Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Nouméa
Thématique : Saisies et créances : enjeux de la procédure en Nouvelle-Calédonie.
→ RésuméUn importateur et restaurateur de véhicules anciens a été engagé par un client pour restaurer une BMW 3.0, avec un coût total de 11 234 102 Fcfp, dont 7 550 433 Fcfp destinés à l’achat de pièces aux États-Unis. Le client a réglé cette somme, mais lorsque des demandes de justificatifs ont été faites, le restaurateur a prétendu avoir été cambriolé et n’a pas fourni les preuves de la commande. En fin mars 2022, le client, accompagné d’autres clients dans une situation similaire, a découvert que le restaurateur n’avait pas passé la commande et ne pouvait pas restituer les fonds. Ce dernier a proposé de remettre quatre véhicules en gage.
Le client a déposé une plainte pour abus de confiance, tandis que le restaurateur a contre-attaqué avec une plainte pour extorsion. Les enquêteurs ont permis au client de conserver les véhicules. En mai 2022, un tribunal a autorisé le client à saisir les véhicules en question. Cependant, le restaurateur a contesté cette décision par une demande de rétractation, arguant que la saisie avait été obtenue sous contrainte et que les conditions légales n’étaient pas remplies. Le client a répondu que la question de la contrainte relevait du fond et que le restaurateur n’avait pas prouvé son innocence. En décembre 2022, le tribunal a rétracté l’ordonnance de saisie, mais a débouté le restaurateur de sa demande de dommages et intérêts. En janvier 2023, le client a fait appel de cette décision, mais l’affaire a été radiée pour non-dépôt de mémoire. Lors de la réouverture des débats, le tribunal a finalement statué en faveur du client, confirmant l’existence d’un principe certain de créance et ordonnant le déboutement du restaurateur de sa demande de rétractation, tout en lui imposant des dépens. |
N° de minute : 2025/57
COUR D’APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 31 mars 2025
Chambre Civile
N° RG 23/00074 – N° Portalis DBWF-V-B7H-TW4
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 09 Décembre 2022 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :22/465)
Saisine de la cour : 10 Mars 2023
APPELANT
M. [B] [V]
né le 18 Avril 1963 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 1] – [Localité 4]
Représenté par Me Philippe GILLARDIN de la SARL GILLARDIN AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ
M. [W] [I]
né le 16 Juillet 1974 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 3] – [Localité 4]
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 28 Novembre 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
M. François GENICON, Président de chambre, président,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS.
31/03/2025 : Copie revêtue de la formule exécutoire – Me GILLARDIN ;
Expéditions – M. [I] (LS) ;
– Copie CA ; Copie
Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO
ARRÊT :
– contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour le 27/02/2025 date à laquelle le délibéré a été prorogé au 31/03/2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
– signé par M. François GENICON, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
***************************************
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
M. [W] [I] exerce une activité d’importation et restauration de véhicules anciens.
En début d’année 2022, M. [B] [V] s’est rapproché de lui et lui a confié la restauration d’un véhicule ancien BMW 3.0 immatriculé [Immatriculation 2], moyennant le prix global de 11 234 102 Fcfp comprenant la commande de pièces aux USA pour un montant de 7 550 433 Fcfp. M. [B] [V] réglait cette dernière somme immédiatement. M.[W] [I] confirmait par mail dès le 09/03/2022 qu’il avait passé la commande.
Le 28 mars, M. [B] [V] demandait copie de la commande et justificatif du virement au fournisseur américain. M. [W] [I] indiquera avoir été cambriolé et restera taisant postérieurement.
Fin mars 2022, M. [B] [V] et d’autres clients abusés comme lui, se rendront au garage de M. [W] [I]. Celui-ci, avouera n’avoir pas passé la commande et être dans l’impossibilité de lui restituer les fonds ; il acceptera de lui remettre, à titre de gage, 4 véhicules lui appartenant, lesquels seront entreposés chez M. [V].
Le 02/04/2022, ce dernier déposait plainte pour abus de confiance, ayant eu confirmation par d’autres clients des détournements de fonds.
M.[W] [I] déposait plainte à son tour pour extorsion de fonds et vols. Néanmoins, les services d’enquête autorisaient M. [B] [V] à conserver les véhicules à son domicile.
Par ordonnance sur requête rendue à l’initiative du créancier le 04 mai 2022, le président du tribunal de première instance de Nouméa, a autorisé M. [B] [V]à faire saisir arrêter entre ses propres mains les 4 véhicules appartenant à M. [W] [I] et remis à titre de gage.
Par assignation en date du 14/09/2022, M. [W] [I] a saisi le juge des référés d’une demande de rétractation .
Il faisait valoir d’une part que M. [B] [V] a opéré un détournement de procédure afin de régulariser la remise par M. [W] [I] de ses véhicules sous la contrainte en l’absence d’autorisation valablement donnée pour gager les dits biens eu égard à la pression exercée ; d’autre part, il soutient que l’article 558 visé par M. [V] pour obtenir une saisie arrêt n’a pas été étendu par la délibération du 04/04/1967 qui a rendu applicables sur le territoire les articles 48 à 57, 417, 557, 559 564 et suivants du code de procédure civile ancien et qu’au surplus la mise en oeuvre de l’article 557 exigeait une procédure contradictoire et non le recours à l’ordonnance sur requête ; qu’enfin la caractérisation des conditions d’urgence et de péril ne sont pas rapportées de sorte que même la saisie conservatoire de l’article 48 ne pourrait être prononcée.
M. [V] répondait que tout exposé sur les conditions de la remise du gage relève du juge du fond et non du juge de la rétractation alors au demeurant qu’il n’est pas démontré la contrainte exercée sur M. [W] [I] lequel a remis volontairement les véhicules ; que ce dernier ne répond pas à la seule question qui intéresse l’instance qui est de savoir s’il existe un principe certain de créance; qu’en l’espèce tel est le cas, M. [W] [I] n’ayant jamais passé commande des pièces ou restitué les fonds versés à cet effet ; qu’en réalité M. [W] [I] est insolvable il ne remboursera jamais l’acompte reçu et il est dans l’impossibilité d’exécuter le contrat ; que par ailleurs, il s’avère qu’un des véhicules saisis, le camion IVECO fait partie de l’actif d’une société AMGP actuellement en liquidation judiciaire et dont M. [W] [I] était le gérant ; que celui-ci a dissimulé cet actif lequel a été repris par le mandataire liquidateur;
M. [B] [V]concluait qu’il détenait bien un principe de créance certain à la date de la requête en saisie justifiant celle-ci.
Par ordonnance rendue le 09/12/2022, le président du tribunal de première instance de Nouméa statuant en référé a :
– rétracté l’ordonnance sur requête n°22/402 datée du 04/05/2022 ayant autorisé M. [B] [V] à faire saisir arrêter entre ses propres mains les véhicules appartenant à M. [W] [I],
– débouté M. [W] [I] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive
– condamné M. [B] [V] aux dépens.
Pour se déterminer ainsi le juge a considéré qu’il ressortait de la délibération que seuls les articles 557 et 559 de l’ancien code de procédure civile avaient été étendus à la Nouvelle Calédonie à l’exception de l’article 558 relatif à la saisie arrêt.
PROCÉDURE D’APPEL
Par requête du 16/01/2023, M. [B] [V] a déclaré faire appel de la décision à lui signifiée le 06/01/2023. Faute de dépôt du mémoire dans le délai imparti, l’affaire a été radiée par ordonnance du juge de la mise en état.
L’affaire a été remise au rôle et dans son mémoire ampliatif déposé le 07/12/2023, M. [B] [V] demande à la cour d’infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau, de débouter M. [W] [I] de sa demande de rétractation de l’ordonnance sur requête portant autorisation de saisir arrêter et de condamner l’intimé à lui payer la somme de 200 000 Fcfp sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir sur la forme que le code civil ancien a été intégré dès l’origine dans le code de procédure civile de Nouvelle Calédonie et que la délibération du 04/04/1967 ne concerne pas l’applicabilité des articles relatifs à la saisie arrêt mais seulement leur rédaction issue de la loi du 12/11/1959 qui n’a modifié que les articles 557 et 559 sans abroger l’article 558.
Sur le fond , il estime qu’il n’a qu’à démontrer l’existence d’un principe certain de créance, les conditions d’urgence ou de péril dans le recouvrement exigées à l’article 48 relatif à la saisie conservatoire n’étant pas exigées par les dispositions des articles 557 et suivants du code de procédure civile relatifs à la saisie des meubles corporels.
A l’audience du 27/11/2023, M.[I] n’a pas comparu et n’a pas constitué avocat.
Par arrêt du 29 avril 2024, la cour a ordonné la réouverture des débats afin que la requête d’appel soit signifiée à l’intimé. La requête et le mémoire ont été portés à la connaissance de M. [W] [I] par acte d’huissier du 14/06/2024 remis à sa personne.
A l’audience de plaidoirie du 28/11/2024, M.[I] n’a pas comparu et n’a pas constitué avocat.
Vu l’ordonnance de fixation
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire
-Infirme l’ordonnance de référé rendue le 09/12/2022 par le président du tribunal de première instance Nouméa ayant rétractée l’ordonnance sur requête n°22/402 datée du 04/05/2022 .
Statuant à nouveau,
– Déboute M. [W] [I] de sa demande en rétractation
– Condamne M. [W] [I] à payer à M. [B] [V] la somme de 150 000 Fcfp sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– Condamne M. [W] [I] aux dépens d’appel et de 1ère instance
Le greffier, Le président.
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