Type de juridiction : Cour d’Appel
Juridiction : Cour d’Appel de Paris
Thématique : Contrôle du producteur sur les auteurs
→ RésuméLe contrat à durée déterminée d’usage (CDDU) est souvent utilisé dans le secteur audiovisuel, mais il doit respecter des mentions légales précises. Dans une affaire récente, des coréalisateurs ont vu leurs CDDU requalifiés en CDI en raison de l’absence de mentions obligatoires, telles que la durée déterminée et le temps de travail. Malgré leur indépendance initiale, les directives imposées par le producteur ont établi un lien de subordination, caractérisant ainsi une relation de travail. Cette situation souligne l’importance de la conformité légale dans la rédaction des contrats pour éviter des requalifications indésirables.
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Opportunité du CDD d’usage
La présentation d’un projet de production à un producteur peut déboucher sur un contrat de cession de droits d’auteur. Lorsque le producteur demande aux auteurs réalisateurs, en parallèle de leur travail d’écriture, d’effectuer des prestations concernant la réalisation technique, un contrat de travail à durée déterminée d’usage (CDDU) peut être conclu. Ce CDDU doit stipuler toutes les mentions légales impératives sous peine d’être requalifié en CDI (comme en l’espèce).
Dans l’affaire soumise, les coréalisateurs qui souhaitaient donner vie à leur projet de documentaire télévisé sur les femmes populistes d’extrême droite ont élaboré, en toute indépendance un « dossier de production » qu’ils ont présenté à différents producteurs. Lorsque la société en sa qualité de producteur, a décidé de prendre l’initiative et la responsabilité de la réalisation de l’œuvre, elle a adressé aux coréalisateurs des instructions précises pour exécuter leurs prestations de réalisateurs techniques notamment sur la préparation, le découpage technique, les prises de vues, le montage, la sonorisation, la synchronisation et, d’une façon générale, tous travaux permettant d’aboutir à l’établissement de la version définitive de l’œuvre.
Il en résulte que, dès la signature des contrats d’auteur avec la société de production, soit avant l’obtention des financements, les coréalisateurs se sont vu imposer des directives précises et circonstanciées quant à la réalisation technique de leur travail de réalisateur, caractérisant leur lien de subordination avec la société de production. Des CDDU avaient été conclus mais plusieurs mentions légales n’y étaient pas mentionnées : aucune durée déterminée, aucune indication du temps de travail, aucune des mentions obligatoires prévues par l’article L. 1242-12 du code du travail ou de l’article V.2.2. de la convention collective de la production audiovisuelle. Les CDDU ont donc été requalifiés en CDI.
Vice de forme du CDDU
Selon l’article L 1242-1 du code du travail, un CDD, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. L’article L 1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l’article L 1242-3, un CDD ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu’il énumère, parmi lesquels figurent les emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou convention ou accord collectif étendu, il est d’usage de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l’activité exercée ou du caractère par nature temporaire de ces emplois.
Le recours au CDDU ne dispense pas l’employeur d’établir un contrat écrit comportant la définition précise de son motif. Outre cette définition, le CDD doit comporter certaine mentions dont la date du terme ou la durée minimale pour laquelle il est conclu et, à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée, en application de l’article L1242-12 du code du travail.
Conditions de la requalification
Il est constant que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité. Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement de travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
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