Cour d’appel de Metz, 1 avril 2025, RG n° 25/00309
Cour d’appel de Metz, 1 avril 2025, RG n° 25/00309

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Metz

Thématique : Prolongation de rétention administrative : évaluation des perspectives d’éloignement et recevabilité des recours.

Résumé

Dans cette affaire, un étranger de nationalité afghane, actuellement en rétention administrative, conteste la décision de placement en rétention prononcée par le préfet de la Saône-et-Loire. L’intéressé a déposé un recours en annulation de cette décision, tandis que le préfet a saisi le tribunal judiciaire de Metz pour obtenir une prolongation de la rétention. Le 31 mars 2025, le juge a rejeté la demande d’annulation et a ordonné la prolongation de la rétention jusqu’au 25 avril 2025.

L’étranger, assisté par un avocat commis d’office et un interprète, a interjeté appel de cette ordonnance. Lors de l’audience, il a soutenu que le juge devait vérifier la compétence du signataire de la requête de prolongation. Cependant, le tribunal a jugé que l’appel était irrecevable sur ce point, car l’argumentation fournie ne constituait pas une motivation suffisante selon les dispositions légales en vigueur.

Concernant la question de la perspective d’éloignement, l’étranger a fait valoir qu’il n’existait aucune possibilité de retour en Afghanistan en raison des risques pour sa vie et son intégrité physique. Il a également mentionné le retrait de son statut de réfugié en raison de condamnations pénales. Toutefois, le tribunal a souligné que la situation de l’Afghanistan avait évolué et que des mesures d’éloignement restaient envisageables, même en l’absence de reconnaissance consulaire.

Finalement, le tribunal a confirmé l’ordonnance de prolongation de la rétention, déclarant l’appel recevable mais irrecevable sur la contestation de la compétence du signataire. La décision a été prononcée publiquement, et le tribunal a ordonné la remise immédiate d’une expédition de l’ordonnance au procureur général.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

ORDONNANCE DU 01 AVRIL 2025

1ère prolongation

Nous, Frédéric MAUCHE, Président de chambre, agissant sur délégation de Monsieur le premier président de la cour d’appel de Metz, assisté de Sonia DE SOUSA, greffière ;

Dans l’affaire N° RG 25/00309 – N° Portalis DBVS-V-B7J-GLD2 ETRANGER :

M. [C] [P] [J]

né le 14 Mai 1992 à [Localité 1] EN AFGHANISTAN

de nationalité Afghane

Actuellement en rétention administrative.

Vu la décision de M. LE PREFET DE LA SAONE ET LOIRE prononçant le placement en rétention de l’intéressé;

Vu le recours de M. [C] [P] [J] en demande d’annulation de la décision de placement en rétention;

Vu la requête de M. LE PREFET DE LA SAONE ET LOIRE saisissant le juge du tribunal judiciaire de Metz tendant à la prolongation du maintien de l’intéressé dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une première prolongation ;

Vu l’ordonnance rendue le 31 mars 2025 à 10h27 par le juge du tribunal judiciaire de Metz déboutant l’intéressé de sa demande d’annulation de l’arrêté de rétention et ordonnant la prolongation de la rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire jusqu’au 25 avril 2025 inclus ;

Vu l’acte d’appel de l’association assfam ‘ groupe sos pour le compte de M. [C] [P] [J] interjeté par courriel du 31 mars 2025 à 17h24 contre l’ordonnance rejetant la demande d’annulation de la décision de placement en rétention et ayant statué sur la prolongation de la mesure de rétention administrative ;

Vu l’avis adressé à Monsieur le procureur général de la date et l’heure de l’audience ;

A l’audience publique de ce jour, à 14 H 30, en visioconférence se sont présentés :

– M. [C] [P] [J], appelant, assisté de Me Thomas GUYARD, avocat de permanence commis d’office, présent lors du prononcé de la décision et de M. [D] [H], interprète assermenté en langue dari, présent lors du prononcé de la décision

– M. LE PREFET DE LA SAONE ET LOIRE, intimé, représenté par Me Bettina DORFMANN, avocat au barreau de Paris substituant la selarl centaure avocats du barreau de Paris, présent lors du prononcé de la décision

Me Thomas GUYARD et M. [C] [P] [J], par l’intermédiaire de l’interprète ont présenté leurs observations ;

M. LE PREFET DE LA SAONE ET LOIRE, représenté par son avocat a sollicité la confirmation de l’ordonnance entreprise ;

M. [C] [P] [J], par l’intermédiaire de l’interprète, a eu la parole en dernier.

sur ce,

– Sur la recevabilité de l’acte d’appel :

L’appel est recevable comme ayant été formé dans les formes et délai prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

– Sur la compétence de l’auteur de la requête :

Dans son acte d’appel, M. [C] [P] [J] soutient qu’il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête mais également qu’il est effectivement fait mention des empêchements éventuels des délégataires de signature et que si le signataire de la requête en prolongation n’est pas compétent, il appartient au juge judiciaire d’en tirer les conséquences et de prononcer sa remise en liberté.

Toutefois, l’article R 743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dispose que la déclaration d’appel doit être motivée à peine d’irrecevabilité. Or le seul moyen soulevé selon lequel « il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête mais également qu’il est effectivement fait mention des empêchements éventuels des délégataires de signature », ne constitue pas une motivation d’appel au sens de l’article précité, à défaut pour l’appelant de caractériser par les éléments de l’espèce dûment circonstanciés, l’irrégularité alléguée. Par ailleurs, il est rappelé qu’aucune disposition légale n’oblige l’administration à justifier de l’ indisponibilité du délégant et des empêchements éventuels des délégataires.

Il y a donc lieu de déclarer l’appel irrecevable sur ce point.

Sur l’absence de perspective d’éloignement:

Conformément à l’article L 741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il appartient au juge d’apprécier, à chaque stade de la procédure, s’il existe ou non une perspective raisonnable d’éloignement.

M. [C] [P] [J], tout en rappelant que le juge de la rétention n’est pas compétent pour apprécier sa situation de retour en Afghanistan au titre de sa situation et du respect de l’article 5 de la CEDH, fait état de ce qu’il ne dispose que de la nationalité afghane et que le classement de l’afghanistan comme pays à risque interdit toute perspective d’éloignement au regard du risque pour sa vie ou son intégrité physique de sorte qu’il n’existe pas de perspective d’éloignement.

Il fait état d’un risque de traitement inhumain ou dégradant en cas de retour vers l’Afgahanistan mais l’appréciation de cette situation ressort du juge de l’asile (OFPRA ou CNDA) et il est relevé que le statut de réfugié lui a été retiré du fait des condamnations pénales prononcées à son égard.

Au demeurant M. [C] [P] [J] ne fait état que de considérations générales et ne présente se référant à la situation de l’Afghanistan d’avant l’évolution du pays d’aout 2021 et reste susceptible en cas de nouveaux éléments d’une nouvelle saisine de l’OFPRA mais, sous réserve fe l’appréciation de l’autorité compétente, il est relevé que sa situation été a été analysée lors de la demande de prologation a l’égard de sa personne, de sa situation familiale et sa compatibilité avec la religion sunnite des talibans.

En tout état le présent controle du juge de la rétention portant que sur l’effectivité des perspectives d’éloignement, il ne peut préjuger d’une impossiblité d’exécution de la mesure puisque, comme l’a souligné le premier juge la nationalité afghanne de l’intéressé n’est pas établie en l’absence de la reconnaissance consulaire pour laquelle un rendez vous est en cours.

Par ailleurs et malgré la fermeture des frontières, les mesures d’éloignement du territoire français restent envisageables et sont pratiquées vers des états tiers ou par leur entremise de sorte qu’il n’est pas établi une absence de perspective d’éloignement.

Il convient d’autoriser la prolongation de la rétention et de confirmer l’ordonnance entreprise.

 


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