Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Metz
Thématique : Prolongation de rétention administrative : évaluation de la dangerosité et des conditions de maintien.
→ RésuméDans cette affaire, un étranger, de nationalité marocaine, a été placé en rétention administrative par le préfet de Meurthe-et-Moselle. Cette décision a été suivie d’une ordonnance du juge du tribunal judiciaire de Metz, qui a prolongé la rétention pour une durée maximale de 30 jours. Par la suite, une nouvelle demande de prolongation a été formulée par le préfet, entraînant une seconde ordonnance du juge, prolongeant la rétention de 15 jours supplémentaires.
L’étranger a interjeté appel de cette ordonnance par l’intermédiaire d’une association, contestant la légitimité de la prolongation de sa rétention. Lors de l’audience, l’étranger était assisté d’un avocat commis d’office et d’un interprète, tandis que le préfet était représenté par un avocat. Les deux parties ont présenté leurs observations, le préfet demandant la confirmation de l’ordonnance initiale. Concernant la recevabilité de l’appel, le tribunal a jugé que celui-ci était formé dans les délais et les formes requises. Cependant, la contestation de la compétence du signataire de la requête a été déclarée irrecevable, l’appelant n’ayant pas fourni de motivation suffisante pour étayer son argument. Sur le fond, le tribunal a examiné la situation de l’étranger au regard de la menace à l’ordre public. Il a été établi que l’individu avait des antécédents judiciaires, notamment une condamnation pour vol avec violence, et qu’il continuait à vivre sous plusieurs identités. Ces éléments ont conduit le tribunal à conclure à une dangerosité persistante, justifiant ainsi la prolongation de la rétention. En conséquence, le tribunal a déclaré recevable l’appel de l’étranger, mais a confirmé l’ordonnance de prolongation de la rétention, ordonnant la remise d’une expédition de la décision au procureur général. |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE Metz
ORDONNANCE DU 01 AVRIL 2025
3ème prolongation
Nous, Frédéric MAUCHE, Président de chambre, agissant sur délégation de Monsieur le premier président de la cour d’appel de Metz, assisté de Sonia DE SOUSA, greffière ;
Dans l’affaire N° RG 25/00308 – N° Portalis DBVS-V-B7J-GLDF ETRANGER :
M. [B] [Y]
né le 17 Décembre 2002 à [Localité 1] AU MAROC
de nationalité Marocaine
Actuellement en rétention administrative.
Vu la décision de M. LE PREFET DE MEURTHE ET MOSELLE prononçant le placement en rétention de l’intéressé ;
Vu l’ordonnance rendue le 28 février 2025 par le juge du tribunal judiciaire de Metz ordonnant la prolongation de la rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire et ce pour une durée maximale de 30 jours jusqu’au 30 mars 2025 inclus ;
Vu la requête en prolongation exceptionnelle de M. LE PREFET DE MEURTHE ET MOSELLE ;
Vu l’ordonnance rendue le 31 mars 2025 à 09h52 par le juge du tribunal judiciaire ordonnant la prolongation exceptionnelle de la rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire et ce pour une durée maximale de 15 jours jusqu’au 14 avril 2025 inclus ;
Vu l’acte d’appel de l’association assfam ‘ groupe sos pour le compte de M. [B] [Y] interjeté par courriel le 31 mars 2025 à 17h19, contre l’ordonnance ayant statué sur la prolongation de la mesure de rétention administrative ;
Vu l’avis adressé à Monsieur le procureur général de la date et l’heure de l’audience ;
A l’audience publique de ce jour, à 14 H 30, en visioconference se sont présentés :
– M. [B] [Y], appelant, assisté de Me Thomas GUYARD, avocat de permanence commis d’office, présent lors du prononcé de la décision et de [T] [G], interprète assermenté en langue arabe, par téléphone conformément aux dispositions de l’article 141-3 du CESEDA présent lors du prononcé de la décision;
– M. LE PREFET DE MEURTHE ET MOSELLE, intimé, représenté par Me Bettina DORFMANN, avocat au barreau de Paris substituant la selarl centaure avocats du barreau de Paris, présente lors du prononcé de la décision;
Me Thomas GUYARD et M. [B] [Y], par l’intermédiaire de l’interprète ont présenté leurs observations ;
M. LE PREFET DE MEURTHE ET MOSELLE, représenté par son avocat a sollicité la confirmation de l’ordonnance entreprise ;
M. [B] [Y], par l’intermédiaire de l’interprète, a eu la parole en dernier.
Sur ce,
– Sur la recevabilité de l’acte d’appel
L’appel est recevable comme ayant été formé dans les formes et délai prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
– Sur la compétence de l’auteur de la requête :
Dans son acte d’appel, M. [B] [Y] soutient qu’il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête mais également qu’il est effectivement fait mention des empêchements éventuels des délégataires de signature et que si le signataire de la requête en prolongation n’est pas compétent, il appartient au juge judiciaire d’en tirer les conséquences et de prononcer sa remise en liberté.
Toutefois, l’article R 743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dispose que la déclaration d’appel doit être motivée à peine d’irrecevabilité. Or le seul moyen soulevé selon lequel « il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête mais également qu’il est effectivement fait mention des empêchements éventuels des délégataires de signature », ne constitue pas une motivation d’appel au sens de l’article précité, à défaut pour l’appelant de caractériser par les éléments de l’espèce dûment circonstanciés, l’irrégularité alléguée. Par ailleurs, il est rappelé qu’aucune disposition légale n’oblige l’administration à justifier de l’ indisponibilité du délégant et des empêchements éventuels des délégataires.
Il y a donc lieu de déclarer l’appel irrecevable sur ce point.
– Sur la prorogation au regard de la menace à l’ordre public :
L’article L742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit que A titre exceptionnel, le juge du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.
Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours.
M. [B] [Y] soutient que l’administration ne démontre pas la survenance d’une urgence ou d’une menace à l’ordre public au cours de la prolongation exceptionnelle.
Pour autant il est relevé qu’il a déjà été condamné le 31 mars 2022 à 4 mois d’emprisonnement pour vol et que, s’il a purgé cette peine, il continue à vivre sous de multiples alias dont 13 lui ont été retrouvés non seulement pour éviter l’exécution des deux OQTF et de leurs interdictions de retour le concernant. Il est surtout constaté, en termes de menaces à l’ordre public, la commission de nombreuses infractions aux biens ou personnes dans lesquels il a été impliqué comprenant des faits de vols avec violences et de port d’arme ainsi qu’il en résulte de sa précédente condamnation de 2022, des faits de vols ayant justifié son interpellation et des 9 fiches de traitement des antécédents judiciaires.
Cette situation de dangerosité pour l’ordre public qui doit être appréciée dans sa globalité apparait établie compte tenu de son absence d’insertion envisageable et de modification d’un mode vie qui, par la réitération de faits délictueux, menace l’ordre public, elle caractérise la dangerosité de l’interessé qui serait toujours actuelle en cas de levée de la rétention sans évolution de sa situation administrative .
En conséquence le moyen doit être écarté et l’ordonnance entreprise est confirmée.
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?