Cour d’appel de Reims, 4 avril 2025, RG n° 23/01719
Cour d’appel de Reims, 4 avril 2025, RG n° 23/01719

Type de juridiction : Cour d’appel.

Juridiction : Cour d’appel de Reims

Thématique : Nullité des testaments et responsabilité notariale en matière d’assurance-vie.

Résumé

Une personne décédée en 2017, sans héritiers réservataires, avait rédigé trois testaments authentiques. Le premier désignait un institut de cancérologie comme légataire universel, tandis que les deux autres désignaient un ami comme bénéficiaire de contrats d’assurance-vie. Cet ami avait été proche du couple formé par la défunte et son compagnon, également décédé.

La CARSAT, ayant versé des allocations à la défunte, a été informée de son décès et a souhaité faire valoir ses droits sur la succession. Elle a assigné l’ami devant le tribunal, arguant que l’actif net de la succession était insuffisant et demandant la restitution de sommes versées au titre des primes d’assurance-vie jugées excessives. L’institut, légataire universel, a contesté la validité des testaments désignant l’ami, invoquant l’absence d’assistance d’un curateur lors de leur rédaction, ce qui aurait entraîné leur nullité.

Le tribunal a prononcé la nullité des testaments désignant l’ami comme bénéficiaire, le condamnant à restituer les sommes perçues. Il a également reconnu la responsabilité délictuelle du notaire ayant rédigé les actes, condamnant ce dernier à garantir l’ami contre les condamnations. L’ami a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement, tandis que le notaire et l’institut ont également fait appel, chacun contestant les décisions les concernant.

Le tribunal a confirmé la nullité des testaments, soulignant que l’absence de curateur lors de leur rédaction était une violation des dispositions légales. Il a également décidé de surseoir à statuer sur les conséquences de cette nullité concernant la restitution des sommes, en attendant la mise en cause d’un tiers bénéficiaire par la CARSAT. Les frais d’appel et les dépens ont été réservés.

N° RG : 23/01719

N° Portalis :

DBVQ-V-B7H-FM7V

ARRÊT N°

du : 4 avril 2025

Ch. M.

Me [B] [I]

SCP [V] – [I]

C/

M. [T] [K]

Caisse d’Assurance Retraite et de Santé au Travail (Centre du Val- de-Loire)

ESPIC Institut [14]

Formule exécutoire le :

à :

SELARL Raffin associés

SELAS ACG

SCP JBR

Me Arthur Dehan

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE DE LA FAMILLE ET

DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

ARRÊT DU 4 AVRIL 2025

APPELANTS :

d’un jugement rendu le 20 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne (RG 18/02871)

1°] – Me [B] [I]

[Adresse 5]

[Localité 9]

2°] – SCP [V] – [I]

[Adresse 5]

[Localité 9]

Comparant et concluant par Me Jessica Rondot, membre de la SELARL Raffin associés, avocat postulant au barreau de Reims, et plaidant par Me Aymeric Angles, avocat collaborateur de la SCP Kuhn, avocats au barreau de Paris

INTIMÉS :

M. [T] [K]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Comparant et concluant par Me Gérard Chemla, membre de la SELAS ACG, avocat au barreau de Reims

Caisse d’assurance Retraite et de Santé au Travail «Carsat» – Centre du Val-de-Loire –

[Adresse 6]

[Localité 8]

Comparant, concluant et plaidant par Me Nattie Beaufreton, membre de la SCP JBR, avocat au barreau de Châlons-en-Champagne

ESPIC Institut [14]

[Adresse 1]

[Localité 10]

Comparant, concluant et plaidant par Me Arthur Dehan, membre de la SELAS Fidal, avocat au barreau de Reims

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Duez, président de chambre

Mme Magnard, conseiller

Mme Herlet, conseiller

GREFFIER D’AUDIENCE :

Mme Roullet, greffier, lors des débats et du prononcé

– 2 –

DÉBATS :

À l’audience publique du 6 mars 2025, le rapport entendu, où l’affaire a été mise en délibéré au 4 avril 2025

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par M. Duez, président de chambre, et par Mme Roullet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Exposé du litige :

Mme [U] [E] est décédée le [Date décès 3] 2017, sans héritiers réservataires.

Elle avait établi trois testaments authentiques, par devant la SCP de notaires [A] [V] et [B] [I] :

– un testament du 13 octobre 2009 désignant l’Institut de cancérologie [14] en qualité de légataire universel,

– un testament du 29 janvier 2010 désignant M. [T] [K] bénéficiaire de son contrat d’assurance vie [12],

– un testament du 25 mars 2010 désignant M. [T] [K] bénéficiaire de son contrat d’assurance vie à la [13].

M. [K] est un ami du couple qu’elle avait formé avec M. [C] [Z] (lui-même décédé le [Date décès 2] 2003).

De son vivant, Mme [U] [E] avait perçu de la Carsat, outre une pension de retraite, une allocation supplémentaire spécifique (prévue aux articles L 815-2 anciens et suivants et R 815-1 anciens et suivants du code de la sécurité sociale) pouvant être recouvrée sur la succession dans certaines conditions. La Carsat a versé à ce titre à Mme [U] [E] une somme de 66 610,65 euros entre le 1er septembre 1990 et le 31 juillet 2017.

Avisée du décès de Mme [E], la CARSAT, s’est rapprochée du notaire chargé de la succession, pour connaître l’actif net de la succession, et, informée des dispositions testamentaires prises, a souhaité faire valoir ses droits dans ladite succession.

Par acte d’huissier en date du 26 novembre 2018, la Carsat a fait donner assignation à M. [T] [K] devant le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne faisant valoir que, l’actif net de la succession étant insuffisant, elle était bien fondée à demander la condamnation de M. [T] [K] à rapporter à la succession de la défunte une somme de 122 979,49 euros correspondant aux primes qu’elle jugeait manifestement excessives versées par Mme [U] [E] sur ses contrats d’assurance-vie, par application de l’article L 132-13 du code des assurances.

L’Institut [14], légataire universel de Mme [U] [E] suivant testament du 13 octobre 2009, assigné par la Carsat afin de lui rendre le jugement opposable, s’en est dans un premier temps rapporté à prudence de

– 3 –

justice, puis a soulevé à titre reconventionnel la nullité des testaments authentiques des 29 janvier 2010 et 25 mars 2010, au motif de l’absence d’assistance du curateur de Mme [U] [E] lors de la rédaction des testaments par application de l’article L 132-4-1 du code des assurances, et, subsidiairement, pour insanité d’esprit du testateur.

M. [T] [K] a assigné en intervention la SCP de notaires [A] [V] et [B] [I] afin de la voir condamnée à le garantir, le cas échéant, de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre par le tribunal.

Par jugement du 20 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne a :

‘ prononcé la nullité des actes testamentaires des 29 janvier 2010 et 25 mars 2010 désignant M. [T] [K] comme bénéficiaire des contrats d’assurance vie souscrits par Mme [U] [E] auprès de la société [12] et de la [13],

‘ condamné en conséquence M. [T] [K] à restituer à la succession de Mme [U] [E] la somme de 122 979,49 euros,

‘ débouté M. [T] [K] de sa demande reconventionnelle en nullité du testament authentique rédigé par Mme [U] [E] en date du 13 octobre 2009 instituant l’Institut [14] en qualité de légataire universel,

‘ débouté M. [T] [K] de sa demande reconventionnelle en délais de paiement,

‘ dit que la SCP [V] [I] a engagé sa responsabilité délictuelle à l’égard de M. [T] [K] en raison de l’annulation des actes testamentaires des 29 janvier 2010 et 25 mars 2010,

‘ condamné la SCP [V] [I] à garantir M. [T] [K] de toutes les condamnations prononcées à son encontre dans le cadre du jugement,

‘ condamné la SCP [V] [I] à verser à M. [T] [K] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamné la SCP [V] [I] aux dépens de l’instance entre elle et M. [T] [K],

‘ dit qu’ensuite de l’annulation des actes testamentaires des 29 janvier 2010 et 25 mars 2010 désignant M. [T] [K] comme bénéficiaire des contrats d’assurance-vie souscrits par Mme [U] [E] auprès de la société [12] et de la [13], le tiers bénéficiaire antérieur des contrats doit être mis en cause dans la présente instance,

‘ réservé l’examen de l’ensemble des autres demandes,

‘ renvoyé l’examen de l’affaire à l’audience de mise en état du 14 novembre 2023 pour la mise en cause de ce tiers bénéficiaire par la Carsat.

Me [B] [I] et la SCP [V] [I] ont régulièrement interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 30 octobre 2023, recours portant sur l’entier dispositif, sauf la mention de la réserve de l’examen des autres demandes et le renvoi de l’affaire à l’audience de mise en état pour mise en cause du tiers bénéficiaire par la Carsat.

Aux termes de leurs écritures du 2 décembre 2024, Me [B] [I] et la SCP [V] – [I] demandent à la cour d’infirmer la décision et, en conséquence, de :

– 4 –

– dire qu’ils ont correctement rempli leur mission et n’ont commis aucune faute à l’égard de M. [T] [K], de l’institut [14] ou de la Carsat,

– dire que les préjudices allégués par M. [T] [K], l’institut de [14] ou la Carsat n’ont pas été causés par les prétendues fautes reprochées à la SCP [V] – [I] ou Me [B] [I],

– débouter M. [T] [K], l’Institut de [14] et la Carsat de l’ensemble de leurs demandes à leur encontre,

– condamner la partie succombante au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la partie succombante en tous les dépens.

M. [T] [K], par écritures du 12 décembre 2024, forme appel incident et demande à la cour d’infirmer le jugement du 20 septembre 2023 en ce qu’il a :

– prononcé la nullité des actes testamentaires des 29 janvier 2010 et 25 mars 2010 le désignant comme bénéficiaire des contrats d’assurance vie souscrits par Mme [E] auprès de la société [12] et de la [13],

– l’a condamné en conséquence à restituer à la succession de Mme [E] la somme de 122 979,49 euros,

Et statuant à nouveau, de :

– débouter l’institut [14] de sa demande de nullité des actes testamentaires des 29 janvier 2010 et 25 mars 2010,

– débouter l’institut Jean [14] et la Carsat de leur demande de restitution à la succession de la somme de 122 979,49 euros,

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit que la SCP [V] [I] a engagé sa responsabilité délictuelle à son égard,

– condamné la SCP [V] [I] à le garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre dans le cadre du jugement,

– condamné la SCP [V] [I] à verser à M. [K] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de l’instance.

Il demande, en tout état de cause, de débouter la Carsat, l’institut [14] et la SCP [V] – [I] de l’ensemble de leurs demandes dirigées à son encontre et de les condamner à lui payer une somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance.

Suivant conclusions du 5 décembre 2024, l’Institut de cancérologie [14] demande à la cour de rejeter l’appel formé par Me [B] [I] et la SCP [V] – [I], ainsi que l’appel incident formé par M. [K], de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et y ajoutant, de condamner solidairement Me [B] [I], la SCP [V] – [I] et M. [K] à lui verser la somme de 5 000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de ses écritures du 31 mai 2024, la Carsat demande à la cour de confirmer le jugement du 20 septembre 2023 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a :

– dit qu’ensuite de l’annulation des actes testamentaires des 29 janvier 2010 et 25 mars 2010, désignant M. [K] comme bénéficiaire des contrats d’assurance vie souscrits par Mme [E] auprès de la société [12] et de la [13], le tiers bénéficiaire antérieur des contrats doit être mis en cause dans l’instance,

– 5 –

– réservé l’examen de l’ensemble des autres demandes,

– renvoyé l’examen de l’affaire à une audience ultérieure pour la mise en cause de ce tiers bénéficiaire par la Carsat Centre Val-de-Loire,

– ordonner la délivrance de la grosse.

Il est expressément renvoyé aux dites écritures pour un exposé plus complet des moyens et prétentions des parties par application de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 juillet 2024.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 20 septembre 2023 en toutes ses dispositions querellées, sauf en ce qu’il a «condamné M. [T] [K] à restituer à la succession de Mme [U] [E] la somme de 122 979,49 euros».

Sursois à statuer sur ce point dans l’attente de la décision qui sera rendue par le premier juge ensuite du renvoi opéré pour mise en cause du tiers bénéficiaire des contrats d’assurance-vie par la Carsat Centre Val-de-Loire.

Y ajoutant,

Réserve les frais irrépétibles et les dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?

Merci pour votre retour ! Partagez votre point de vue, une info ou une ressource utile.

Chat Icon