Cour d’appel de Paris, 11 avril 2025, RG n° 20/04685
Cour d’appel de Paris, 11 avril 2025, RG n° 20/04685

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Allocation de logement : évaluation des ressources et régularité des décisions.

Résumé

La caisse d’allocations familiales (CAF) a notifié à une bénéficiaire qu’elle n’avait plus droit à des prestations mensuelles en raison d’une modification de ses ressources, à compter du 1er janvier 2016. En réponse, la bénéficiaire a saisi la commission de recours amiable pour contester cette décision. La CAF a ensuite mis fin au versement du revenu de solidarité active (RSA) et a refusé l’allocation logement, ce qui a conduit la bénéficiaire à contester ces décisions à plusieurs reprises.

Après un recalcul de ses droits, la CAF a initialement informé la bénéficiaire qu’elle devait percevoir une somme pour le mois de février 2016, avant de demander le remboursement d’un montant indûment perçu. La commission de recours amiable a rejeté son recours, considérant que ses ressources dépassaient le plafond d’attribution. La bénéficiaire a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, qui s’est déclaré incompétent, renvoyant l’affaire à la juridiction administrative.

Le tribunal administratif a statué sur le RSA, mais a saisi le tribunal des conflits concernant l’allocation logement. Ce dernier a désigné la juridiction judiciaire pour statuer sur ce litige. La bénéficiaire a alors saisi le tribunal de grande instance, qui a déclaré son action recevable mais mal fondée, la déboutant de sa demande d’allocation logement et lui imposant de rembourser une somme à la CAF.

En appel, la bénéficiaire a demandé la confirmation de la recevabilité de son action, l’infirmation du jugement sur le fond, et la reconnaissance de ses droits à l’allocation logement. La CAF a soutenu que l’appel était sans objet, ayant déjà régularisé la situation. La cour a confirmé la recevabilité de l’appel, a infirmé le jugement sur certains points, et a reconnu que la bénéficiaire avait droit à l’allocation logement à partir du 1er janvier 2016, tout en déboutant ses demandes de dommages-intérêts et d’annulation de la décision de la commission de recours amiable.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 11 Avril 2025

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/04685 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCD2S

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Juin 2020 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/02961

APPELANTE

Madame [D] [P]

[Adresse 1] [Localité 4]

non comparante, non représentée, ayant pour conseil Me Myram ABDALLAH, avocat au barreau de Seine Saint Denis .(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/026232 du 01/10/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

CAF DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Mme [R] [J] en vertu d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Février 2025, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Sophie COUPET, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M.Raoul CARBONARO, présidentde chambre

M Gilles REVELLES, conseiller

Mme. Sophie COUPET, conseillère

Greffier : Madame Agnès IKLOUFI, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par M. Raoul CARBONARO, président de chambre et par Madame Fatma DEVECI, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par Mme [D] [P] d’un jugement rendu le 15 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny dans un litige l’opposant à la caisse d’allocations familiales de Seine Saint Denis (la CAF).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que, par courrier du 23 février 2016, la CAF a notifié à Mme [P] qu’elle n’avait plus droit à aucune prestation mensuelle, du fait de la modification de ses ressources, à compter du 1er janvier 2016.

Par courrier du 31 mars 2016, Mme [P] a saisi la commission de recours amiable pour solliciter un nouvel examen de sa situation.

Par courrier du 29 avril 2016, la CAF a notifié à Mme [P] qu’elle mettait fin au versement du RSA, compte tenu du changement de ses ressources. Par courrier du 10 mai 2016, la CAF a informé Mme [P] qu’elle n’ouvrait pas droit à l’allocation logement.

Par courrier du 19 mai 2016, Mme [P] a saisi à nouveau la commission de recours amiable, afin de contester les décisions de la caisse de suppression du RSA et de l’allocation logement.

Par courrier du 27 mai 2016, la CAF a informé Mme [P] qu’elle avait recalculé ses droits pour le mois de février 2016 en matière de RSA et d’allocation de logement et qu’elle devait percevoir la somme de 1502,13 euros. Par courrier du 30 mai 2016, la CAF est revenue sur la décision du 27 mai 2016 et lui a demandé de restituer la somme de 1811,13 euros, indûment perçue pour le mois de février 2016.

Par décision du 25 octobre 2016, la commission de recours amiable a rejeté le recours de Mme [P], en considérant que ses ressources étant supérieures au plafond d’attribution. Pour évaluer ses ressources en 2014, année de référence pour l’attribution de l’allocation de logement sociale en 2016, elle a procédé par évaluation forfaitaire selon la législation applicable aux non-salariés (article R. 532-8 du code de la sécurité sociale).

A la suite de la saisine par Mme [P] du tribunal des affaires de sécurité sociale de Seine-Saint-Denis, ce dernier, par décision du 12 octobre 2017, s’est déclaré incompétent pour statuer sur le litige au profit de la juridiction administrative.

Par jugement du 17 juin 2019, le tribunal administratif de Montreuil a statué sur le litige relatif à l’attribution du RSA, mais a saisi le tribunal des conflits sur la question de la compétence relative à l’allocation logement.

Par décision du 26 juillet 2019, le tribunal des conflits a désigné la juridiction judiciaire pour statuer sur le litige opposant Mme [P] à la Caf sur la question de l’allocation de logement sociale et a déclaré nul le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny en date du 12 octobre 2017.

Par requête reçue au greffe le 2 octobre 2019, Mme [P] a saisi le tribunal de grande instance de Bobigny, afin qu’il statue sur sa contestation relative à l’allocation logement sociale.

Par jugement du 15 juin 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

– Déclaré recevable l’action de Mme [P] ;

– Dit cette action mal fondée ;

– Débouté Mme [P] de sa demande d’attribution de l’allocation logement

sociale déposée le 23 mars 2016 ;

– Débouté Mme [P] de sa demande de dommages-intérêts à l’encontre de la CAF;

– Fait droit à la demande reconventionnelle de la CAF ;

– Condamné Mme [P] à verser à la CAF la somme de 423,78 euros au titre de l’indu d’allocation logement de mars à mai 2016 ;

– Condamné Mme [P] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a indiqué que, pour l’attribution de l’allocation logement, il convenait de tenir compte de la situation financière de l’intéressée au cours de l’année N-2, c’est-à-dire au cours de l’année 2014. Après avoir relevé que Mme [P] ne produisait aucun élément pour justifier de sa situation financière sur l’année 2014, il a retenu l’analyse de la caisse, qui a fait une juste application de l’article R. 532-8 du code de la sécurité sociale en considérant que Mme [P], alors âgée de plus de 25 ans, était travailleur indépendant avec des ressources déclarées de 0 euro.

Le jugement a été notifié le 25 juin 2020 à Mme [P], qui en a interjeté appel par déclaration du 16 juillet 2020.

L’affaire a été examinée à l’audience de la cour d’appel du 11 février 2025.

A cette audience, Mme [P], représentée par son conseil dispensé de comparution, a demandé à la cour, aux termes de ses conclusions remises au greffe le 6 novembre 2023, de :

– Confirmer le jugement rendu le 15 juin 2020 en ce qu’il a déclaré Mme [P] recevable en son action ;

– Infirmer le jugement rendu le 15 juin 2020 pour le surplus ;

– Annuler la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable en date du 25 octobre 2016 et notifiée le 3 décembre 2016 à Mme [P] ;

– Dire que la CAF doit tenir compte des déclarations de ressources réelles de Mme [P] dans le calcul de ses droits au titre de l’allocation de logement sociale ;

– Dire et juger que la situation financière de Mme [P] pour l’année 2016 ne dépassait pas le plafond des ressources fixé par les textes pour l’attribution de l’allocation de logement sociale ;

– Dire et juger que la suppression des droits à l’allocation de logement sociale à compter du 1er janvier 2016 par la CAF est irrégulière ;

En conséquence,

– Condamner la CAF à verser un décompte rectifié des droits de Mme [P] au titre de l’allocation de logement sociale pour la période du 1er janvier 2016 jusqu’au jour de la décision à venir ;

– Condamner la CAF à verser à Mme [P] un rappel au titre de l’allocation de logement sociale pour la période du 1er janvier 2016 jusqu’au jour de la décision à venir ;

– Condamner la CAF à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts,

– Débouter la CAF de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– Condamner la CAF à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens dont distraction au profit de maître Abdallah, avocat.

En défense, la CAF, représentée par son mandataire, a repris oralement ses conclusions visées par le greffe, pour demander à la cour de :

– Dire que l’appel est sans objet ;

– Débouter Mme [P] de ses demandes complémentaires.

A l’issue de l’audience, les parties ont été informées que la décision serait mise à disposition le 11 avril 2025.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR ,

DÉCLARE recevable l’appel formé par Mme [P] ;

CONFIRME le jugement rendu le 15 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny sous le RG 19/2961 en ce qu’il a :

– Déclaré recevable l’action de Mme [P] ;

– Débouté Mme [P] de sa demande de dommages-intérêts à l’encontre de la CAF ;

INFIRME à l’égard du jugement rendu le 15 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu’il a :

– Dit l’action de Mme [P] mal fondée ;

– Débouté Mme [P] de sa demande d’attribution de l’allocation logement sociale déposée le 23 mars 2016 ;

– Fait droit à la demande reconventionnelle de la CAF ;

– Condamné Mme [P] à verser à la caf la somme de 423,78 euros au titre de l’indu d’allocation logement de mars à mai 2016 ;

– Condamné Mme [P] aux dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que Mme [P] ouvrait droit à l’allocation de logement sociale à compter du 1er janvier 2016 ;

CONSTATE que, par suite de la régularisation opérée par la CAF, Mme [P] est remplie de ses droits en termes d’allocation de logement sociale du 1er janvier 2016 au 15 juin 2020 ;

DÉBOUTE Mme [P] de ses demandes tendant à condamner à la CAF à verser un décompte rectifié des droits de Mme [P] au titre de l’allocation de logement sociale pour la période du 1er janvier 2016 jusqu’au jour de la décision à venir et à verser à Mme [P] un rappel au titre de l’allocation de logement sociale pour la période du 1er janvier 2016 jusqu’au jour de la décision à venir ;

DÉBOUTE Mme [P] de sa demande tendant à voir annuler la décision de la commission de recours amiable en date du 25 octobre 2016 ;

DÉBOUTE Mme [P] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chacune des parties supportera la charge des dépens par elle exposés ;

DIT que les dépens seront recouvrés conformément à la législation sur l’aide juridictionnelle.

La greffière Le président

 


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