Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Metz
→ RésuméLe GAEC des Sources Parrois a demandé la reconnaissance d’un bail rural sur des parcelles héritées de [W] [K]. Le tribunal paritaire des baux ruraux de Metz a d’abord statué en faveur du GAEC, ordonnant à [O] de libérer les parcelles. Cependant, la Cour d’appel de Metz a annulé ce jugement en raison d’une irrégularité dans la composition du tribunal, entraînant la réouverture des débats. Les conflits de propriété entre le GAEC et les indivisaires, dont [O], ont ainsi conduit à une nouvelle phase d’examen des arguments, en attente d’une décision finale.
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Affaire GAEC DES SOURCES PARROIS c/ [O], [K], [K], [K], [X]
Dans cette affaire jugée par la Cour d’appel de Metz, le GAEC des Sources Parrois a demandé la reconnaissance d’un bail rural sur des parcelles appartenant à la succession de [W] [K]. Le tribunal paritaire des baux ruraux de Metz a rendu un jugement en faveur du GAEC, ordonnant à [O] de libérer les parcelles et de verser des dommages et intérêts. Cependant, suite à un appel de [O], la Cour a annulé le jugement en raison d’une irrégularité dans la composition du tribunal. Les débats ont été rouverts et les parties invitées à présenter de nouvelles observations.
Les faits et la procédure
Suite au décès de [W] [K], des litiges ont éclaté concernant la propriété des parcelles. Le GAEC des Sources Parrois a revendiqué un bail rural sur ces terres, tandis que [O] et d’autres indivisaires contestaient cette revendication. Le tribunal paritaire des baux ruraux de Metz a statué en faveur du GAEC, mais cet arrêt a été annulé par la Cour d’appel de Metz en raison d’une irrégularité dans la composition du tribunal.
Les motifs de la décision
La Cour a annulé le jugement initial en raison d’une irrégularité dans la composition du tribunal. Les débats ont été rouverts et les parties ont été invitées à présenter de nouvelles observations. La décision finale sera prise après examen des nouvelles arguments présentés par les parties et des éventuelles décisions judiciaires à venir dans une autre procédure en cours.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/00011
N°Portalis DBVS-V-B7F-FM4A
Minute n° 23/00153
[O]
C/
Société GAEC DES SOURCES PARROIS, [K], [K], [K], [X]
Jugement Au fond, origine Tribunal paritaire des baux ruraux de METZ, décision attaquée en date du 15 Décembre 2020, enregistrée sous le n° 51-17-14
COUR D’APPEL DE METZ
3ème CHAMBRE – Baux Ruraux
ARRÊT DU 11 MAI 2023
APPELANT :
Monsieur [E] [O]
[Adresse 17]
[Localité 11]
Comparant et assisté par Me Vanessa KEYSER, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉS :
LE GAEC DES SOURCES PARROIS
[Adresse 6]
[Localité 10]
Non comparant, représenté par Me Soline DEHAUDT avocat au barreau de STRASBOURG
Monsieur [D] [K]
[Adresse 5]
[Localité 16]
Comparant
Monsieur [F] [K]
[Adresse 8]
[Localité 9]
Comparant et assisté par Me Vanessa KEYSER, avocat au barreau de NANCY
Monsieur [Z] [K]
[Adresse 13]
[Localité 16]
Non comparant, représenté par Me Vanessa KEYSER, avocat au barreau de NANCY
INTERVENANT VOLONTAIRE :
Monsieur [H] [X]
Chez GAEC des Sources Parrois
[Adresse 6]
[Localité 10]
Non comparant, représenté par Me Soline DEHAUDT, avocat au barreau de STRASBOURG
DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 26 Janvier 2023 tenue par Monsieur MICHEL, Conseiller, Magistrat rapporteur qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré pour l’arrêt être rendu le 11 Mai 2023.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Madame GUIMARAES
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre
ASSESSEURS : Monsieur MICHEL, Conseiller
Monsieur KOEHL, Conseiller
ARRÊT :
Mixte et Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Madame PELSER, Greffier placé à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
[W] [K] qui était propriétaire de diverses parcelles situées sur les communes d'[Localité 16] et [Localité 18], est décédé le 12 juin 2017, laissant comme héritiers ses trois frères, MM. [Z], [F] et [D] [K], indivisaires à part égales.
Par courrier du 8 août 2017, MM. [Z] et [F] [K] ont fait interdiction au GAEC des Sources Parrois de pénétrer sur les parcelles dépendant de la succession. Par convention d’occupation précaire du 2 septembre 2017, ils ont consenti la jouissance de certains des terrains en nature de prairie à M. [E] [O] et par acte authentique du 14 septembre 2017, ils lui ont donné 1/60° indivis des parcelles ayant appartenu à [W] [K].
Soutenant être titulaire d’un bail à ferme sur certaines parcelles dépendant de la succession de [W] [K] et par requête du 27 décembre 2017, le GAEC des Sources Parrois a fait convoquer devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Metz, MM. [Z], [F] et [D] [K] et M. [O].
Par acte authentique du 23 septembre 2019, M. [D] [K] a donné 1/120ème de ses droits indivis à M. [H] [X], co-gérant du GAEC des Sources Parrois, qui est intervenu volontairement à la procédure. Par acte authentique du 4 décembre 2019, MM. [Z] et [F] [K] ont cédé à M. [O] la totalité de leurs droits indivis.
Au dernier état de la procédure, le GAEC des Sources Parrois et M. [X] ont demandé au tribunal de :
– constater que le GAEC des Sources Parrois est titulaire d’un bail rural verbal consenti par [W] [K] sur les parcelles :
– commune d'[Localité 16]
‘ section 21 n°[Cadastre 7] : 5 hectares, 1 are, 3 centiares
‘ section 20 n°[Cadastre 2] : 3 hectares, 80 ares, 67 centiares
‘ section 17 n°[Cadastre 1],[Cadastre 2] et [Cadastre 3] : 8 hectares, 63 ares, 40 centiares
‘ section 19 n°[Cadastre 12] : 3 hectares, 42 ares, 77 centiares
– commune de [Localité 18]
‘ section 45 n°[Cadastre 14] et n°[Cadastre 15] : 1 hectares, 15 ares, 53 centiares
– ordonner aux défendeurs d’assurer la jouissance paisible des parcelles au GAEC des Sources Parrois en mettant fin à la convention d’occupation précaire consentie à M. [O] pendant la durée du bail sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir
– constater que M. [D] [K] ne s’oppose pas à la jouissance paisible des parcelles
– condamner les défendeurs à réparer le préjudice subi par le GAEC des Sources Parrois s’élevant à 48.582,35 euros et réserver le droit de parfaire ce montant
– subsidiairement, désigner un expert pour évaluer le préjudice de perte d’exploitation et de mise en état des parcelles subi par le GAEC des Sources Parrois
– déclarer le jugement opposable à M. [D] [K] et M. [H] [X]
– condamner les défendeurs à payer au GAEC des Sources Parrois un montant de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Les défendeurs ont demandé au tribunal de constater que MM. [Z] et [F] [K] ne sont plus propriétaires des quote-parts des biens litigieux, de les mettre hors de cause, de débouter le GAEC des Sources Parrois de toutes ses prétentions et de le condamner à payer à chacun des défendeurs la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les frais et dépens de l’instance.
Par jugement du 15 décembre 2020 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal paritaire des baux ruraux de Metz a :
– ordonné la mise hors de cause de MM. [Z] et [F] [K]
– constaté que le GAEC des Sources Parrois est titulaire d’un bail rural sur les parcelles sises commune d'[Localité 16] cadastrées section 21 n°[Cadastre 7], section 20 n°[Cadastre 2], section 17 n°[Cadastre 1],[Cadastre 2] et [Cadastre 3], section 19 n°[Cadastre 12], section 1 n°[Cadastre 4] et commune de [Localité 18] section 45 n°[Cadastre 14] et n°[Cadastre 15]
– condamné M. [O] à assurer la jouissance paisible des parcelles au GAEC des Sources Parrois sous astreinte de 200 euros par jour de retard, deux mois après la notification de la décision
– condamné M. [O] à régler au GAEC des Sources Parrois la somme de 48.582,35 euros à titre de dommages et intérêts
– réservé les demandes indemnitaires du GAEC des Sources Parrois pour les années postérieures à 2019
– donné acte à M. [K] qu’il ne s’oppose pas à la jouissance paisible des parcelles par le GAEC des Sources Parrois
– déclaré le jugement commun à MM. [D] [K] et [H] [X]
– condamné M. [O] à régler à GAEC des Sources Parrois la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens
Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue au greffe de la cour le 30 décembre 2020, M. [O] a formé appel du jugement en intimant le GAEC des Sources Parrois, MM. [Z], [F] et [D] [K] et M. [H] [X].
A l’audience du 26 janvier 2023, M. [O] et M. [Z] [K] ont comparu assistés de leur avocat qui a également représenté M. [F] [K] et a repris oralement les conclusions déposées à l’audience, aux termes desquelles ils demandent à la cour de :
– annuler le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Metz le 15 décembre 2020
– à défaut, confirmer le jugement en ses dispositions ayant ordonné la mise hors de cause de MM. [Z] et [F] [K] et déclaré le jugement commun à MM. [D] [K] et [H] [X]
– le réformer pour le surplus
– débouter le GAEC des Sources Parrois de toutes ses demandes
– ordonner la libération des lieux par le GAEC des Sources Parrois ainsi que par tous occupants de son chef dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir et ce sous peine d’astreinte de 200 euros par jour de retard
– dire et juger que passé ce délai, il sera procédé à l’expulsion immédiate du GAEC des Sources Parrois ainsi que de tous occupants de son chef et ce, avec le concours de la force publique le cas échéant
– à titre subsidiaire, si la cour confirme l’existence d’un bail rural, dire et juger que le bail porte sur les parcelles suivantes :
– commune d'[Localité 16] :
‘ section 21 n°[Cadastre 7] pour 5 hectares, 1 are, 3 centiares ;
‘ section 20 n°[Cadastre 2] pour 3 hectares, 80 ares, 67 centiares
‘ section 17 n°[Cadastre 1] pour 1 hectare, 3 ares, 3 centiares
‘ section 17 n°[Cadastre 2] pour 44 ares, 20 centiares
‘ section 17 n°[Cadastre 3] pour 6 hectares, 91 ares, 17 centiares
‘ section 19 n°[Cadastre 12] pour 3 hectares, 42 ares, 77 centiares
– commune de [Localité 18]
‘ section 45 n°[Cadastre 14] pour 72 ares, 83 centiares
‘ section 45 n°[Cadastre 15] pour 42 ares et 70 centiares
– fixer précisément la date de début du bail
– débouter le GAEC des Sources Parrois de ses demandes indemnitaires
– en tout état de cause condamner le GAEC des Sources Parrois à leur payer ensemble la somme de 6.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux frais et dépens de la procédure de première instance et d’appel.
Sur la nullité du jugement, au visa des articles L.492-1 et L.492-6 du code rural et de la pêche maritime, M. [O] et MM. [Z] et [F] [K] font valoir que les mentions portées dans la décision laissent penser que c’est le tribunal tel que composé lors des débats et du prononcé qui a rendu le jugement, c’est à dire en présence du juge, des deux assesseurs bailleur et d’un seul assesseur preneur, soit une composition incomplète, que le président aurait dû statuer seul après avoir pris avis auprès des assesseurs présents lors des débats et qu’à la lecture du jugement rien ne démontre que tel a été le cas, de sorte que la décision n’a pas été valablement prononcée.
A titre subsidiaire, sur l’existence d’un bail à ferme au profit du GAEC des Sources Parrois, ils soutiennent que les conditions visées par l’article L.411-1 du code rural et de la pêche maritime définissant le bail rural et tenant à la mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole, ne sont pas remplies. Ils exposent que le GAEC n’a bénéficié ni d’une exploitation continue et autonome, ni d’une jouissance exclusive des parcelles dont il se prétend locataire, que les témoignages produits par l’intimé démontrent qu’il effectuait des travaux sur les terrains litigieux et non qu’il en avait la jouissance exclusive, que la fourniture annuelle à [W] [K] de bottes de foin et de paille et les services rendus pour soigner ses animaux démontrent le maintien d’une activité agricole de celui-ci, que les biens fournis par le GAEC en paiement des fourrages récoltés représentent plus du double d’un fermage moyen pour ces parcelles et que cette valeur caractérise plus un contrat de prestations de services qu’un contrat de bail à ferme. Ils précisent que [W] [K] bien que diminué physiquement a toujours poursuivi l’exploitation des biens lui appartenant, qu’il n’a jamais voulu les donner à bail, qu’il conduisait son tracteur et entretenait son troupeau de vaches et que le GAEC exécutait les travaux les plus physiques dans le cadre du contrat d’entreprise. Ils contestent l’authenticité des trois factures de vente du matériel de 2015 et indiquent que le relevé de compte de la succession atteste de la vente en 2017 de divers matériel et bestiaux encore présents sur l’exploitation. Ils contestent également l’objectivité de l’attestation de M. [D] [K] en soulignant que celui-ci est lié au GAEC des Sources Parrois qu’il a autorisé à exploiter les parcelles et qu’ils ont le même conseil.
M. [O] et MM. [Z] et [F] [K] font valoir que si le GAEC s’était prévalu d’un bail rural il aurait dû solliciter une autorisation administrative au titre du contrôle des structures des exploitations agricoles, ce qu’il n’a jamais demandé et que s’il avait eu la jouissance exclusive des terrains, il n’aurait pas manqué de faire procéder au transfert des droits à paiement de base pour les primes européennes versées dans le cadre de la PAC alors que ces droits ont constamment été perçus par [W] [K] et que les terres sont restées inscrites à la mutualité sociale agricole à son nom.
Ils soutiennent également que sur les 22 hectares revendiqués, seule une superficie de 13 hectares environ est en nature de prés, le reste des parcelles étant en jachère selon la volonté de [W] [K]. Ils ajoutent que le GAEC des Sources Parrois allègue être locataire en particulier d’une parcelle sise à [Localité 16], cadastrée section 1 n°[Cadastre 4] alors qu’elle correspond à une maison qu’il n’a jamais occupée mais qui a été vendue à M. [D] [K] le 27 septembre 2017 et qu’il n’a pas davantage occupé le hangar agricole et son terrain d’assiette situés sur une partie de la parcelle section 17 n°[Cadastre 3] utilisés jusqu’à son décès par [W] [K]. Ils observent enfin que dans la déclaration de succession les parcelles ont été évaluées à 6.000 euros l’hectare, soit en valeur ‘libre’.
Sur les demandes indemnitaires, ils observent que le GAEC des Sources Parrois calcule une perte d’exploitation sur une surface de plus de 18 hectares alors que seule une superficie d’un peu moins de 13 hectares est concernée, qu’il compte trois coupes pour les années 2018 et 2019 au cours desquelles les rendements en herbe ont été très faibles et que les barèmes publiés par la chambre de l’agriculture ne peuvent servir de base pour le calcul d’un préjudice personnel et réel dont il n’est pas justifié. Ils soulignent que les marges brutes sont indiquées sans précision sur la surface prise en considération, le GAEC n’ayant jamais produit ses relevés d’exploitation MSA et ses relevés PAC permettant de considérer que les chiffres avancés incluent la surface des parcelles de [W] [K]. Ils ajoutent que les chiffres avancés montrent une augmentation de la marge brute au titre de la récolte 2018 alors qu’à l’époque le GAEC n’exploitait déjà plus les parcelles litigieuses. Ils s’opposent à l’expertise sollicitée en faisant valoir que la cour n’a pas à pallier la carence du demandeur dans l’administration de la preuve en ordonnant cette mesure d’instruction. Ils s’opposent également à la demande d’indemnisation au titre de la remise en état des parcelles aux motifs que M. [O] ne les a pas dégradées mais qu’au contraire, il les a remises en état et valorisées conformément aux termes de la convention d’occupation précaire.
Le GAEC des Sources Parrois et M. [X] ont été représentés par leur conseil qui a repris oralement les conclusions déposées à l’audience aux termes desquelles ils demandent à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf en ce qu’il a ordonné la mise hors de cause de MM. [Z] et [F] [K]
– condamner en qualité de bailleur M. [O], respectivement MM. [Z] et [F] [K] en fonction de la décision à intervenir dans la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Metz sous le n°20/02733, à réparer le préjudice subi par le GAEC des Sources Parrois au titre de l’année 2020, s’élevant à 18.160 euros
– subsidiairement, condamner en qualité de bailleur M. [O], respectivement MM. [Z] et [F] [K] en fonction de la décision à intervenir dans la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Metz sous le n°20/02733, à réparer le préjudice subi par le GAEC des Sources Parrois au titre des années 2017 à 2020 s’élevant à 198.619,72 euros sur la base des barèmes de la chambre de l’agriculture, subsidiairement à 143.618,21 euros sur la base de sa comptabilité
– plus subsidiairement, désigner un expert pour évaluer le préjudice de perte d’exploitation et de remise en état des parcelles subi par le GAEC des Sources Parrois
– en tout état de cause, condamner en qualité de bailleur M. [O], respectivement MM. [Z] et [F] [K] en fonction de la décision à intervenir dans la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Metz sous le n°20/02733, à payer au GAEC des Sources Parrois la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel et aux entiers frais et dépens de la procédure d’appel.
Ils exposent avoir eu tardivement connaissance des actes authentiques par lesquels MM. [Z] et [F] [K] ont donné le 14 septembre 2011 à M. [O], une part dans l’indivision successorale, puis le 4 septembre 2019 vendu à celui-ci les 39/60ème restant de leur quote-part pour un prix de 166.843, 04 euros, que ce montage juridique est intervenu en fraude manifeste des droits de préemption d’indivisaire de M. [D] [K] qui a saisi le tribunal judiciaire de Metz aux fins de voir annuler les deux actes et que la procédure est actuellement pendante sous le numéro RG 20/02733.
Sur la demande en annulation du jugement, ils indiquent s’en rapporter à la cour, rappelant qu’en cas d’annulation de la décision pour une autre cause que l’irrégularité de l’acte introductif d’instance, la cour d’appel saisie du litige en son entier par l’effet dévolutif de l’appel, est tenue de statuer sur le fond.
Sur la reconnaissance d’un bail à ferme, les intimés font valoir qu’à compter de l’année 2013 [W] [K] a confié au GAEC l’exploitation de ses parcelles de prairie, qu’en contrepartie celui-ci lui a fourni annuellement 70 à 80 bottes de foin de 500 kg et 20 bottes de paille et lui a rendu de nombreux services, et qu’en conséquence, en application de l’article L.411-1 du code rural et de la pêche maritime, il dispose d’un bail à ferme sur les terrains objet de la procédure.
Ils prétendent que la poursuite de l’activité de [W] [K] est contredite par les pièces du dossier, notamment les nombreux témoignages, que le GAEC a réalisé de manière continue l’intégralité des travaux sur les prairies, de l’épandage d’engrais à la fauche ou l’ensillage avec son personnel et son matériel et avoir payé les intrants, que cette exploitation était autonome et non partagée, [W] [K] ayant seulement gardé quelques bovins qui étaient toute l’année sous son hangar et dont le nombre ne cessait de décliner, mais ne réalisait aucun travail sur les parcelles de prairie en raison de son handicap. Ils ajoutent que le propriétaire ne disposait plus que de vieux matériels après avoir vendu depuis plusieurs années ses machines pour le prix de la ferraille comme en attestent les factures produites qui ont été rédigées de sa main selon un expert graphologue, qu’il se déplaçait en fauteuil électrique et qu’il percevait une pension d’invalidité servie par la MSA depuis le 1er mars 2013 pour inaptitude totale avec classement dans la catégorie ‘exploitant invalide à 100%’.
Ils contestent l’existence d’un contrat d’entreprise en l’absence de paiement, ainsi qu’un partage de récolte, ajoutant qu’en tout état de cause, le partage de récolte caractérise une convention de bail régie par le statut du fermage. Ils exposent que la contrepartie acquittée pour l’exploitation des prairies n’était pas d’une valeur supérieure au fermage comme le soutiennent les appelants en se basant sur un calcul erroné et que cet élément est indifférent, les dispositions légales ne comportant aucune indication sur le montant ni sur la nature de la contrepartie due au propriétaire. Ils soutiennent que le fait que les parcelles soient évaluées dans la déclaration de succession à la somme de 6.000 euros en valeur libre n’est pas de nature à établir l’absence de bail dans la mesure où le montant d’une terre libre est de 8.000 euros l’hectare et que la déclaration a été signée le 17 novembre 2017, que [W] [K] a continué à percevoir les aides PAC parce que son exploitation déclinait d’année en année et que sans ces aides, il n’aurait pu faire face à ses dettes et que l’absence de transcription des parcelles à son nom à la MSA est indifférente à l’existence d’un bail.
Sur les demandes indemnitaires du GAEC, ils expliquent que si M. [D] [K] reconnaît l’existence du bail,ses deux frères lui ont interdit par courrier du 8 août 2017 de pénétrer sur les terrains de la succession et parallèlement ont permis sous couvert d’une convention d’occupation précaire à M. [O] d’exploiter les parcelles. Ils indiquent que celui-ci a empêché le GAECd’exploiter les terres et les a pulvérisées et labourées après avoir arraché des clôtures, des haies et abattu des arbres pour en faire de grandes parcelles et permettre le passage d’engins de culture. Ils sollicitent la confirmation de la condamnation de M. [O] à régler la somme de 48.852 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de récolte pour les années 2017, 2018 et 2019 ainsi qu’au coût de la remise en état des parcelles en herbe.
Les intimés expliquent par ailleurs que M. [O] a libéré les parcelles le 25 janvier 2021, de sorte que le GAEC des Sources Parrois est fondé à solliciter l’indemnisation complémentaire de l’année 2020. Ils observent que M. [O] conteste le chiffrage pour la première fois à hauteur de cour et prétendent que celui-ci ne peut se retrancher derrière les termes de la convention d’occupation précaire dès lors que cet acte a été signé en méconnaissance du bail à ferme et que les travaux réalisés dépassent l’exploitation normale des biens pouvant être autorisée par des indivisaires détenant les 2/3 des droits indivis. Ils soulignent que les montants retenus par le tribunal sont contestés par les appelants parce qu’ils sont forfaitaires alors qu’en se basant sur les barèmes d’indemnisation de perte de récolte pour le département, la perte subie par le GAEC des Sources Parrois ressort à 47.227,18 euros par an, soit pour les quatre années considérées, à la somme totale de 188.908,72 euros outre les frais de remise en état de 9.711 euros et qu’en retenant à défaut de ces barèmes, les données comptables qui lui sont propres, la perte annuelle s’élève à 33.476,80 euros, soit 133.907,21 euros pour quatre ans auxquels s’ajoutent les frais de remise en état.
Enfin, ils s’opposent à la mise hors de cause de MM. [Z] et [F] [K] en faisant valoir que si la donation et la vente de leurs parts indivises qu’ils ont successivement consenties à M. [O] sont annulées dans le cadre de la procédure actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Metz, ils redeviendront bailleurs avec toutes conséquences de droit.
M. [D] [K], comparant, a déclaré que son frère [W] qui était venu vivre chez lui après son hospitalisation jusqu’au jour de sa mort, lui avait dit avoir consenti un bail verbal au GAEC des Sources Parrois et qu’il entendait faire respecter sa volonté. Il a ajouté que quelques jours après l’enterrement, M. [O] a dépossédé le GAEC de son bien en allant chercher M. [F] [K] qui ne fréquente plus la famille depuis 42 ans et qui s’est allié à M.[Z] [K] contre lui.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’annulation du jugement
L’article L.492-1 du code rural et de la pêche maritime dispose que le tribunal paritaire de baux ruraux est présidé par un juge du tribunal judiciaire désigné par le président du tribunal judiciaire; il comprend, en outre en nombre égal, des bailleurs non preneurs et des preneurs non bailleurs, répartis s’il y a lieu, entre deux sections.
Selon l’article L.492-6 du même code, lorsque, par suite de l’absence d’un ou de plusieurs assesseurs, le tribunal paritaire des baux ruraux ne peut se réunir au complet, le président statue seul, après avoir pris l’avis des assesseurs présents.
Les mentions du jugement doivent permettre de vérifier si le président a statué seul après avoir pris l’avis des assesseurs présents et si la décision a été rendue dans les formes légales.
En l’espèce, le jugement précise en première page que la ‘composition du tribunal lors des débats et du prononcé’ comprend le juge, deux assesseurs bailleurs et un seul assesseur preneur. Il ne figure aucune autre mention permettant de vérifier si, en raison de la formation incomplète du tribunal compte tenu de l’absence d’un assesseur preneur, le président a statué seul après avoir pris l’avis des assesseurs présents et si la décision a été rendue dans les formes légales. Faute de cette précision, le jugement doit être annulé.
En application de l’article 562 du code de procédure civile, lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement, la dévolution s’opère pour le tout, de sorte qu’il appartient à la cour de statuer sur le fond du litige.
Il est relevé qu’aux termes des conclusions reprises oralement à l’audience, M. [O] et MM. [Z] et [F] [K] ont sollicité à titre principal la nullité du jugement sans pour autant conclure sur le fond du litige en cas d’annulation et former des prétentions. Leurs autres prétentions tendant à la confirmation ou l’infirmation des dispositions du jugement sont présentées à défaut d’annulation ou à titre subsidiaire et ne peuvent valoir la formulation de prétentions en suite de l’annulation du jugement. Il convient dès lors d’ordonner la réouverture des débats et d’inviter M. [O] et MM. [Z] et [F] [K] à présenter leurs prétentions et observations sur le fond du litige.
Par ailleurs, il est demandé à l’ensemble des parties de présenter leurs observations éventuelles sur l’opportunité d’un sursis à statuer dans l’attente de la décision judiciaire devant intervenir dans la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Metz sous le n°20/02733.
Le surplus des demandes et les dépens sont réservés.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt mixte et contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
ANNULE le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Metz le 15 décembre 2020 en toutes ses dispositions ;
ORDONNE la réouverture des débats ;
INVITE M.[E] [O] et MM. [Z] et [F] [K] à présenter leurs prétentions et observations en suite de l’annulation du jugement déféré ;
INVITE l’ensemble des parties à présenter leurs observations éventuelles sur l’opportunité d’un sursis à statuer dans l’attente de la décision devant intervenir dans la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Metz sous le n°20/02733 ;
RENVOIE la procédure à l’audience du 22 juin 2023 à 14h30 ;
RÉSERVE les demandes et les dépens.
Le Greffier Le Président de Chambre
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