Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Aide juridictionnelle et prescription : les droits d’une artiste
→ RésuméEn 2015, une artiste a créé une œuvre monumentale de 29 mètres de haut, intitulée « Phares », exposée dans un lieu prestigieux de la capitale. Le 1er décembre 2015, un partenariat a été établi entre l’artiste et la Société nationale pour le patrimoine des phares et balises (SNPB), permettant à l’artiste de bénéficier de la notoriété de l’œuvre tout en s’engageant à verser un don de 10 000 euros à l’association. En contrepartie, la SNPB devait encaisser les dons liés à l’exposition et les reverser à l’artiste.
Le 29 septembre 2020, l’artiste a mis en demeure la SNPB de lui régler les sommes dues et de lui fournir un relevé des dons encaissés. Face à l’absence de réponse, elle a assigné la SNPB devant le tribunal judiciaire de Paris le 1er juin 2022, demandant la communication des relevés de dons et le paiement des sommes dues, ainsi que des dommages et intérêts. En réponse, la SNPB a demandé que l’action de l’artiste soit déclarée irrecevable pour cause de prescription. Le 25 juin 2024, le juge de la mise en état a déclaré irrecevables les demandes de l’artiste concernant les dons encaissés avant le 1er juin 2017, et a débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’artiste a interjeté appel de cette décision le 7 juillet 2024. Dans ses conclusions d’appel, l’artiste a soutenu que sa demande d’aide juridictionnelle, déposée le 31 octobre 2020, avait interrompu le délai de prescription. La cour a constaté que l’action de l’artiste n’était pas prescrite lors de l’assignation et a infirmé la décision du juge de la mise en état. Elle a déclaré recevables les demandes de l’artiste concernant les dons encaissés et a condamné la SNPB aux dépens, ainsi qu’à verser une somme à l’avocat de l’artiste. |
RÉPUBLIQUE FRAN’AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 10
ARRÊT DU 20 MARS 2025
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/12423 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CJXHZ
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Juin 2024 – Juge de la mise en état de PARIS- RG n° 22/06472
APPELANTE
Madame [M] [S]
née le 03 Août 1981 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée et assistée à l’audience par Me Maria MOSKVINA de l’EURL CABINET-MM-AVOCAT, avocat au barreau de PARIS
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 75056-2024-019210 du 01/08/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉE
Société Nationale pour le Patrimoine des Phares et Balises, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Défaillante, régulièrement avisée le 4 septembre 2024 par procès verbal de recherches puis le 10 septembre 2024 à étude
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été plaidée le 14 Janvier 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Odile DEVILLERS, Présidente
Mme Valérie MORLET, Conseillère
Mme Anne ZYSMAN, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Anne ZYSMAN dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Catherine SILVAN
ARRÊT :
– défaut
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Odile DEVILLERS, Présidente et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DU LITIGE
En 2015, Mme [M] [S] a réalisé une oeuvre de 29 mètres de haut intitulée ‘Phares’, exposée sur la [Adresse 3].
Le 1er décembre 2015, Mme [S] a conclu avec la Société nationale pour le patrimoine des phares et balises (SNPB), association pouvant faire appel au mécénat, une convention de partenariat permettant à l’artiste de bénéficier de la notoriété de l’oeuvre exposée sur un emplacement prestigieux de la capitale et d’encaisser les dons versés à l’association à la suite de cette exposition, et ce, en contrepartie du versement par Mme [S] à la SNPB d’un don de 10.000 euros.
Le 29 septembre 2020, Mme [S] a mis en demeure la SNPB de lui régler les sommes dues et de lui transmettre le détail de l’ensemble des fonds encaissés pour son compte.
Par acte d’huissier de justice du 1er juin 2022, Mme [S] a fait assigner la SNPB devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de la voir condamner à la communication du relevé des dons encaissés pour son compte ainsi qu’au paiement de l’intégralité des sommes qui lui sont dues sur la base de ce(s) relevé(s) outre des dommages et intérêts.
Par conclusions d’incident du 11 décembre 2023, la SNPB a demandé au juge de la mise en état de déclarer l’action de Mme [S] irrecevable comme prescrite.
Par ordonnance du 25 juin 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a notamment :
– dit irrecevables comme prescrites les demandes de Mme [M] [S] portant sur les dons encaissés avant le 1er juin 2017 et sur la communication des relevés de dons et pièces comptables antérieures à cette date,
– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les dépens du présent incident suivront le sort de ceux de l’instance au fond.
Par déclaration du 7 juillet 2024, Mme [S] a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 septembre 2024, Mme [M] [S] demande à la cour de :
Vu l’article 38 du décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l’article 43 du décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
– Infirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a dit irrecevables comme prescrites les demandes de Mme [M] [S] portant sur les dons encaissés avant le 1er juin 2017 et sur la communication des relevés de dons et pièces comptables antérieures à cette date,
– Infirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a débouté Mme [M] [S] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, alors que Mme [M] [S] demandait en première instance au juge de la mise en état de condamner l’intimé au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile à Me [E] [V] et de condamner la SNPB à payer à Mme [M] [S] la somme de 1.500 euros au titre des dommages et intérêts,
Statuant de nouveau :
– Constater que Mme [M] [S] n’est pas prescrite dans son action pour les faits antérieurs au 1er juin 2017,
– Déclarer les demandes de Mme [M] [S] portant sur l’ensemble des dons encaissés après le 1er décembre 2015 et sur la communication des relevés de dons et pièces comptables postérieurs à cette date recevables et non-prescrites,
– Condamner la SNPB à payer une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile à Me [E] [V],
– Condamner la SNPB à payer à Mme [M] [S] une somme de 1.500 euros au titre des dommages et intérêts,
– Condamner la SNPB aux entiers dépens.
Au soutien de son appel, Mme [S] fait valoir qu’elle est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle dont la demande produit un effet interruptif des délais de prescription en application des articles 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 (applicable avant le 1er janvier 2021) et 43 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 (applicable après le 1er janvier 2021) portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Elle précise avoir adressé sa demande d’aide juridictionnelle le 31 octobre 2020, interrompant ainsi la prescription quinquennale de l’action en justice contre la SNPB.
La Société nationale pour le patrimoine des phares et balises n’a pas constitué avocat devant la cour. La déclaration d’appel lui a été signifiée par acte du 10 septembre 2024 déposé en l’étude du commissaire de justice et les conclusions d’appelant par actes des 7 et 21 octobre 2024, également déposés en l’étude du commissaire de justice.
Le présent arrêt sera rendu par défaut conformément aux dispositions de l’article 473 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée le 11 décembre 2024.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris en date du 25 juin 2024 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevables comme non prescrites les demandes de Mme [S] portant sur les dons encaissés avant le 1er juin 2017 et sur la communication des relevés de dons et pièces comptables antérieurs à cette date,
Condamne la Société nationale pour le patrimoine des phares et balises aux dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle,
Condamne la Société nationale pour le patrimoine des phares et balises à payer à Maître [E] [V] la somme de 1.200 euros en application de l’article 700, alinéa 2, du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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