Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Metz
Thématique : Reconnaissance d’une pathologie professionnelle et évaluation du taux d’incapacité.
→ RésuméUn assuré a déposé une demande de reconnaissance de sa pathologie en maladie professionnelle auprès de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Moselle, en joignant un certificat médical attestant d’un adénocarcinome du rein gauche. La CPAM a transmis le dossier au Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP), qui a établi un lien entre la maladie et l’exposition au trichloréthylène dans le cadre du travail de l’assuré. En novembre 2020, le CRRMP a reconnu ce lien et la CPAM a fixé la date de consolidation de l’état de santé de l’assuré au 29 mai 2019.
En mars 2021, la CPAM a attribué un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 20% à l’assuré, qui a contesté cette décision. La commission médicale de recours amiable a confirmé ce taux en août 2021. L’assuré a alors saisi le tribunal judiciaire de Metz, demandant un taux d’IPP de 70%. Lors d’une audience en mars 2023, un médecin consultant a évalué l’état de l’assuré et a proposé un taux d’IPP de 40%, en tenant compte de l’insuffisance rénale et des séquelles de la néphrectomie. Le tribunal a finalement fixé le taux d’IPP à 67% dans son jugement du 5 mai 2023, infirmant la décision de la commission médicale. La CPAM a interjeté appel, demandant la confirmation de son taux initial de 20%. Lors de l’audience d’appel, la CPAM a soutenu que seules les séquelles reconnues pouvaient être prises en compte, tandis que l’assuré a insisté sur l’impact du cancer et de l’insuffisance rénale sur son état. La cour d’appel a confirmé le jugement de première instance, reconnaissant que l’insuffisance rénale et le caractère cancéreux de la pathologie de l’assuré devaient être pris en compte dans l’évaluation de son taux d’incapacité. La CPAM a été condamnée à chiffrer la rente selon le taux de 67% et à verser des frais à l’assuré. |
Arrêt n° 25/00095
03 Avril 2025
—————
N° RG 23/01315 – N° Portalis DBVS-V-B7H-F7PD
——————
Pole social du TJ de METZ
05 Mai 2023
21/01187
——————
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
Section 3 – Sécurité Sociale
ARRÊT DU
trois Avril deux mille vingt cinq
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par M. [N], muni d’un pouvoir général
INTIMÉ :
Monsieur [C] [L]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par l’association [5], prise en la personne de Mme [I] [F], salariée de l’association munie d’un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Janvier 2025, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. François-Xavier KOEHL, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par déclaration établie le 28 janvier 2020, M. [C] [L], né le 7 janvier 1941, a adressé à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Moselle une demande de reconnaissance de sa pathologie en maladie professionnelle « hors tableau », en joignant à sa demande un certificat médical initial rédigé le 23 janvier 2020 par le docteur [G], médecin généraliste, décrivant un « adénocarcinome rein gauche ».
La CPAM de Moselle a procédé à l’instruction de la demande et a saisi le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP), en considérant que la maladie entraînait un taux prévisible d’incapacité permanente partielle (IPP) de 25%.
Par décision du 23 novembre 2020, le CRRMP de la région Grand-Est a retenu l’existence d’un lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée par M. [L] et le travail habituel de ce dernier dans une entreprise fabriquant des systèmes de freinage du fait de l’exposition au trichloréthylène.
Le 4 janvier 2021, la caisse a fixé la consolidation de l’état de santé de M. [L] au 29 mai 2019.
Le 19 mars 2021, la caisse a notifié à M. [L] un taux d’IPP de 20%, lui attribuant une rente annuelle d’un montant de 4 648,85 euros à la date du 30 mai 2019.
M. [L] a contesté le taux d’IPP en saisissant la commission médicale de recours amiable de la caisse. Par décision du 25 août 2021, ladite commission a confirmé le taux d’IPP fixé par la caisse et rejeté le recours de l’assuré.
Par courrier recommandé du 20 octobre 2021, M. [L] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Metz d’un recours contre la décision de rejet de la commission médicale de recours amiable et en sollicitant la fixation son taux d’IPP à 70%.
La juridiction a ordonné une consultation médicale confiée au docteur [O] qui, après examen de M. [L] et de son dossier médical, a rendu oralement le rapport suivant lors de l’audience du 14 mars 2023 :
« M. [L] conteste le taux de 20% octroyé au titre de sa maladie professionnelle 79 à savoir une néphrectomie gauche pour carcinome du rein gauche.
Le rapport du docteur [Z] sur demande de l’intéressé mentionne un taux de 20% pour séquelle de néphrectomie, 20% pour syndrome anxieux et 20% pour insuffisance rénale.
Pour la séquelle de néphrectomie, le taux de 20% est parfaitement conforme au barème AT/MP, il n’y a donc pas à revenir dessus.
Pour le syndrome anxieux, par contre, rien dans les dires de l’intéressé, ni dans les médicaments qu’il présente, ni dans son suivi médical, ne relate un syndrome anxieux dûment prouvé. Donc, cela vaut 0% pour le syndrome anxieux.
En ce qui concerne l’insuffisance rénale, il est vrai que les prises de sang antérieures à son opération montrent une créatinémie, une clairance de la créatinine, normale.
Après son opération, celles-ci ont augmenté, de sorte qu’on a actuellement une clairance de la créatinine à 33 en date du 10 juin 2021. Donc ce qui témoigne effectivement d’une insuffisance rénale du rein restant à une insuffisance rénale moyenne.
Si on reprend le barème AT/MP, l’insuffisance rénale justifie le taux de 20%.
Donc, on arrive à un total de 20% + 20%, soit 40%.
Je me permets de signaler que le rapport d’IPP du médecin-conseil mentionne que l’intéressé aurait une insuffisance rénale. M. [L] confirme qu’il n’avait présenté aucun bilan biologique lors de sa visite auprès du médecin-conseil, donc il en ignorait l’existence.
Il est à noter que l’intéressé est suivi pour une hypertension artérielle, mais celle-ci remonte à une vingtaine d’années, donc bien antérieurement à son intervention ».
Par jugement du 5 mai 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz a statué comme suit :
– « Déclare M. [C] [L] recevable en son recours ;
– Infirme la décision de la commission médicale de recours amiable en date du 25 août 2021 ;
– Fixe à 67% le taux d’IPP de M. [C] [L] ;
– Condamne la CPAM de Moselle aux entiers frais et dépens de l’instance, dont ceux de consultation médicale ;
– Rappelle l’exécution provisoire de la décision. »
Par courrier recommandé expédié le 12 juin 2023, la CPAM de Moselle a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR réceptionnée le 24 mai 2023.
Par conclusions datées du 12 décembre 2024, soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de Moselle demande à la cour :
– « De déclarer l’appel de la caisse recevable et bien fondé ;
– D’infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 mai 2023 par le pôle social du tribunal judiciaire de Metz en ce qu’il a fixé le taux d’incapacité permanente partielle de M. [L] à 67%,
Et, statuant à nouveau :
– De confirmer la décision de la caisse du 19 mars 2021 fixant le taux d’incapacité permanente partielle de M. [L] [C] à hauteur de 20% ;
– De débouter M. [L] de l’ensemble de ses demandes ;
– De condamner M. [L] aux entiers frais et dépens ;
A titre subsidiaire,
– D’entériner le rapport oral d’expertise du docteur [O] lors de l’audience du 14 mars 2023 et de fixer le taux d’IPP à 40%,
A titre infiniment subsidiaire :
– Ordonner la mise en ‘uvre d’une nouvelle expertise médicale ».
Dans ses conclusions récapitulatives datées du 27 janvier 2025 soutenues oralement à l’audience de plaidoirie, l’ADEVAT, représentant de M. [L], demande à la cour de de statuer comme suit :
« – Confirmer intégralement le jugement entrepris.
– Débouter la CPAM de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
– Condamner la caisse à exécuter la décision en notifiant à M. [L] son taux de 67% et le calcul de rente y afférent sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir.
– la condamner à payer à M. [L] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. »
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
CONFIRME le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Metz du 5 mai 2023,
Y ajoutant,
CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle à procéder au chiffrage de la rente due à M. [C] [L] conformément au taux d’incapacité permanente partielle de 67%, et à régulariser le montant dû au titre de ladite rente dans le mois suivant le prononcé du présent arrêt, sous peine d’une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du premier jour du mois suivant et dans la limite de quatre mois à compter de la présente décision,
CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle à verser à M. [C] [L] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle aux dépens d’appel.
La Greffière La Présidente
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?