Cour d’appel de Paris, 11 avril 2025, RG n° 24/12537
Cour d’appel de Paris, 11 avril 2025, RG n° 24/12537

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Conflit commercial et mesures d’instruction : enjeux de preuve et de légitimité.

Résumé

La société de droit irlandais Hume Street Management Consultants Limited (HSMC) a déposé une requête le 16 juin 2023 auprès du tribunal de commerce de Paris, demandant la désignation d’un commissaire de justice pour effectuer des constatations et saisies dans divers lieux liés à la société Constellation [Localité 8] et à la société Vinci Immobilier. HSMC a expliqué qu’un investisseur et promoteur immobilier avait cédé ses parts dans le groupe Maybourne Hôtel à une société luxembourgeoise, avec un complément de prix à payer en 2022. Malgré cette cession, l’investisseur a continué à superviser les projets du groupe, y compris un projet d’hôtel à [Localité 9].

HSMC a affirmé avoir été impliquée dans le projet [Localité 9] jusqu’à la fin de 2021, date à laquelle des membres de la famille royale qatarie ont cessé de payer les sommes dues, ce qui a conduit à une rupture des relations d’affaires. HSMC soupçonnait que ces actions étaient destinées à faire pression sur l’investisseur pour qu’il renonce à ses droits financiers. La requête initiale a été rejetée le 23 juin 2023, mais après appel, le tribunal a rétracté cette décision le 28 juillet 2023, autorisant la mesure d’instruction.

Le 14 septembre 2023, la mesure a été exécutée, et des éléments ont été placés sous séquestre. Par la suite, la société Vinci Immobilier Promotion a assigné HSMC pour rétracter l’ordonnance du 28 juillet. Le 4 juillet 2024, le tribunal a rétracté cette ordonnance, condamnant HSMC à payer des frais à Vinci Immobilier. HSMC a ensuite demandé la mainlevée du séquestre, et un appel a été interjeté contre la décision du 4 juillet. Les deux parties ont continué à échanger des conclusions, chacune contestant les demandes de l’autre, jusqu’à la clôture de la procédure le 5 mars 2025.

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 8

ARRÊT DU 11 AVRIL 2025

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/12537 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CJXQV

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 04 Juillet 2024 – Président du TC de PARIS – RG n° 2024004983

APPELANTE

SOCIÉTÉ HUME STREET MANAGEMENT CONSULTANTS LIMITED – HSMC, société de droit irlandais, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34

Ayant pour avocats plaidants Mes Michaël BENDAVID et David APELBAUM de m’AARPI APBA, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉE

S.A.S. VINCI IMMOBILIER PROMOTION, RCS de Nanterre n°339788309, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Ayant pour avocat plaidant Me Fanny COLIN de la SELARL VERSINI CAMPINCHI MERVEILLE COLIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 mars 2025, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président de chambre, chargée du rapport, et Marie-Catherine GAFFINEL, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Florence LAGEMI, Président,

Marie-Catherine GAFFINEL, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire

Greffier, lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

Par requête déposée le 16 juin 2023, auprès du président du tribunal de commerce de Paris, la société de droit irlandais Hume Street Management Consultants Limited (ci-après HSMC) a sollicité la désignation d’un commissaire de justice pour procéder à des mesures de constat et saisies au siège de la société Constellation [Localité 8], dans les bureaux de chantier du projet [Localité 9], dans les bureaux parisiens de M. [U] [I] [T] [K] et sur ‘le lieu où les personnes concernées de Vinci Immobilier paraissent exercer leur activité, en l’occurrence, un immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 5] ainsi qu’en tout autre lieu où l’exécution de la mission révélerait qu’il est nécessaire de se rendre’.

A l’appui de sa requête, elle exposait que M. [L], qui exerce une activité d’investisseur et de promoteur immobilier, notamment, dans le secteur de l’hôtellerie et dispose d’une expertise dans les projets hôteliers de très haut de gamme, a cédé, en 2015, les parts qu’il détenait dans le groupe Maybourne Hôtel à la société de droit luxembourgeois Séléné dont M. [U] [I] [T] [K], membre de la famille royale qatarie, est le bénéficiaire économique, en contrepartie d’un paiement initial et d’un complément de prix indexé sur l’augmentation de la valeur du groupe Maybourne Hôtel et payable au plus tard en avril 2022.

Elle précisait qu’il avait été convenu que M. [L] continuerait de superviser et développer les établissements du groupe Maybourne Hôtel après la cession de sa participation dans ce groupe ; que plusieurs contrats de prestations de service ont été conclus par M. [L] à titre personnel, puis par sa société (HSMC) avec des sociétés du groupe Maybourne Hôtel ; qu’en 2018, des membres de la famille royale qatarie l’ont ainsi sollicitée, à travers différentes sociétés, pour des projets relatifs à deux hôtels respectivement situés sur la Côte d’Azur et à Los Angeles sans que des contrats ne soient initialement signés et ce, en raison du lien de confiance s’étant tissé entre les parties et de l’ancienneté de leur relation commerciale ; qu’elle a encore été amenée à superviser un nouveau projet portant sur la création d’un hôtel dans un bâtiment qui n’avait jamais été utilisé à cet usage puisqu’il était le siège historique du ministère français des armées, le projet [Localité 9], à [Localité 8] ; que cet immeuble a donc été acquis en 2019 par la société Constellation [Localité 8], filiale du groupe Constellation ; que la société Vinci Immobilier Promotion a assuré la promotion immobilière du projet.

Elle soutenait avoir été activement impliqué dans le projet [Localité 9] en ayant endossé le rôle d’assistant à maître d’ouvrage pour l’ensemble des sujets relatifs au déploiement de ce projet y compris en ce qui concerne ses aspects financiers et administratifs et ce jusqu’au second semestre 2021, date à laquelle des membres de la famille royale qatarie ont commencé à prendre des mesures qui ont conduit à la cessation brutale des relations d’affaires et à l’arrêt des paiements des sommes dues au titre des différents projets y compris le projet [Localité 9], en violation des accords et usages convenus entre les parties. Elle soupçonnait ces agissements de relever d’une stratégie concertée destinée à faire pression sur M. [L] afin de le contraindre à renoncer à sa demande de complément de prix dû au titre de la cession de sa participation dans le groupe Maybourne Hôtel.

Par ordonnance du 23 juin 2023, cette requête a été rejetée. Puis, sur appel de la société HSMC, le président du tribunal de commerce de Paris a, par ordonnance du 28 juillet 2023, rétracté l’ordonnance susvisée et désigné la société Asperti-Duhamel avec mission de se rendre au siège social de la société Constellation [Localité 8], dans les bureaux de cette société et de la société Vinci Immobilier sur le chantier ainsi qu’à l’adresse de cette dernière société, [Adresse 3] à [Localité 5] afin de procéder à une mesure d’instruction destinée à améliorer la situation probatoire de la requérante en vue d’un futur procès n’apparaissant pas manifestement voué à l’échec.

La mesure d’instruction a été exécutée le 14 septembre 2023 au siège de la société Vinci Immobilier Promotion et les éléments recueillis placés sous séquestre du commissaire de justice commis à cet effet.

Par acte du 12 octobre 2023, la société Vinci Immobilier Promotion a fait assigner la société HSMC devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins, notamment de rétractation de l’ordonnance rendue sur requête le 28 juillet 2023.

Par ordonnance contradictoire du 4 juillet 2024, le premier juge a :

rétracté l’ordonnance du 28 juillet 2023 ;

ordonné le maintien du séquestre jusqu’à la décision de la cour d’appel de Paris, en cas de recours devant celle-ci ;

condamné la société de droit irlandais Hume Street Management Consultants Limited à payer à la société Vinci Immobilier Promotion la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

rejeté le surplus des demandes ;

condamné la société Hume Street Management Consultants Limited aux dépens de l’instance.

Parallèlement à cette instance, la société HSMC a, par acte du 24 janvier 2024, assigné la société Vinci Immobilier Promotion en mainlevée du séquestre. Par ordonnance du 23 avril 2024, le président du tribunal de commerce de Paris a organisé la procédure de tri.

Par déclaration du 9 juillet 2024, la société HSMC a relevé appel de l’ordonnance du 4 juillet 2024 en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 18 février 2025, la société HSMC demande à la cour de :

infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rétracté l’ordonnance sur requête du 28 juillet 2023, prononcé sa condamnation au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et rejeté ses demandes ;

débouter la société Vinci Immobilier Promotion de l’ensemble de ses demandes ;

condamner la société Vinci Immobilier Promotion à lui verser la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Vinci Immobilier Promotion aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 13 janvier 2025, la société Vinci Immobilier Promotion demande à la cour de :

ordonner la suppression du passage suivant des conclusions produites devant la cour par la société HSMC : ‘Contrairement aux énonciation non motivées de l’ordonnance, il existe un lien tout à fait clair entre ces procédures pénales et la présente affaire : manifestement, l’influence de la famille royale qatarie sur le groupe Vinci est telle que celui-ci n’hésite pas à participer à ses projets les plus risqués et les moins éthiques, au point de se retrouver mis en examen pour des faits graves.’ ;

condamner HSMC à des dommages-intérêts à hauteur de 10.000 euros ;

confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rétracté l’ordonnance du 28 juillet 2023 ;

Y ajoutant,

débouter la société HSMC de l’ensemble de ses demandes ;

la condamner au paiement de la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de la présente procédure.

La clôture de la procédure a été prononcée le 5 mars 2025.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu’aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejette les demandes de la société Vinci Immobilier Promotion tendant à la suppression d’un passage considéré diffamatoire des conclusions de la société Hume Street Management Consultants Limited et au paiement de dommages et intérêts ;

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Condamne la société Hume Street Management Consultants Limited aux dépens d’appel et à payer à la société Vinci Immobilier Promotion la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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