Cour d’appel de Paris, 27 mars 2025, RG n° 23/00682
Cour d’appel de Paris, 27 mars 2025, RG n° 23/00682

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Recevabilité de l’appel et obligation de reclassement dans le cadre d’un licenciement économique.

Résumé

Dans cette affaire, une salariée, occupant le poste de directrice de communication pour la société RHODIA GmbH, a été licenciée pour motif économique en février 2017. Engagée en 2001, elle a exercé diverses fonctions au sein du groupe RHODIA, notamment en France, avant d’être promue directrice du service presse en 2007. En 2012, la société RHODIA OPERATIONS, filiale française, a été rachetée par le groupe belge SOLVAY.

En avril 2016, la direction a annoncé un projet de réorganisation entraînant la suppression de son poste. Après un entretien préalable, la salariée a été licenciée, ce qui l’a poussée à saisir le conseil des prud’hommes de Paris en mai 2017. Elle a demandé des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que d’autres compensations financières.

Le jugement du 3 août 2018 a condamné la société RHODIA OPERATIONS à verser à la salariée des indemnités, y compris 200.000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La société a interjeté appel, et la salariée a formé un appel incident. La cour d’appel a confirmé le jugement, mais a réduit le montant de l’indemnité pour licenciement à 135.000 €.

La salariée a ensuite formé un pourvoi en cassation, qui a été partiellement accueilli par la Cour de cassation en novembre 2022, annulant certaines condamnations et renvoyant l’affaire devant la cour d’appel. La société RHODIA OPERATIONS a alors demandé à la cour d’infirmer le jugement initial, tandis que la salariée a maintenu ses demandes.

Finalement, la cour d’appel a confirmé le jugement de première instance, reconnaissant le licenciement comme sans cause réelle et sérieuse, et a ordonné le remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi, tout en condamnant la société aux dépens.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRET DU 27 MARS 2025

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/00682 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHAMD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Août 2018 rendu par le conseil de Prud’hommes de Paris, infirmé partiellement par un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 10 mars 2021, cassé et annulé par un arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation en date du 23 novembre 2022.

DEMANDERESSE A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

S.A.S. RHODIA OPERATIONS

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Stéphanie BILLIOUD-PONSON, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 319

DEFENDERESSE A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

Madame [H] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Valérie BLOCH, avocat au barreau de PARIS, toque : C1923

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 janvier 2025 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Florence MARGUERITE, présidente de chambre

Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller

Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Marika WOHLSCHIES

ARRET :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Madame Florence MARGUERITE, présidente de chambre et par Madame Marika WOHLSCHIES, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [H] [D] a été engagée en qualité de directrice de communication Allemagne par la société allemande du groupe SOLVAY, la société RHODIA Gmbh, avec laquelle elle a conclu un contrat de travail le 1er avril 2001.

Dans le cadre de lettres de détachement, elle a exercé plusieurs missions en France, en tant que responsable de communication puis responsable des relations presse auprès de la société mère en France.

Le 1er janvier 2007, Madame [D] a été promue directrice du service presse du groupe RHODIA aux termes d’un contrat de droit allemand, immédiatement suivi d’une lettre de détachement en France pour une durée de 3 à 5 ans.

Elle a ensuite été engagée par contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2011 par la société française RHODIA OPERATIONS en qualité de « responsable communication R&D et directeur de la communication pour l’Allemagne », statut cadre dirigeant, coefficient 660 de la convention collective nationale des industries chimiques.

Courant 2012, le groupe belge SOLVAY a racheté la société RHODIA OPERATIONS.

En avril 2016, la direction a présenté au comité central d’entreprise un projet de nouvelle organisation conduisant à la suppression du poste de Madame [D].

Par courrier du 28 septembre 2016, Madame [D] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement devant se tenir le 11 octobre 2016.

Madame [D] a été licenciée pour motif économique et impossibilité de reclassement par courrier du 7 février 2017.

Madame [D] a saisi le conseil des prud’hommes de Paris le 4 mai 2017 afin de voir :

-Condamner la société RHODIA OPERATIONS à lui verser :

-333.333′ à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou subsidiairement pour non-respect des critères d’ordre du licenciement,

– 4.634 ‘ à titre d’indemnité de préavis,

– 4.163 ‘ au titre des congés payés sur préavis,

– 64 920 ‘ au titre du préjudice spécifique en raison de l’absence de cotisations au régime français de retraite,

– 83.268 ‘ au titre de l’indemnité de travail dissimulé,

– 6.000 ‘ sur le fondement de l’article du code de procédure civile,

-Condamner la société RHODIA OPERATIONS aux entiers dépens.

Par jugement du 3 août 2018, le conseil de prud’hommes de Paris a :

-Condamné la société RHODIA OPERATIONS ENSEIGNE SOLVAY à payer à Madame [D] les sommes suivantes, avec intérêts :

41.634 ‘ à titre d’indemnité de préavis,

4.163 ‘ à titre de congés payés afférents,

200.000 ‘ à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-Ordonné à la société de rembourser à Pôle emploi six mois d’indemnités chômages perçues par la salariée,

-Débouté la salariée du surplus de ses demandes,

-Débouté la société de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-Condamnée la société aux dépens.

La société RHODIA OPERATIONS a interjeté appel de cette décision, et la salariée a formée appel incident.

Dans un arrêt rendu le 10 mars 2021, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne :

-le quantum des indemnités versées au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui a été réduit à 135.000 ‘,

-les sommes allouées au titre du préavis et des congés payés afférents, pour lesquelles il a précisé qu’elles devraient être déduites des sommes allouées au titre du congé de reclassement.

Madame [D] a formé un pourvoi en cassation, et son employeur un pourvoi incident.

Par arrêt du 23 novembre 2022, la Cour de cassation a :

-Rejeté le pourvoi principal de Madame [D],

-Cassé et annulé l’arrêt d’appel mais seulement en ce qu’il a condamné la société RHODIA OPERATIONS à payer à Madame [D] la somme de 135.000 ‘ au titre de la perte d’emploi et ordonné à la société RHODIA OPERATIONS le remboursement à Pôle emploi de 6 mois d’indemnités de chômage perçu par la salariée,

-Remis sur ces points l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et renvoyé les parties devant la cour d’appel de Paris autrement composée,

-Condamné Madame [D] aux dépens,

-Rejeté les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La Cour de cassation a motivé son arrêt comme suit :

 » (‘) Vu les articles 549 et 550 du code de procédure civile :

13. Il résulte de ces textes que la limitation de son appel principal par une partie ne lui interdit pas de former, de la même manière que le sont les demandes incidentes, un appel provoqué par l’appel incident de l’intimé et d’étendre ainsi sa critique du jugement.

14. Pour condamner la société Rhodia opérations au paiement à la salariée d’une certaine somme au titre de la perte de son emploi et lui ordonner de rembourser à Pôle emploi six mois d’indemnités de chômage, l’arrêt retient que cette société, qui a formé un appel limité aux chefs du jugement relatifs à la condamnation à payer l’indemnité de préavis avec intérêts de droit, ne peut aller jusqu’à soutenir, dans le cadre de son appel provoqué par l’appel incident de la salariée limité au seul montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

15. En statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait de statuer sur la cause réelle et sérieuse du licenciement, la cour d’appel a violé les textes susvisés (‘) ».

La société RHODIA OPERATIONS a saisi la cour d’appel après renvoi de cassation par déclaration du 17 janvier 2023.

Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 30 mai 2023, la société RHODIA OPERATIONS demande à la cour de :

-Rejeter l’appel incident de Madame [D] son objet excédant les limites fixées par la Cour de cassation dans l’arrêt de renvoi et le cadre de la décision du conseil des prud’hommes,

-Infirmer le jugement du conseil des prud’hommes de Paris en date du 3 aout 2018, en ce qu’il a condamné la société RHODIA OPERATIONS à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non-respect de l’obligation de reclassement pour un montant de 200.000 ‘ et au remboursement des indemnités Pôle emploi,

Le réformant,

-Débouter Madame [D] de l’ensemble de ses demandes y compris ses nouvelles demandes formées dans le cadre d’un appel incident,

-Supprimer la mention dans l’arrêt d’une condamnation au versement des indemnités Pôle emploi dans la limite de 6 mois de salaire au visa de l’article 1235-4 du code du travail,

-A titre éminemment subsidiaire, réduire le montant des dommages et intérêt à de plus juste proportions à 79.921 ‘,

Dans tous les cas,

-Condamner Madame [D] au paiement de la somme de 3.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-la condamner en tous dépens de l’instance,

-Dire que les condamnations prononcées ne produiront intérêts de retard qu’à compter de la signification à parties de présent arrêt d’appel.

Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 7 janvier 2025, Madame [D] demande à la cour de :

-Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 3 août 2018, en ce qu’il jugé que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, faute de cause économique et faute pour la société d’avoir respecté son obligation de reclassement,

-Subsidiairement, juger que l’absence de respect des critères d’ordre de licenciement justifie l’allocation de dommages-intérêts équivalents au préjudice de la salariée,

Statuant de nouveau,

-Condamner la société RHODIA OPÉRATIONS à payer à Madame [D] :

-333.000 ‘ pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 6.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-Condamner la société RHODIA OPÉRATIONS en tous les dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8 janvier 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

Déclare recevable l’appel de Madame [D],

Confirme le jugement rendu le 3 août 2018 par le conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a :

-jugé le licenciement de Madame [D] sans cause réelle et sérieuse,

-condamné la société RHODIA OPERATIONS à verser à Madame [D] la somme de 200.000 ‘ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et la somme de 1.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné la société RHODIA OPERATIONS à rembourser à Pôle emploi devenu France travail six mois d’indemnités chômages perçues par la salariée,

Y ajoutant,

Condamne la société RHODIA OPERATIONS aux dépens de la procédure d’appel,

Condamne la société RHODIA OPERATIONS à verser à Madame [D] la somme de 3.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant des frais engagés en cause d’appel,

Déboute la société RHODIA OPERATIONS de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jugement du conseil de prud’hommes.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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