Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Attribution d’oeuvres d’art à un artiste : la responsabilité du galeriste
→ RésuméPrésentation des PartiesLa société Galerie [N] [H] est spécialisée dans l’achat et la vente de mobiliers art déco, dirigée par un expert reconnu dans ce domaine. Un galeriste, désigné comme M. [B], a également une galerie où il expose des œuvres d’art du XXème siècle. Achat et Vente de MobilierLe 26 décembre 2016, le galeriste a acquis onze pièces de mobilier auprès de la galerie [N] [H] pour un montant de 550 000 euros. Ces pièces ont été livrées le 5 janvier 2017. Contrefaçon et SaisiesEn mars 2017, les ayants droit d’un artiste, désignés comme les consorts [J], ont découvert que M. [B] exposait des œuvres faussement attribuées à cet artiste. Une ordonnance a permis la saisie de ces œuvres, qui ont été placées sous séquestre le 23 mai 2017. Procédures JudiciairesLe 23 juin 2017, M. [B] a été assigné en contrefaçon par les consorts [J]. Un expert a été désigné pour examiner les œuvres litigieuses, et son rapport a été déposé en juillet 2019. En juillet 2020, M. [B] a assigné la galerie [N] [H] en garantie d’éviction. Jugement du TribunalLe 28 janvier 2021, le tribunal a jugé que les œuvres saisies constituaient des contrefaçons et a retenu la responsabilité de M. [B]. Ce dernier a été débouté de sa demande de jonction avec d’autres procédures et a été condamné à verser 90 000 euros aux consorts [J]. Appel et Décisions UltérieuresM. [B] a interjeté appel de cette décision. Le 9 février 2023, le tribunal a confirmé plusieurs aspects du jugement initial, y compris le rejet de la demande de communication de pièces et la condamnation de M. [B] aux dépens. Demandes de M. [B] en AppelDans ses conclusions, M. [B] a demandé à la cour de déclarer son appel recevable et fondé, d’infirmer certaines décisions du tribunal, et d’ordonner à la galerie [N] [H] de communiquer les factures d’achat des meubles litigieux. Arguments de la Galerie [N] [H]La galerie [N] [H] a contesté les demandes de M. [B], affirmant qu’elle n’avait jamais présenté les meubles comme étant des œuvres de l’artiste. Elle a soutenu que les meubles avaient été vendus comme un lot de mobilier des années 1970, sans attribution à l’artiste. Décision Finale de la CourLa cour a confirmé le jugement du tribunal, déboutant M. [B] de toutes ses demandes contre la galerie [N] [H] et le condamnant aux dépens d’appel. La galerie [N] [H] a été reconnue comme n’ayant pas à garantir M. [B] de l’éviction subie. |
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 12 MARS 2025
(n° 032/2025 , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/05153 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHJYG
Décision déférée à la Cour : jugement du 09 février 2023 du tribunal judiciaire de PARIS – RG n° 20/06383
APPELANT
M. [G] [B]
Né le 13 juillet 1964 à [Localité 5] (VAL-DE-MARNE)
De nationalité française
Entrepreneur inidividuel inscrit au RCS de Paris sous le n° 381 390 483
Domicilié Chez HelloDom [Adresse 1]
Ayant pour avocat postulant Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT – BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050, et ayant pour avocat plaidant Me Dynah CHOVINO, avocat au barreau de Paris, toque : D 0856
INTIMÉE
GALERIE [N] [H]
Société à responsabilité limitée immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro 508 093 705 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 4]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Denis-Clotaire LAURENT de l’AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : R010 et ayant pour avocat plaidant Me Olivier MAZOYER, avocat au barreau de Lyon, toque 963
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 janvier 2025, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Françoise BARUTEL, conseillère faisant fonction de présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Mmes Françoise BARUTEL a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
– Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,
– Mme Françoise BARUTEL, conseillère,
– Mme Déborah BOHEE, conseillère.
Greffier lors des débats : M. Soufiane HASSAOUI
ARRÊT :
contradictoire ;
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour initialement prévue le 05 mars 2025, puis prorogée au 12 mars 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile ;
signé par Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, et par M. Soufiane HASSAOUI, greffier présent lors de la mise à disposition et auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Galerie [N] [H] (galerie [H]) se présente comme spécialisée dans l’achat et la vente de mobiliers art déco, correspondant à la période 1920-30, [N] [H], fondateur de la galerie, étant expert renommé dans le domaine de l’art déco et reconnu comme un spécialiste du travail d'[P] [A].
M. [G] [B] est un galeriste et marchand d’art présentant dans sa galerie, située [Adresse 2] à [Localité 6], des oeuvres de divers artistes du XXème siècle.
Le 26 décembre 2016, M. [B] a acheté à la galerie [H] onze pièces de mobilier, qui lui ont été livrées à [Localité 6] le 5 janvier 2017, au prix de 550 000 euros.
Les consorts [J], ayants droit de l’artiste [E] [W], ont été informés en mars 2017 que M. [B] avait exposé au salon [7] ([7]) vingt et une oeuvres attribuées faussement à [E] [W], oeuvres qu’il a proposées à la vente dans sa galerie. Par ordonnance sur requête du 18 mai 2017, les consorts [J] ont obtenu l’autorisation de faire procéder à la saisie réelle des vingt-et-une oeuvres, lesquelles ont été placées sous séquestre à la galerie le 23 mai 2017.
Par acte d’huissier du 23 juin 2017, M. [B] a été assigné par les consorts [J] en contrefaçon devant le tribunal judiciaire de Paris.
Par ordonnance du 28 juin 2018, le juge de la mise en état a désigné M. [T] en qualité d’expert avec notamment pour mission d’examiner les oeuvres litigieuses, de dire si elles constituent des oeuvres authentiques ou non. Il a déposé son rapport d’expertise le 16 juillet 2019.
Par acte d’huissier du 8 juillet 2020, M. [B], exposant avoir acquis certaines des oeuvres saisies comme prétendument contrefaisantes auprès de la Galerie [H], a fait assigner cette dernière, devant le tribunal judiciaire de Paris en garantie d’éviction.
Par jugement du 28 janvier 2021, le tribunal a jugé que les oeuvres placées sous les scellés n°4 à 21 saisies le 23 mai 2017 à la galerie [B], constituent des contrefaçons des oeuvres de [E] [W] et a retenu la responsabilité de M. [G] [B]. Le tribunal a débouté M. [B] de sa demande de jonction avec les procédures en garantie qu’il a introduites à l’encontre de six galeristes, dont la Galerie [H], estimant que le ralentissement déraisonnable du cours de la procédure introduite le 23 juin 2017 qui en résulterait ne serait pas d’une bonne administration de la justice, M. [B] ayant fait le choix d’attendre juillet 2020 pour attraire en justice les galeristes auprès desquels il a prétendument acquis les oeuvres. Le tribunal a en outre ordonné la remise des scellés aux consorts [J] pour destruction, a fait interdiction à M. [B] de représenter, reproduire ou diffuser ces scellés ou toute oeuvre susceptible de constituer une atteinte aux droits de [E] [W], et l’a condamné à payer aux consorts [J] la somme de 90 000 euros en réparation de l’atteinte à leur droit moral d’auteur.
M. [G] [B] a interjeté appel de cette décision.
Par jugement contradictoire rendu le 9 février 2023, dont appel, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :
déclare la société Galerie [N] [H] irrecevable en sa demande d’annulation partielle du rapport d’expertise remis par M. [T] et rejette la demande tendant à ce que ce rapport d’expertise et ses annexes lui soient déclarés inopposables ;
dit n’y avoir lieu à déclarer inopposables à la société Galerie [N] [H] les jugements rendus par le tribunal judiciaire de Paris les 28 janvier et 15 avril 2021;
rejette la demande de communication de pièces de M. [G] [B] ;
déboute M. [G] [B] de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de la société Galerie [N] [H], en ce compris de sa demande de dommages-intérêts ;
déboute la société Galerie [N] [H] de sa demande de dommages-intérêts;
condamne M. [G] [B] aux dépens de l’instance ;
condamne M. [G] [B] à payer à la société Galerie [N] [H] la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision.
M. [B] a interjeté appel de ce jugement le 27 mai 2022.
Dans ses dernières conclusions numérotées 2, transmises le 5 décembre 2023, M. [B] demande à la cour de :
déclarer Monsieur [G] [B] tant recevable que bien fondé en son appel du jugement rendu le 9 février 2023 par le Tribunal Judiciaire de Paris
Y faisant droit,
infirmer la décision sus-énoncée et datée en ce qu’elle a :
rejeté la demande de communication de pièces de Monsieur [G] [B]
débouté Monsieur [G] [B] de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de la société Galerie [N] [H], en ce compris de sa demande de dommages intérêts
condamné Monsieur [G] [B] à payer à la société Galerie [N] [H] la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
confirmer la décision sus énoncée et datée en ce qu’elle a :
débouté la société [N] [H] de sa demande de dommages intérêt
Statuant à nouveau,
ordonner à la société Galerie [N] [H] la communication des factures d’achat en bonne et due forme des meubles objets de la présente procédure et ce, sous astreinte
juger que la société Galerie [N] [H] doit, sur le fondement de l’article 1626 du Code civil, garantir Monsieur [G] [B] de toutes les condamnations que le Tribunal judiciaire de Paris a prononcé à son encontre en conséquence de l’assignation du 23 juin 2017 dont il est l’objet, et ce tant au titre du préjudice patrimonial que du préjudice moral dans la limite des 8 pièces saisies sur 11
Subsidiairement,
constater que la Galerie [N] [H] a fixé la valeur de chacune des oeuvres vendues à 50.000,00 €
En conséquence,
juger que Monsieur [B] est fondé à solliciter de la Galerie [N] [H] qu’elle procède au remboursement de la facture du 26 décembre 2016 au titre des 8 pièces saisies à hauteur de 400.000 euros, telle qu’elle en a fixé elle-même la valeur,
condamner la société Galerie [N] [H] à payer à Monsieur [G] [B] la somme de 400.000, euros afférant à la facture de 550.000 € du 26 décembre 2016 concernant les 8 modèles saisis à la requête des consorts [J], modèles qui ne sont ni de 1970, ni de [E] [W]
condamner la société Galerie [N] [H] à payer à Monsieur [G] [B] la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral du fait de la procédure qui met en cause sa réputation
condamner la société Galerie [N] [H] à payer à Monsieur [G] [B] la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens
déclarer la société [N] [H] recevable mais mal fondée en son appel incident;
En conséquence,
confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 9 février 2023 en ce qu’il a :
déclaré la société [N] [H] irrecevable en sa demande d’annulation partielle du rapport d’expertise remis par Monsieur [T] et rejeté sa demande tendant à ce que ce rapport d’expertise et ses annexes lui soient déclarés inopposables
dit n’y avoir lieu à déclarer inopposable à la société [N] [H] les jugements rendus par le tribunal judiciaire de Paris les 28 janvier et 15 avril 2021.
débouté la société [N] [H] de sa demande de dommages intérêts
débouter la société Galerie [N] [H] de sa demande reconventionnelle infiniment subsidiaire en restitution du prix de vente des pièces « table basse n’ud central » et « paire de tabourets », et de sa demande en paiement de la somme de 20.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.
Dans ses conclusions uniques, transmises le 6 septembre 2023, la galerie [H] demande à la cour de :
Sur l’appel incident,
infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 9 février 2023 en ce qu’il a:
déclaré la société Galerie [N] [H] irrecevable en sa demande d’annulation partielle du rapport d’expertise remis par M. [T] et rejette la demande tendant à ce que ce rapport d’expertise et ses annexes lui soient déclarés inopposables ;
dit n’y avoir lieu à déclarer inopposables à la société Galerie [N] [H] les jugements rendus par le tribunal judiciaire de Paris les 28 janvier et 15 avril 2021 ;
Statuant à nouveau,
juger inopposable à la société Galerie [N] [H] le rapport d’expertise [T] et ses annexes relatives aux analyses :
les analyses retenues par l’expert à l’appui de ses conclusions n’ayant pas été réalisées par l’expert judiciaire, contrairement aux dispositions de l’article 233 du CPC et aux termes de l’ordonnance l’ayant désigné,
pour non-respect du principe du contradictoire lors de sa visite au Musée [8] et chez un collectionneur anonyme,
pour l’intervention irrégulière du sapiteur à ses opérations,
à raison de l’absence d’objectivité et d’impartialité de l’expert,
juger inopposable à la société Galerie [N] [H] le rapport d’expertise [T] et ses annexes relatives aux analyses :
juger inopposable à la société Galerie [N] [H] le jugement du 28 janvier 2021,
juger inopposable à la société Galerie [N] [H] le jugement du 15 avril 2021,
Sur l’appel principal,
Sur la contrefaçon prétendue et la garantie d’éviction,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [B] de la totalité de ses demandes,
En tous cas,
juger que Monsieur [B] ne fait pas preuve :
de ce que les objets saisis dans sa galerie ont été vendus par la société Galerie [N] [H],
de ce que les meubles vendus par la société Galerie [N] [H] et saisis aient été signés [E] [W], ou aient été attribués à celui-ci,
juger que Monsieur [B] est seul responsable de l’attribution à [E] [W] des meubles vendus,
le débouter de l’intégralité de ses prétentions,
Sur la garantie d’éviction,
juger que Monsieur [B] ne fait pas preuve :
que le trouble de droit allégué est antérieur à la vente du 26 décembre 2016,
que le trouble de droit allégué est imputable à la société Galerie [N] [H],
juger que Monsieur [B] est seul responsable de l’attribution à [E] [W] des meubles vendus le 26 décembre 2016,
le débouter de l’intégralité de ses prétentions,
Reconventionnellement,
A titre infiniment subsidiaire,
condamner Monsieur [B] à restituer à la société Galerie [N] [H] le prix de vente des pièces « table basse n’ud central » et « paire de tabourets »,
subsidiairement sur ce chef, le condamner à payer la somme de 691 812 Euros à la société Galerie [N] [H],
en tous cas, condamner Monsieur [B] aux entiers dépens et au paiement d’une somme de 20 000 Euros au titre des frais non compris dans les dépens en cause d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2024.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [G] [B] aux dépens d’appel, et vu l’article 700 du code de procédure civile, le condamne à verser à ce titre, la somme de 5 000 euros à la société Galerie [N] [H].
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
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