à Madame [F], propriétaire de la parcelle cadastrée section AO nº [Cadastre 3], à la somme de 1 000 € ;

Condamner Madame [F] à payer et à porter à Monsieur [P] [A] et Madame [O] [W] la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamner Madame [F] aux entiers dépens qui comprendront ceux de première instance. »

*

En défense, dans des écritures récapitulatives du 11 novembre 2024, Mme [I] [F] demande pour sa part à la cour de :

« Vu les articles 682 et suivants du Code Civil

Vu le jugement du 5 SEPTEMBRE 2023 dont appel.

Vu les pièces et notamment les photo graphies Inclues dans les présentes conclusions.

Vu l’article 32-1 du Code de Procédure civile.

Il est demandé à la Cour de :

Débouter purement et simplement Monsieur [P] [A] et Madame [O] [W] de l’intégralité de leurs demandes non fondées en fait et en droit.

En conséquence confirmer purement et simplement le jugement du 5 SEPTEMBRE 2023

Y ajoutant :

‘ Condamner Monsieur [P] [A] et Madame [O] [W] à payer et porter à Madame [I] [F] la somme de 4 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;

‘ Condamner en outre Monsieur [P] [A] et Madame [O] [W] au paiement d’une indemnité complémentaire de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile pour les indemniser des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

‘ Les condamner aux entiers dépens.

TRÈS SUBSIDIAIREMENT, ordonner une mesure d’instruction. »

*

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu’en première instance.

Une ordonnance du 19 décembre 2024 clôture la procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement ;

Condamne les consorts [A] et [W] à payer à Mme [I] [F] la somme de 3000 EUR en application de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour d’appel ;

Condamne les consorts [A] et [W] aux dépens d’appel ;

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Le greffier Le président

 


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