Cour d’appel de Nîmes, 27 mars 2025, RG n° 25/00282
Cour d’appel de Nîmes, 27 mars 2025, RG n° 25/00282

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Nîmes

Thématique : Rétention administrative : enjeux de légalité et de droits individuels

Résumé

L’affaire concerne un individu de nationalité algérienne, désigné comme un retenu, qui a été placé en rétention administrative suite à un arrêté préfectoral d’expulsion notifié le 9 juillet 2024. Le 20 mars 2025, cet individu a été placé en rétention, une décision notifiée le lendemain. Le 23 mars 2025, le Préfet des [Localité 4] a saisi le tribunal judiciaire de Nîmes pour prolonger cette mesure, tandis que le retenu a également contesté son placement en rétention.

Le magistrat du tribunal a rendu une ordonnance le 24 mars 2025, déclarant les requêtes des deux parties recevables, mais rejetant les exceptions de nullité soulevées par le retenu. Il a ordonné le maintien en rétention pour une durée maximale de 26 jours, à compter du 25 mars 2025. Le retenu a interjeté appel de cette décision le 25 mars 2025, par l’intermédiaire de son avocat et d’une association de défense des droits des réfugiés.

Lors de l’audience, le retenu a fait valoir qu’il souffrait de problèmes de santé et qu’il était opposé à son éloignement vers l’Algérie. Son avocat a soutenu que la décision de placement en rétention était entachée d’un défaut d’audition préalable, d’une insuffisance de motivation et d’une erreur manifeste d’appréciation, notamment en ce qui concerne sa situation familiale et médicale. Le Préfet, par son représentant, a demandé la confirmation de l’ordonnance initiale, soulignant les condamnations pénales du retenu et son refus d’être entendu.

Le tribunal a jugé que l’appel était recevable et a confirmé l’ordonnance de prolongation de la rétention, tout en invitant l’administration à procéder à un examen médical du retenu. La décision a été motivée par le fait que le retenu ne justifiait pas d’une identité formelle et que les démarches pour son éloignement étaient en cours.

Ordonnance N°263

N° RG 25/00282 – N° Portalis DBVH-V-B7J-JQ26

Recours c/ déci TJ Nîmes

24 mars 2025

[J]

C/

LE PREFET DES [Localité 4]

COUR D’APPEL DE NÎMES

Cabinet du Premier Président

Ordonnance du 27 MARS 2025

Nous, Mme Marine KARSENTI, Conseillère à la Cour d’Appel de Nîmes, désignée par le Premier Président de la Cour d’Appel de Nîmes pour statuer sur les appels des ordonnances du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l’Asile (CESEDA), assistée de Mme Ellen DRÔNE, Greffière,

Vu l’arrêté préfectoral ordonnant une obligation de quitter le territoire français en date du 08 juillet 2014 notifié le 09 juillet 2014, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 20 mars 2025, notifiée le 21 mars 2025 à 09h30 concernant :

M. [W] [J] alias [J] [T], [J] [E], [C] [A], [V] [H], [D] [W], [Y] [W]

né le 19 Août 1991 à [Localité 3]

de nationalité Algérienne

Vu la requête reçue au greffe du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative le 23 mars 2025 à 15h05, enregistrée sous le N°RG 25/01519 présentée par M. le Préfet des [Localité 4] ;

Vu la requête présentée par Monsieur [W] [J] le 23 mars 2025 à 16h25 tendant à voir contester la mesure de placement en rétention prise à son égard le 20 mars 2025 ;

Vu l’ordonnance rendue le 24 Mars 2025 à 16h36 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative, qui a :

* Déclaré la requête en contestation du placement en rétention recevable ;

* Déclaré la requête préfectorale recevable ;

* Ordonné la jonction des requêtes ;

* Rejeté les exceptions de nullité soulevées ;

* Rejeté la requête en contestation de placement en rétention ;

* Ordonné pour une durée maximale de 26 jours commençant 4 jours après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, de M. [W] [J] alias [J] [T], [J] [E], [C] [A], [V] [H], [D] [W], [Y] [W] ;

* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l’expiration d’un délai de 26 jours à compter du 25 mars 2025,

Vu l’appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [W] [J] alias [J] [T], [J] [E], [C] [A], [V] [H], [D] [W], [Y] [W] le 25 Mars 2025 à 13h13 par le biais de Me Fadilla CANDAR, avocate au Barreau de Marseille ;

Vu l’appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [W] [J] alias [J] [T], [J] [E], [C] [A], [V] [H], [D] [W], [Y] [W] le 25 Mars 2025 à 14h20 par le biais de Forum Réfugiés ;

Vu l’absence du Ministère Public près la Cour d’appel de Nîmes régulièrement avisé ;

Vu la présence de Monsieur [P] [B], représentant le Préfet des [Localité 4], agissant au nom de l’Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d’Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;

Vu la comparution de Monsieur [W] [J] alias [J] [T], [J] [E], [C] [A], [V] [H], [D] [W], [Y] [W], régulièrement convoqué ;

Vu la présence de Me Fadilla CANDAR, avocate choisie par Monsieur [W] [J] alias [J] [T], [J] [E], [C] [A], [V] [H], [D] [W], [Y] [W] qui a été entendue en sa plaidoirie ;

Déclare qu’il est de nationalité algérienne, qu’il est dépourvu de tout document d’identité, qu’il est revenu en France en 2014 après avoir été éloigné vers l’Algérie en 2014, qu’il est opposé à un éloignement vers l’Algérie, qu’il souffre de problèmes de santé et est suivi à l’hôpital de [Localité 5], qu’il vivait avec d’être incarcéré un peu chez son frère et un peu chez sa belle-mère avec sa femme à [Localité 5], qu’il veut que sa mère le rejoigne en France avec un visa,

Sollicite l’infirmation de l’ordonnance et sa remise en liberté immédiate.

Son avocat :

Se désiste du moyen tiré de l’incompétence du signataire de l’arrêté de placement en rétention,

Soutient le moyen relatif au défaut d’audition préalable de M. [J],

Soutient le moyen tenant à l’insuffisance de motivation et à l’erreur manifeste d’appréciation dont est entaché l’arrêté de placement en rétention faute pour l’administration d’avoir entendu M. [J] préalablement, sa situation médicale et familiale n’ayant pas été prises en compte,

Fait valoir l’incompatibilité de l’état de santé de M. [J] avec la mesure de rétention : M. [J] a été hospitalisé en février, il souffre, le traitement médical qui lui est donné au sein du CRA diffère de celui qui lui était donné en détention et ne lui convient pas,

Fait valoir que M. [J] a des procédures pénales en cours,

A titre subsidiaire, sollicite pour des raisons médicales et familiales un transfert au CRA de [Localité 5].

Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l’ordonnance critiquée et rappelle les condamnations dont M. [J] a fait l’objet. Il relève que M. [J] a refusé d’être entendu en détention.

SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL :

L’appel interjeté par Monsieur [J] à l’encontre d’une ordonnance du magistrat du siège du Tribunal judiciaire de Nîmes dûment notifiée a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21 et R.743-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Les appels reçus sont recevables, il convient de joindre les deux déclarations d’appel.

SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D’APPEL :

L’article 563 du Code de Procédure Civile dispose que « pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »

L’article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».

Sauf s’ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l’article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d’appel.

Pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôles d’identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d’une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.

Le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention ne peut être porté devant la cour d’appel que s’il a fait l’objet d’une requête écrite au magistrat du siège de la première instance dans les 4 jours du placement en rétention, conformément aux dispositions de l’article R.741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

L’article L.743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose en outre que « à peine d’irrecevabilité, prononcée d’office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l’issue de laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d’une audience ultérieure ».

En l’espèce, tous les moyens soulevés sont recevables.

SUR LES EXCEPTIONS DE NULLITÉ AU TITRE D’IRRÉGULARITÉS DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE A L’ARRÊTÉ :

L’article L.743-12 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose : « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, le magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi d’une demande sur ce motif ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger ».

Sur le défaut d’audition préalable au placement en rétention :

En l’espèce, M. [J] a été invité le 2 janvier 2025 en détention à faire connaitre ses observations après que le préfet lui a indiqué qu’il envisageait de prendre à son encontre un arrêté de placement en rétention. Il a refusé de se rendre au parloir afin de s’entretenir avec les agents de la police aux frontières.

Un formulaire sollicitant ses observations sur la rétention a été transmis à [J] le 4 mars 2025. Il est fait mention de son refus de signer ce formulaire.

Les conditions dans lesquelles la personne est entendue préalablement à une décision d’éloignement relève, pour sa part, de la compétence du juge administratif statuant sur la mesure d’éloignement.

S’agissant de la rétention, en droit interne, le droit d’être entendu est garanti par la procédure contradictoire devant le magistrat du siège permettant à l’intéressé de faire valoir, à bref délai, devant le juge judiciaire, tous les éléments pertinents relatifs à ses garanties de représentation et à sa vie personnelle, sans nuire à l’efficacité de la mesure, destinée, dans le respect de l’obligation des États membres de lutter contre l’immigration illégale (CJUE, arrêt du 5 novembre 2014, point 71), à prévenir un risque de soustraction à la mesure d’éloignement.

Ni les garanties procédurales du chapitre III de la directive 2008/115/CE, ni les articles L. 121-1, L. 211-2 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l’administration ne s’appliquent à la décision de placement en rétention et, dès lors l’audition préalable au placement en rétention ne s’impose pas.

Le moyen pris du défaut d’audition préalable ne peut donc être accueilli et en l’absence de toute illégalité susceptible d’affecter les conditions de légalité de la rétention, il y a lieu de constater que la mesure de rétention est régulière et peut être prolongée.

Il convient donc de confirmer l’ordonnance querellée.

CONTESTATION DU PLACEMENT EN RÉTENTION ADMINISTRATIVE :

Sur le défaut de motivation :

L’article L.741-6 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose : « La décision de placement est prise par l’autorité administrative, après l’interpellation de l’étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l’expiration de sa garde à vue, ou à l’issue de sa période d’incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. Elle prend effet à compter de sa notification ». L’article L.741-8 du même code prévoit que le procureur de la République en est informé immédiatement. L’article L.741-9 du même code dispose que l’étranger est informé de ses droits dans les conditions prévues à l’article L.744-4.

La motivation d’un acte est composée des éléments de fait et de droit qui ont amené son auteur à prendre cette décision. Le contrôle du juge porte sur l’existence de cette motivation et non sur son bien-fondé ou sa pertinence. De même, le texte précité n’impose nullement à l’autorité administrative de mentionner de façon exhaustive tous les éléments caractérisant la situation de l’intéressé.

En l’espèce, l’arrêté de rétention adopté par le Préfet des [Localité 4] vise expressément :

les dispositions légales du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,

la non-exécution de l’arrêté d’expulsion notifiée le 9 juillet 2024,

l’absence de document d’identité au moment du contrôle et durant la retenue,

l’insuffisance des garanties de représentation effectives,

les condamnations pénales dont M. [J] a fait l’objet.

S’il n’est en effet pas fait mention de la vulnérabilité particulière de M. [J], il convient de relever que ce dernier n’a transmis aucun élément relevant sa vulnérabilité ou faisant mention de ses problèmes de santé, que ce soit lors de l’audition prévue en détention ou via le formulaire qui lui a également été remis en détention. Dès lors il ne saurait être reproché à l’administration, qui n’est pas tenue de faire un exposé exhaustif de la situation de l’intéressé, de ne pas avoir, selon les termes de M. [J] « actualisé » ces informations.

Le moyen doit être rejeté.

Sur l’erreur manifeste d’appréciation :

Le magistrat du siège du tribunal judiciaire est compétent pour apprécier la légalité de la décision de placement en rétention aux fins d’éloignement ainsi que pour contrôler l’exécution de cette mesure et décider de sa prolongation. Il n’est en revanche pas le juge de l’opportunité, ni de la légalité de la mesure d’éloignement qui fonde cette décision de rétention.

Une décision de placement en rétention administrative est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation lorsque l’administration s’est trompée grossièrement dans l’appréciation des faits qui ont motivé sa décision.

Le juge judiciaire peut sanctionner une telle erreur à condition qu’elle soit manifeste et donc évidente, flagrante, repérable par le simple bon sens, et qu’elle entraîne une solution choquante dans l’appréciation des faits par l’autorité administrative, notamment en ce qu’elle est disproportionnée par rapport aux enjeux et nécessités d’éloignement de l’intéressé.

Il convient de rappeler que la décision administrative de placement en rétention est prise au visa des éléments dont l’autorité préfectorale dispose alors et notamment des justificatifs de garanties de représentation qui sont déjà en sa connaissance.

Le conseil de M. [J] reproche à l’administration de ne pas avoir tenu compte d’une part de l’état de santé de M. [J] et d’autre part de sa situation familiale.

En l’espèce, l’arrêté de placement en rétention mentionne à juste titre la situation administrative de M. [J], qui est dépourvu de passeport en cours de validité, qui est revenu sur le territoire national après avoir été éloigné le 25 juillet 2014 en Algérie et s’est soustrait à l’obligation de quitter le territoire français notifiée le 16 juin 2022. Cet arrêté relève exactement que M. [J] ne justifie pas de sa relation de concubinage. Si M. [J] produit une attestation d’hébergement de son épouse, Mme [U], [Adresse 7] ainsi qu’un témoignage sur leur vie commune, ces pièces sont datées du 20 mars 2025 donc postérieures à l’arrêté de placement en rétention. En outre, M. [J] a décrit à l’audience une situation personnelle antérieure à la détention au cours de laquelle il vivait chez son frère ou chez sa belle-mère avec sa femme et qui ne révèle pas l’antériorité d’une vie commune dans un domicile stable avec Mme [U], aucun document n’attestant du mariage des intéressés.

M. [J] n’avait pas alors transmis d’éléments relevant sa particulière vulnérabilité et mentionnant ses problèmes de santé alors qu’il a été sollicité à cette fin à deux reprises pour une audition en détention et par la remise d’un formulaire. Si M. [J] produit à l’audience des documents médicaux relatifs à son état de santé, il ne saurait être reproché à l’administration de ne pas en avoir fait état dans une décision qui leur est antérieure.

La décision prise par l’administration n’est donc pas en contradiction avec la situation personnelle de Monsieur [J], qui n’avait justifié ni d’un document d’identité en cours de validité, ni d’un domicile fixe.

La décision de placement en rétention concernant Monsieur [J] ne procède ainsi d’aucune erreur manifeste d’appréciation et le moyen ainsi soulevé doit être rejeté.

SUR LE FOND :

L’article L.611-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, l’article L611-3 du même code énumérant limitativement les situations dans lesquelles une décision portant obligation de quitter le territoire est exclue. L’article L.612-6 du même code dispose que l’autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire d’une interdiction de retour sur le territoire français, les effets de cette interdiction cessant à l’expiration de la durée fixée par l’autorité administrative, à compter de l’exécution de la mesure.

L’article L. 741-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose que : « l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l’ordre public que l’étranger représente. »

Les cas prévus par l’article L.731-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile visent l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l’éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :

1° L’étranger fait l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n’a pas été accordé ;

2° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;

3° L’étranger doit être éloigné pour la mise en ‘uvre d’une décision prise par un autre État, en application de l’article L. 615-1 ;

4° L’étranger doit être remis aux autorités d’un autre Etat en application de l’article L. 621-1 ;

5° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l’article L. 622-1 ;
6° L’étranger fait l’objet d’une décision d’expulsion ;

7° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une peine d’interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l’article 131-30 du code pénal ;

8° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une interdiction administrative du territoire français.

L’étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n’a pas déféré à la décision dont il fait l’objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.

Le risque mentionné au 3° de l’article L. 612-2 et auquel l’article L. 741-1 renvoie, est considéré comme établi dans les cas suivants, conformément à l’article L. 612-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile :

1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

3° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;

6° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ;

7° L’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document ;

8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

L’article L.741-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise qu’en tout état de cause « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet. »

Au motif de fond sur son appel, Monsieur [J] soutient que l’administration française ne démontre pas avoir engagé les démarches nécessaires à son départ. Il en conclut que la mesure de rétention dont il fait l’objet ne se justifie plus et doit donc être levée.

En l’espèce, Monsieur [J] ne disposait au de sa levée d’écrou, d’aucun justificatif en original de son identité ni d’aucun document de voyage et n’en a pas davantage communiqué depuis aux autorités administratives, de telle sorte qu’il est nécessaire de l’identifier formellement avant de pouvoir procéder à son éloignement effectif.

Le consulat d’Algérie dont Monsieur [J] s’est affirmé être ressortissant a été saisi d’une demande d’identification et de laissez-passer le 21 mars 2025, dès le placement en rétention de l’intéressé.

Les services préfectoraux ne disposent d’aucun pouvoir de coercition envers les autorités consulaires étrangères de telle sorte qu’il ne peut leur être reproché le délai pris par celles -ci pour adresser leur réponse.

Aucun élément du dossier ou du débat à l’audience ne permet d’affirmer que les réponses du Consulat ne puissent intervenir à bref délai en l’état des diligences dont il est ainsi justifié.

L’administration n’a donc pas failli à ses obligations.

Sur l’incompatibilité de l’état de santé de M. [J] avec la mesure de rétention :

M. [J] produit un certificat médical daté du 2 mai 2014 mentionnant qu’il souffre d’une pathologie grave inscrite sur la liste des affections de longue durée. Il produit un certificat médical du 5 puis du 24 mars 2025 établi par le centre hospitalier d'[Localité 2] relevant qu’il a été hospitalisé pour une embolie pulmonaire traité par des anti-coagulants, que le traitement se poursuit et que des examens sont nécessaires. Le bulletin d’hospitalisation du 4 mars 2025 indique que M. [J] est sorti de l’hôpital contre avis médical le jour même, qu’il est retourné en détention et a refusé une échographie testiculaire. Les traitements se poursuivent et la recherche de marqueurs cancéreux est négative.

M. [J] produit enfin un certificat médical établi par l’UMCRA le 26 mars 2025 mentionnant qu’il a été reçu pour de l’anxiété liée à son état de santé.

Aucun élément postérieur à 2014 n’est produit sur la pathologie grave dont M. [J] a justifié souffrir en produisant un certificat médical daté du 2 mai 2014. Cette pathologie est donc avérée en 2014 mais il est relevé qu’aucun élément n’indique si elle est toujours en cours ou si M. [J] suit toujours un traitement à ce titre.

Si les certificats médicaux font état de pathologies avérées et de la nécessité de poursuivre un traitement adapté et de prévoir les examens nécessaires, il n’établit pas une incompatibilité de l’état de santé de M. [J] avec la rétention. Ils n’établissent que les soins auxquels M. [J] peut avoir accès au centre de rétention, en lien avec le milieu hospitalier, seraient insuffisants ou inadaptés.

L’opportunité du changement de traitement médicamenteux qui est alléguée entre le traitement prescrit en détention et celui prescrit en rétention échappe à la compétence du juge judiciaire et il ne peut en être déduit une incompatibilité de l’état de santé de M. [J] avec la rétention.

Ce moyen sera rejeté.

Toutefois au regard des pathologies anciennes et actuelles avérées de M. [J], en particulier son embolie pulmonaire récente et la nécessité de procéder à des examens afin de rechercher des lésions cancéreuses ou des caillots, on ne peut qu’inviter l’administration à faire procéder à un examen médical de M. [J].

Quant au moyen relatif aux procédures pénales en cours de M. [J], aucun élément n’est produit pour étayer ces procédures pénales en cours. En outre, M. [J] dispose de la faculté d’être représenté ou de solliciter un visa afin d’assurer sa défense. Enfin, le moyen soulevé par le conseil de M. [J] tend à contester la décision d’éloignement, dont la compétence échappe au juge judiciaire.

Ce moyen sera rejeté.

La demande subsidiaire de transfert au CRA de [Localité 5] ne relève pas de la compétence du juge judiciaire et elle est donc rejetée.

SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [J] :

Monsieur [J], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine, de telle sorte qu’une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l’article L743-13 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Il justifie d’un hébergement chez Mme [U], [Adresse 7].

Il ne démontre aucune activité professionnelle et ne dispose d’aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays.

Il est l’objet d’une mesure d’éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français. Il est revenu irrégulièrement en France après avoir été éloigné vers l’Algérie le 25 juillet 2014. Il ne s’est pas conformé à l’obligation de quitter le territoire français qui lui a été notifiée le 16 juin 2022. Il s’est déclaré opposé à un éloignement vers l’Algérie.

M. [J] a notamment été condamné le 9 décembre 2022 par le tribunal correctionnel de Grasse à 10 mois d’emprisonnement pour vol et le 15 mai 2023 par le tribunal correctionnel d’Aix en Provence à 2 ans d’emprisonnement pour rébellion, évasion et violence.

La prolongation de sa rétention administrative se justifie afin de procéder à son éloignement.

Il convient donc de confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,

Vu l’article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,

Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l’application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

CONSTATANT qu’aucune salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n’est disponible pour l’audience de ce jour ;

DÉCLARONS recevables les appels interjetés par Monsieur [W] [J] alias [J] [T], [J] [E], [C] [A], [V] [H], [D] [W], [Y] [W] ;

ORDONNONS la jonction des requêtes ;

CONFIRMONS l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

INVITONS l’administration à faire procéder à un examen médical de Monsieur [W] [J] alias [J] [T], [J] [E], [C] [A], [V] [H], [D] [W], [Y] [W] ;

RAPPELONS que, conformément à l’article R.743-20 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].

Fait à la Cour d’Appel de Nîmes,

Le 27 Mars 2025 à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

‘ Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 6] à M. [W] [J] alias [J] [T], [J] [E], [C] [A], [V] [H], [D] [W], [Y] [W].

Le à H

Signature du retenu

Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :

– Monsieur [W] [J] alias [J] [T], [J] [E], [C] [A], [V] [H], [D] [W], [Y] [W], par le Directeur du CRA de [Localité 6],

– Me Fadilla CANDAR, avocat

choisi,

– Le Préfet des [Localité 4]

,

– Le Directeur du CRA de [Localité 6],

– Le Ministère Public près la Cour d’Appel de Nîmes,

– Le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes.

 


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