Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Reims
Thématique : Licenciement contesté pour faute grave : évaluation des responsabilités et des conditions de travail.
→ RésuméDans cette affaire, une salariée, employée par la SASU AD3 en tant que lingère, a été licenciée pour faute grave. Son contrat de travail a évolué d’un CDD à un CDI, avec plusieurs avenants, jusqu’à sa nomination en tant que responsable de la blanchisserie en juin 2020. En décembre 2022, un contrôle a révélé qu’une seule lingère était présente au lieu de quatre, ce qui a conduit à une convocation pour un entretien préalable au licenciement. Le licenciement a été prononcé le 27 décembre 2022.
La salariée a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes, demandant des sommes à caractère salarial et indemnitaire. Le jugement du 27 février 2024 a partiellement donné raison à la salariée, déclarant le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnant la SASU AD3 à verser plusieurs sommes, y compris des rappels de salaire et des dommages-intérêts. La SASU AD3 a fait appel de cette décision. Dans ses conclusions, la SASU AD3 a demandé l’infirmation du jugement, contestant notamment le coefficient de classification de la salariée et la légitimité du licenciement. La salariée, de son côté, a demandé la confirmation du jugement initial, soutenant que son licenciement était injustifié et que les sommes réclamées étaient dues. Le tribunal a examiné les griefs invoqués par la SASU AD3, notamment des modifications non autorisées des horaires de travail et des absences injustifiées. Cependant, plusieurs de ces griefs n’ont pas été retenus, tandis que d’autres ont été jugés fondés. En conséquence, le tribunal a confirmé certains aspects du jugement initial tout en infirmant d’autres, notamment en ce qui concerne les demandes de dommages-intérêts pour non-transmission d’un bilan d’exposition aux risques, jugé inexistant. La décision finale a abouti à une condamnation de la SASU AD3 à verser des sommes à la salariée, tout en déboutant certaines de ses demandes. |
Arrêt n° 155
du 20/03/2025
N° RG 24/00451 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FO3E
OJ/ACH
Formule exécutoire le :
20/03/2025
à :
[Z]
[J]
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 20 mars 2025
APPELANTE :
d’une décision rendue le 27 février 2024 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TROYES, section COMMERCE (n° F 23/00093)
S.A.S. AD3
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Pauline BLANDIN, avocate au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Madame [B] [Y] épouse [I]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par M. [W] [J] (Délégué syndical ouvrier)
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 janvier 2025, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. François MELIN, Président, et Monsieur Olivier JULIEN, Conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 20 mars 2025.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. François MELIN, président
Madame Isabelle FALEUR, conseillère
Monsieur Olivier JULIEN, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par M. François MELIN, président, et Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Exposé du litige
Mme [B] [I] a été embauchée par la SASU AD3 à temps plein selon un contrat à durée déterminée du 24 mars 2017 pour une durée de trois mois en qualité de lingère en étant affectée au site « [6] » à [Localité 7].
Selon un contrat à durée indéterminée en date du 26 juin 2017, elle a été employée par la SASU AD3 en qualité de lingère catégorie 3 à hauteur de 15 heures par semaine.
De juillet 2017 à avril 2020, vingt avenants au contrat de travail du 26 juin 2017 ont été établis, Mme [B] [I] étant employée à temps plein à compter du 1er avril 2020 selon le dernier de ces avenants.
A compter du 1er juin 2020, Mme [B] [I] a été nommée responsable de la blanchisserie dans l’établissement [6] à [Localité 7].
Le 1er décembre 2022, le chef de secteur, M. [G] [N], constate la présence d’une seule lingère au lieu de quatre.
Le 9 décembre 2022, Mme [B] [I] est convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 21 suivant et mise à pied à titre conservatoire.
Mme [B] [I] a été licenciée pour faute grave le 27 décembre 2022.
Le 14 avril 2023, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Troyes aux fins de contester le licenciement et d’obtenir des sommes à caractère salarial et indemnitaire.
Par jugement en date du 27 février 2024, le conseil de prud’hommes a :
– déclaré Mme [B] [Y] épouse [I] recevable et partiellement fondée en ses demandes ;
– pris acte de ce que la Société AD3 a régularisé la situation de Mme [B] [Y] épouse [I] au regard du maintien de salaire pendant le Covid, du rappel de jours de congés payés d’octobre 2022 et du rappel des jours de fractionnement ;
– dit que le coefficient applicable à Mme [B] [Y] épouse [I] est 5.2 de la convention collective Blanchisserie ;
– dit que le licenciement pour faute grave de Mme [B] [Y] épouse [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
– condamné la société SASU AD3 à verser à Mme [B] [Y] épouse [I] les sommes suivantes :
– 6 578,64 euros bruts a titre de rappel de salaire avec coefficient 5,2,
– 657,86 euros bruts a titre de congés payés afférents,
– 352,83 euros bruts à titre de congés payés période de 2021 à 2022,
– 986,16 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire,
– 98,62 euros bruts à titre de congés payés afférents,
– 3 783,42 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 378,34 euros bruts à titre de congés payés afférents,
– 2 804,46 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 11 351,40 euros a titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5 675,10 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
– 2 837,55 euros au titre de la non transmission du bilan d’exposition au risque,
– dit que ces sommes porteront intérêt aux taux légal à partir de chaque échéance exigible sur les sommes à caractère salarial et à partir du prononcé du présent jugement sur les sommes à caractère indemnitaire ;
– ordonné à la société AD3 de remettre à Mme [B] [Y] épouse [I] le certificat de travail rectifié, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 21ème jour suivant la notification de la présente décision, astreinte que le Conseil se réserve le droit de liquider ;
– ordonné à la société AD3 de remettre à Mme [B] [Y] épouse [I] son bilan d’exposition aux risques sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 21ème jour suivant la notification de la présente décision, astreinte que le Conseil se réserve le droit de liquider ;
– condamné la société SASU AD3 à verser à Mme [B] [Y] épouse [I] la somme de 1 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté Mme [B] [Y] épouse [I] du surplus de ses demandes;
– débouté la société AD3 de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné le remboursement par la Société AD3 à France Travail des indemnités chômage versées au salarié licencié, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage ;
– ordonné l’exécution provisoire ;
– condamné la société SASU AD3 aux entiers dépens, ainsi qu’aux éventuels frais d’exécution forcée par voie de commissaire de justice.
La SASU AD3 a formé appel le 19 mars 2024.
Au terme de ses dernières conclusions, déposées au greffe le 8 novembre 2024, la SASU AD3 demande à la cour de :
– INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Troyes le 27 février 2024 en ce qu’il a :
– DIT que le coefficient applicable à Mme [I] est 5.2 de la convention collective de la Blanchisserie ;
– DIT que le licenciement pour faute grave de Mme [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– CONDAMNE la société AD3 à verser à Mme [I] les sommes suivantes :
* 6.578,64 euros à titre de rappel de salaire avec le coefficient 5-2,
* 657,86 euros à titre des congés payés afférents,
* 352,83 euros à titre des congés payés période de 2021 à 2022,
* 986,16 euros à titre de rappels de salaire,
* 98,62 euros à titre des congés payés afférents,
* 3783, 42 euros à titre d’indemnité de préavis,
* 378,34 euros à titre des congés payés afférents,
* 2804,46 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
* 11.351,40 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 5.675,10 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral,
* 2.837,55 euros à titre de la non transmission du bilan d’exposition aux risques,
* 1.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– DIT que les sommes porteront intérêt au taux légal ;
– ORDONNE sous astreinte à liquider la remise du certificat travail conformes au jugement ;
– ORDONNE sous astreinte à liquider la remise du bilan d’exposition aux risques ;
– ORDONNE le remboursement par la société AD3 à France Travail des indemnités de chômage versées à Mme [I] à concurrence de six mois ;
– ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile ;
– CONDAMNE la société AD3 aux dépens y compris les frais éventuels d’exécution de la présente décision ;
Statuant à nouveau,
– DEBOUTER Mme [I] de l’ensemble de ses demandes ;
– CONDAMNER Mme [I] à lui payer une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 CPC ;
– CONDAMNER Mme [I] aux entiers dépens.
Au terme de ses dernières conclusions, notifiées par lettre recommandée avec accusé de réception et déposées au greffe le 10 décembre 2024, Mme [B] [I] demande à la cour de :
– la DÉCLARER recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions ;
– DÉCLARER que les sommes demandées par la salariée sont dues ;
– DÉCLARER la Société AD3 mal fondée en ses demandes ;
– DÉBOUTER la Société AD3 de l’ensemble de ses demandes ;
– DÉBOUTER la Société AD3 de sa demande de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Troyes du 27 février 2024 en ce qu’il a :
– confirmé le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamné l’employeur à lui verser la somme de 11 350,26 euros au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamné l’employeur à lui verser la somme de 2 804,46 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;
– condamné l’employeur à lui verser la somme de 3 783,42 euros au titre de l’indemnité compensatoire de préavis (2 mois) ainsi que la somme de 378,3 euros au titre des 10 % de congés payés s’y afférent ;
– confirmé l’annulation de la mise à pied conservatoire ;
– ordonné le remboursement de la mise à pied conservatoire à hauteur de 986,16 euros et 10 % de congés payés afférents, soit 98,62 euros ;
– condamné l’employeur à lui verser la somme de : 213,24 + 139,59 soit 352,83 euros au titre de rappel de paiement des congés payés à 10 % de 2021 à 2022 ;
– confirmé que le coefficient 5,2 doit s’appliquer à sa fonction et de condamner l’employeur à lui verser la somme de 6 578,64 euros au titre de rappel de salaire ainsi que la somme de 657,86 euros au titre de 10 % de congés payés s’y afférent ;
– confirmé la remise de son bilan d’exposition aux risques sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 21ème jour suivant la notification de la décision, astreinte que le conseil des prud’hommes se réserve le droit de liquider ;
– condamné l’employeur à lui verser la somme de 2 837,55 euros au titre de non transmission de son bilan d’exposition aux risques ;
– condamné l’employeur à lui verser la somme de 5 675,10 euros (3 mois de salaire) au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
– condamné l’employeur à un article 700 à la hauteur de 1 000 euros ;
– INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes en ce qu’il l’a déboutée des demandes suivantes et statuer à nouveau :
– CONFIRMER qu’il y a bien manquement sur les conditions de travail et règles de sécurité ;
– CONDAMNER l’employeur à lui verser les sommes de :
* 2 837,55 euros au titre de non-respect des conditions de travail (ce qui correspond à la demande initiale de 5 675,10 euros dont la somme de 2 837,55 euros attribuée pour la non transmission du bilan d’exposition aux risques) ;
* 3 783,40 euros (2 mois de salaire) au titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire ;
* 1 891,70 euros (1 mois de salaire) au titre de défaut de procédure à l’entretien préalable ;
* 11 350,20 euros (6 mois de salaire) au titre de dommages-intérêts pour préjudice financier ;
– CONDAMNER l’employeur à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– DÉCLARER que toutes ces sommes porteront intérêts au taux légal en vertu de l’article 1153 du code civil ;
– DÉCLARER que les éventuels dépens, y compris les frais et honoraires de l’huissier de justice éventuellement chargé de procéder à l’exécution forcée du jugement, seront à la charge de AD3.
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