Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Résolution contractuelle et force majeure : enjeux de la livraison en période de crise sanitaire.
→ RésuméLa société Poltronesofa France a commercialisé un canapé sur mesure pour un client, qui a passé commande le 21 janvier 2020. Après un premier acompte de 1 500 euros, le client a demandé des modifications à sa commande, puis a finalement décidé de maintenir son choix initial. En raison de la crise du COVID-19, la société a informé le client le 19 mars 2020 qu’elle ne pourrait pas livrer le canapé dans les délais prévus, invoquant un cas de force majeure. Le client a réglé le solde de la commande le 12 mai 2020, mais a ensuite mis en demeure la société de livrer le canapé, arguant que le délai de livraison contractuel n’avait pas été respecté.
Le 2 juin 2020, le client a dénoncé le contrat et demandé un remboursement, ce qui a été refusé par la société. Un jugement du tribunal judiciaire de Paris a constaté la résolution du contrat par le client, ordonné la restitution du prix de vente, mais a également condamné le client à verser des dommages et intérêts à la société. Le client a interjeté appel, contestant la décision et soutenant que la société n’avait pas tenté de livrer le canapé dans le délai légal. La cour a observé que la société avait respecté les délais contractuels jusqu’à l’interruption due à la pandémie. Elle a noté que le client avait résilié le contrat avant la date limite permise par la législation en vigueur, ce qui a été considéré comme une mauvaise foi. La cour a confirmé le jugement initial, déboutant le client de toutes ses demandes et le condamnant aux dépens. |
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 10 AVRIL 2025
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/06375 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHNF6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 février 2023 – Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° 22/00231
APPELANT
Monsieur [E] [V]
né le 2 août 1982 à [Localité 5] (81)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Dikpeu-Eric BALE de la SELARL BALE KOUDOYOR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1635
INTIMÉE
La société POLTRONESOFA FRANCE; société par actions simplifiée prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 422 036 905 01127
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée et assistée de Me Pascal WINTER de la SELARL CABINET MONTMARTRE, avocat au barreau de PARIS, toque : J009
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 février 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Hélène BUSSIERE, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Poltronesofa France commercialise des canapés fabriqués sur mesure en fonction des choix effectués par le client en boutique.
Le 21 janvier 2020 M. [E] [V] a passé commande d’un canapé « Bogliasco, bâtard en une place longue tissu Dim » de la marque Poltronesofa France auprès du magasin du [Adresse 6] à [Localité 8] au prix de 2 295 euros et a procédé au paiement d’un premier acompte de 1 500 euros.
Par courriel du 15 février 2020, la société Poltronesofa France a sollicité de M. [V] le paiement du solde du prix du canapé en vue de sa livraison.
Par courriel du 20 février 2020, M. [V] a sollicité la modification de sa commande initiale, pour un modèle de plus petite taille, et la société Poltronesofa France l’a informé que la demande était transmise au service commercial mais que si elle était acceptée, il n’y aurait pas remboursement de la différence si le prix était moins élevé et le 25 février M. [V] s’est ravisé et est revenu au produit initialement commandé, expliquant qu’il ne pouvait accepter de ne pas être remboursé de la différence pour la livraison d’un canapé plus petit et qu’il assumerait les conséquences de son choix initial en revoyant l’aménagement de son nouvel appartement ou dans le pire des cas en revendant son canapé.
Le 14 mars 2020, la société Poltronesofa France a annoncé que la fabrication du canapé était en cours, a réclamé le paiement du solde et indiqué qu’il allait être prochainement livré puis le 19 mars 2020, elle a écrit à M. [V] qu’à la suite de 1a crise du COVID-19, qualifiée de cas de force majeure, elle avait dû bloquer la production et fermer ses magasins, que les transporteurs avaient dû arrêter leur activité et qu’elle ne serait pas en mesure de procéder à ses livraisons dans les délais envisagés.
Le 12 mai 2020, M. [V] a réglé le solde de la commande.
Par courriel du 26 mai 2020, la société Poltronesofa France a informé son client de la reprise des livraisons et a indiqué que sa commande partirait d’Italie le 9 juin 2020 pour être livrée dans les 10 jours suivants.
Le 18 mai 2020, M. [V] a envoyé à société Poltronesofa France une lettre recommandée indiquant que selon les indications du bon de commande il devait être livré sous 9 semaines soit en comprenant le délai de confinement le 19 mai 2020 et que le 18 mai, il n’avait toujours pas été livré et a mis en demeure société Poltronesofa France d’avoir à procéder à la livraison du canapé sous 10 jours conformément aux dispositions de l’article L. 216-2 du code de la consommation.
Le 2 juin 2020 il a envoyé une nouvelle lettre recommandée à société Poltronesofa France indiquant que le délai de 10 jours étant dépassé, il dénonçait le contrat, demandait l’annulation de sa commande et le remboursement de la somme versée sous 14 jours à réception de la lettre.
Le 11 juin 2020, la société Poltronesofa France a accusé réception du courrier du 2 juin, indiqué qu’elle ne pouvait donner suite à la demande d’annulation et annoncé une livraison autour du 20 juillet 2020 ce que M. [V] a refusé par mail du 29 juin 2020 rappelant sa résolution du contrat.
Le 30 juin 2020, la société Poltronesofa France a, par courrier, relevé que la date de livraison n’avait pas été validée.
Une médiation a été tentée et a échoué.
Par acte en date du 6 octobre 2021, M. [V] a fait assigner la société Poltronesofa France devant le tribunal judiciaire de Paris en remboursement du prix du canapé et paiement des sommes de 3’000 euros à titre de dommages et intérêts et une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile lequel, par jugement contradictoire du 22 février 2023, a :
– constaté la résolution par M. [V] du contrat de vente conclu avec la société Poltronesofa France 1e 21 janvier 2020,
– ordonné la restitution du prix de vente verse par M. [V] soit la somme dc 2 295,00 euros,
– condamné M. [V] à verser la somme de 2 295 euros à titre de dommages et intérêts à la société Poltronesofa France,
– ordonné la compensation entre ces deux sommes en application de l’article 1347-1 du code civil,
– débouté les parties de leurs autres et plus amples demandes,
– condamne M. [V] à verser à la société Poltronesofa France la somme de 1 500 euros en application de1’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [V] aux dépens,
– rappelé que la décision était assortie de plein droit de l’exécution provisoire.
Il a relevé que M. [V] avait commandé le canapé le 21 janvier 2020, que le bon de commande annonçait une livraison dans un délai de neuf semaines soit une livraison au 24 mars 2020 mais qu’entre-temps, la pandémie du COVID-19 était intervenue entraînant la période de confinement et l’édiction de prorogation de délais par ordonnance du 25 mars 2020, concernant les délais arrivant à échéance entre le 12 mars et le 23 juin 2020 et que même si cette ordonnance ne pouvait être invoquée formellement, cette disposition légale montrait toutefois que la situation sanitaire avait été considérée comme une période particulière justifiant la mise en place d’une période juridiquement protégée entre le 12 mars et le 23 juin 2020 et que la société Poltronesofa France justifiait d’un cas de force majeure l’ayant privée de la possibilité d’honorer ses délais de livraison compte tenu de l’arrêt de son activité pendant plusieurs semaines et que M. [V] avait donc procédé à l’annulation de sa commande à ses risques et périls par courrier du 2 juin 2020 et ne pouvait invoquer les dispositions de l’article L. 216-2 du code de la consommation dès lors qu’il n’établissait pas de manquement de la société Poltronesofa France le retard n’étant pas de son fait.
Il a estimé que la résolution avait été abusive et a condamné M. [V] à payer à la société Poltronesofa France des dommages et intérêts d’un montant équivalent à la restitution du prix de vente du fait de la résolution. Il a également condamné M. [V] au paiement des dépens et d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration effectuée par voie électronique du 31 mars 2023, M. [V] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions du 15 juin 2023, M. [V] demande à la cour :
– de le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes, et y faisant droit,
– d’infirmer partiellement le jugement du 22 février 2023 en ce qu’il l’a condamné à payer une somme de 2 295 euros à titre de dommages et intérêts à la société Poltronesofa France, a ordonné la compensation, débouté les parties de leurs autres et plus amples demandes et l’a condamné aux dépens et au paiement d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau et y ajoutant,
– de débouter la société Poltronesofa France de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– de condamner la société Poltronesofa France à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
– de condamner la société Poltronesofa France à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance,
– de condamner la société Poltronesofa France à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Maître Bale, qui en fait la demande, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
Il soutient qu’en vertu de l’article 5 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, la résiliation du contrat ne pouvait intervenir que le 11 août 2020 et qu’entre le 11 juin 2020 et le 11 août 2020, société Poltronesofa France ne justifie ni avoir tenté ou même procédé à la livraison du canapé et qu’il aurait refusé d’en prendre possession ou de l’avoir mis en demeure de prendre possession du canapé litigieux et qu’il n’y aurait donné aucune suite et que de surcroît la société Poltronesofa France est toujours en possession du canapé litigieux.
Il en déduit que la société Poltronesofa France n’a pas subi de préjudice et s’est enrichie à son détriment.
Il estime n’avoir commis aucune faute dès lors que la preuve n’a pas été rapportée par la société Poltronesofa France d’avoir tenté de livrer le canapé litigieux ou même sommé celui-ci de venir le récupérer dans son magasin entre le 11 juin 2020 et le 11 août 2020.
Il conteste que toute force majeure ait pu être caractérisée puisque les dispositions de l’ordonnance du 25 mars 2020 n’ont eu pour effet que de faire reporter les délais de livraison et que la société Poltronesofa France était donc tenue de procéder à la livraison qui n’a été que temporairement suspendue.
Il conteste toute compensation dès lors qu’il n’est en rien redevable de sommes envers la société Poltronesofa France.
Il fait état d’un préjudice moral ayant réglé en pure perte le prix du canapé et soutient que la société Poltronesofa France ne démontre pas qu’il ait été confectionné. Il ajoute avoir dû accomplir de nombreuses démarches.
En réponse aux écritures de la société Poltronesofa France, il conteste avoir déménagé et que ceci aurait de fait été la véritable cause de son annulation. Il indique avoir signé le bail de son appartement à [Localité 7] le 5 janvier 2020 et avoir acheté son canapé auprès de la société Poltronesofa France spécialement pour ce logement pendant la période des soldes, le 21 janvier 2020, avoir attendu avec impatience son canapé puisqu’il n’en avait pas et qu’il n’en a pas eu pendant plus de 5 mois, dont 8 semaines de strict confinement dans son appartement.
Il conteste devoir tout frais de stockage dès lors que la société Poltronesofa France ne démontre pas avoir tenté de lui livrer le canapé.
Il souligne les frais irrépétibles auxquels il a dû faire face.
Par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 24 septembre 2024, M. [V] a déclaré les conclusions de la société Poltronesofa France irrecevables et cette décision a été confirmée par la cour le 6 février 2025.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2025 et l’affaire a été appelée à l’audience du 18 février 2025.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Statuant dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Déboute M. [E] [V] de toutes ses demandes ;
Condamne M. [E] [V] aux dépens.
La greffière La présidente
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