Cour d’appel de Riom, 11 mars 2025, RG n° 23/00754
Cour d’appel de Riom, 11 mars 2025, RG n° 23/00754

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Riom

Thématique : Vente immobilière : Validité de l’acte et obligations du notaire en matière de conseil et d’information.

Résumé

Un vendeur a cédé une maison d’habitation à un acheteur le 3 septembre 2016, pour un montant de 120 000 EUR. Dans l’acte de vente, il était stipulé que le vendeur devait 80 000 EUR à l’acheteur, ce qui a conduit à un paiement effectif de seulement 40 000 EUR. Estimant avoir été trompé sur le prix et la nature de l’acte, le vendeur a assigné l’acheteur et le notaire en justice le 1er septembre 2020, demandant l’annulation de la vente et le remboursement de la somme due.

Une curatrice est intervenue dans la procédure au nom du vendeur. Le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a rendu son jugement le 2 mai 2023, déboutant le vendeur de toutes ses demandes, y compris celles contre le notaire. Le tribunal a conclu que le vendeur n’avait pas prouvé l’existence d’une tromperie ou d’un dol, et que l’acte de vente était valide. Il a également noté que le vendeur n’avait pas démontré qu’il avait des facultés altérées au moment de la vente.

Le vendeur et sa curatrice ont fait appel de cette décision le 9 mai 2023, demandant la réformation du jugement. Ils ont soutenu que le vendeur croyait vendre en viager et que le notaire n’avait pas rempli son devoir d’information. Cependant, le tribunal a rappelé que le notaire n’était pas tenu de vérifier la véracité des déclarations des parties en l’absence d’éléments suspects.

Le tribunal a confirmé que l’acte de vente était clair et que le vendeur avait signé en connaissance de cause. Il a également rejeté les demandes de dommages-intérêts de l’acheteur pour procédure abusive. En conclusion, le jugement initial a été confirmé, chaque partie gardant ses dépens d’appel.

COUR D’APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 11 mars 2025

N° RG 23/00754 – N° Portalis DBVU-V-B7H-F74F

-DA- Arrêt n° 125

[W] [L], [V] [H]/ [C] [O], [K] [R]

Jugement au fond, origine Tribunal Judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CLERMONT- FERRAND, décision attaquée en date du 02 Mai 2023, enregistrée sous le n° 20/02879

Arrêt rendu le MARDI ONZE MARS DEUX MILLE VINGT CINQ

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Céline DHOME, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [W] [L]

Chez Mme [D]

[Adresse 7]

[Localité 5]

et

Mme [V] [H], intervenante volontaire par conclusions du 1er août 2023 es qualité de curatrice de M. [W] [L]

Cabinet MJPM

[Adresse 1]

[Localité 3]

Tous deux représentés par Maître Jean-Louis TERRIOU de la SCP TERRIOU RADIGON FURLANINI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

APPELANTS

ET :

Maître [C] [O]

SCP [C] [O] ET [X] [E]-[O]

[Adresse 9]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représenté par Maître Jean-Michel DE ROCQUIGNY de la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

Mme [K] [R]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Maître Jean-François CANIS de la SCP CANIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

INTIMES

DÉBATS : A l’audience publique du 13 janvier 2025

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 mars 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

I. Procédure

Suivant acte authentique passé le 3 septembre 2016 devant Maître [C] [O], notaire, M. [W] [L] a vendu à Mme [K] [R] une maison d’habitation moyennant le prix de 120 000 EUR, étant précisé dans l’acte que M. [L] était précédemment débiteur de Mme [R] pour la somme de 80 000 EUR, moyennant quoi le vendeur a reçu seulement la différence, soit la somme de 40 000 EUR.

S’estimant abusé, tant sur le montant du prix perçu que sur la nature même de l’acte passé, suivant exploits signifiés le 1er septembre 2020, M. [L] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand Mme [K] [R] et le notaire Maître [C] [O], aux fins à titre principal d’annulation de la vente et de condamnation de Mme [R] à lui rembourser la somme de 80 000 EUR. D’autres demandes étaient présentées au juge à titre subsidiaire

Mme [V] [H] est intervenue à l’instance en sa qualité de curatrice de M. [W] [L].

À l’issue des débats, par jugement du 2 mai 2023, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a rendu la décision suivante :

« Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, par mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Déboute Monsieur [W] [L] de sa demande en annulation de l’acte de vente établi par Maître [C] [O] en date du 03 septembre 2016 ;

Déboute Monsieur [W] [L] de sa demande en annulation de la clause concernant la dation en paiement contenue dans l’acte de vente établi par Maître [C] [O] en date du 03 septembre 2016 ;

Déboute Monsieur [W] [L] de ses demandes indemnitaires formées à l’encontre de Madame [K] [R] ;

Déboute Monsieur [W] [L] de sa demande indemnitaire formée à l’encontre de Maître [C] [O] ;

Déboute Madame [K] [R] de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts formée à l’encontre de Monsieur [W] [L] ;

Déboute Monsieur [W] [L] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Déboute Monsieur [C] [O] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [W] [L] à payer à Madame [K] [R] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [W] [L] aux dépens ;

Dit n’y avoir lieu à déclarer le présent jugement opposable à Madame [V] [H], curatrice de Monsieur [W] [L], partie à l’instance ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. »

Dans les motifs de sa décision le tribunal judiciaire a considéré que les griefs émis par M. [L], tant contre Mme [R] que contre le notaire, n’étaient pas fondés. Concernant la demande d’annulation de la vente il conclut :

Ainsi, il résulte de l’ensemble des éléments de la procédure que Monsieur [W] [L] ne rapporte la preuve d’aucune réticence dolosive, ni d’aucun mensonge constitutif d’un dol, de sorte que son argumentation tendant à voir annuler l’acte de vente à titre principal et la clause litigieuse de l’acte de vente prévoyant la dation en paiement à titre subsidiaire ne saurait prospérer.

En conséquence, Monsieur [W] [L] ne pourra qu’être débouté de ses demandes en nullité formées contre Madame [K] [R], dont la demande en garantie formée contre Maître [O] devient, dès lors, sans objet.

À propos plus spécialement du rôle du notaire, le tribunal a notamment écrit :

D’autre part, s’il doit être relevé qu’aucune vérification n’a vraisemblablement été faite par le notaire quant à l’origine, la nature et la véracité de la dation en paiement alléguée, Monsieur [W] [L] ne démontre cependant pas l’existence d’un préjudice dès lors qu’aucun élément ne permet de considérer que la créance de 80 000 euros détenue par Madame [K] [R] n’existerait pas, alors que les parties ont toutes les deux déclaré que l’acquéreur était créancier d’une somme de 80 000 euros, que cette somme a été remise à titre de dation en paiement, et que cette mention est contenue dans un acte authentique qui fait foi conformément à l’article 1371 du Code civil.

Au surplus, si Monsieur [W] [L] produit des éléments faisant état de sa vulnérabilité actuelle, l’ensemble des pièces versées aux débats en ce sens ont été établies à des dates postérieures à la conclusion de la vente, et il n’est donc pas démontré qu’il présentait une altération de ses facultés en 2016 qui aurait pu faire naître un doute raisonnable quant à la compréhension de la portée de ses engagements ou de la signification des termes de l’acte de vente.

*

M. [W] [L] et Mme [V] [H], partie intervenante, on fait appel de cette décision le 9 mai 2023, précisant :

« Objet/Portée de l’appel : Appel du Jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de CLERMONT-FERRAND en date du 02 mai 2023 (RG Nº 20/02879, Ch. 1 Cab. 2) en ce que Monsieur [W] [L] sollicite la réformation du jugement précité en ce que la décision a : – « DÉBOUTE Monsieur [W] [L] de sa demande en annulation de l’acte de vente établi par Maître [C] [O] en date du 03 septembre 2016 ; – DÉBOUTE Monsieur [W] [L] de sa demande en annulation de la clause concernant la dation en paiement contenue dans l’acte de vente établi par Maître [C] [O] en date du 03 septembre 2016 ; – DÉBOUTE Monsieur [W] [L] de ses demandes indemnitaires formées à l’encontre de Madame [K] [R] ; – DÉBOUTE Monsieur [W] [L] de sa demande indemnitaire formée à l’encontre de Maître [C] [O] ; – DEBOUTE Monsieur [W] [L] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ; – CONDAMNE Monsieur [W] [L] à payer à Madame [K] [R] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ; – CONDAMNE Monsieur [W] [L] aux dépens. »

Dans leurs conclusions nº 2 ensuite du 25 novembre 2024 M. [L] et sa curatrice demandent à la cour de :

« RECEVOIR Monsieur [L] en son appel et le dire fondé,

RÉFORMER le jugement entrepris au vu des articles 1137, 1178, 1240, 1241, 1112- 1, 1104 du Code civil ;

À TITRE PRINCIPAL,

PRONONCER la nullité de l’acte de vente établi par Maître [C] [O], notaire associé à [Localité 8], en date du 3 septembre 2016,

REMETTRE les parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant l’acte de vente sur le fondement des articles 1352 et suivants du Code Civil,

CONDAMNER Madame [R] à payer et porter à Monsieur [L] la somme de 80 000 €.

DÉBOUTER Madame [R] et Maître [O] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

À TITRE SUBSIDIAIRE,

PRONONCER la nullité de la clause concernant la dation en paiement telle que mentionnée dans l’acte de Me [O], notaire associé à [Localité 8], en date du 3 Septembre 2016, sur le fondement de l’article 1184 du Code Civil,

CONDAMNER Madame [R] à la somme de 80 000 €.

RETENIR la responsabilité quasi-délictuelle de Madame [R] sur le fondement des articles 1178 et 1241 du Code Civil.

CONDAMNER cette dernière au paiement de dommages-intérêts à hauteur de 30 000 euros.

Dans tous les cas, DIRE que Maître [O], notaire associé à [Localité 8] a engagé sa responsabilité sur le fondement des articles 1240, 1241, 1112-1 du Code civil ;

CONDAMNER Maître [C] [O] au paiement d’une somme de 80 000 euros au titre de dommages-intérêts ;

DÉBOUTER purement et simplement Madame [R] et Maître [O] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER solidairement les mêmes au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. »

*

Mme [K] [R] a pris des conclusions le 13 novembre 2024 afin de demander à la cour de :

« Vu l’article 1240 du Code Civil,

Confirmer le jugement en ce qu’il a :

– débouté Monsieur [L] de sa demande en annulation de l’acte de vente établi par Me [O] en date du 03/09/2016,

– débouté Monsieur [L] de sa demande en annulation de la clause concernant la dation en paiement contenue dans l’acte de vente établi par Me [O] en date du 03/09/2016,

– débouté Monsieur [L] de ses demandes indemnitaires formées à l’encontre de Madame [K] [R],

– débouté Monsieur [L] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– condamné Monsieur [L] à payer à Madame [R] la somme de 2.000 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– condamné Monsieur [L] aux dépens,

– dit le jugement commun et opposable à Madame [V] [H], curatrice de Monsieur [L].

Réformer le jugement en ce qu’il a débouté Madame [R] de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts formée à l’encontre de Monsieur [L],

En conséquence.

Dire et juger non fondées les demandes formées par Monsieur [L] à l’encontre de Madame [R],

Dire et juger bien fondées les demandes formées par Madame [R],

Débouter Monsieur [L] de ses demandes formées à l’encontre de Madame [R],

Condamner Monsieur [W] [L], assisté de son curateur, à payer et porter à Madame [K] [R] la somme de 3.000 Euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner Monsieur [W] [L], assisté de son curateur, aux entiers dépens, Subsidiairement :

Condamner Maître [C] [O], Notaire, à garantir Madame [R] de toutes condamnations prononcées à son encontre et des conséquences de l’annulation de l’acte authentique de vente.

En toute hypothèse,

Dire et juger l’arrêt à intervenir commun et opposable à Madame [V] [H], curatrice de Monsieur [L]. »

*

Enfin, dans des conclusions nº 3 du 10 décembre 2024 Maître [C] [O], notaire, demande à la cour de :

« Vu les dispositions de l’article 1240 du Code Civil,

DIRE et JUGER que Monsieur [L] n’apporte pas la preuve d’une faute imputable au notaire génératrice d’un préjudice à détriment

En conséquence,

CONFIRMER purement et simplement le jugement querellé en ce qu’il a débouté Monsieur [L] de toute demande, fins et conclusions, dirigées à l’encontre de Maître [O].

Y ajoutant ;

CONDAMNER Monsieur [L] au paiement d’une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile à Maître [O] pour les frais exposés tant en première instance qu’en appel.

CONDAMNER Monsieur [W] [L] aux entiers dépens de l’instance. »

*

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu’en première instance.

Une ordonnance du 19 décembre 2024 clôture la procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en appel ;

Dit que chaque partie gardera ses dépens d’appel ;

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Le greffier Le président

 


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