Cour d’appel de Nîmes, 25 mars 2025, RG n° 23/02245
Cour d’appel de Nîmes, 25 mars 2025, RG n° 23/02245

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Nîmes

Thématique : Rupture de contrat : enjeux de management et de communication au sein d’une équipe.

Résumé

Dans cette affaire, une salariée, occupant le poste de chef de secteur au sein de la SA Leroy Merlin, a été licenciée pour faute grave le 16 mars 2021. L’employeur a justifié cette décision par des accusations de harcèlement et de management autoritaire, suite à une enquête menée par un cabinet externe. Les résultats de cette enquête ont révélé des manquements dans la gestion de l’équipe, notamment un abandon du rayon menuiserie et un comportement jugé agressif et irrespectueux envers les collaborateurs.

La salariée a contesté son licenciement en saisissant le conseil de prud’hommes de Nîmes, demandant des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement rendu le 9 juin 2023 a confirmé la validité du licenciement, déboutant la salariée de ses demandes indemnitaires et la condamnant à verser des frais à l’employeur. En réponse, la salariée a interjeté appel, soutenant que le licenciement était injustifié et demandant des dommages-intérêts.

Dans ses dernières écritures, l’employeur a demandé la confirmation du jugement initial, arguant que le licenciement reposait sur des motifs réels et sérieux. La cour d’appel, après avoir examiné les éléments de preuve, a infirmé le jugement de première instance, concluant que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse. Elle a condamné la SA Leroy Merlin à verser à la salariée une indemnité de 28 280 euros pour le préjudice subi, ainsi qu’à rembourser les indemnités de chômage versées à Pôle Emploi.

La cour a également statué sur les intérêts et les dépens, ordonnant à l’employeur de supporter les frais de la procédure. Cette décision souligne l’importance de la régularité des procédures de licenciement et la nécessité de justifications solides pour des accusations graves.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/02245 – N° Portalis DBVH-V-B7H-I365

NR EB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NIMES

09 juin 2023

RG :21/00298

[UU]

C/

S.A. LEROY MERLIN FRANCE

Grosse délivrée le 25 MARS 2025 à :

– Me

– Me

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 25 MARS 2025

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Nimes en date du 09 Juin 2023, N°21/00298

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Nathalie ROCCI, Présidente, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Nathalie ROCCI, Présidente

M. Michel SORIANO, Conseiller

Mme Leila REMILI, Conseillère

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 Janvier 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 25 Mars 2025.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

Madame [B] [UU]

née le 01 Mars 1989 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Clément CHAZOT de la SELARL LEXEM CONSEIL, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.A. LEROY MERLIN FRANCE

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Patrick LANOY de la SELARL CAPSTAN PYTHEAS, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie ROCCI, Présidente, le 25 Mars 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

Mme [B] [UU] (la salariée) a été embauchée le 16 septembre 2013 par la SA Leroy Merlin (l’employeur) suivant contrat à durée indéterminée à temps complet, en qualité de chef de secteur, statut cadre, selon la convention collective nationale du bricolage.

Le 10 février 2021, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 02 mars 2021.

Le 16 mars 2021, la SA Leroy Merlin a notifié à Mme [UU] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

‘ […]Vous occupez le poste de chef de secteur menuiserie – cuisine / rangement au sein du magasin de [Localité 4], poste d’encadrement qui implique des fonctions de management et d’animation d’équipes.

Au début du mois de Novembre 2020, nous avons été interpelés par des collaborateurs et des représentants du personnel au sujet d’une situation qu’ils qualifiaient de harcèlement.

Comme nous en avons eu l’obligation, nous avons donc engagé une procédure d’enquête en faisant le choix d’un cabinet extérieur pour assurer un regard professionnel et objectif, ce qui nous a conduit à mandater le cabinet EVOLUTIS à qui nous avons demandé un audit RPS.

A cette occasion, tous les membres de votre équipe et vous-même avez été entendus.

Cet audit a fait ressortir plusieurs points caractérisant des manquements importants dans la tenue de votre mission et qui ont été confirmés par écrit par les collaborateurs concernés.

En premier lieu, il apparaît que vous avez totalement négligé, sinon abandonné, le rayon menuiserie où les collaborateurs constatent qu’ils se trouvent livrés à eux-mêmes, sans encadrement de votre part, ni présence sur le terrain. Vous êtes allée jusqu’à affirmer que vous ne souhaitiez pas la responsabilité de ce rayon et qu’on ne vous y verrait jamais.

De façon générale, les collaborateurs souffrent d’une attitude autoritaire de votre part, d’un comportement agressif et de propos irrespectueux, parfois de reproches formulés devant des clients.

Vous ne valorisez jamais leur travail et vos interventions auprès d’eux relèvent généralement de remarques ou de reproches souvent perçus comme infondés et, en tout cas, toujours négatives et non constructives.

Certains propos sont totalement contraires aux valeurs de l’entreprise et tout simplement incompatibles avec la position d’un manager.

A titre d’exemple, il n’est pas acceptable que vous puissiez dire à des collaborateurs qu’ils peuvent partir s’ils ne sont pas contents en précisant que « la porte est ouverte » et que vous avez « plein de vendeurs qui attendent dehors ».

De la même façon, vous procédez à la gestion des horaires des équipes de façon autoritaire en procédant à des modifications que vous imposez en les assortissant parfois de menaces.

Ce comportement général, qui constitue une réelle carence dans la tenue de votre mission, a entraîné une telle situation sur le secteur qui vous est confié et un tel malaise auprès des collaborateurs que nous ne pouvons vous en laisser la responsabilité.

Nous tenons compte du fait que vous avez admis lors de l’entretien préalable, que vous deviez travailler votre communication et que vous semblez disposer à le faire. Pour autant, les manquements sont sérieux et répétés, et ne relèvent pas d’un défaut de formation ou d’accompagnement, mais d’une difficulté de comportement. Nul n’a besoin de formation pour être simplement respectueux de ses collaborateurs.

Ainsi, après réflexion, nous vous informons que nous sommes amenés à procéder à votre licenciement pour un motif réel et sérieux, résultant de l’ensemble de ces faits. [‘]’

Par requête du 05 juillet 2021, Mme [UU] a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes aux fins de contester son licenciement et de voir condamner la SA Leroy Merlin France au paiement de diverses indemnités.

Par jugement contradictoire rendu le 09 juin 2023, le conseil de prud’hommes de Nîmes a :

– jugé le licenciement de Mme [B] [UU] fondé,

En conséquence :

– débouté Mme [UU] de ses demandes indemnitaires,

– débouté les parties de leurs autres demandes,

– condamné Mme [B] [UU] à 700 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– condamné Mme [B] [UU] aux entiers dépens.’

Par acte du 04 juillet 2023, Mme [UU] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 09 juin 2023.

En l’état de ses dernières écritures en date du 04 octobre 2023, la salariée demande à la cour de :

– JUGER l’appel de Mme [B] [UU] recevable ;

– RÉFORMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Nîmes le 9 juin 2023,

Statuant à nouveau

– JUGER que le licenciement de Mme [UU] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Par conséquent :

– CONDAMNER la SA LEROY MERLIN à payer à Mme [B] [UU] la somme de 35.0000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En outre :

– JUGER que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal à compter de sa saisine, avec capitalisation des intérêts ;

– CONDAMNER la SA LEROY MERLIN à la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– CONDAMNER la SA LEROY MERLIN aux entiers dépens ;

– DÉBOUTER la SA LEROY MERLIN de l’intégralité de ses éventuelles demandes, fins et conclusions reconventionnelles.’

Aux termes de ses dernières conclusions date du 27 décembre 2023, l’employeur demande à la cour de :

– CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement déféré,

En conséquence,

– JUGER que le licenciement de Mme [UU] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– JUGER que Mme [UU] ne justifie d’aucun préjudice,

– DEBOUTER Mme [UU] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

– CONDAMNER Mme [UU] à verser à la SA LEROY MERLIN la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

– CONDAMNER Mme [UU] aux entiers dépens en cause d’appel.’

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 17 septembre 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 17 décembre 2024. L’affaire a été fixée à l’audience du 17 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile;

Dans la limite de la dévolution,

Infirme le jugement déféré

Statuant à nouveau et y ajoutant

Dit que le licenciement notifié à Mme [B] [UU] le 16 mars 2021 est sans cause réelle et sérieuse

Condamne la société Leroy Merlin à payer à Mme [UU] la somme de 28 280 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de l’emploi

Rappelle que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;

Dit que les intérêts au taux légal sur les créances de nature indemnitaires courent à compter du présent arrêt

Dit que les intérêts au taux légal seront capitalisés en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil

Ordonne le remboursement par la société Leroy Merlin à Pôle Emploi des indemnités de chômages versées à Mme [B] [UU] du jour de son licenciement dans la limite de trois mois d’indemnités de chômage et dit qu’une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail,

Condamne la société Leroy Merlin France à verser à Mme [B] [UU] la somme de

3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne la société Leroy Merlin France aux dépens de première instance et de l’appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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