Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Metz
Thématique : Reconnaissance de la faute inexcusable et indemnisation des victimes de maladies professionnelles.
→ RésuméUn travailleur, ayant été employé par une entreprise publique minière, a développé une pathologie liée à l’inhalation de poussières d’amiante. En 2018, il a déclaré cette maladie à la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les Mines, qui a reconnu la maladie comme professionnelle et a attribué un taux d’incapacité permanente partielle de 5%. En parallèle, le travailleur a sollicité une indemnisation auprès du Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante, acceptant une offre qui incluait des compensations pour divers préjudices.
Après une tentative de conciliation infructueuse, le travailleur a engagé une action en justice pour faire reconnaître la faute inexcusable de son ancien employeur, l’Agent Judiciaire de l’État, représentant l’entreprise liquidée. Le tribunal a statué en faveur du travailleur, reconnaissant la faute inexcusable de l’employeur et ordonnant des indemnités, y compris une majoration de l’indemnité en capital. Cependant, le jugement stipulait que cette majoration serait versée au FIVA, ce qui a conduit le travailleur à interjeter appel. Dans ses conclusions, le travailleur a demandé que la majoration soit versée directement à lui, tandis que l’Agent Judiciaire de l’État a soutenu que la décision initiale devait être maintenue. Le FIVA, agissant en tant que subrogé, a également demandé une révision du jugement en faveur du travailleur. La Caisse Primaire d’Assurance Maladie, agissant pour le compte de la CANSSM, a choisi de ne pas contester la reconnaissance de la faute inexcusable, se concentrant sur le remboursement des sommes avancées. La cour d’appel a finalement infirmé la décision initiale concernant la majoration de l’indemnité, ordonnant qu’elle soit versée directement au travailleur, tout en rejetant les demandes du FIVA et condamnant l’Agent Judiciaire de l’État aux dépens. |
Arrêt n° 25/00088
03 Avril 2025
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N° RG 23/01228 – N° Portalis DBVS-V-B7H-F7HW
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Pole social du TJ de METZ
05 Mai 2023
21/00453
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
Section 3 – Sécurité Sociale
ARRÊT DU
trois Avril deux mille vingt cinq
APPELANT :
Monsieur [L] [T]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Frédéric QUINQUIS, avocat au barreau de PARIS
substitué par Me JOSEPH , avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
L’AGENT JUDICIAIRE DE l’ ETAT (AJE)
Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Cathy NOLL, avocat au barreau de MULHOUSE
substitué par Me CABOCEL , avocat au barreau de METZ
FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ
CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES MINES – CANSSM
ayant pour mandataire de gestion la CPAM de Moselle prise en la personne de son directeur
et pour adresse postale
L’Assurance Maladie des Mines
[Adresse 8]
[Localité 5]
représentée par M. [K], muni d’un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Janvier 2025, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. François-Xavier KOEHL, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [L] [T], né le 6 juillet 1961, a travaillé pour le compte des Houillères du Bassin de Lorraine (HBL) devenues l’établissement public Charbonnages de France (CDF), du 19 juin 1978 au 31 décembre 1998.
Par formulaire du 22 février 2018, M. [T] a déclaré à la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les Mines – l’Assurance Maladie des Mines (CANSSM) une pathologie « épaississements pleuraux » inscrite au tableau n°30B des maladies professionnelles, transmettant avec ladite demande de reconnaissance un certificat médical du docteur [U] du 19 février 2018.
Par décision du 20 novembre 2018, la caisse a pris en charge la maladie « plaques pleurales » de M. [T] au titre du tableau n°30B des maladies professionnelles, relatif aux affections consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante.
Le 30 janvier 2019, la CANSSM a notifié à M. [T] un taux d’incapacité permanente partielle de 5%, lui attribuant une indemnité en capital d’un montant de 1 958,18 euros à la date du 20 février 2018 (lendemain de la date de consolidation).
En parallèle, M. [T] a saisi le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante (FIVA) d’une demande d’indemnisation et a accepté l’offre du FIVA se décomposant comme suit
préjudice d’incapacité fonctionnelle : 9 266,67 euros,
préjudice moral : 17 300 euros,
souffrances physiques : 300 euros,
préjudice d’agrément : 1 300 euros.
Après échec de la tentative de conciliation introduite devant l’Assurance Maladie des Mines par courrier du 16 septembre 2019, M. [T] a, par courrier recommandé expédié le 16 avril 2021, saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Metz, d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable des Charbonnages de France dans la survenance de sa maladie professionnelle afin de bénéficier des conséquences indemnitaires en découlant.
Il convient de préciser que l’établissement public Charbonnages de France a été définitivement liquidé le 31 décembre 2017, ses droits et obligations étant transférés à l’État, représenté par l’Agent Judiciaire de l’État (AJE).
Par ailleurs, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Moselle (CPAM ou Caisse) qui agit pour le compte de la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les Mines (CANSSM) depuis le 1er juillet 2015, ainsi que le FIVA ont été mis en cause.
Par jugement du 5 mai 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz a statué comme suit :
« Déclare M. [L] [T] recevable en sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, l’Agent Judiciaire de l’Etat, intervenant pour l’ancien EPIC Charbonnages de France,
Déboute l’Agent Judiciaire de l’Etat, intervenant pour l’ancien EPIC Charbonnages de France, de sa demande en inopposabilité de la décision de prise en charge en date du 20 novembre 2018,
Dit que la maladie professionnelle déclarée par M. [T] et inscrite au tableau n°30 des maladies professionnelles est due à la faute inexcusable de son employeur, l’Agent Judiciaire de l’Etat, intervenant pour l’EPIC Charbonnages de France,
Rappelle que le FIVA est fondé à exercer son action subrogatoire contre l’Agent Judiciaire de l’Etat, intervenant pour l’ancien EPIC Charbonnages de France,
Ordonne la majoration à son maximum du capital ayant été alloué à M. [L] [T] dans les conditions prévues à l’article L. 452-2 alinéa 2 du code de la sécurité sociale,
Dit que cette majoration sera versée par la CPAM intervenant pour le compte de la CANSSM au FIVA,
Juge qu’en cas de décès imputable, la rente du conjoint sera majorée à son taux maximum,
Juge qu’en cas d’aggravation ultérieure, la majoration sera indexée au taux d’incapacité permanente,
Fixe l’indemnisation des préjudices personnels de M. [T], résultant de sa maladie professionnelle inscrite au tableau n°30 à la somme totale de 15 300 euros au titre de ses souffrances physiques et morales,
Dit que cette somme sera versée par la CPAM intervenant pour le compte de la CANSSM au FIVA,
Déboute le FIVA de sa demande formulée au titre du préjudice d’agrément,
Dit que l’ensemble des sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil,
Rappelle que la CPAM intervenant pour le compte de la CANSSM est fondée à exercer son action récursoire contre l’Agent Judiciaire de l’Etat, intervenant pour l’ancien EPIC Charbonnages de France,
Condamne l’Agent Judiciaire de l’Etat, intervenant pour l’ancien EPIC Charbonnages de France, à rembourser à la CPAM intervenant pour le compte de la CANSSM l’ensemble des sommes, en principal et intérêts, qu’elle sera tenue d’avancer sur le fondement des articles L. 452-1 à L. 452-3 du code de la sécurité sociale au titre de la pathologie professionnelle de M. [T] inscrite au tableau n°30B,
Condamne l’Agent Judiciaire de l’Etat, intervenant pour l’ancien EPIC Charbonnages de France, aux entiers frais et dépens de la procédure,
Condamne l’Agent Judiciaire de l’Etat, intervenant pour l’ancien EPIC Charbonnages de France, à verser à M. [L] [T] la somme de 1 500 euros et à verser au FIVA la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toute autre demande,
Rappelle l’exécution à titre provisoire du jugement. »
M. [T] a, par déclaration effectuée le 9 juin 2023, interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR reçue le 23 mai 2023, en ce qu’elle a dit que la majoration de l’indemnité en capital sera versée par la CPAM intervenant pour le compte de la CANSSM au FIVA.
Par conclusions datées du 21 janvier 2025, soutenues oralement à l’audience de plaidoirie par son conseil, M. [T] demande à la cour de :
« Confirmer le jugement rendu le 5 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Metz sauf en ce qu’il a :
« Dit que la majoration de l’indemnité en capital sera versée par la CPAM intervenant pour le compte de la CANSSM au FIVA »,
Et, statuant à nouveau :
Dire et juger que la majoration de l’indemnité en capital sera directement et intégralement versée par la CPAM intervenant pour le compte de la CANSSM à M. [L] [T]. »
Dans ses conclusions d’intimé datées du 23 janvier 2025, soutenues oralement à l’audience de plaidoirie par son conseil, l’AJE demande à la cour de :
« Juger que la majoration de l’indemnité en capital sera versée par la CPAM intervenant pour le compte de la CANSSM à M. ([T]),
Débouter le FIVA de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Dire n’y avoir lieu à dépens. »
Dans ses conclusions datées du 11 décembre 2024, le FIVA, subrogé dans les droits de M. [T], demande à la cour de :
« Déclarer l’appel interjeté par M. [T] recevable et bien fondé,
Déclarer le FIVA recevable et bien fondé en son appel incident,
Y faisant droit :
Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– dit que la majoration de capital sera versée par la CPAM intervenant pour le compte de la CANSSM au FIVA,
Statuant à nouveau sur ce point :
Dire que la CANSSM devra verser cette majoration de capital à M. [T],
Y ajoutant,
Condamner l’Agent Judiciaire de l’Etat à payer au FIVA une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile. »
Par courrier daté du 13 janvier 2025, repris oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM, a informé la juridiction qu’elle ne déposera pas d’écritures et s’en remet à la cour quant à la reconnaissance de la faute inexcusable et aux montants susceptibles d’être alloués sur cette base. Elle sollicite seulement la condamnation de l’employeur au remboursement de l’intégralité des sommes qu’elle devra avancer dans l’hypothèse où la faute inexcusable serait reconnue.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures de celles-ci et à la décision entreprise.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement entrepris du 5 mai 2023 du pôle social du tribunal judiciaire de Metz en ce qu’il a dit que la majoration de l’indemnité en capital sera versée par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie intervenant pour le compte de la CANSSM au Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante (FIVA),
Statuant à nouveau sur le point infirmé, et y ajoutant,
Ordonne à la CPAM de Moselle de verser la majoration de l’indemnité en capital due au titre de la pathologie inscrite au tableau n°30B des maladies professionnelles directement à M. [L] [T] ;
Rejette la demande du FIVA sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne l’Agent Judiciaire de l’Etat aux dépens d’appel.
La Greffière, La Présidente,
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