Type de juridiction : Cour d’appel.
Juridiction : Cour d’appel de Nîmes
Thématique : Rétention administrative et prolongation contestée.
→ RésuméUn individu de nationalité palestinienne, né en décembre 2005, a reçu le 1er avril 2025 un arrêté préfectoral lui imposant l’obligation de quitter le territoire français, assorti d’une interdiction de retour de trois ans. Ce même jour, il a été placé en rétention administrative après avoir été interpellé pour usage de produits stupéfiants. Le 4 avril 2025, le Préfet des Alpes-Maritimes a saisi le tribunal judiciaire de Nîmes pour demander la prolongation de cette mesure de rétention.
Le 5 avril 2025, le magistrat a déclaré la requête recevable, rejeté les exceptions de nullité et ordonné le maintien en rétention pour une durée maximale de 26 jours. L’individu a interjeté appel de cette ordonnance le 7 avril 2025, contestant le manque de diligences de l’administration dans la mise en œuvre de son éloignement. Lors de l’audience, l’individu a affirmé être sans documents d’identité et a exprimé son souhait d’être éloigné vers son pays d’origine. Son avocat a soutenu que le placement en rétention était injustifié, arguant qu’il n’existait aucune perspective d’éloignement vers la Palestine et que son comportement ne constituait pas une menace pour l’ordre public. Le Préfet, par l’intermédiaire de son représentant, a demandé la confirmation de l’ordonnance, soulignant que l’individu avait plusieurs identités connues et ne présentait aucune garantie de représentation. La cour a noté qu’elle n’était saisie que d’une requête en prolongation de la rétention et non d’une contestation de l’arrêté de placement. Elle a confirmé la décision du magistrat, considérant que l’individu ne disposait d’aucun document d’identité et qu’il était nécessaire de l’identifier avant de procéder à son éloignement. La prolongation de la rétention a été jugée justifiée pour permettre l’exécution de la mesure d’éloignement. |
Ordonnance N°301
N° RG 25/00323 – N° Portalis DBVH-V-B7J-JRIL
Recours c/ déci TJ Nîmes
05 avril 2025
[U]
C/
LE PREFET DES ALPES-MARITIMES
COUR D’APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 08 AVRIL 2025
Nous, Mme Marine KARSENTI, Conseillère à la Cour d’Appel de Nîmes, désignée par le Premier Président de la Cour d’Appel de Nîmes pour statuer sur les appels des ordonnances du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l’Asile (CESEDA), assistée de Mme Ellen DRÔNE, Greffière,
Vu l’arrêté préfectoral ordonnant une obligation de quitter le territoire français en date du 1er avril 2025 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 1er avril 2025, notifiée le même jour à 16h00 concernant :
M. [D] [U]
né le 10 Décembre 2005 à [Localité 2]
de nationalité Palestinien
Vu la requête reçue au greffe du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative le 04 avril 2025 à 07h51, enregistrée sous le N°RG 25/1739 présentée par M. le Préfet des Alpes-Maritimes ;
Vu l’ordonnance rendue le 05 Avril 2025 à 12h20 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative, qui a :
* Déclaré la requête recevable ;
* Rejeté les exceptions de nullité soulevées ;
* Ordonné pour une durée maximale de 26 jours commençant 4 jours après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, de M. [D] [U] ;
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l’expiration d’un délai de 26 jours à compter du 04 avril 2025,
Vu l’appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [D] [U] le 07 Avril 2025 à 11h41 ;
Vu l’absence du Ministère Public près la Cour d’appel de Nîmes régulièrement avisé ;
Vu la présence de Monsieur [T] [K], représentant le Préfet des Alpes-Maritimes, agissant au nom de l’Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d’Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;
Vu l’assistance de Monsieur [E] [L] interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel de Nîmes ;
Vu la comparution de Monsieur [D] [U], régulièrement convoqué ;
Vu la présence de Me Estelle MARQUES FREIRE, avocat de Monsieur [D] [U] qui a été entendue en sa plaidoirie ;
Déclare qu’il est de nationalité « palestinienne », qu’il est dépourvu de tout document d’identité, qu’il est né le 1er octobre 1999 puis le 10 janvier 1999 à [Localité 2], qu’il ne comprend pas pourquoi les autorités israéliennes ont été sollicitées, qu’il a vécu en Allemagne et est prêt à être éloigné vers son pays d’origine,
Sollicite l’infirmation de l’ordonnance et sa remise en liberté immédiate.
Son avocat soutient le moyen tiré du défaut de diligences de l’administration et relève le caractère injustifié du placement en rétention de M. [U] dans la mesure où il n’existe aucune perspective d’éloignement vers la « Palestine » et où il ne lui a été donné aucune chance de quitter la France volontairement. Le comportement de M. [U] ne saurait constituer une menace à l’ordre public.
La cour relève qu’elle n’est saisie que d’une requête préfectorale en prolongation de la rétention et non d’une requête contestant l’arrêté de placement en rétention.
Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l’ordonnance critiquée. Il fait valoir que M. [U] a de multiples identités connues, qu’il ne dispose d’aucune garantie de représentation et qu’il a déjà fait l’objet de mesures d’éloignements en Allemagne et en Roumanie.
SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL :
L’appel interjeté par Monsieur [U] à l’encontre d’une ordonnance du magistrat du siège du Tribunal judiciaire de Nîmes dûment notifiée a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21 et R.743-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D’APPEL :
L’article 563 du Code de Procédure Civile dispose que « pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
L’article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».
Le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention ne peut être porté devant la cour d’appel que s’il a fait l’objet d’une requête écrite au magistrat du siège de la première instance dans les 4 jours du placement en rétention, conformément aux dispositions de l’article R.741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
En l’espèce, la cour n’est saisie que d’une requête préfectorale en prolongation de la rétention et non d’une requête contestant l’arrêté de placement en rétention. Dès lors les moyens visant à contester le caractère justifié du placement en rétention de M. [U] ne sont pas recevables.
Les autres moyens soulevés sont recevables.
SUR LE FOND :
L’article L.611-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, l’article L611-3 du même code énumérant limitativement les situations dans lesquelles une décision portant obligation de quitter le territoire est exclue. L’article L.612-6 du même code dispose que l’autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire d’une interdiction de retour sur le territoire français, les effets de cette interdiction cessant à l’expiration de la durée fixée par l’autorité administrative, à compter de l’exécution de la mesure.
L’article L. 741-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose que : « l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l’ordre public que l’étranger représente. »
Les cas prévus par l’article L.731-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile visent l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l’éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
1° L’étranger fait l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n’a pas été accordé ;
2° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;
3° L’étranger doit être éloigné pour la mise en ‘uvre d’une décision prise par un autre État, en application de l’article L. 615-1 ;
4° L’étranger doit être remis aux autorités d’un autre Etat en application de l’article L. 621-1 ;
5° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l’article L. 622-1 ;
6° L’étranger fait l’objet d’une décision d’expulsion ;
7° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une peine d’interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l’article 131-30 du code pénal ;
8° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une interdiction administrative du territoire français.
L’étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n’a pas déféré à la décision dont il fait l’objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.
Le risque mentionné au 3° de l’article L. 612-2 et auquel l’article L. 741-1 renvoie, est considéré comme établi dans les cas suivants, conformément à l’article L. 612-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile :
1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
3° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;
6° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ;
7° L’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document ;
8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.
L’article L.741-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise qu’en tout état de cause « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet. »
Au motif de fond sur son appel, Monsieur [U] soutient que l’administration française ne démontre pas avoir engagé les démarches nécessaires à son départ. Il en conclut que la mesure de rétention dont il fait l’objet ne se justifie plus et doit donc être levée.
En l’espèce, Monsieur [U] ne disposait au moment de son interpellation, d’aucun justificatif en original de son identité ni d’aucun document de voyage et n’en a pas davantage communiqué depuis aux autorités administratives, de telle sorte qu’il est nécessaire de l’identifier formellement avant de pouvoir procéder à son éloignement effectif.
Le consulat d’Israël et des territoires palestiniens à [Localité 5] a été saisi d’une demande d’identification et de laissez-passer le 2 avril 2025, dès le placement en rétention de l’intéressé qui se déclare ressortissant palestinien.
Il convient de rappeler que l’administration n’a aucune obligation légale de saisir d’autres représentations diplomatiques que celle du pays dont l’intéressé revendique être ressortissant sauf mise en évidence de doutes avérés sur l’origine de la personne ou sur sa sincérité à cet égard.
Les services préfectoraux ne disposent d’aucun pouvoir de coercition envers les autorités consulaires étrangères de telle sorte qu’il ne peut leur être reproché le délai pris par celles -ci pour adresser leur réponse.
Il n’est pas exigé, à ce stade de la rétention, que l’administration établisse la réalité de perspectives d’éloignement à bref délai et il ne saurait être soutenu que les perspectives d’éloignement de M. [U] sont d’emblée obérées puisqu’il se déclare « palestinien » alors qu’un doute certain subsiste sur son identité et sa nationalité au regard des multiples identités qu’il a pu donner.
L’administration n’a donc pas failli à ses obligations.
SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [U] :
Monsieur [U], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine, de telle sorte qu’une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l’article L743-13 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Il ne justifie de plus d’aucune adresse ni domicile stables en France, ne démontre aucune activité professionnelle et ne dispose d’aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays.
Il est l’objet d’une mesure d’éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.
La prolongation de sa rétention administrative se justifie afin de procéder à son éloignement.
Il convient donc de confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l’article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,
Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l’application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;
CONSTATANT qu’aucune salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n’est disponible pour l’audience de ce jour ;
DÉCLARONS recevable l’appel interjeté par Monsieur [D] [U] ;
CONFIRMONS l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l’article R.743-20 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].
Fait à la Cour d’Appel de Nîmes,
Le 08 Avril 2025 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
‘ Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 4] à M. [D] [U], par l’intermédiaire d’un interprète en langue arabe.
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :
– Monsieur [D] [U], par le Directeur du CRA de [Localité 4],
– Me Estelle MARQUES FREIRE, avocat
,
– Le Préfet des Alpes-Maritimes
,
– Le Directeur du CRA de [Localité 4],
– Le Ministère Public près la Cour d’Appel de Nîmes,
– Le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes.
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