Cour d’appel de Paris, 4 mars 2025, RG n° 24/04291
Cour d’appel de Paris, 4 mars 2025, RG n° 24/04291

Type de juridiction :

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Évaluation des parts sociales : enjeux de la désignation d’expert et application des statuts.

Résumé

Contexte de l’affaire

Un exploitant de magasin, associé d’une société à capital variable, a démissionné en 1997 après avoir cédé ses actions. Il a demandé le remboursement de ses parts, ce qui a conduit à une série de contestations concernant la valorisation de celles-ci.

Demande de remboursement et contestation

En février 1999, la société a remboursé une partie des parts de l’exploitant, qui a contesté le montant. Une tentative de conciliation a échoué, et l’exploitant a saisi le tribunal pour être réintégré en tant qu’associé et pour obtenir une évaluation de ses parts.

Jugement du tribunal de grande instance

En 2005, le tribunal a rejeté la demande de réintégration, arguant que l’exploitant, étant démissionnaire, ne pouvait pas revendiquer une éviction injustifiée. Il a également précisé que la désignation d’un expert pour évaluer les parts relevait de la compétence exclusive du président du tribunal.

Actions subséquentes et désignation d’experts

L’exploitant a ensuite introduit une nouvelle action pour désigner un expert, ce qui a conduit à plusieurs décisions judiciaires. Un expert a été désigné, mais la société a contesté cette décision, entraînant des appels et des annulations de rapports d’expertise.

Évaluation des parts et décisions judiciaires

Un expert a finalement évalué les parts de l’exploitant à plus d’un million d’euros, mais le tribunal a annulé ce rapport, estimant que l’expert avait commis une erreur en se basant sur une date inappropriée pour l’évaluation. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel.

Pourvoi en cassation et décisions finales

Le pourvoi de l’exploitant a été rejeté par la Cour de cassation, qui a confirmé que la valeur des droits sociaux devait être déterminée à la date du remboursement. L’exploitant a ensuite tenté de faire désigner un nouvel expert, mais sa demande a été rejetée par le tribunal.

Conclusion et appel

Le tribunal a débouté l’exploitant de sa demande de désignation d’expert et l’a condamné à payer des frais à la société. L’exploitant a interjeté appel de cette décision, demandant la désignation d’un expert et la révision des frais à sa charge. La société a également demandé à être indemnisée pour les frais engagés.

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 13

ARRET DU 04 MARS 2025

(n° , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/04291 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CJAYS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2024 -Président du TJ de PARIS – RG n° 23/53497

APPELANT

Monsieur [Y] [W]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Maître Fabien PEYREMORTE de la SELARL EIDJ-ALISTER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0034, avocat postulant,

et par Maître Sylvain NIORD de la SELAS D.F.P. & ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, avocat plaidant

INTIMEE

[5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Maître Marie-laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0936, avocat postulant,

et par Maître Stéphanie MASKER, avocate au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, et Madame Estelle MOREAU, Conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

Madame Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Madame Estelle MOREAU, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Michelle NOMO

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 04 mars 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Michelle NOMO, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

M. [Y] [W], exploitant d’un magasin de l’enseigne Intermarché, est devenu en 1994, par le truchement de la société anonyme [6], associé par cooptation de la [5] à capital variable [5] (la [5]).

Par lettre du 7 décembre 1997, compte tenu de la cession des actions qu’il détenait au sein de la Sa [6], il a présenté sa démission de ses missions au sein de la [5] et demandé le remboursement de la totalité des parts qu’il y détenait.

La [5] lui a adressé, le 9 février 1999, un chèque d’un montant de 61 696,62 euros correspondant à 27 parts d’une valeur unitaire de 2 285,06 euros.

Par courrier du 16 février 1999, M. [W] a contesté le montant de la valorisation de ses parts.

Conformément à l’article 13 du règlement intérieur de la [5], M. [W], accompagné d’autres associés, a vainement engagé une procédure de tentative de conciliation ayant notamment pour objet de ‘déterminer la valeur des parts des associés exclus et examiner dans le cadre de cette mission la validité du règlement intérieur, s’agissant des modalités de remboursement des apports des actionnaires sortants’, puis saisi le tribunal de grande instance de Paris par acte du 5 avril 2002, aux fins de voir prononcer sa réintégration en tant qu’associé et, subsidiairement, de voir désigner un expert afin de faire estimer la valeur réelle de ses parts sociales.

Par jugement du 5 juillet 2005, le tribunal de grande instance a rejeté la demande principale de M. [W] au motif qu’étant démissionnaire, il ne pouvait prétendre avoir été injustement évincé par une décision d’exclusion prise irrégulièrement par l’assemblée générale des associés, et jugé que la demande de désignation d’un expert sur le fondement de l’article 1843-4 du code civil relevait de la compétence exclusive du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés.

Par acte du 26 septembre 2005, M. [W] a introduit une action au visa de l’article 1843-4 du code civil devant le président du tribunal de grande instance de Paris statuant en la forme des référés, aux fins de voir désigner un tiers évaluateur.

Par ordonnance du 24 novembre 2005, le président dudit tribunal a fait droit à la demande de M. [W] et désigné M. [G] en qualité d’expert, avec pour mission de ‘déterminer la valeur des parts sociales de M. [W] à la date de son départ de la [5] selon le ou les critères de calcul qu’il estimera valables ; donner son avis sur la valeur des parts proposée par la [5] au regard de la valeur réelle des parts telle qu’elle sera déterminée dans le cadre de l’expertise ; dire notamment si elle comprend la quote-part de bénéfices de ladite société mise en réserve ou non à la date du départ de la société de M. [W] ; dire si la valeur des parts proposée par la [5] est conforme à la méthode d’évaluation prévue par l’article 16-4 des statuts et l’article 6 du règlement intérieur’.

La [5] a formé un appel-nullité de cette ordonnance le 3 avril 2006 au motif que le président du tribunal avait outrepassé ses pouvoirs et méconnu la portée des dispositions de l’article 1843-4 du code civil en se prononçant sur les critères d’évaluation devant être retenus par l’expert et en faisant référence aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile.

Par un arrêt du 3 novembre 2006, la cour d’appel de Paris a déclaré l’appel-nullité irrecevable, au motif que l’ordonnance du 24 novembre 2005 n’était entachée d’aucun excès de pouvoir et réformé l’ordonnance en ce qu’elle s’est prononcée sur les critères d’évaluation devant être retenus par l’expert et faisait référence aux articles 263 et suivants du code de procédure civile, le technicien devant procéder en toute liberté à l’évaluation qu’il est seul apte à faire.

Par lettre du 22 juin 2007, M. [G] s’est désisté de sa mission.

Par acte du 22 avril 2008, M. [W] a fait assigner la [5] devant le président du tribunal de grande instance de Paris statuant en la forme des référés sur le fondement de l’article 1843-4 du code civil, aux fins de voir désigner un nouveau tiers évaluateur.

Par ordonnance du 4 juin 2008, le président du tribunal de grande instance de Paris a désigné M. [D] [J] [B] en qualité de tiers évaluateur avec pour mission notamment de déterminer la valeur des parts sociales de M. [W] dans la [5].

La [5] a formé un appel-nullité à l’encontre de cette décision le 9 juillet 2008.

Par arrêt du 30 janvier 2009, la cour d’appel de Paris a déclaré recevable l’appel-nullité et annulé l’ordonnance en ce qu’elle se réfère aux dispositions du code de procédure civile qui sont applicables aux seules procédures judiciaires, confirmé l’ordonnance sur l’étendue de la mission de l’expert et déclaré l’appel irrecevable sur le surplus.

Compte tenu du désistement de M. [J] [B] de sa mission, M. [W] a de nouveau saisi le président du tribunal de grande instance lequel, par une ordonnance du 17 mars 2009, a désigné M. [X] en qualité d’expert avec toujours pour mission d’évaluer les parts de M. [W].

M. [X] a déposé son rapport le 20 février 2012, évaluant les 27 parts à 1 310 742 euros.

Par acte du 20 mars 2012, M. [W] a assigné la [5] devant le tribunal de grande instance de Paris en paiement de cette somme, augmentée des intérêts moratoires sur la valeur des parts.

Par ordonnance du 21 février 2013, le juge de la mise en état a constaté l’incompétence du tribunal de grande instance de Paris au profit du tribunal arbitral, laquelle décision a été infirmée par arrêt de la cour du 3 décembre 2013.

Par jugement du 14 avril 2016, le tribunal de grande instance de Paris a annulé le rapport d’expertise rendu par M. [X] et débouté M. [W] de ses demandes de paiement, au motif que l’expert a commis une erreur manifeste en se plaçant au jour de l’expertise pour fixer le montant des parts sociales et que M. [W] n’avait plus la qualité d’associé au moment de l’expertise, de sorte qu’il n’avait plus aucun droit aux bénéfices postérieurement à sa démission.

Cette décision a été confirmée en toutes ses dispositions par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 18 septembre 2020, qui a considéré que la valeur des droits sociaux de M. [W] devait être appréciée à la date fixée par les statuts et le règlement intérieur.

Par arrêt du 9 novembre 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de M. [W] au motif qu »il résulte des articles 1843-4 et 1869 du code civil qu’en l’absence de dispositions contraires des statuts, les valeurs des droits sociaux de l’associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ses droits, auquel il est procédé selon les modalités prévues, le cas échéant, par les statuts, sans préjudice du droit pour l’associé qui conteste, de la faire déterminer, à la date du remboursement ainsi effectué par un expert désigné dans les conditions prévues par le premier de ces textes. Si c’est à tort que la cour d’appel a retenu que la date à laquelle est statutairement fixée l’évaluation des parts est nécessairement celle, s’imposant à l’expert, du jour où est officiellement acté le retrait de l’associé, l’arrêt n’encourt pas pour autant la censure dès lors qu’en se plaçant à la date de l’établissement de son rapport en 2012, et non à la date à laquelle la [5] a, le 28 janvier 2002, remboursé ses parts sociales à M. [W] à la valeur fixée par l’ensemble des associés, l’expert a commis une erreur grossière.’

C’est dans ces circonstances que, considérant qu’au regard de l’annulation du rapport de M. [X], il n’existe pas d’évaluation des parts sociales par un expert et qu’ainsi la contestation sur la valeur des parts n’est pas éteinte, M. [W] a, par acte du 20 avril 2023, fait assigner la [5] devant le président du tribunal judiciaire de Paris selon la procédure accélérée au fond aux fins de désignation d’un expert pour évaluer la valeur de ses parts sociales détenues dans la [5].

Par jugement rendu selon la procédure accélérée au fond du 19 janvier 2024, le président du tribunal judiciaire de Paris a :

– débouté M. [W] de sa demande de désignation d’un expert,

– condamné M. [W] à payer à la [5] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [W] aux dépens,

– rappelé que sa décision était exécutoire de droit à titre provisoire.

Par déclaration du 23 février 2024, M. [W] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 12 septembre 2024, M. [Y] [W] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il :

– l’a débouté de sa demande de désignation d’un expert,

– l’a condamné à payer à la [5] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– l’a condamné aux dépens,

statuant à nouveau,

– déclarer recevable sa demande de désignation d’un tiers évaluateur,

– désigner tel expert qu’il lui plaira aux fins d’évaluer la valeurs des parts sociales qu’il détient dans la [5],

– condamner la [5] à lui payer en application des dispositions de l’article 700 du code procédure civile, la somme de 10 000 euros,

– condamner la [5] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 16 mai 2024, la [5] [5] ([5]) demande à la cour de :

– juger M. [W] irrecevable, à tout le moins mal fondé, en sa demande de désignation d’expert fondée sur l’article 1843-4 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance du 31 juillet 2014,

– juger M. [W] mal fondé en ses demandes en raison de l’inapplicabilité de l’article 1843-4 I et 1843-4 II du code civil à la cause,

– débouter M. [W] de ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires,

en tout état de cause,

– confirmer le jugement,

– condamner M. [W] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [W] aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 8 octobre 2024.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Condamne M. [Y] [W] à payer à la [5] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [Y] [W] aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?

Merci pour votre retour ! Partagez votre point de vue, une info ou une ressource utile.

Chat Icon