Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Nullité contractuelle et conséquences sur le crédit affecté : enjeux de la protection du consommateur.
→ RésuméDans cette affaire, un acheteur a acquis, le 31 août 2020, auprès d’un vendeur, une pompe à chaleur, un chauffe-eau thermodynamique et un pack de 25 ampoules LED pour un montant total de 23 900 euros. Pour financer cet achat, l’acheteur a souscrit un crédit auprès d’une société de financement, qui a débloqué les fonds au vendeur après réception d’une attestation de fin de travaux. L’équipement a été installé et est fonctionnel.
Cependant, l’acheteur a constaté l’absence d’économies d’énergie sur ses factures et a demandé le remboursement de son achat. Après une tentative de conciliation infructueuse, il a saisi le tribunal de commerce, qui a prononcé la liquidation judiciaire du vendeur. Par la suite, l’acheteur a demandé l’annulation du contrat de vente et du contrat de crédit, arguant de vices de forme dans le bon de commande. Le juge des contentieux de la protection a déclaré l’action recevable et a prononcé la nullité des deux contrats, exemptant l’acheteur de toute restitution du capital emprunté. La société de financement a été condamnée à rembourser les sommes versées par l’acheteur et à verser des frais de justice. Le juge a également ordonné à l’acheteur de restituer les matériels au liquidateur judiciaire du vendeur. La société de financement a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et la restitution du capital prêté. Elle a soutenu que l’acheteur agissait de mauvaise foi en demandant l’annulation des contrats tout en conservant les biens. En réponse, l’acheteur a confirmé sa demande d’annulation, soulignant les irrégularités du bon de commande. La cour a finalement confirmé le jugement de première instance, tout en précisant que l’acheteur devait tenir les matériels à disposition du liquidateur pendant trois mois, après quoi il pourrait en disposer librement. La cour a également statué sur les créances réciproques et a condamné la société de financement aux dépens. |
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 20 MARS 2025
(n° , 17 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/15402 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CIICN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 août 2023 – Juge des contentieux de la protection de MEAUX – RG n° 22/01849
APPELANTE
La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme à conseil d’administration, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité
N° SIRET : 542 097 902 04319
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
substitué à l’audience par Me Hinde FAJRI de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
INTIMÉS
Monsieur [M] [K]
né le 2 août 1950 à [Localité 7] (77)
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Grégory ROULAND de la SELASU GREGORY ROULAND AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : B1002
La SELARL S21Y, prise en la personne de Maître [F] [P], en qualité de liquidateur judiciaire de la société FRANCE PAC ENVIRONNEMENT (SAS à associé unique)
[Adresse 5]
[Localité 6]
DÉFAILLANTE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 5 février 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Hélène BUSSIERE, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes d’un bon de commande signé le 31 août 2020, M. [M] [K] a acquis de la société France Pac Environnement à la suite d’un démarchage à domicile, une pompe à chaleur Air-Air, un chauffe-eau thermodynamique outre un pack de 25 ampoules LED au prix de 23 900 euros.
Le même jour, il a souscrit auprès de la société BNP Paribas personal finance ci-après société BNPPPF sous l’enseigne Cetelem, un crédit affecté au financement de cette installation d’un montant de 23 900 euros au taux contractuel de 4,84 % l’an, remboursable en 120 mensualités hors assurance de 256,75 euros chacune après différé d’amortissement de 180 jours.
La société BNPPPF a débloqué les fonds entre les mains du vendeur le 3 décembre 2020 sur la base d’une attestation de fins de travaux signée de l’acquéreur le 24 novembre 2020.
L’équipement est depuis fonctionnel.
Invoquant l’absence d’économies d’énergie sur ses factures, M. [K] a sollicité du vendeur le remboursement de son achat, puis une tentative de conciliation initiée a abouti à un procès-verbal de carence le 24 mai 2021.
Par jugement en date du 15 septembre 2021, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire de la société France Pac Environnement et a désigné comme liquidateur judiciaire la Selarl S21Y, prise en la personne de Maître [F] [P].
Saisi le 7 avril 2022 par M. [K] d’une demande tendant principalement à la résolution ou l’annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté avec dispense de remboursement du capital emprunté, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Meaux, par un jugement réputé contradictoire rendu le 2 août 2023 auquel il convient de se reporter, a :
– déclaré l’action recevable,
– prononcé la nullité du contrat de vente et constaté celle du contrat de crédit,
– dit que M. [K] n’est pas tenu à restitution du capital emprunté et n’est redevable d’aucune somme à la société BNPPPF,
– condamné la société BNPPPF à restituer à M. [K] les sommes versées par lui en exécution du contrat de crédit,
– débouté la société BNPPPF de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre de M. [K], de ses demandes en paiement et en garantie à l’encontre du vendeur,
– dit que M. [K] devra tenir à la disposition de la Selarl S21 Y prise en la personne de Maître [F] [P] les matériels vendus durant un délai de 6 mois suivant la signification du jugement et que passé ce délai, il pourra en disposer librement,
– condamné la société BNPPPF à verser à M. [K] la somme de 1 500 euros titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– condamné la société BNPPPF aux dépens.
Le juge a estimé l’action recevable nonobstant le règlement anticipé du crédit.
Il a considéré que l’annulation du contrat pour non-respect du formalisme imposé par les articles L. 111-1 et L. 221-5 du code de la consommation était encourue en l’absence de précision de la marque, du modèle, des références et des caractéristiques techniques du chauffe-eau et de la pompe à chaleur et des coordonnées de l’assureur de responsabilité professionnelle du vendeur et le cas échéant du garant financier ce qui est contraire aux dispositions des articles L. 111-2 et R. 111-2 9° du code de la consommation.
Il a noté que l’exécution volontaire des contrats était insuffisante à démontrer une volonté de couvrir les irrégularités du contrat, a prononcé la nullité du bon de commande puis par application de l’article L. 312-55 du code de la consommation, a constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit. Il a noté que le bon de commande ne faisait aucune référence à des dispositions du code de la consommation et que les conditions générales de vente produites aux débats n’étaient pas lisibles en raison de la police utilisée.
Il a retenu que la banque avait commis une faute en procédant au déblocage des fonds en manquant de vigilance dans le contrôle de la régularité du contrat principal et en versant des fonds à une société connaissant plusieurs procédures judiciaires depuis 2019 pour des litiges similaires et a déchu la banque de son droit à restitution du capital prêté avec obligation de restituer à l’emprunteur les sommes déjà versées dans le cas de l’exécution du contrat de crédit. Il a rejeté toute faute de M. [K] envers la banque.
Il a constaté qu’en raison de la liquidation judiciaire de la société France Pac Environnement et de l’absence de déclaration de créance, il convenait de rejeter les demandes en paiement et en garantie formées par la banque.
Il a ordonné la restitution par M. [K] de l’intégralité des matériels installés par la société France Pac environnement à son domicile, à son liquidateur judiciaire la Selarl S21 Y.
Par une déclaration enregistrée électroniquement le 18 septembre 2023, la société BNPPPF a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses ultimes conclusions remises le 16 décembre 2024, l’appelante demande à la cour :
– d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et en ce qu’il a rejeté ses demandes, en ce compris sa demande subsidiaire, en cas de nullité des contrats, visant à la condamnation de M. [K] à lui payer la somme de 23 900 euros en restitution du capital prêté, sa demande plus subsidiaire visant à la condamnation de l’intéressé à lui payer la somme de 23 900 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de sa légèreté blâmable, sa demande visant à sa condamnation à restituer, à ses frais, les panneaux photovoltaïques installés chez lui entre les mains du liquidateur judiciaire de la société France Pac Environnement, sa demande de compensation des créances réciproques à due concurrence, sa demande de condamnation M. [K] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance,
– statuant à nouveau sur les chefs critiqués,
– à titre principal, de déclarer irrecevable la demande en nullité du contrat de vente et par voie de conséquence, irrecevable la demande en nullité du contrat de crédit, de dire et juger à tout le moins que les demandes de nullité des contrats ne sont pas fondées et de débouter M. [K] de ses demandes à ce titre et de sa demande de restitution des mensualités réglées,
– subsidiairement, en cas de nullité des contrats, de déclarer irrecevable la demande de M. [K] visant à être déchargé de l’obligation de restituer le capital prêté, à tout le moins de l’en débouter et de le condamner en conséquence à lui régler la somme de 23 900 euros en restitution du capital prêté,
– de déclarer irrecevable la demande visant à la privation de la créance de la société BNPPPF et sa demande de dommages et intérêts et à tout le moins, de les rejeter,
– très subsidiairement, de limiter la réparation qui serait due par elle, eu égard au préjudice effectivement subi par l’emprunteur à charge pour lui de l’établir et eu égard à la faute de l’emprunteur ayant concouru à son propre préjudice et de limiter en conséquence la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour M. [K] d’en justifier, et cas de réparation par voie de dommages et intérêts, de limiter la réparation à hauteur du préjudice subi, et de dire et juger que M. [K] reste tenu de restituer l’entier capital à hauteur de 23 900 euros,
– en tout état de cause, de condamner M. [K] à lui rembourser l’intégralité des sommes versées par elle en exécution du jugement de première instance,
– à titre infiniment subsidiaire, en cas de privation de sa créance, d’enjoindre à M. [K] de restituer, à ses frais, le matériel installé chez eux à la Selarl S21Y es qualité de liquidateur judiciaire de la société France Pac environnement, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt, et de dire et juger qu’à défaut de restitution il restera tenu du remboursement / restitution du capital prêté et subsidiairement, le priver de sa créance en restitution des sommes réglées du fait de sa légèreté blâmable,
– de débouter M. [K] de sa demande formée au type de l’article 700 du code de procédure civile et de sa demande formée au titre des dépens,
– d’ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,
– en tout état de cause, de le condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes-Gil.
À l’appui de ses prétentions, elle soulève le caractère irrecevable, à tout le moins infondé de la demande de nullité des contrats dans la mesure où une partie ne peut demander l’anéantissement d’un contrat que de manière exceptionnelle sans être de mauvaise foi au sens de l’article 1103 du code civil. Or est selon elle de mauvaise foi la partie qui tend à détourner une cause de nullité de son objet ou de sa finalité à seule fin de remettre en cause le contrat tout en sachant qu’en réalité elle conservera le bien acquis du fait de l’impossibilité matérielle pour l’autre de la récupérer.
Elle invoque le caractère irrecevable, à tout le moins non fondé du grief tiré de la nullité du contrat de vente entraînant la nullité du contrat de crédit sur le fondement d’une irrégularité formelle du bon de commande au regard des dispositions de l’article L. 111-1 du code de la consommation.
Elle conteste toute irrégularité du bon de commande au regard des dispositions des articles L. 221-8, L. 221-5 et L. 111-1 du code de la consommation dans leur rédaction applicable en la cause et plaide pour une interprétation stricte des textes en ce que seule l’absence de la mention prévue par le texte est une cause de nullité et pas son imprécision.
Sur la désignation du matériel vendu, elle estime que le premier juge est allé au-delà des exigences textuelles, faisant remarquer que la Cour de cassation a à deux reprises retenu que la marque du matériel n’est pas nécessairement une caractéristique essentielle de l’installation photovoltaïque et que la cour d’appel de Paris s’est également positionnée en ce sens. Elle considère que la description des matériels est suffisamment complète s’agissant du chauffe-eau et de la pompe à chaleur.
Elle explique que le texte n’exige nullement l’apposition d’une mention relative à l’assurance et note que les conditions générales contiennent un article 13 relatif à l’assurance.
Sur le droit de rétractation, elle soutient que les conditions générales du bon de commande indiquent expressément et en caractère très apparents que « le délai de rétractation expirera 14 jours après le jour de signature du contrat pour les contrats limités à la réalisation de prestations de service », ce qui ne fait que reprendre très précisément les dispositions légales de l’article L. 221-18 du code de la consommation, ce qui est exclusif de toute critique.
Elle souligne que le texte vise le délai global de réalisation de la prestation et non un planning détaillé de la réalisation de la prestation et que les conditions particulières du bon de commande précisent bien les délais et modalités d’exécution de la prestation ce qui exclut le prononcé d’une nullité du bon de commande sur ce fondement. Elle estime que le délai de livraison mentionné est suffisamment précis.
Elle note enfin que M. [K] se dispense de démontrer un quelconque préjudice.
A titre subsidiaire, elle invoque une confirmation de la nullité relative par une exécution volontaire du contrat. Elle note que contrairement à ce qu’indique le juge dans sa motivation, l’article 14 des conditions générales intitulé « informations contractuelles ‘ acceptation du client » mentionne expressément les dispositions des articles L. 111-1, L. 111-2 et L. 221-5 du code de la consommation et reproduit les mentions pertinentes, en soulignant que l’emprunteur ne produit pas aux débats l’exemplaire original de son bon de commande. Elle fait observer que le simple fait que les conditions générales soient difficiles à lire, car floutées par la copie qui est produite par la partie adverse, ne permet pas de les juger inopposables. Elle constate que M. [K] a laissé le vendeur procéder à l’installation des panneaux photovoltaïques, a réceptionné l’installation sans réserve, a sollicité de la banque qu’elle verse les fonds au vendeur et a utilisé l’installation pendant plusieurs années sans justifier d’aucun courrier de contestation pendant plus de 2 ans avant d’introduire son action en justice. Elle ajoute que postérieurement à l’introduction de son action, l’acquéreur a poursuivi l’exécution des contrats en continuant à utiliser le matériel et ceux en pleine connaissance des moyens allégués.
En l’absence d’annulation du contrat de vente, elle rappelle que le contrat de crédit est maintenu, que la cour devra déclarer irrecevable, à tout le moins rejeter la demande de nullité du contrat de crédit ainsi que la demande de restitution des mensualités réglées et constater que la demande visant à la privation de sa créance en restitution du capital prêté se trouve dépourvue d’objet à défaut de créance de restitution puisque l’emprunteur devra lui rembourser les sommes perçues en exécution du jugement contesté.
Elle demande en tout état de cause que soit déclarée irrecevable la demande visant à la privation de la créance de la banque, ce alors que M. [K] a poursuivi l’exécution volontaire des contrats et les a confirmés, renonçant ainsi à opposer tout moyen de contestation afférent à une irrégularité formelle du bon de commande ou à une faute dans le déblocage des fonds. A tout le moins, elle demande le rejet de cette demande comme infondée en l’absence de faute, préjudice et lien de causalité pouvant fonder l’engagement de la responsabilité de la banque.
En cas d’annulation des contrats, elle demande le remboursement du capital prêté en contestant toute faute dans la vérification de la régularité du bon de commande, obligation à laquelle elle n’était pas tenue, ou dans le déblocage des fonds au vu d’une attestation de livraison sans réserve et sur la base d’un mandat de paiement.
Elle ajoute que les irrégularités retenues, à supposer qu’elles soient caractérisées, ne constitueraient que des insuffisances de mentions et non des omissions complètes lesquelles ne sauraient caractériser rétroactivement une faute de la banque dans la vérification du bon de commande et qu’il n’existe aucun préjudice en lien avec cette faute.
Elle indique qu’à supposer même qu’une faute aurait été commise par l’établissement de crédit, celle-ci ne pourrait donner lieu qu’à un engagement de la responsabilité de la banque, ce qui suppose la preuve d’un préjudice et d’un lien de causalité qui font défaut. Elle note que l’acquéreur dispose d’une installation dont il n’est pas contesté qu’elle est fonctionnelle, qu’il ne démontre pas que son installation ne lui permettrait pas d’obtenir des économies d’énergie puisqu’il ne produit ni ses factures d’électricité, ni ses factures de revente, ni même, de manière générale, aucune étude de rentabilité de l’installation et ne soulève d’ailleurs pas la nullité des contrats sur le fondement du dol, mais uniquement sur le fondement d’une irrégularité formelle du bon de commande. Elle note que le seul préjudice dont il faisait état aux termes de ses conclusions de première instance concerne les aides prétendument promises par la société venderesse et la mise en liquidation de celle-ci. Elle en conclut qu’aucun préjudice intrinsèque à l’installation n’est démontré ni même allégué ni lien de causalité avec une faute de la banque.
S’agissant d’un préjudice et du lien de causalité concernant une faute afférent à la vérification de la prestation, elle observe que M. [K] ne justifie pas quelle mention prétendument omise du bon de commande aurait pu l’empêcher de poursuivre la relation et aurait donc pu empêcher le déblocage des fonds prêtés dans un contexte où il a poursuivi l’exécution des contrats, et ce alors qu’il n’a émis aucune contestation afférent aux caractéristiques de l’installation après l’avoir réceptionnée. Elle considère donc que la réalité de la perte de chance n’est pas établie. Elle estime que le moyen retenu par le premier juge selon lequel l’acquéreur aurait pu procéder à des comparaisons avec d’autres modèles n’est pas fondé, puisque l’intéressé n’établit nullement que le matériel qui a été installé serait d’une qualité et de performances moindres que ceux vendus par d’autres vendeurs à des conditions similaires. Elle rappelle que l’évaluation d’un préjudice à hauteur de l’intégralité du capital prêté est décorrélée complètement de la caractérisation du préjudice. Elle précise que M. [K] bénéficie d’ores et déjà, en cas de nullité, de l’exonération du paiement des intérêts, à hauteur de la somme de 5 100 euros.
S’agissant du préjudice et du lien de causalité concernant une faute afférent à l’exécution de la prestation, elle note que nonobstant le versement anticipé des fonds, si la prestation a bien été exécutée en intégralité, l’emprunteur n’a subi en réalité aucun préjudice du fait de ce versement anticipé, puisque de toute façon les fonds prêtés auraient dû être versés et ce à supposer même qu’ils l’auraient été de façon anticipée et que de la même façon, si la prestation a été réalisée partiellement, l’emprunteur subit en réalité un préjudice limité à concurrence de la prestation inachevée et en l’espèce M. [K] dispose d’une installation fonctionnelle lui permettant de réaliser des économies d’énergies et alors qu’aucune étude de rentabilité n’est produite venant contredire cette économie d’énergie. Elle ajoute que la durée de vie moyenne des panneaux photovoltaïques est de 30 ans, soit bien supérieure à la durée du crédit litigieux, la rentabilité étant seulement diminuée au fil du temps, passant à hauteur de 90 % à compter de 12 ans, et 80 % à compter de 20 ans, données qui ressortent du site internet de EDF et que si M. [K] prétend par ailleurs que le vendeur lui aurait promis des aides à hauteur de 10 700 euros, il ne démontre pas non plus qu’il n’aurait pas touché en tout ou partie ces aides ou bénéficié d’un crédit d’impôt pour son installation.
Elle ajoute que le préjudice tiré de l’impossibilité de récupérer le prix de vente résulte de la liquidation judiciaire, mais non d’une faute de la banque, et ce à supposer même que l’on ferait application de la théorie de l’équivalence des conditions retenue par la Cour de cassation dans l’arrêt du 24 janvier 2024 dont se prévaut la partie adverse. Elle indique que l’emprunteur pouvait parfaitement confirmer le contrat nonobstant les irrégularités portées à sa connaissance, le préjudice n’étant ainsi pas matérialisé par le déblocage des fonds lui-même, mais par la perte de chance pour l’emprunteur de ne pas souscrire le contrat affecté d’irrégularités et donc la perte de chance de ne pas pouvoir empêcher le déblocage des fonds dont la restitution est désormais compromise dans un contexte de procédure collective, perte de chance dont la consistance dépend du point de savoir si les irrégularités étaient susceptibles d’affecter la volonté du consommateur de souscrire le contrat, raisonnement retenu par la cour de céans dans sa plus récente jurisprudence.
En cas de nullité des contrats, elle demande de tenir compte dans le calcul des restitutions à opérer, de la valeur du matériel conservé par l’acquéreur et financé grâce au crédit qu’elle a accordé et du fait que l’emprunteur se trouve également dispensé d’avoir à régler les intérêts, ce qui limite là aussi d’autant son préjudice. Elle indique que la faute de l’acquéreur dans la signature de l’attestation de livraison doit limiter la réparation de son préjudice.
Aux termes de ses conclusions numéro 3 remises le 14 décembre 2024, M. [K] demande à la cour :
– à titre principal,
– de débouter la société BNPPPF de ses demandes fins et conclusions,
– de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,
– à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour refuserait de l’exonérer de rembourser le crédit à la société BNPPPF,
– de le condamner à ne régler que la somme de 7 966 euros,
– en tout état de cause, pour le surplus, de condamner la société BNPPPF au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Il expose à titre liminaire que la société France Pac environnement fait partie des sociétés dont la probité est douteuse et qui a été condamnée à de nombreuses reprises par les juridictions françaises, qu’elle fait partie des sociétés qui entraînent le plus de litiges en matière de rénovation énergétique selon l’association UFC – Que Choisir.
Il affirme qu’outre des économies d’énergie, il lui a été promis des aides de 10 700 euros, qu’il ne constate en réalité aucune économie sur ses factures d’électricité et n’a pas touché les aides promises, la tentative de conciliation n’ayant pu aboutir du fait de la carence de la société France Pac Environnement.
Il sollicite la nullité du contrat de vente pour violation des dispositions des articles L. 221-5, L. 221-9, L. 111-1 du code de la consommation en ce que le bon de commande indique un délai de rétractation erroné partant de la date de signature du contrat, qu’il n’informe pas l’acquéreur sur la marque des matériels, le modèle du ballon thermodynamique et ses caractéristiques techniques (capacité en litres, dimensions, décibels, etc.), ni sur la marque, le modèle de la pompe à chaleur et ses caractéristiques techniques (puissance en KW/H, dimensions, etc.).
Il conteste n’avoir jamais eu connaissance des vices de forme affectant le contrat de vente, indique que ni le vendeur, ni le prêteur ne les lui ont signalés, pas plus que le bon de commande ne reproduit les articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation. Il estime que le simple fait d’avoir laissé la vente s’exécuter ne suffit pas à prétendre qu’il a eu l’intention de purger les vices de forme du contrat de vente.
Il rappelle que l’annulation du contrat de vente entraîne l’anéantissement rétroactif de ses effets et que le contrat de crédit doit être annulé de plein droit.
Il soulève l’existence de fautes de la part de la banque devant conduire à la priver de la restitution du capital et ce sans qu’il soit besoin de démontrer un préjudice, en raison de l’insolvabilité du vendeur comme l’a reconnu la Cour de cassation appliquant le principe d’équivalence des conditions. Il soutient n’avoir jamais signé de demande de déblocage de crédit et il en veut pour preuve que la société BNPPPF ne produit aucun bordereau d’appel de fonds signé par l’emprunteur bien qu’elle prétende que ce document existe ce qui signifie qu’elle a payé le vendeur sans ordre donné par l’emprunteur. Il lui reproche également une faute pour n’avoir pas vérifié la validité du contrat de vente avant de débloquer le crédit et d’avoir financé une entreprise que la banque savait être sans scrupule puisqu’elle faisait l’objet de diverses procédures judiciaires depuis 2019.
Il ajoute que les fautes du prêteur lui causent nécessairement un préjudice car le prêteur cherche à lui extorquer de l’argent alors qu’elle n’a jamais reçu d’ordre de paiement et ne démontre pas avoir payé le vendeur, qu’il ne sera jamais remboursé du montant de l’achat en raison de la faillite du vendeur, ce qui signifie que son préjudice financier est total, qu’il perd la propriété des matériels du fait de la nullité des contrats et doit donc les démonter à ses frais et les restituer au liquidateur judiciaire, sauf volonté contraire de ce dernier et lui accorder le droit de les porter dans une déchetterie alors qu’il est hors de question de conserver une installation non assurée et sans recours contre un vendeur qui n’existe plus. Enfin, il explique qu’il va devoir remettre sa toiture et les murs de son domicile en état à ses frais.
Si par extraordinaire la juridiction prononçait la résolution ou l’annulation des contrats de vente et de crédit, mais refusait de l’exonérer de restituer le crédit à la banque, il demande à ne régler qu’un tiers du crédit, soit la somme de 7 966 euros eu égard aux fautes commises.
La déclaration d’appel et les premières conclusions de la société BNPPPF ont été signifiées à la société France Pac Environnement prise en la personne de la Selarl S21Y représentée par Maître [F] [P], suivant actes remis à personne morale les 5 décembre 2023 et 16 janvier 2024.
La société France Pac Environnement n’a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 5 février 2025 pour être mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 20 mars 2025.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,
Rejette les fins de non-recevoir ;
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a dit que M. [M] [K] n’est pas tenu à restitution du capital emprunté et n’est redevable d’aucune somme à la société BNPPPF, en ce qu’il a dit que M. [M] [K] devra tenir à la disposition de la Selarl S 21 Y prise en la personne de Maître [F] [P] les matériels vendus durant un délai de 6 mois suivant la signification du jugement et que passé ce délai, il pourra en disposer librement ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que M. [M] [K] devra tenir à la disposition de la Selarl S21Y prise en la personne de Maître [F] [P], en qualité de liquidateur de la société France Pac Environnement, l’ensemble des matériels installés à son domicile pendant un délai de 3 mois à compter de la signification du présent arrêt et que passé ce délai si le liquidateur n’a pas émis la volonté de reprendre les matériels, M. [M] [K] pourra en disposer comme bon lui semble et les conserver ;
Fixe le préjudice de M. [M] [K] en lien avec la faute de la banque à la somme de 23’900 euros si la Selarl S21Y représentée par Maître [F] [P] en qualité de liquidateur judiciaire de la société France Pac Environnement vient effectivement procéder à la dépose des matériels au domicile de M. [M] [K] dans le délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt et dit qu’à défaut il ne subit aucun préjudice en lien avec cette faute ;
En conséquence, condamne M. [M] [K] passé un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt, à rembourser à la société BNP Paribas Personal Finance le capital emprunté de 23 900 euros sauf à justifier de la reprise effective du matériel par la société France Pac Environnement, prise en la personne son liquidateur judiciaire dans les trois mois de la signification de l’arrêt et réduit le montant de cette condamnation à néant s’il justifie que cette reprise a effectivement eu lieu dans le délai imparti ;
Ordonne la compensation des créances réciproques ;
Rappelle que les parties restent redevables de plein droit du remboursement des sommes perçues en exécution du jugement qui est infirmé ;
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens d’appel et au paiement à M. [M] [K] de la somme de 1’500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
La greffière La présidente
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