Cour d’appel de Nîmes, 25 mars 2025, RG n° 23/02243
Cour d’appel de Nîmes, 25 mars 2025, RG n° 23/02243

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Nîmes

Thématique : Rupture de contrat : enjeux de management et de responsabilité employeur.

Résumé

Dans cette affaire, un salarié, occupant le poste de chef de secteur au sein de la SA Leroy [J], a été embauché en 2008 et a évolué vers un contrat à durée indéterminée en 2013. Le 10 février 2021, il a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement, qui a été notifié le 16 mars 2021 pour faute grave. L’employeur a justifié cette décision par des accusations de harcèlement et des dysfonctionnements managériaux, révélés par un audit réalisé par un cabinet externe. Les résultats de cet audit ont mis en lumière des comportements autoritaires et un manque de reconnaissance envers les collaborateurs, générant une démotivation au sein de l’équipe.

Le salarié a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes, demandant des indemnités. Par jugement du 9 juin 2023, le conseil a jugé le licenciement fondé et a débouté le salarié de ses demandes. Ce dernier a interjeté appel, soutenant que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il a demandé à la cour de réformer le jugement et de condamner l’employeur à lui verser diverses indemnités, y compris des dommages-intérêts pour licenciement abusif.

L’employeur, de son côté, a demandé la confirmation du jugement initial, arguant que le licenciement reposait sur une faute grave et que le salarié ne justifiait d’aucun préjudice. La cour a finalement infirmé le jugement en ce qui concerne la faute grave, tout en reconnaissant que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse. Elle a condamné l’employeur à verser au salarié des indemnités de préavis et de licenciement, tout en ordonnant la remise des documents de fin de contrat. Les dépens ont été supportés par l’employeur, et des intérêts au taux légal ont été accordés sur les créances salariales.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/02243 – N° Portalis DBVH-V-B7H-I362

NR EB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NIMES

09 juin 2023

RG :21/00294

[I]

C/

S.A. LEROY [J] FRANCE

Grosse délivrée le 25 MARS 2025 à :

– Me

– Me

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 25 MARS 2025

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Nîmes en date du 09 Juin 2023, N°21/00294

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Nathalie ROCCI, Présidente, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Nathalie ROCCI, Présidente

M. Michel SORIANO, Conseiller

Mme Leila REMILI, Conseillère

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 Janvier 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 25 Mars 2025.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANT :

Monsieur [C] [I]

né le 23 Mars 1988 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Clément CHAZOT de la SELARL LEXEM CONSEIL, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.A. LEROY [J] FRANCE

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Patrick LANOY de la SELARL CAPSTAN PYTHEAS, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie ROCCI, Présidente, le 25 Mars 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

M. [C] [I] (le salarié) a été embauché le 22 septembre 2008 par la SA Leroy [J] (l’employeur) suivant contrat d’apprentissage, puis à compter du 1er septembre 2013 suivant contrat à durée indéterminée à temps complet, en qualité de chef de secteur, statut cadre, selon la convention collective nationale du bricolage.

Le 10 février 2021, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 02 mars 2021.

Le 16 mars 2021, la SA Leroy [J] a notifié à M. [I] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

‘ […] Vous occupez le poste de chef de secteur jardin au sein du magasin de [Localité 5], poste d’encadrement qui implique des fonctions de management et d’animation d’équipes.

Au début du mois de Novembre 2020, nous avons été interpelés par des collaborateurs et des représentants du personnel au sujet d’une situation qu’ils qualifiaient de harcèlement.

Comme nous en avons eu l’obligation, nous avons donc engagé une procédure d’enquête en faisant le choix d’un cabinet extérieur pour assurer un regard professionnel et objectif, ce qui nous a conduit à mandater le cabinet EVOLUTIS à qui nous avons demandé un audit RPS.

A cette occasion, tous les membres de votre équipe et vous-même avez été entendus.

Les résultats de cet audit ont fait ressortir un nombre important de dysfonctionnement dans la façon dont vous managez vos équipes et quant à votre comportement à l’égard de certains collaborateurs, lesquels ont confirmé par écrit ce qu’ils ont évoqué devant l’auditeur.

De façon générale, il ressort de ces éléments que vous ne laissez aucune autonomie aux collaborateurs avec qui vous faîtes preuve d’autoritarisme, par exemple dans la modification

unilatérale et intempestive des plannings, sans consultation, ni prise en compte de leurs souhaits ou obligations personnelles.

Les consignes de travail sont parfois contradictoires et inéquitables, ce qui génère un sentiment d’injustice et de démotivation qui est d’autant plus perceptible que vous n’intervenez que pour faire preuve d’autoritarisme ou formuler des reproches, sans aucune marque de reconnaissance du travail accompli.

Les collaborateurs expriment donc une démotivation compte tenu d’une absence d’écoute, de prise en compte de leur expérience et de leurs propositions.

Au-delà des carences de management, vous adoptez à l’égard de certains une attitude agressive, à l’occasion menaçante, et parfois irrespectueuse, voire injurieuse, que vous avez tenté d’expliquer par l’expression d’une forme d’humour lors de l’entretien préalable.

Ces propos, tenus en présence de tiers, parfois de clients, ne peuvent en aucun cas relever de l’humour et ne sont, en tout état de cause, jamais reçus comme tel par les collaborateurs.

Enfin, il vous est arrivé de demander à un collaborateur de reprendre son poste après avoir dépointé après l’avoir menacé s’il ne s’exécutait pas. Outre le fait que cette attitude est totalement inacceptable, elle constitue un risque pour l’entreprise au titre du travail dissimulé.

Aucune de vos dénégations ou tentative d’explication n’est de nature à modifier notre appréciation de la situation.

Ainsi, après réflexion, nous vous informons que nous sommes amenés à procéder à votre licenciement immédiat pour faute grave. [‘]’

Par requête du 05 juillet 2021, M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes aux fins de contester son licenciement et de voir condamner la SA Leroy [J] France au paiement de diverses indemnités.

Par jugement contradictoire rendu le 09 juin 2023, le conseil de prud’hommes de Nîmes a :

– jugé le licenciement pour faute grave de M. [C] [I] fondé,

En conséquence :

– débouté M. [C] [I] de ses demandes indemnitaires,

– débouté les parties de leurs autres demandes,

– condamné M. [C] [I] à 700 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– condamné M. [C] [I] aux dépens.’

Par acte du 04 juillet 2023, M. [I] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 09 juin 2023.

En l’état de ses dernières écritures en date du 02 octobre 2023, le salarié demande à la cour de :

– JUGER l’appel de Monsieur [I] recevable ;

– RÉFORMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Nîmes le 9 juin 2023,

Statuant à nouveau

– JUGER que le licenciement de Monsieur [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Par conséquent :

– CONDAMNER la SA Leroy [J] à payer à Monsieur [I] la somme de 11.068,70 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1.106,87 euros de congés payés afférents ;

– CONDAMNER la SA Leroy [J] à payer à Monsieur [I] la somme de 12.503,53 euros nets à titre d’indemnité de licenciement ;

– CONDAMNER la SA Leroy [J] à payer à Monsieur [I] la somme de 45.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En outre :

– ORDONNER à la SA Leroy [J] de remettre à Monsieur [I] les documents suivants :

– Bulletins de paie,

– Attestation Pôle emploi,

– Certificat de travail,

– Reçu pour solde de tout compte,

Rectifiés et conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 150,00 euros par jour de retard et par document, à compter du 8 ème jour suivant la notification de ladite décision, la Cour se réservant expressément le droit de liquider ladite astreinte.

– ORDONNER à la SA Leroy [J] de réaliser les déclarations de rigueur auprès des organismes sociaux conformément à la décision à intervenir, et d’en justifier sous astreinte de 150,00 euros par jour de retard à compter du 8 ème jour suivant la notification de ladite décision, la Cour se réservant expressément le droit de liquider ladite astreinte.

– JUGER que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal à compter de sa saisine, avec capitalisation des intérêts ;

– CONDAMNER la SA Leroy [J] à la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– CONDAMNER la SA Leroy [J] aux entiers dépens ;

– DÉBOUTER la SA Leroy [J] de l’intégralité de ses éventuelles demandes, fins et conclusions reconventionnelles.’

Aux termes de ses dernières conclusions date du 17 décembre 2023, l’employeur demande à la cour de :

– CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement déféré,

En conséquence,

– JUGER que le licenciement de M. [I] repose sur une faute grave,

– JUGER que M. [I] ne justifie d’aucun préjudice,

– DEBOUTER M. [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

– CONDAMNER M. [I] à verser à la SA Leroy [J] la somme de 3.000€ au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

– CONDAMNER M. [I] aux entiers dépens en cause d’appel.’

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 17 septembre 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 17 décembre 2024. L’affaire a été fixée à l’audience du 17 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile;

Dans la limite de la dévolution,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a jugé que le licenciement est fondé sur une faute grave et en ce qu’il a débouté M. [I] de ses demandes d’indemnités de rupture

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés

Dit que le licenciement notifié par la société Leroy [J] France à M. [C] [I] le 16 mars 2021 repose sur une cause réelle et sérieuse

Condamne la société Leroy [J] France à payer à M. [C] [I] les sommes suivantes:

* 11 068, 70 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents

* 12 503, 53 euros à titre d’indemnité légale de licenciement

Rappelle que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;

Dit que les intérêts au taux légal sur les créances de nature salariale courent à compter de la demande, soit à compter de la notification à la société Leroy [J] de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes

Dit que les intérêts au taux légal seront capitalisés en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil

Ordonne la remise par la société Leroy [J] France à M. [I] des documents de fin de contrat et d’un bulletin de salaire rectifié dans un délai de deux mois à compter de ce jour, sans qu’il y ait lieu à astreinte

Condamne la société Leroy [J] France à verser à M. [I] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne la société Leroy [J] France aux dépens de première instance et de l’appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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