Type de juridiction : Cour d’appel.
Juridiction : Cour d’appel de Nîmes
Thématique : Licenciement contesté pour insuffisance professionnelle et état de santé.
→ RésuméLa SA Orano Démantèlement et Services (Orano DS) a engagé un salarié en qualité de chef de projet le 24 mai 2017. Ce dernier a été en arrêt de travail pour maladie ordinaire du 29 mars 2019 au 29 novembre 2019. À son retour, un médecin du travail a émis un avis d’aptitude avec des réserves concernant le travail en zone radiologique. Le 27 octobre 2020, Orano DS a convoqué le salarié à un entretien préalable à un licenciement pour insuffisance professionnelle. Le 20 novembre 2020, la société a notifié le licenciement du salarié.
Le salarié a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Nîmes, arguant qu’il était nul ou dénué de cause réelle et sérieuse. Par jugement du 30 juin 2023, le conseil a débouté le salarié de sa demande de nullité, mais a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant Orano DS à verser des dommages et intérêts au salarié. Orano DS a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières écritures, Orano DS a demandé à la cour d’infirmer la décision de première instance, soutenant que le licenciement était fondé sur une insuffisance professionnelle caractérisée et non liée à l’état de santé du salarié. Le salarié, de son côté, a formulé un appel incident, demandant la requalification de son licenciement en raison de discrimination liée à son état de santé et la nullité de celui-ci. La cour a examiné les éléments de preuve fournis par les deux parties. Orano DS a affirmé que le salarié n’avait pas respecté les exigences de son poste, tandis que le salarié a soutenu que son licenciement était en réalité motivé par son état de santé. La cour a finalement confirmé le jugement de première instance, condamnant Orano DS à verser des sommes au salarié, y compris un rappel de congés payés acquis pendant son arrêt maladie. |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/02662 – N° Portalis DBVH-V-B7H-I5IR
EM/EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NIMES
30 juin 2023
RG :F 21/00372
S.A. ORANO DEMANTELEMENT ET SERVICES (ORANO DS)
C/
[U]
Grosse délivrée le 08 AVRIL 2025 à :
– Me SERGENT
– Me CAMBON
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 08 AVRIL 2025
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NIMES en date du 30 Juin 2023, N°F 21/00372
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Mme Delphine OLLMANN, Greffier, lors des débats et Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 21 Janvier 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 08 Avril 2025.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
S.A. ORANO DEMANTELEMENT ET SERVICES (ORANO DS)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Sylvie SERGENT de la SELARL DELRAN BARGETON DYENS SERGENT ALCALDE, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉ :
Monsieur [N] [U]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Cyril CAMBON, avocat au barreau de NARBONNE
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 08 Avril 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
La SA Orano Démantèlement et Services (Orano DS) du groupe Orano, anciennement société STIMI du groupe AREVA, qui est spécialisée dans le démantèlement des équipements et installations nucléaires, a engagé à compter du 24 mai 2017, M. [N] [U] dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps complet, en qualité de chef de projet, statut cadre, position II, coefficient 125 conformément à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie IDCC 0650.
Du 29 mars 2019 au 29 novembre 2019, M. [N] [U] a été placé en arrêt de travail pour maladie ordinaire.
Lors de la visite de reprise du 30 octobre 2019, le médecin du travail, M. [A] [Y], a rendu un avis d’aptitude de M. [N] [U] à son poste de travail, assorti des réserves suivantes : ‘Inapte travail en zone radiologique jusqu’à nouvel avis médical. Travail au bureau et en locaux non exposés aux rayonnements ionisants souhaitable’.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 octobre 2020, la SA Orano DS a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour insuffisance professionnelle.
Le 17 novembre 2020, M. [N] [U] s’est présenté à l’entretien préalable, assisté par M. [J] [I], Président du syndicat national du nucléaire et des activités connexes.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 novembre 2020, la SA Orano DS a notifié à M. [N] [U] son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Par requête du 13 septembre 2021, M. [N] [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes aux fins de contester son licenciement, de dire et juger qu’il est nul ou dénué de cause réelle et sérieuse et de voir condamner la SA Orano DS au paiement de sommes à caractère indemnitaire.
Par jugement contradictoire rendu le 30 juin 2023, le conseil de prud’hommes de Nîmes a :
– débouté Monsieur [U] de sa demande liée à la nullité du licenciement,
– dit le licenciement pour insuffisance professionnelle de Monsieur [U] sans cause réelle et sérieuse,
– en conséquence, condamné la société ORANO DS à verser à Monsieur [U] 17.116,16 ‘ au titre de dommages et intérêts,
– condamné la Société ORANO DS au paiement de 2 400 ‘ au titre de l’article 700 du CPC et aux autres dépens,
– débouté les parties de leurs autres demandes,
– dit que les dépens seront supportés par le défendeur.
Le 31 juillet 2023, la SA Orano DS a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 18 juillet 2023.
Par ordonnance en date du 03 octobre 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 23 décembre 2024. L’affaire a été fixée à l’audience du 21 janvier 2025 à laquelle elle a été retenue.
En l’état de ses dernières écritures en date du 20 décembre 2024, la SA Orano DS demande à la cour de :
A TITRE PRINCIPAL :
– DECLARER recevable et bien fondé l’appel interjeté par la SA ORANO DS;
– INFIRMER la décision de première instance en ce qu’elle a :
o Jugé que le licenciement pour insuffisance professionnelle était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
o Condamné en conséquence la Société ORANO DS à la somme de 17.116,16 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
o Condamné la Société ORANO DS à la somme de 2.400 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
o Condamné la Société ORANO DS aux entiers dépens de première instance ;
o Débouté la SA ORANO DS de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
o Dit que les dépens de première instance seront supportés par la SA ORANO DS
STATUANT A NOUVEAU SUR CES POINTS :
– DIRE ET JUGER que l’insuffisance professionnelle de Monsieur [U] est caractérisée;
– DIRE ET JUGER le licenciement de Monsieur [U] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
– DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [U] est étranger à toute forme de discrimination liée à l’état de santé ;
– DEBOUTER Monsieur [U] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
SUR L’APPEL INCIDENT :
– CONFIRMER la décision rendue par le Conseil de prud’hommes en ce qu’elle a débouté Monsieur [U] de ses demandes visant :
o A faire juger que son licenciement consacrerait une discrimination
o A faire juger que son licenciement serait frappé de nullité ;
o A faire condamner la SAS ORANO DEMANTELEMENT ET SERVICES (ORANO DS),
à la somme de 102.696,96 ‘ à titre de dommages intérêts pour licenciement nul;
– DEBOUTER Monsieur [U] de ses demandes tendant :
o A faire juger que son licenciement consacrerait une discrimination
o A faire juger que son serait frappé de nullité ;
o A faire condamner la SAS ORANO DEMANTELEMENT ET SERVICES (ORANO DS),
à la somme de 102.696,96 ‘ à titre de dommages intérêts pour licenciement nul;
SUR LA DEMANDE NOUVELLE RELATIVE A LA REGULARISATION DE L’INDEMNITE
COMPENSATRICE DE CONGES PAYES :
– DONNER ACTE à la SA ORANO DEMANTELEMENT ET SERVICES de son engagement à
régulariser l’indemnité compensatrice de congés payés à hauteur de la somme de 2633,28 euros bruts,
EN TOUTE HYPOTHESE :
– CONDAMNER Monsieur [U] à la somme de 3.500 ‘ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La SA Orano DS soutient que :
– le licenciement pour insuffisance professionnelle est fondé et qu’il est étranger à toute discrimination liée à son état de santé ;
– les deux aménagements sollicités par la médecine du travail dans son avis d’aptitude ont été respectés, qu’aucune restriction médicale par rapport aux fonctions occupées ou au niveau de responsabilité n’a été émise ;
– M. [N] [U] ne communique à l’appui de sa demande aucun élément qui permettrait de déterminer que sa capacité de travail à sa reprise de son poste de travail aurait été affectée, et que des considérations médicales devraient justifier une appréhension différente par l’employeur de ses capacités, ou même une attention particulière ;
– les formations mentionnées dans l’entretien d’évaluation annuelle du mois de janvier 2020 ne concernaient pas son poste actuel, mais étaient destinées à appréhender un cursus manager, dans la perspective d’un changement de poste ;
– elle ne s’oppose pas à la demande d’indemnité de congés payés sollicitée par M. [N] [U] au titre des congés payés acquis pendant son absence pour maladie qu’elle s’engage à régulariser en janvier 2025.
Aux termes de ses dernières conclusions contenant appel incident en date du 29 novembre 2024, M. [N] [U] demande à la cour de :
– DECLARER recevable et bien fondé l’appel incident de Monsieur [N] [U] ;
A TITRE PRINCIPAL,
– RÉFORMER le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [N] [U] de :
– Sa demande de nullité du licenciement
– Sa demande de dommages et intérêts pour nullité du licenciement
– STATUER A NOUVEAU et :
– Juger le licenciement de Monsieur [N] [U] discriminatoire par rapport à son état
de santé ;
– Prononcer la nullité du licenciement,
– Condamner la société ORANO DEMANTELEMENT ET SERVICES à la somme de 102.696,96 ‘ à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,
A TITRE SUBSIDIAIRE,
– CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :
– Jugé le licenciement pour insuffisance professionnelle de Monsieur [N] [U] sans cause réelle et sérieuse,
– Condamné la société ORANO DEMANTELEMENT ET SERVICES à la somme de 17.116,16 ‘ à titre de dommages et intérêts,
EN TOUT ETAT DE CAUSE
– CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société ORANO DEMANTELEMENT ET SERVICES à la somme de 2.400 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance ;
Y AJOUTER :
– CONDAMNER la SA ORANO DEMANTELEMENT ET SERVICES au paiement de la somme de 2.633,28 ‘ brut au titre du rappel de congés payés sur maladie ;
– CONDAMNER la société ORANO DEMANTELEMENT ET SERVICES aux entiers dépens de l’appel ainsi qu’à la somme de 2.400 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant la Cour d’Appel.
M. [N] [U] fait valoir que :
– à titre principal, son licenciement pour insuffisance professionnelle est entaché de nullité du fait qu’il a été prononcé en raison de son état de santé, que l’employeur lui a reproché de ne pas avoir suivi des formations en 2019 alors qu’il avait été absent pendant 8 mois pour cause de maladie ordinaire,
– à titre subsidiaire, son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, aucun reproche antérieur ou recadrage ne lui a été adressé en amont de la procédure de licenciement et l’employeur ne lui ayant pas permis de se former pour acquérir les compétences complémentaires identifiées,
– sa demande de rappel de congés payés acquis durant son absence pour maladie ne constitue par une demande nouvelle irrecevable en cause d’appel, l’adoption de la loi n°2024-364 du 22 avril 2024 constituant un fait juridique nouveau, créateur de droit, qu’il ne pouvait anticiper.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
PAR CES MOTIFS
La cour,
statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud’homale et en dernier ressort ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 juin 2023 par le conseil de prud’hommes de Nîmes,
Y ajoutant,
Condamne la SA Orano DS à payer, en denier ou quittance, à M. [N] [U] la somme de 2 633,28 euros à titre de rappel de congés payés acquis pendant la période d’arrêts de travail pour maladie du 29 mars 2019 au 29 novembre 2019,
Condamne la SA Orano DS à payer à M. [N] [U] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SA Orano DS aux dépens de la procédure d’appel.
Arrêt signé par le président et par la greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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