Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Nîmes
Thématique : Péremption d’instance et obligations procédurales des parties en matière prud’homale.
→ RésuméLa SARL [E] exerce une activité d’expertise comptable à [Localité 4]. En novembre 2010, un gérant et deux associées minoritaires ont constitué la SARL [E] comptabilité conseil. L’une des associées, en qualité de collaboratrice comptable, a été embauchée sans contrat écrit, d’abord à temps partiel, puis à temps plein à partir de septembre 2013, avec une rémunération soumise à la convention collective des experts-comptables.
En octobre 2014, la collaboratrice a déposé une plainte pour harcèlement sexuel contre le gérant. En novembre 2014, elle a saisi le conseil de prud’hommes pour résilier son contrat de travail aux torts de l’employeur. Après une mise à pied conservatoire, elle a été licenciée en janvier 2015 pour fautes lourdes et insuffisance professionnelle. En 2018, le conseil de prud’hommes a ordonné un sursis à statuer en attendant une décision pénale. En décembre 2019, le tribunal correctionnel a reconnu le gérant coupable de harcèlement sexuel, le condamnant à une peine de prison avec sursis et à des dommages-intérêts pour la collaboratrice. En février 2021, la cour d’appel a confirmé la culpabilité du gérant, mais a modifié la peine. En janvier 2022, la collaboratrice a demandé la réinscription de l’affaire, mais le conseil de prud’hommes a déclaré l’instance périmée en mars 2023, rendant sa demande irrecevable. La collaboratrice a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières écritures, elle demande à la cour de déclarer sa demande recevable et fondée, de condamner la SARL [E] comptabilité conseil à lui verser des sommes importantes au titre de rappels de salaires, de dommages-intérêts et de la résiliation judiciaire de son contrat de travail. L’employeur, quant à lui, conteste la recevabilité de l’appel et demande la confirmation du jugement initial. L’affaire est actuellement en cours d’examen par la cour d’appel. |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/01179 – N° Portalis DBVH-V-B7H-IYV7
LR EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NIMES
07 mars 2023
RG :F 17/00858
[R]
C/
S.A.R.L. [E] COMPTABILITE CONSEIL
Grosse délivrée le 25 MARS 2025 à :
– Me
– Me
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 25 MARS 2025
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NIMES en date du 07 Mars 2023, N°F 17/00858
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Nathalie ROCCI, Présidente
Mme Leila REMILI, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l’audience publique du 19 Décembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 25 Mars 2025.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
Madame [O] [R]
née le 21 Mai 1977 à [Localité 5] (13)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LX NIMES, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Céline QUOIREZ, avocate au barreau de NIMES
INTIMÉE :
S.A.R.L. [E] COMPTABILITE CONSEIL société en cours de liquidation représentée par son liquidateur amiable Monsieur [W] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]/France
Représentée par Me Jean françois TRAMONI VENERANDI, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie ROCCI, Présidente, le 25 Mars 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
La SARL [E] exploite une activité d’expertise comptable à [Localité 4].
Le 29 novembre 2010, M. [W] [E] a constitué avec Mme [O] [R] et Mme [Y] [M], associées minoritaires (respectivement titulaires de 13 et 12 parts ), la SARL [E] comptabilité conseil.
Mme [O] [R] a été embauchée par la SARL [E] comptabilité conseil à compter du 1er septembre 2012, en qualité de ‘collaboratrice comptable’, moyennant une rémunération brute de 500 euros pour 50 heures mensuelles puis à compter du 1er octobre 2012, moyennant 650 euros pour 65 heures mensuelles.
Aucun contrat n’a été rédigé.
A compter du 1er septembre 2013, la salariée a été embauchée à temps plein, toujours en qualité de ‘collaboratrice comptable’, pour une rémunération brute de 1820,04 euros.
La relation de travail se trouvait soumise à la convention collective des cabinets d’experts comptables et commissaires aux comptes.
Le 14 octobre 2014, Mme [O] [R] a déposé plainte contre M. [W] [E], gérant de l’entreprise, pour harcèlement sexuel.
Le 14 novembre 2014, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur.
Le 1er décembre 2014, Mme [R] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 16 décembre 2014, avec mise à pied conservatoire.
Le 02 janvier 2015, Mme [R] a été licenciée pour ‘fautes lourdes’ et insuffisance professionnelle.
Le 09 octobre 2018, le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Nîmes a ordonné le sursis à statuer dans l’attente de la décision pénale.
Le 07 novembre 2018, la plainte que M. [E] avait déposée pour des faits de détournements imputés à Mmes [R] et [M] a été classée sans suite par le procureur de la République de [Localité 4].
Par jugement du 19 décembre 2019, le tribunal correctionnel de Nîmes a déclaré M. [E] coupable de harcèlement sexuel par une personne abusant de l’autorité que lui confère sa fonction (propos ou comportements à connotation sexuelle imposés de façon répétée) commis du 1er juillet 2011 au 5 janvier 2015. Il a été condamné à cinq mois d’emprisonnement avec sursis et 8000 euros d’amende ainsi qu’à payer à Mmes [R] et [M], chacune, 5000 euros de dommages et intérêts outre la somme globale de 750 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
Par arrêt du 11 février 2021, la cour d’appel de Nîmes a renvoyé M. [E] des fins de la poursuite sur la période du 1er juillet 2011 au 8 août 2012 et du 1er décembre 2014 au 5 janvier 2015, confirmant la culpabilité pour le surplus. M. [W] [E], par infirmation du jugement déféré, était condamné à la peine de 10 mois d’emprisonnement avec sursis et une amende de 3000 euros, les dispositions civiles étant confirmées et une somme de 1500 euros était accordée à chacune des deux parties civiles au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
Sur pourvoi formé par M. [W] [E], la chambre criminelle de Cour de cassation a, le 10 novembre 2021, cassé l’arrêt attaqué mais uniquement concernant la peine pénale prononcée, la décision n’étant pas censurée sur la culpabilité.
Mme [O] [R] a sollicité la réinscription de l’affaire, le 21 janvier 2022.
Par jugement contradictoire du 07 mars 2023, le conseil de prud’hommes de Nîmes a :
‘- dit que l’instance est éteinte par la péremption ;
– dit que la demande de Mme [O] [R] est irrecevable ;
– dit que la demanderesse conservera la charge des dépens qu’elle a exposés ;
– débouté la SARL [E] Comptabilité Conseil au titre de l’article 700 du code de procédure civile.’
Par acte du 05 avril 2023, Mme [R] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 13 mars 2023.
En l’état de ses dernières écritures en date du 03 juillet 2023, la salariée demande à la cour de :
‘Statuant sur l’appel formé par Mme [O] [R], à l’encontre de la décision rendue le 7 mars 2023 par le Conseil de Prud’hommes de NIMES,
Le déclarant recevable et bien fondé,
Y faisant droit,
Infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :
Dit que l’instance est éteinte par la péremption;
Dit que la demande de Mme [R] [O] est irrecevable;
Dit que la demanderesse conservera la charge des dépens qu’elle a exposés.
Statuant à nouveau,
JUGER n’y avoir lieu à péremption d’instance,
DECLARER ET PRONONCER la recevabilité de la demande de Mme [O] [R],
CONDAMNER la SARL [E] COMPTABILITE CONSEIL à régler à Mme [O] [R] la somme de 21.924 euros au titre de la revalorisation de sa qualification outre 2192 euros de congés payés afférents
Subsidiairement,
REQUALIFIER le contrat de travail de Mme [R] en contrat de travail à temps plein et lui allouer de ce chef la somme de 16.548 euros outre 1654 euros de congés payés afférents,
CONSTATER la situation de dissimulation d’activité de Mme [R] et lui allouer les sommes de :
– 38.940 euros au titre des rappels de salaires pour la période de janvier 2011 à août 2012,
– 12.306 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé
CONDAMNER la SARL [E] COMPTABILITE CONSEIL aux paiements desdites sommes.
CONDAMNER la SARL [E] COMPTABILITE CONSEIL à régler à Mme [O] [R] la somme de 8204 euros outre 820 euros de congés payés afférents au titre des salaires dûs durant la période de protection résultant de l’état de grossesse de la salariée.
CONDAMNER la SARL [E] COMPTABILITE CONSEIL à régler à Mme [O] [R] la somme de 10.000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.
PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [R],
JUGER que cette résiliation judiciaire emporte les conséquences d’un licenciement nul
CONDAMNER la SARL [E] COMPTABILITE CONSEIL à régler à Mme [O] [R] les sommes suivantes :
– Remboursement de la mise à pied conservatoire : 1652 euros outre 165 euros de congés payés afférents
– L’indemnité compensatrice pour un montant de 4102 euros outre 410 euros de congés payés afférents
– L’indemnité légale de licenciement pour un montant de 956 euros
– Dommages-intérêts pour licenciement vexatoire : 5000 euros
– La somme de 20.510 euros de dommages-intérêts
Si par extraordinaire la Cour rejetait la demande de Mme [R] tendant au prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, il est demandé à la Cour de:
CONSTATER la nullité du licenciement de Mme [R] prononcé alors que M. [E] connaissait son état de grossesse et de lui allouer en conséquence les sommes suivantes :
– Remboursement de la mise à pied conservatoire : 1652 euros outre 165 euros de congés payés afférents
– L’indemnité compensatrice pour un montant de 4102 euros outre 410 euros de congés
payés afférents
– L’indemnité légale de licenciement pour un montant de 956 euros
– Dommages-intérêts pour licenciement vexatoire : 5000 euros
– La somme de 20.510 euros de dommages-intérêts
CONDAMNER la SARL [E] COMPTABILITE CONSEIL aux paiements desdites sommes.
A TITRE INIFINIMENT SUBSIDIAIRE :
JUGER que le licenciement de Mme [O] [R] ne reposait sur aucune cause réelle ni sérieuse et lui allouer en conséquence les sommes suivantes :
– Remboursement de la mise à pied conservatoire : 1652 euros outre 165 euros de congés payés afférents
– L’indemnité compensatrice pour un montant de 4102 euros outre 410 euros de congés payés afférents
– L’indemnité légale de licenciement pour un montant de 956 euros
– Dommages-intérêts pour licenciement vexatoire : 5000 euros
– La somme de 20.510 euros de dommages-intérêts
CONDAMNER la SARL [E] COMPTABILITE CONSEIL aux paiements desdites sommes.
En tout état de cause, débouter la SARL [E] COMPTABILITE CONSEIL, de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident.
Condamner la SARL [E] COMPTABILITE CONSEIL, à payer à Mme [O] [R], la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens de 1 ère instance et d’appel.’
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 03 octobre 2023, l’employeur demande à la cour de :
‘Dire et Juger Mme [R] mal fondé en son appel,
En conséquence,
Sur la péremption d’instance,
Confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que l’instance est atteinte par la péremption,
Sur le fond,
A titre principal,
Débouter intégralement Mme [R] de ses demandes,
A titre subsidiaire,
Sur les demandes de rappel de salaire,
Dire et juger prescrites les demandes de rappel de salaires pour la période antérieure au 14 novembre 2011,
Dire et juger ni avoir lieu à reclassification de la salariée,
Sur les demandes de dommages et intérêts au titre de la réparation du préjudice moral et du licenciement,
Dire et juger que l’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes statuant sur les faits de harcèlement a d’ores et déjà réparé le préjudice moral de Mme [R],
Y ajoutant,
Condamner Mme [O] [R] au paiement d’une somme de 2 000 € à la société [E] Conseil Comptabilité en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile les dépens suivant le sort de l’action.’
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 26 juin 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 19 novembre 2024. L’affaire a été fixée à l’audience du 19 décembre 2024.
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