Cour d’appel de Paris, 27 mars 2025, RG n° 22/05005
Cour d’appel de Paris, 27 mars 2025, RG n° 22/05005

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Rémunération variable et objectifs non fixés : les obligations de l’employeur en question.

Résumé

Un salarié, engagé par la société Selecta en tant que vendeur-approvisionneur-technicien-service-clients, a démissionné le 12 juin 2018. Suite à cette démission, il a saisi le conseil de prud’hommes de Créteil le 8 janvier 2019, demandant la requalification de sa démission en prise d’acte de rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur. Il a également formulé des demandes liées à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’à l’exécution de son contrat de travail.

Le 17 mars 2022, le conseil de prud’hommes a requalifié la démission en prise d’acte, considérant qu’elle devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La société Selecta a été condamnée à verser au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’un rappel de rémunération variable. La société a interjeté appel de ce jugement le 22 avril 2022, contestant les condamnations prononcées.

Dans ses conclusions, la société Selecta a soutenu que la démission du salarié était claire et motivée par son souhait de rejoindre un nouvel emploi. Elle a également affirmé qu’il n’y avait pas de manquement grave justifiant la prise d’acte et que le salarié ne justifiait pas du préjudice allégué. En revanche, le salarié a demandé la confirmation du jugement initial et a réclamé des sommes supplémentaires, y compris des dommages et intérêts.

La cour d’appel a confirmé le jugement de première instance, condamnant la société Selecta à verser des indemnités au salarié, y compris une indemnité légale de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis, et des frais de procédure. La cour a également ordonné le remboursement des indemnités de chômage versées au salarié, tout en déboutant la société Selecta de sa demande d’indemnité pour frais de procédure.

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRET DU 27 MARS 2025

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/05005 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFVXB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mars 2022 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de CRETEIL – RG n° 19/00031

APPELANTE

S.A.S. SELECTA

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Camille-Antoine DONZEL, avocat au barreau de PARIS, toque : R163

INTIME

Monsieur [I] [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Marie GOLFIER, avocat au barreau de PARIS, toque : G752

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Février 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre

Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller

Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Marika WOHLSCHIES

ARRET :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Madame Marika WOHLSCHIES, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [I] [M] a été engagé par la société Selecta, pour une durée déterminée à compter du 16 mars 1998, puis indéterminée à compter du 16 septembre 1998, en qualité de vendeur-approvisionneur-technicien-service-clients. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de technicien expert.

La relation de travail est régie par la convention collective du commerce de gros.

Monsieur [M] a déclaré démissionner par lettre du 12 juin 2018.

Le 8 janvier 2019, Monsieur [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Créteil, demandé la requalification de sa démission en prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’à l’exécution de son contrat de travail.

Par jugement du 17 mars 2022, le conseil de prud’hommes de Créteil statuant en formation de départage a fait droit à la demande de requalification, a dit que la prise d’acte de la rupture doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné la société Selecta à payer à Monsieur [M] les sommes suivantes et a débouté ce dernier de ses autres demandes :

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 19 233,20 ‘ ;

– rappel des rémunération variable de 2017 et 2018 : 1 427,17 ‘ ;

– les dépens.

La société Selecta a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 22 avril 2022, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 juillet 2022, la société Selecta demande l’infirmation du jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées, la condamnation de Monsieur [M] à lui verser une indemnité pour frais de procédure de 1 500 ‘, à titre subsidiaire, la limitation du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 3 mois de salaire et à titre plus subsidiaire, la confirmation du jugement en ce qui concerne le montant de l’ indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle fait valoir que :

– la démission de Monsieur [M] est dépourvue d’équivoque au regard des éléments de contexte l’ayant entourée et motivée par son souhait de rejoindre un nouvel emploi ;

– il n’existe aucun manquement grave de la société justifiant la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, le désaccord des parties sur le montant de la rémunération variable due n’empêchant pas une poursuite immédiate de ce contrat et alors que la lettre de démission date de seulement 2 mois après le premier et seul courrier de doléances de Monsieur [M] ;

– Monsieur [M] ne justifie pas du préjudice allégué ;

– la demande de rappel de prime sur objectif n’est pas fondée, Monsieur [M] ne disposant pas d’un droit acquis au montant maximum de la rémunération variable. De plus, il ne peut prétendre au versement d’une prime annuelle au prorata-temporis.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 octobre 2022, Monsieur [M] demande la confirmation du jugement en ce qu’il a requalifié sa démission en prise d’acte produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a condamné la société Selecta au paiement d’un rappel de salaire de 1 427,17 ‘, son infirmation pour le surplus et la condamnation de la société Selecta à lui payer les sommes suivantes :

– dommages et intérêts : 37 438 ‘ ;

– indemnité légale de licenciement : 16 083,22 ‘ ;

– indemnité compensatrice de préavis : 3 270,20 ‘ ;

– indemnité de congés payés afférente : 327,02 ‘ ;

– indemnité pour frais de procédure : 3 000 ‘ ;

– les intérêts au taux légal avec capitalisation ;

Au soutien de ses demandes et en réplique à l’argumentation adverse, Monsieur [M] expose que :

– c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a requalifiée en prise d’acte de la rupture du contrat de travail au motif que la lettre de démission était équivoque, puisqu’elle comportait explicitement des réserves et qu’il existait un différend contemporain de la rupture ;

– la prise d’acte était justifiée par l’absence de fixation de ses objectifs et par le versement tardif et parcellaire de sa rémunération variable, sans communication des modalités de calcul, manquements d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail ;

– sa demande de rémunération variable est justifiée.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 janvier 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant ;

Condamne la société Selecta à payer à Monsieur [I] [M] les sommes suivantes :

– indemnité légale de licenciement : 16 083,22 ‘ ;

– indemnité compensatrice de préavis : 3 270,20 ‘ ;

– indemnité de congés payés afférente : 327,02 ‘ ;

– indemnité pour frais de procédure : 3 000 ‘ ;

Dit que la condamnation au paiement de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse portera intérêts au taux légal à compter du jugement déféré, la condamnation au paiement de l’indemnité pour frais de procédure à compter du présent arrêt et les autres condamnations à compter du 11 février 2019 et dit que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;

Déboute Monsieur [I] [M] du surplus de ses demandes ;

Ordonne le remboursement par la société Selecta des indemnités de chômage ayant pu être versées à Monsieur [I] [M] dans la limite de six mois d’indemnités ;

Rappelle qu’une copie du présent arrêt est adressée par le greffe à France Travail ;

Déboute la société Selecta de sa demande d’indemnité pour frais de procédure formée en cause d’appel ;

Condamne la société Selecta aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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