Cour d’appel de Riom, 25 mars 2025, RG n° 23/01295
Cour d’appel de Riom, 25 mars 2025, RG n° 23/01295

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Riom

Thématique : Validité d’un congé de reprise en milieu agricole : précisions et conditions respectées.

Résumé

L’affaire concerne un litige entre un bailleur et des preneurs d’un bail rural, initialement conclu en 1967, portant sur un domaine agricole de 10 hectares. Les preneurs, un couple et un groupement agricole, ont contesté deux congés de reprise signifiés par le bailleur, le premier en mai 2018 et le second en juillet 2019. Le bailleur justifiait ces congés par des motifs liés à l’insuffisance de dépendances pour son habitation et à un projet d’exploitation agricole par son fils.

Le tribunal paritaire des baux ruraux a rendu un jugement en juillet 2023, constatant la renonciation du bailleur au premier congé et le déboutant de sa demande de dommages-intérêts. En revanche, il a ordonné aux preneurs de quitter les parcelles en raison de la validité du second congé, qui a été contesté par les preneurs. Ces derniers ont interjeté appel, demandant la confirmation de la renonciation au premier congé et l’annulation du second.

En appel, le bailleur a également formulé des demandes de dommages-intérêts pour pertes d’exploitation, tandis que les preneurs ont contesté la validité du second congé, arguant d’une imprécision dans sa rédaction. La cour a confirmé le jugement de première instance, rejetant les demandes des preneurs et ordonnant leur expulsion des parcelles sous astreinte.

La cour a également condamné les preneurs à verser une indemnité au bailleur pour couvrir ses frais irrépétibles. En somme, la décision a validé le droit du bailleur à reprendre les terres pour son fils, tout en rejetant les demandes de dommages-intérêts des preneurs, soulignant la légitimité de la reprise au regard des dispositions du code rural.

COUR D’APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 25 mars 2025

N° RG 23/01295 – N° Portalis DBVU-V-B7H-GBOM

-PV- Arrêt n°

[S] [K] épouse [C], [O] [C], G.A.E.C. [C] / [X] [P], [E] [P], [B] [W] épouse [P]

Jugement au fond, origine Tribunal paritaire des baux ruraux de SAINT FLOUR, décision attaquée en date du 21 Juillet 2023, enregistrée sous le n° 51-18-0008

Arrêt rendu le MARDI VINGT CINQ MARS DEUX MILLE VINGT CINQ

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Céline DHOME, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

Mme [S] [K] épouse [C]

[Adresse 21]

[Localité 24]

et

M. [O] [C]

[Adresse 21]

[Localité 24]

et

G.A.E.C. [C]

[Adresse 21]

[Localité 24]

Tous trois assistés de Maître Philippe GATIGNOL de la SCP TEILLOT & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTS

ET :

M. [X] [P]

[Adresse 11]

[Localité 10]

et

M. [E] [P]

[Adresse 21]

[Localité 24]

et

Mme [B] [W] épouse [P]

[Adresse 11]

[Localité 10]

Tous trois assistés de Maître Yann LEMASSON de la SELARL LEMASSON- DELAHAYE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMES

DÉBATS : A l’audience publique du 27 janvier 2025

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 mars 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [O] [C] et Mme [S] [K] épouse [C] sont titulaires par tacites reconductions d’un bail rural initialement conclu par acte notarié du 27 juin 1967 à compter du 25 mars 1967 sur un domaine agricole comprenant des bâtiments d’exploitation et des parcelles de diverses natures d’une superficie totale actuellement fixée à 10 ha 67 a 75 ca, situé sur le territoire de la commune de [Localité 24] (Cantal). Cet ensemble parcellaire, ayant fait l’objet d’un apport au GAEC [C]. Du fait de diverses modifications effectuées depuis 1967, il est actuellement composé des parcelles situées au lieu-dit [Localité 20] et cadastrées section D numéros [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15] ainsi que des parcelles situées au lieu-dit [Localité 22] et cadastrées section D numéros [Cadastre 16], [Cadastre 17], [Cadastre 18], [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9]. Toutes ces parcelles rurales sont actuellement la propriété des époux [P].

Par acte d’huissier de justice signifié le 25 mai 2018, M. [X] [P] a signifié à Mme [S] [C] un congé pour reprise de la totalité de la parcelle cadastrée section D numéro [Cadastre 5] d’une superficie de 5 a 85 ca et d’une partie, à hauteur de 18 a 75 ca, de la parcelle cadastrée section D numéro [Cadastre 3] d’une superficie totale de 46 a 10 ca, faisant valoir au visa de l’article L.411-57 alinéas 7 du code rural et de la pêche maritime que son habitation située dans le hameau [Localité 22] est dépourvue de dépendance foncière suffisante notamment pour mise aux normes de l’assainissement et de l’accès sur périphérique de maison.

Par acte d’huissier de justice signifié le 9 juillet 2019, les époux [P] ont signifié aux époux [C] et au GAEC [C] au visa des articles L.411-57 et L.411-58 et suivants du code rural et de la pêche maritime un congé de reprise portant sur l’intégralité de ce domaine rural à compter du 24 mars 2021 pour motif de reprise personnelle par leur fils M. [E] [P], dans le cadre d’un projet d’activité agricole.

Les époux [C] et le GAEC [C] ayant contesté ces deux congés par requêtes respectives du 24 juillet 2018 et du 2 août 2019 ayant donné lieu à une jonction d’instance, le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Flour a, suivant un jugement n° RG/51-18-000008 rendu le 21 juillet 2023 :

constaté que M. [X] [P] renonce à son congé délivré le 25 mai 2018 à Mme [S] [C] et que ce congé n’a donc plus de valeur juridique ;

débouté Mme [S] [C] de sa demande de dommages-intérêts formée à hauteur de 1.500,00 € du fait de la délivrance de ce congé du 25 mai 2018 ;

débouté les époux [C] et le GAEC [C] de leur demande d’annulation du congé délivré le 9 juillet 2019 ;

ordonné en conséquence aux époux [C] et au GAEC [C] de quitter les parcelles rurales susmentionnées, dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision et sous astreinte de 50,00 € par jour de retard à l’expiration de ce délai ;

débouté les consorts [P] :

* de leur demande d’expertise judiciaire ;

* de leur demande de dommages-intérêts formée à hauteur de 16’500,00 € en allégation d’impossibilité d’exploiter depuis le 25 mars 2021 ;

dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision ;

rejeté les demandes d’application de l’article 700 du code de procédure civile ;

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

condamné chaque partie et à supporter la charge de ses propres dépens.

Par déclaration formalisée par le RPVA le 7 août 2023, le conseil des époux [C] et du GAEC [C] a interjeté appel du jugement susmentionné, l’appel portant sur l’intégralité de la décision.

‘ Par dernières conclusions d’appelant notifiées par le RPVA le 21 janvier 2025 M. [O] [C] et Mme [S] [K] épouse [C] ainsi que le GAEC [C] ont demandé de :

‘ au visa des articles L.411-1, L.411-47, L.411-57 et L.411-58 du code rural et de la pêche maritime ;

‘ déclarer leur appel et leurs demandes recevables et bien fondés ;

‘ confirmer le jugement du 23 mai 2023 du tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Flour en ses décisions de constat par M. [X] [P] du congé délivré à Mme [S] [C] le 25 mai 2018, de constat suivant lequel ce congé n’a plus de valeur juridique, et de rejet des demandes des consorts [P] aux fins d’expertise judiciaire et de dommages-intérêts ;

‘ infirmer ce même jugement en toutes ses autres dispositions et statuer de nouveau ;

‘ donner acte à M. [X] [P] de sa demande de retrait du congé qu’il a délivré le 25 mai 2018 ;

‘ annuler le congé susmentionné du 9 juillet 2019 ;

‘ débouter les consorts [P] de l’ensemble de leurs demandes ;

‘ condamner les consorts [P] :

* à leur payer une indemnité de 5.000,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

* aux entiers dépens de l’instance.

‘ Par dernières conclusions d’intimé et d’appel incident notifiées par le RPVA le 24 janvier 2025, M. [X] [P] et Mme [B] [W] épouse [P] ainsi que M. [E] [P] ont demandé de :

‘ au visa des articles L.411-58 et L.411-59 ainsi que L.411-31 et L.411-35 du code rural et de la pêche maritime ;

‘ confirmer le jugement déféré en ses décisions de constats suivant lequel M. [X] [P] a renoncé au congé délivré le 25 mai 2018 et suivants lequel ce congé n’a plus de valeur juridique ainsi que de rejet de la demande de Mme [S] [C] aux fins de dommages-intérêts et des demandes des époux [C] et du GAEC [C] aux fins d’annulation du congé du 9 juillet 2019 et d’injonction sous délai et astreinte aux époux [C] et au GAEC [C] de quitter l’ensemble des parcelles rurales ayant fait l’objet de ce bail ;

‘ infirmer ce même jugement en toutes ses autres dispositions et statuer de nouveau ;

‘ [à titre principal] ;

‘ condamner in solidum les époux [C] et le GAEC [C] à payer :

‘ au profit de M. [E] [P] la somme de 61.988,00 € en réparation de ses pertes d’exploitation subies pour ne pas avoir pu exploiter les biens faisant l’objet de cette notification de reprise à compter de la date prévue du 25 mars 2021 ;

‘ au profit de M. [X] [P] la somme de 10.000,00 € au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance ;

‘ « Déclarer irrecevable le moyen de défense tiré de la prétendue imprécision de la rédaction du congé pour reprise en date du 9 juillet 2019 sur l’habitation qu’occupera le bénéficiaire de la reprise à la date d’effet de la reprise. » ;

‘ à titre subsidiaire ;

‘ au visa des articles L.411-31 et L.411-35 du code rural, prononcer la résiliation du bail à ferme susmentionné pour cession illicite et prononcer la nullité de la cession illicitement opérée au profit du GAEC [C] ;

‘ ordonner en conséquence l’expulsion des époux [C] et du GAEC [C] ainsi que de tous occupants de leur chef de l’ensemble des parcelles rurales susmentionnées, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir et sous astreinte de 150,00 € par jour de retard à l’expiration de ce délai ;

‘ en tout état de cause, condamner in solidum les époux [C] ainsi que le GAEC [C] :

‘ à payer au profit des consorts [P] une indemnité de 6.000,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

‘ au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel.

Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par les parties à l’appui de leurs prétentions sont directement énoncés dans la partie ‘Motifs de la décision’.

Après évocation de cette affaire et clôture des débats lors de l’audience collégiale civile du 27 janvier à 14h00, au cours de laquelle chacun des conseils des parties a réitéré ses précédentes écritures, la décision suivante a été mise en délibéré au 25 mars 2025, par mise à disposition au greffe.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

REJETTE la demande formée par M. [X] [P] et Mme [B] [W] épouse [P] ainsi que M. [E] [P] aux fins d’irrecevabilité du « (‘) moyen de défense tiré de la prétendue imprécision de la rédaction du congé pour reprise en date du 9 juillet 2019 sur l’habitation qu’occupera le bénéficiaire de la reprise (‘) ».

CONFIRME en toutes ses dispositions frappées d’appel le jugement n° RG/51-18-000008 rendu le 21 juillet 2023 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Flour dans l’instance opposant M. [O] [C] et Mme [S] [K] épouse [C] ainsi que le GAEC [C] à M. [X] [P] et Mme [B] [W] épouse [P] ainsi que M. [E] [P].

Y ajoutant.

CONDAMNE in solidum M. [O] [C] et Mme [S] [K] épouse [C] ainsi que le GAEC [C] à payer au profit de M. [X] [P] et Mme [B] [W] épouse [P] ainsi que M. [E] [P] une indemnité de 3.500,00 €, en dédommagement de leurs frais irrépétibles prévus à l’article 700 du code de procédure civile.

REJETTE le surplus des demandes des parties.

CONDAMNE in solidum M. [O] [C] et Mme [S] [K] épouse [C] ainsi que le GAEC [C] aux entiers dépens de l’instance d’appel.

Le greffier Le président

 


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