Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Rennes
Thématique : Appel et effets de la demande d’infirmation dans le cadre d’une liquidation judiciaire.
→ RésuméDans cette affaire, un salarié, occupant le poste de directeur des opérations logistiques et industrielles au sein de la société anonyme JB Martin, a été placé en arrêt de travail en raison d’une dépression nerveuse reconnue comme maladie professionnelle, liée à un contexte de harcèlement moral. Après une visite de reprise, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte, entraînant un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Suite à la liquidation judiciaire de la société JB Martin, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement, demandant la nullité de celui-ci et le paiement de dommages-intérêts. Le tribunal a d’abord jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, déboutant le salarié de ses demandes. Ce dernier a interjeté appel, soutenant que son inaptitude était due à la faute inexcusable de l’employeur, qui aurait manqué à son obligation de sécurité. Le tribunal judiciaire de Rennes a ultérieurement reconnu le caractère professionnel de la maladie du salarié et a établi la faute inexcusable de l’employeur, ordonnant une majoration de la rente allouée par la CPAM. En appel, le salarié a réitéré ses demandes, tandis que les liquidateurs judiciaires de la société ont contesté la recevabilité de ses prétentions, arguant que les demandes de dommages-intérêts étaient indéterminées. Le tribunal a examiné les éléments de preuve fournis par le salarié, notamment des attestations et un rapport d’enquête, mais a conclu que les faits allégués de harcèlement moral n’étaient pas matériellement établis. En conséquence, le tribunal a confirmé le jugement initial, considérant que le licenciement était justifié et que l’employeur avait respecté son obligation de sécurité. |
7ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°101/2025
N° RG 22/03283 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SY5R
M. [M] [Z]
C/
S.A. JB MARTIN
S.C.P. BTSG PRISE EN LA PERSONNE DE MAITRE [F] [C]
S.E.L.A.F.A. MJA PRISE EN LA PERSONNE DE MAITRE [P] [U]
Association UNEDIC DÉLÉGATION CGEA IDF OUEST
RG CPH : 20/00119
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de RENNES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
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à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 27 MARS 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 27 Janvier 2025 devant Monsieur Bruno GUINET, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Mars 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
APPELANT :
Monsieur [M] [Z]
né le 27 Mars 1960 à [Localité 8]
[Adresse 10]
[Localité 4] / FRANCE
Représenté par Me Bruno LOUVEL de la SELARL PHENIX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me LEMOINE, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
S.C.P. BTSG prise en la personne de Maître [F] [C] agissant en sa qualité mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société J.B. MARTIN , à ce désignée par jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 2 juin 2020.
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS,Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Sabine ANGELY MANCEAU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.E.L.A.F.A. MJA Prise en la personne de Maître [P] [R] agissant en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société J.B. MARTIN à ce désignée par jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 2 juin 2020.
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Sabine ANGELY MANCEAU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Association UNEDIC DÉLÉGATION CGEA IDF OUEST
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
*
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [M] [Z] a été engagé par la SA JB Martin selon un contrat à durée indéterminée en date du 08 septembre 2003 pour exercer les fonctions de directeur des opérations logistiques et industrielles, statut cadre.
Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective de l’industrie de la chaussure.
Du 16 février au 02 mars 2018, M. [Z] a été placé en arrêt de travail et à nouveau à compter du 21 mars.
Le 21 septembre 2018, le salarié a sollicité auprès de la CPAM une demande de reconnaissance de maladie professionnelle. Par décision du 24 mai 2019, la CPAM a pris en charge la maladie « dépression nerveuse dans un contexte de harcèlement professionnel » de M. [Z] au titre de la législation sur les risques professionnels. Puis, le 15 novembre 2019, le taux d’incapacité du salarié a été fixé à 40%, taux sur la base duquel a été calculé le montant de la rente maladie professionnelle servie à l’assuré.
Au terme d’une visite de reprise organisée le 1 er octobre 2019, le médecin du travail a déclaré M. [Z] inapte avec dispense de reclassement.
La société JB Martin a convoqué M. [Z] à un entretien préalable au licenciement fixé au 22 octobre 2019. Puis, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 28 octobre 2019, le salarié s’est vu notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par jugement en date du 02 juin 2020, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire sur résolution du plan de redressement de la SA JB Martin et désigné la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [P] [R] et la SCP BTSG, prise en la personne de Me [F] [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société.
Par jugement en date du 04 octobre 2023, le tribunal judiciaire de Rennes a dit que la maladie déclarée par M. [Z] a un caractère professionnel, que ladite maladie dont le salarié a été victime est due à la faute inexcusable de la société JB Martin, ordonné la majoration maximale de la rente allouée par la CPAM à M. [Z] des suites de son incapacité permanente partielle fixée à 40% et ordonné une expertise médicale afin d’évaluer ses postes de préjudice.
*
Sollicitant le paiement de diverses sommes et indemnités, M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Rennes par requête en date du 13 février 2020 afin de voir :
– Dire et juger nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour
inaptitude et impossibilité de reclassement de M. [Z]
– Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société les créances suivantes
de M. [Z] :
– la somme nette de 124 426,72 euros à titre de dommages-intérêts
principalement pour nullité du licenciement et subsidiairement pour absence de cause réelle et sérieuse
– Condamner in solidum ès qualités de liquidateurs, Me [C], et Me [R],
ou à défaut l’un ou l’autre, à payer M. [Z] la somme de 3 000 euros sur le
fondement de l’article 700 du code de procédure civile, qui seront employés en
frais privilégiés de procédure en application de L 621-32 du code du commerce
– Dire et juger la décision opposable à l’AGS dans les limites de sa garantie.
– Ordonner l’exécution provisoire sur l’intégralité du dispositif en application de l’article R. 1454-28 du code de procédure civile.
– Condamner in solidum ès qualités de liquidateurs, Me [C], SCP BTSG et Me [P], Me [R], SELAFA MJA, aux entiers dépens.
La SCP BTSG et la SELAFA MJA, ès qualités de mandataires judiciaires de la SAS JB Martin, ont demandé au conseil de prud’hommes de :
A titre principal :
– Déclarer irrecevable M. [Z] en toutes ses demandes
A titre subsidiaire :
– Débouter M. [Z] de toutes ses demandes, fins, moyens et conclusions.
A titre plus subsidiaire :
– Limiter le quantum de la créance à 23 330,01 euros.
A titre infiniment subsidiaire :
– Limiter le quantum de la créance à 46 662,02 euros.
En tout état de cause
– Condamner M. [Z] aux dépens et à payer aux concluantes ès qualité une
indemnité de procédure 2 000,00 euros
L’AGS CGEA Ile de France Ouest a demandé au conseil de prud’hommes de Rennes de :
– Débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes.
– A titre subsidiaire, ramener à de plus justes proportions le quantum de l’indemnisation sollicitée, qui ne saurait excéder 3 mois de salaires, soit
23 330 euros.
– Débouter M. [Z] de toutes ses demandes qui seraient dirigées à l’encontre
de l’AGS.
– Décerner acte à l’AGS de ce qu’elle ne consentira d’avance au mandataire judiciaire que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail.
– Dire et juger que l’indemnité éventuellement allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’a pas la nature de créance salariale.
– Dire et juger que l’AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants du code du travail.
– Dépens comme de droit.
Par jugement en date du 02 mai 2022, le conseil de prud’hommes de Rennes a :
– Ordonné la jonction des affaires inscrites au répertoire général sous les N°
20/119, N°20/363,
– Déclaré M. [Z] recevable en ses demandes,
– Dit et jugé que le licenciement de M. [Z] repose sur une cause réelle et sérieuse,
– Débouté M. [Z] de l’ensemble de ses demandes
– Débouté la SCP BTSG, en la personne de Me [F] [C] ès-qualités de mandataire judiciaire de la procédure de liquidation judiciaire de la société JB Martin et la SELAFA MJA, en la personne de Me [P] [R], ès-qualités de mandataire judiciaire de la procédure de liquidation judiciaire de la société JB Martin de leurs demandes.
– Déclaré le jugement opposable au CGEA Ile de France Ouest.
– Dit que chaque partie supportera ses propres dépens.
Pour statuer ainsi, les premiers juges ont considéré que :
o Les attestations produites par M. [Z], dont les termes sont généraux, non datés et non circonstanciés ne permettent pas d’établir la matérialité des faits invoqués ;
M. [Z] a été confronté à une situation difficile dans une entreprise luttant pour sa survie ; en prenant en compte les documents médicaux et après avoir examiné l’ensemble des éléments, les faits, pris dans leur ensemble ne sont pas matériellement établis et ne permettent pas de présumer l’existence d’un harcèlement moral ;
o Il n’est pas démontré que la société JB Martin, durant cette période perturbé où sa survie (au sens économique du terme) était en jeu aurait manqué à son obligation de sécurité envers M. [Z].
*
M. [Z] a interjeté appel de la décision précitée par déclaration au greffe en date du 24 mai 2022.
Par ordonnance en date du 2 mai 2023, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Rennes a :
– Débouté la SCP BTSG prise en la personne de Me [C] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société JB Martin et la société MJA prise en la 4 personne de Maître [R] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SA JB Martin de leur demande tendant à voir prononcer la caducité de l’appel ;
– Débouté M. [Z] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile;
– Condamné la SCP BTSG prise en la personne de Maître [C] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SA JB Martin et la société MJA prise en la personne de Maître [R] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société JB Martin aux dépens de l’incident.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 11 décembre 2024, M. [Z] demande à la cour d’appel de :
Infirmant,
– Dire et juger nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse le
licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de M. [Z].
– Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la Société Anonyme JB Martin les créances suivantes de M. [Z]:
– La somme 124 426,72 euros à titre de dommages et intérêts, pour nullité du
licenciement et subsidiairement, pour absence de cause réelle et sérieuse
– Débouter Me [C], SCP BTSG et Me [R], SELAFA MJA, es qualité de liquidateurs, et l’AGS de l’intégralité de leurs prétentions.
– Condamner in solidum es qualité de liquidateurs, Me [C], SCP BTSG et Me [R], SELAFA MJA, ou à défaut l’un ou l’autre, à payer M. [Z] la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, qui seront employés en frais privilégiés de procédure en application de L. 641-13 du code de commerce.
– Dire et juger l’arrêt opposable à l’AGS dans les limites de sa garantie.
– Condamner in solidum es qualité de liquidateurs, Me [C], SCP BTSG et Me [R], SELAFA MJA, aux entiers dépens.
En l’état de leurs dernières conclusions transmises par leur conseil sur le RPVA le 11 décembre 2024, la SCP BTSG et la SELAFA MJA, ès qualités de liquidateurs judiciaires de la SA JB Martin, demandent à la cour d’appel de :
A titre principal,
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Rennes du 2 mai 2022
en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire,
– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Rennes du 2 mai 2022 en ce qu’il « déclare M. [Z] recevable en ses demandes » ;
– En conséquence, réformer le jugement en ce qu’il déboute M. [Z] au lieu de le déclarer irrecevable et statuant à nouveau,
– Déclarer irrecevables toutes les demandes de M. [Z] ;
Plus subsidiairement,
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes ;
Très subsidiairement,
– Limiter le quantum de la créance à 46 662,02 euros ; 5
En tout état de cause,
Et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse
mal fondée,
– Condamner M. [Z] aux dépens de l’appel dont distraction au profit de la SELARL LX Rennes Angers dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– Condamner M. [Z] à payer aux concluante une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l’appel.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 10 octobre 2022, l’AGS CGEA Ile de France Ouest demande à la cour d’appel de :
– Déclarer mal fondé M. [Z] en son appel
– Subsidiairement, ramener à de plus justes proportions le quantum de
l’indemnisation sollicitée, qui ne saurait excéder 3 mois de salaires, soit 23 330 euros ;
En toute hypothèse :
– Débouter M. [Z] de toutes ses demandes qui seraient dirigées à l’encontre
de l’AGS.
– Décerner acte à l’AGS de ce qu’elle ne consentira d’avance au mandataire judiciaire que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail.
– Dire et juger que l’indemnité éventuellement allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’a pas la nature de créance salariale.
– Dire et juger que l’AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants du code du travail.
– Dépens comme de droit.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 17 décembre 2024 avec fixation de la présente affaire à l’audience du 27 janvier 2025.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
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