Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Nîmes
Thématique : Conflit autour de la rupture conventionnelle et de la concurrence déloyale dans le cadre d’un contrat de travail.
→ RésuméDans cette affaire, deux sociétés, Erai Export et Plein Sud France, ont été impliquées dans un litige concernant un salarié, désigné comme responsable développement export. Ce dernier a été embauché par Erai Export en octobre 2017, avec un contrat de travail à durée indéterminée. En février 2021, un avenant a été signé, répartissant son temps de travail entre les deux sociétés du groupe. En juillet 2021, le salarié a créé une société concurrente, Skytech Company, avant de signer une rupture conventionnelle avec Plein Sud France en août 2021.
Après la rupture, le salarié a réclamé le paiement de salaires non versés pour les mois d’août et septembre 2021. En décembre 2021, il a saisi le conseil de prud’hommes d’Alès, demandant le paiement de 2 342,40 euros pour les salaires dus, ainsi que des dommages et intérêts pour non-paiement. Le jugement rendu en juin 2023 a condamné Plein Sud France à payer le montant réclamé, annulé la rupture conventionnelle et prononcé la démission du salarié, tout en lui imposant de rembourser l’indemnité de rupture et de payer des dommages et intérêts pour préavis non effectué. Le salarié a interjeté appel de cette décision, demandant la confirmation de la condamnation pour les salaires dus et la réformation des autres points du jugement. De son côté, Plein Sud France a également formé un appel incident, cherchant à confirmer la décision initiale sur certains aspects tout en demandant des dommages et intérêts pour intention de nuire. La cour a finalement confirmé la condamnation de Plein Sud France pour le paiement des salaires dus, mais a infirmé les autres décisions, notamment celles concernant la démission du salarié et les demandes de remboursement d’indemnités. Les deux parties ont été condamnées à supporter leurs propres dépens. |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/02187 – N° Portalis DBVH-V-B7H-I3YY
NR EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ALES
02 juin 2023
RG :21/00188
[G] [J]
C/
S.A.R.L. PLEIN SUD FRANCE
Grosse délivrée le 25 MARS 2025 à :
– Me
– Me
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 25 MARS 2025
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ALES en date du 02 Juin 2023, N°21/00188
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Nathalie ROCCI, Présidente, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Nathalie ROCCI, Présidente
M. Michel SORIANO, Conseiller
Mme Leila REMILI, Conseillère
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l’audience publique du 17 Janvier 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 25 Mars 2025.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANT :
Monsieur [N] [H] [G] [J]
né le 02 Avril 1965 à Espagne
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER – JEROME PRIVAT – THOMAS AUTRIC, avocat au barreau d’AVIGNON
INTIMÉE :
S.A.R.L. PLEIN SUD FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Guillaume GARCIA, avocat au barreau d’ALES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie ROCCI, Présidente, le 25 Mars 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Les sociétés Erai Export et Plein Sud France sont deux entreprises intimement liées, dont le siège social est établi à [Localité 5].
Elles ont toutes deux une activité à l’international, plus précisément en export de matériels électroniques et installations électriques techniques en Afrique de l’Ouest.
La Société Erai Export fabrique des armoires basse tension et fournit également de l’outillage et du petit matériel sur des chantiers d’ampleur, en particulier en Afrique de l’Ouest.
M. [N] [G] [J] (le salarié) a été embauché le 09 octobre 2017 par la SARL Erai Export suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de responsable développement export, statut cadre, position 2 et indice 114 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Le contrat prévoyait une convention de forfait en jours fixé à 218 jours par an.
Le 1er février 2021, un avenant au contrat à durée indéterminée à temps complet a été signé, M. [G] [J] étant également engagé par une autre société du groupe, la Sarl Plein Sud France (l’employeur), l’ancienneté du salarié étant reprise.
A compter de cette date, le forfait du salarié était réparti en 109 jours au sein de la SARL Erai Export, et 109 jours au sein de la Sarl Plein Sud France.
Une rupture conventionnelle était envisagée au mois de juin 2021 et le 19 juillet 2021, le salarié a créé la SAS Skytech Company, dont l’objet est le commerce de gros de fournitures et d’équipements industriels.
Le 17 août 2021, le protocole de la rupture conventionnelle a été signé pour une prise d’effet prévue le 23 septembre 2021.
Par courrier recommandé du 30 septembre 2021, M. [G] [J] a sollicité auprès de la Sarl Plein Sud France le paiement de salaires non versés.
Le 12 octobre 2021, le salarié a mis en demeure l’employeur de réaliser les paiements dûs.
Par requête du 21 décembre 2021, M. [G] [J] a saisi le conseil de prud’hommes d’Alès aux fins de voir la Sarl Plein Sud France condamner à lui payer la somme de 2 342.40 euros nets au titre du salaire des mois d’août et septembre 2021, outre 5% de majoration des sommes au titre des intérêts à compter du mois de septembre 2021 et la somme de 17 600 euros au titre de dommages et intérêts pour non-paiement des salaires.
Par jugement contradictoire rendu le 02 juin 2023, le conseil de prud’hommes d’Alès a :
‘
– condamné la Sarl Plein Sud FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Monsieur [N] [H] [G] [J] le reliquat des salaires d’août et de septembre 2021 à hauteur de 2 342,40 € nets,
– annulé la rupture conventionnelle passée entre Monsieur [N] [H] [G] [J] et la SARL Plein Sud FRANCE et,
– prononcé la démission de Monsieur [N] [H] [G] [J],
– condamné Monsieur [N] [H] [G] [J] à rembourser l’indemnité de rupture conventionnelle à la Sarl Plein Sud FRANCE, soit la somme de 3 750 € nets,
– condamné Monsieur [N] [H] [G] [J] à payer à la Sarl Plein Sud FRANCE, la somme de 5 265 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préavis non effectué,
– condamné la Sarl Plein Sud FRANCE à verser à Monsieur [N] [H] [G] [J], la somme de 240 euros à titre de dommages et intérêts pour non-paiement de salaires,
– débouté Monsieur [N] [H] [G] [J] de sa demande d’app1ication de majoration sur intérêts,
– condamné Monsieur [N] [H] [H] [G] [J] à verser à la Sarl Plein Sud FRANCE la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour son intention de nuire,
– dit qu’i1 y a lieu d’appliquer la compensation des créances en accord avec le présent jugement,
– condamné la Sarl Plein Sud FRANCE à remettre à Monsieur [N] [H] [G] [J] les documents de fin de contrat conformes au présent jugement,
– condamné Monsieur [N] [H] [G] [J] à remettre à la Sarl Plein Sud FRANCE le ou les codes permettant l’accès et l’administration de l’adresse courriel ‘ [Courriel 9]’ sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification du présent jugement,
– débouté chacune des parties de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.’
Par acte du 28 juin 2023, M. [G] [J] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
En l’état de ses dernières écritures en date du 27 mars 2024, le salarié demande à la cour de :
‘
– Recevoir l’appel de Monsieur [N] [G] [J]
– Le dire bien fondé en la forme et au fond
En conséquence,
– Recevoir l’appel de Monsieur [N] [G] [J]
– Le dire bien fondé en la forme et au fond
En conséquence,
– Confirmer le jugement en ce qu’il condamne la Sarl Plein Sud FRANCE, prise en la personne de son légal, à payer a à Monsieur [N] [H] [G] [J] le reliquat des salaires d’août et de septembre 2021 à hauteur de 2 342,40 €,
– Réformer le jugement en ce qu’il annule la rupture conventionnelle passée entre Monsieur [N] [H] [G] [J] et la Sarl Plein Sud FRANCE et prononce la démission de Monsieur [N] [H] [G] [J],
– Réformer le jugement en ce qu’il condamne Mr [N] [H] [G] [J] à rembourser l’indemnité de rupture conventionnelle la Sté Plein Sud FRANCE, soit la somme 3 750 €,
– Réformer le jugement en ce qu’il condamne Mr [N] [H] [G] [J] à régler à la Sarl Plein Sud FRANCE, la somme de 5 265 euros nets de dommages et intérêts pour préavis non effectué,
– Confirmer le jugement en ce qu’il condamne la Sarl Plein Sud FRANCE à verser à [N] [H] [G] [J] une somme au titre de dommages et intérêts pour non-paiement de salaires mais Réformer quant au montant de la somme donnée,
– Réformer le jugement en ce qu’il déboute Mr [N] [H] [G] [J] de sa demande d’application de majoration sur intérêts,
– Réformer le jugement en ce qu’il condamne Mr [N] [H] [G] [J] à verser Sarl Plein Sud FRANCE la somme de 1 000 euros à de dommages et intérêts pour son intention de nuire,
– Réformer le jugement en ce qu’il dit qu’il y a lieu d’appliquer la compensation des créances en avec le présent jugement,
– Réformer le jugement en ce qu’il condamne Mr [N] [H] [G] [J] à remettre à la SARL Plein Sud FRANCE le ou les codes permettant l’accès et l’administration de l’adresse courriel [Courriel 9] Sous astreinte de 100 € par jour de retard compter du jour suivant la notification du présent jugement,
En conséquence,
– Débouter la société Plein Sud de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles. – Condamner la Sarl Plein Sud au paiement de la somme de 2 342.40 € nets au titre des reliquats des salaires d’août et septembre 2021.
– Dire que ces sommes seront assorties d’intérêts au taux en vigueur majoré de 5% à compter du mois de septembre 2021.
– Condamner la Sarl Plein Sud au paiement de la somme de 17 600 Euros au titre des dommages et intérêts du fait du non-paiement des salaires.
– Condamner au paiement de la somme de la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du CPC et les dépens.’
Aux termes de ses dernières conclusions contenant appel incident en date du 28 décembre 2023, l’employeur demande à la cour de :
‘
– Confirmer le jugement rendu le 2 juin 2023 par la Section Encadrement du Conseil de Prud’hommes d’ALES en ce qu’il a :
– condamné la Sarl Plein Sud FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Monsieur [N] [H] [G] [J] le reliquat des salaires d’août et de septembre 2021 à hauteur de 2 342,40 € nets,
– annulé la rupture conventionnelle passée entre Monsieur [N] [H] [G] [J] et la SARL Plein Sud FRANCE et,
– prononcé la démission de Monsieur [N] [H] [G] [J],
– condamné Monsieur [N] [H] [G] [J] à rembourser l’indemnité de rupture conventionnelle à la Sarl Plein Sud FRANCE, soit la somme de 3 750 € nets,
– condamné Monsieur [N] [H] [G] [J] à payer à la Sarl Plein Sud FRANCE, la somme de 5 265 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préavis non effectué,
– débouté Monsieur [N] [H] [G] [J] de sa demande d’app1ication de majoration sur intérêts,
– dit qu’i1 y a lieu d’appliquer la compensation des créances en accord avec le présent jugement,
– condamné la Sarl Plein Sud FRANCE à remettre à Monsieur [N] [H] [G] [J] les documents de fin de contrat conformes au présent jugement,
– condamné Monsieur [N] [H] [G] [J] à remettre à la Sarl Plein Sud FRANCE le ou les codes permettant l’accès et l’administration de l’adresse courriel ‘ [Courriel 9]’ sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification du présent jugement,
A titre d’appel incident,
– Réformer uniquement sur le quantum les dispositions suivantes du jugement rendu le 2 juin
2023 par la Section Encadrement du Conseil de Prud’hommes d’ALES :
– condamné Monsieur [N] [H] [G] [J] à verser à la Sarl Plein Sud FRANCE la somme de 1 000 euros au titre de dommages et intérêts pour intention de nuire,
Statuant à nouveau,
– Condamner Monsieur [N] [H] [G] [J] à verser à la Société Plein Sud FRANCE la somme de 25.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour s’être livré à des agissements avec l’intention de nuire, susceptibles de caractériser une faute lourde, notamment en montant et constituant sur son temps de travail une société pouvant et faisant concurrence ou en sabotant ses derniers dossiers dans le dessein de faire péricliter l’entreprise.
– Réformer les dispositions suivantes du jugement rendu le 2 juin 2023 par la Section Encadrement du Conseil de Prud’hommes d’ALES :
– condamné la Sarl Plein Sud FRANCE à verser à Monsieur [N] [H] [G] [J] la somme de 240 euros à titre de dommages et intérêts pour non-paiement de salaires,
Statuant à nouveau,
– Débouter Monsieur [N] [H] [G] [J] du surplus de ses demandes, fins et prétentions.
En tout état de cause,
– Condamner Monsieur [N] [H] [G] [J] à payer à la Société Plein Sud FRANCE une indemnité de 3.600,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’à assumer les entiers dépens.’
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 17 septembre 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 17 décembre 2024. L’affaire a été fixée à l’audience du 17 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile;
Dans la limite de la dévolution,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la Sarl Plein Sud France à payer à M. [G] [J] la somme de 2 342,40 euros à titre du solde de salaire des mois d’août et septembre 2021, ainsi que sur les dépens et sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
Infirme le jugement déféré pour le surplus
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés
Déboute la société Plein Sud France de sa demande d’annulation de la rupture conventionnelle et aux fins de voir juger que M. [G] [J] a démissionné
Déboute en conséquence la société Plein Sud France de ses demandes de remboursement de l’indemnité de rupture conventionnelle, de sa demande au titre du préavis non effectué par le salarié et de sa demande de dommages-intérêts au titre de l’intention de nuire du salarié
Déboute M. [G] [J] de sa demande de dommages-intérêts au titre du défaut de paiement de l’intégralité des salaires
Dit que les intérêts au taux légal sur les créances de nature salariale courent à compter de la demande, soit à compter de la notification à la société Plein Sud France de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes
Rejette la demande de la société Plein Sud France de remise sous astreinte des codes permettant l’accès et l’administration de l’adresse email ‘contact@pleinsud france.fr’
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en cause d’appel
Condamne chacune des parties au paiement des dépens à proportion de ceux engagés par chacune, tant en appel qu’en première instance.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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