Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Poitiers
Thématique : Reclassement et inaptitude : enjeux de la reconnaissance des droits des salariés.
→ RésuméUne salariée, engagée en tant que secrétaire comptable par une entreprise, a vu son contrat de travail transféré à une nouvelle société suite à une cession. Après avoir demandé une revalorisation de salaire sans succès, elle a été placée en arrêt maladie et déclarée inapte par le médecin du travail. Suite à un entretien préalable, elle a été licenciée pour inaptitude. Contestant la légitimité de son licenciement, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes, demandant la nullité de son licenciement et divers rappels de salaire.
Le conseil de prud’hommes a jugé que la salariée n’avait pas prouvé des faits de harcèlement moral, que son inaptitude n’était pas d’origine professionnelle et que le licenciement était justifié. Elle a été déboutée de ses demandes, tandis que la société a également vu ses propres demandes rejetées. La salariée a interjeté appel, demandant la réformation du jugement et le paiement de diverses sommes. En appel, la salariée a soutenu que son employeur avait modifié unilatéralement ses conditions de travail, notamment en matière de primes, et qu’elle avait subi des discriminations. La société a rétorqué que les demandes de la salariée étaient prescrites et qu’elle avait respecté ses obligations. Le tribunal a examiné les éléments de preuve fournis par les deux parties. Finalement, la cour a confirmé en partie le jugement de première instance, en déboutant la salariée de ses demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts pour licenciement nul, tout en lui accordant des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. La société a été condamnée aux dépens et à verser des frais irrépétibles à la salariée. |
ARRET N° 104
N° RG 22/01279
N° Portalis DBV5-V-B7G-GROU
[V]
C/
S.A.R.L. [P]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre sociale
ARRÊT DU 10 AVRIL 2025
Décision déférée à la cour : Jugement du 25 avril 2022 rendu par le conseil de prud’hommes de Rochefort-Sur-Mer
APPELANTE :
Madame [H] [V]
Née le 20 novembre 1982 à [Localité 5] (17)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Ayant pour avocat Me Olivia MAITRE-FAURIE de la SELARL OMF AVOCAT, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
INTIMÉE :
S.A.R.L. [P]
N° SIRET : 820 817 336
[Adresse 4]
[Localité 2]
Ayant pour avocat constitué Me François-Xavier GALLET de la SELARL GALLET GOJOSSO AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant Me Christine GOJOSSO de la SELARL GALLET GOJOSSO AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 907 et 805 du code de procédure civile, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés, l’affaire a été débattue le 05 février 2025, en audience publique, devant :
Madame Françoise CARRACHA, présidente
Monsieur Nicolas DUCHÂTEL, conseiller, qui a présenté son rapport
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Françoise CARRACHA, présidente
Madame Estelle LAFOND, conseillère
Monsieur Nicolas DUCHÂTEL, conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– Signé par Madame Françoise CARRACHA, présidente, et par Madame Patricia RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [H] [V] a été recrutée par l’EURL [P] [L] en qualité de secrétaire comptable par contrat de travail à durée indéterminée avec effet au 1er novembre 2005, dans le cadre d’un temps partiel, et au niveau I échelon I de la convention collective du commerce et des services de l’électronique, de l’audiovisuel et de l’équipement ménager.
Les relations contractuelles se sont poursuivies dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps complet suivant avenant du 1er février 2008.
L’EURL [P] a été cédée le 13 juin 2016 à la SARL [P], dont le gérant M. [X] [P] est le fils du précédent gérant, M. [L] [P], et le contrat de travail de la salariée a été transféré à cette société, qui employait 3 salariés.
Mme [V] a sollicité vainement auprès de son employeur une revalorisation de salaire par courrier daté du 1er juillet 2016.
Mme [V] a été placée en arrêt maladie à compter du 16 juillet 2020.
Le 12 novembre 2020, le médecin du travail a déclaré Mme [V] inapte à tous les postes de l’entreprise, en précisant qu’il n’y avait pas de possibilité de reclassement à envisager.
Mme [V] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 8 décembre 2020 par courrier recommandé du 27 novembre 2020, avant d’être licenciée pour inaptitude le 11 décembre 2020.
Par requête du 15 avril 2021, Mme [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Rochefort-Sur-Mer de différentes demandes formées à l’encontre de la SARL [P] tendant notamment au constat de la nullité du licenciement pour inaptitude.
Par jugement du 25 avril 2022, le conseil de prud’hommes de Rochefort-Sur-Mer a :
dit et jugé que :
que Mme [V] n’apporte aucun élément précis, probant, vérifié et vérifiable sur des faits de harcèlement,
que l’inaptitude prononcée par la médecine du travail indique clairement qu’elle n’est pas d’origine professionnelle,
que la demanderesse a choisi de ne pas contester l’avis d’inaptitude dans le délai de 15 jours dont elle disposait,
que le maintien de la salariée dans l’entreprise n’a pas été considéré comme impossible,
que le médecin du travail n’a pas remis en cause les conditions de travail de la salariée,
que le licenciement de Mme [V] est un licenciement pour inaptitude confirmée par le médecin du travail,
que le contrat de travail entre les parties s’est déroulé dans les conditions normales, de façon loyale, dans le respect de son exécution et des obligations qui incombent à l’employeur,
débouté Mme [V] de ses demandes au titre de :
constater la nullité du licenciement de Madame [V]
constater l’exécution déloyale du contrat par l’employeur
6 408,52 euros à titre de rappel de salaire sur reclassification,
640,85 euros bruts à titre de congés payés afférents,
3 416,09 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (sauf à parfaire),
1 341,60 euros bruts à titre de congés payés afférents (sauf à parfaire),
37 992 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (24 mois),
5 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,
5 000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,
2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et dépens,
dire et juger que l’intégralité des sommes susvisées sera augmentée des intérêts au taux légal en application des articles 1146 et 1153 du code civil, à compter de l’introduction de la demande, et que ces sommes produiront intérêt conformément à l’article 1154 du code civil,
prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
condamner la SARL [P] aux entiers dépens.
débouté la SARL [P] au titre de ses demandes :
condamner Mme [H] [V] à lui payer 2 000 euros de dommages et intérêts pour violation du secret des correspondances,
condamner Mme [H] [V] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
laissé les dépens à la charge de chaque partie,
débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Mme [V] a relevé appel de la décision par déclaration du 18 mai 2022.
Par conclusions du 20 juin 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Mme [V] demande à la cour de :
la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
réformer / annuler le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la SARL [P] de ses demandes,
condamner la SARL [P] à lui payer les sommes suivantes :
6 408,52 euros à titre de rappel de salaire sur reclassification,
640,85 euros brut à titre de congés payés afférents,
3 416,09 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (sauf à parfaire),
341,60 euros brut à titre de congés payés afférents (sauf à parfaire),
37 992 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (24 mois),
5 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,
5 000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,
2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance,
2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de l’instance d’appel.
dire et juger que l’intégralité des sommes susvisées sera augmentée des intérêts au taux légal en application des articles 1146 et 1153 du code civil, à compter de l’introduction de la demande, et que ces sommes produiront intérêt conformément à l’article 1154 du code civil,
condamner la SARL [P] aux entiers dépens y compris les frais d’exécution dont les sommes dues au titre de l’article 10 du décret n°2001-212 du 08 mars 2001.
Par conclusions du 12 septembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SARL [P] demande à la cour de :
confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a débouté Mme [H] [V] de l’ensemble de ses demandes,
infirmer le jugement de première instance en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamnation de Mme [V] à lui payer 2 000 euros de dommages et intérêts pour violation du secret des correspondances,
infirmer le jugement de première instance en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamnation de Mme [H] [V] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance,
Statuant à nouveau :
condamner Mme [H] [V] à lui payer 2 000 euros de dommages et intérêts pour violation du secret des correspondances,
condamner Mme [H] [V] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,
condamner Mme [V] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’appel,
condamner Mme [H] [V] aux dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Rochefort-Sur-Mer du 25 avril 2022 en ce qu’il a :
débouté Mme [H] [V] de ses demandes de rappel de salaire sur reclassification et de congés payés afférents, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement nul et de dommages et intérêts pour préjudice distinct,
débouté la SARL [P] de ses demandes de dommages et intérêts pour violation du secret des correspondances et d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la SARL [P] à payer à Mme [H] [V] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
Dit que les sommes allouées à Mme [H] [V] produiront intérêts au taux légal avec capitalisation dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil :
s’agissant des créances indemnitaires, exonérées de cotisations sociales dans les conditions légales et réglementaires applicables, à compter de la présente décision,
s’agissant des créances salariales, à compter de la date de réception par la société [P] de la convocation devant le bureau de conciliation,
Condamne la société [P] à payer à Mme [H] [V] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en cause d’appel,
Déboute la société [P] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [P] aux dépens de première instance et d’appel,
Rappelle que les frais de l’exécution forcée sont régis par l’article L.118-8 du code des procédures civiles d’exécution.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
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