Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Reims
Thématique : Indemnisation suite à une détention provisoire : évaluation des préjudices et conditions de réparation.
→ RésuméUn demandeur, né en 1958 et de nationalité française, a sollicité une indemnisation pour les préjudices subis lors de sa détention provisoire. Il a été condamné par un tribunal correctionnel pour dégradations volontaires par arme à feu, entraînant une peine de trois ans d’emprisonnement, dont deux avec sursis probatoire. Suite à un mandat d’arrêt, il a été incarcéré le 9 novembre 2023. Après avoir interjeté appel, il a été relaxé le 14 février 2024, décision devenue définitive.
Le demandeur estime que sa détention, qui a duré 97 jours, lui a causé un préjudice moral de 39 200 euros, en raison de divers facteurs, notamment le choc de la première incarcération, des troubles de santé préexistants aggravés par la détention, l’impossibilité de passer les fêtes de fin d’année avec ses proches, et les conditions de détention. Il a également demandé le remboursement de ses frais d’avocat, s’élevant à 1 800 euros, ainsi qu’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’agent judiciaire de l’État a contesté la demande, proposant une indemnisation de 11 500 euros pour le préjudice moral, tout en rejetant la demande de remboursement des frais d’avocat, faute de justificatifs. La procureure générale a soutenu cette position, suggérant une indemnisation de 11 640 euros pour le préjudice moral et le rejet de la demande de préjudice matériel. Le tribunal a jugé que le préjudice moral devait être évalué à 13 000 euros, en tenant compte des éléments présentés, tout en rejetant la demande de remboursement des frais d’avocat. Une somme de 1 500 euros a été allouée au demandeur sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. |
DECISION N°
DOSSIER N° : N° RG 24/00085 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FRCF-16
[J] [B]
c/
MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES ( AJE )
MADAME LA PROCUREURE GENERALE
Expédition certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire
délivrée le
à
Me Sébastien BUSY
Me Stéphanie PONTON
DECISION PREVUE PAR L’ARTICLE 149-1
DU CODE DE PROCEDURE PENALE
L’AN DEUX MIL VINGT CINQ,
Et le 3 avril,
Nous, Alexandra PETIT, conseillère en charge du Secrétariat général du premier Président, faisant fonction de premier Président en présence de Madame Dominique LAURENS, procureure générale près la cour d’appel de REIMS, assistée de Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, qui a signé la minute avec le premier président
A la requête de :
Monsieur [J] [B]
né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 4]
représenté par Me Sébastien BUSY, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE
DEMANDEUR
et
MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES ( AJE )
Direction des Affaires Juridiques
[Adresse 8]
[Localité 5]
représenté par Me Stéphanie PONTON, avocat au barreau de REIMS
MADAME LA PROCUREURE GENERALE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Comparante
DÉFENDEURS
A l’audience publique du 13 février 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 3 avril 2025, statuant sur requête de [J] [B], représenté par Me Sébastien BUSY a été entendu en ses demandes,
Me Stéphanie PONTON avocat de l’Agent judiciaire de l’état a été entendue en sa plaidoirie,
Madame la procureure générale a été entendue en ses observations ;
Me Sébastien BUSY a eu la parole en dernier,
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par requête déposée le 9 août 2024, M. [J] [B] a sollicité l’indemnisation des préjudices résultant d’une détention provisoire.
Il expose qu’il a été jugé par le tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne le 8 novembre 2023 pour des faits de dégradations volontaires par arme à feu à une peine de 3 ans d’emprisonnement dont deux assortis d’un sursis probatoire. Il ajoute que cette condamnation ayant été assortie d’un mandat d’arrêt, il a été interpelé et incarcéré à la maison d’arrêt de [Localité 6] le 9 novembre 2023.
Il indique avoir interjeté appel et avoir bénéficié d’une relaxe prononcée par la chambre des appels correctionnels de la Cour d’Appel de Reims le 14 février 2024, décision aujourd’hui définitive, aucun pourvoi n’ayant été formé et libéré à cette date.
Il estime que la durée de la détention provisoire indemnisable est de 97 jours.
Il indique avoir subi un préjudice moral, estimé à 39 200 euros, résultant,
– Du choc carcéral lié à une première incarcération ;
– De sa pathologie préexistante et des troubles entrainés par l’incarcération
– De l’impossibilité de passer les fêtes de fin d’année avec ses proches et d’être auprès de sa compagne qui présentait des troubles de santé
– Des conditions de détention.
Il demande en outre le remboursement de ses frais d’avocat, en lien avec la détention provisoire, pour la somme de 1 800 euros, outre une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’agent judiciaire de l’Etat, après avoir souligné la recevabilité en la forme et au fond, demande de réduire la somme due au titre du préjudice moral à la somme de 11 500 euros, pour une détention de 97 jours, de débouter M. [B] de sa demande de réparation du préjudice matériel (frais d’avocats) et de réduire la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions.
– Concernant le préjudice moral,
Il estime que la demande est excessive au regard des préjudices invoqués et de la jurisprudence habituelle en la matière.
S’il ne conteste pas le choc carcéral lié à une première incarcération, il souligne que cet élément doit être retenu, mais ne peut constituer un facteur d’aggravation, conduisant à une augmentation de l’indemnisation.
Relativement à la maladie, il souligne que celle-ci était préexistante et qu’aucun document n’atteste d’une aggravation en lien avec la détention.
Concernant la privation des liens avec les proches, il relève que les éléments du dossier montrent que M. [B] souffre d’un isolement social et familial de longue date et qu’en ce qui concerne sa compagne, les pièces produites démontrent seulement les troubles rencontrés par Mme [R] qui ne peuvent être pris en considération, ne s’agissant pas d’un préjudice subi personnellement.
Relativement aux conditions carcérales et notamment à l’infestation de la maison d’arrêt par des punaises de lit, il note qu’il n’est pas allégué que M. [B] aurait été personnellement touché par des piqures, de sorte que cet élément ne peut davantage être pris en considération.
Au vu de ces éléments l’agent judiciaire de l’Etat propose une indemnisation à hauteur de 11 500 euros.
– Concernant le préjudice matériel,
Il rappelle que seuls sont indemnisables les honoraires correspondants aux prestations directement liées à la privation de liberté. Il ajoute que de jurisprudence constante, il n’appartient pas au juge saisi d’évaluer le coût que représente le contentieux de la détention.
Il relève qu’aucun justificatif n’est produit de sorte que cette demande ne peut être accueillie.
La Procureure générale conclut dans le même sens que l’agent judiciaire de l’Etat, relevant que la demande est recevable en la forme et au fond.
Elle demande, pour une détention injustifiée de 97 jours, l’allocation de la somme de 11 640 euros au titre de la réparation du préjudice moral, le débouté de la demande de réparation du préjudice matériel et la réduction du montant sollicité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle relève que les troubles psychologiques et leur aggravation étaient préexistants à l’incarcération et que rien ne démontre que cette dernière les a aggravés. Elle souligne en ce qui concerne la lombalgie que M. [B] n’en a jamais fait état lors de la procédure initiale.
Elle estime que sur le plan de la vie familiale, le dossier montre une forme d’isolement social et familial et des relations fluctuantes, mais réelles avec Mme [R].
Enfin, elle estime non suffisamment fondés les reproches tenant aux conditions de détention.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Allouons à M. [J] [B] une indemnité de 13 000 euros en réparation de son préjudice moral,
Déboutons M. [J] [B] de sa demande au titre du préjudice matériel,
Allouons à M. [J] [B] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Laissons les dépens à la charge du trésor public.
Ainsi fait, jugé et prononcé par Alexandra PETIT, conseillère à la la cour d’appel de Reims, le 3 avril 2025, en présence de Madame la Procureure générale et du greffier.
Le greffier La conseillère
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