Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Metz
Thématique : Prolongation de rétention administrative et appréciation de la menace à l’ordre public.
→ RésuméDans l’affaire N° RG 25/00306, un étranger, de nationalité algérienne, a été placé en rétention administrative par le préfet des Vosges. Le juge du tribunal judiciaire de Metz a ordonné la prolongation de cette rétention pour une durée maximale de 30 jours, suivie d’une prolongation exceptionnelle de 15 jours. L’étranger a contesté cette décision par le biais d’une association, arguant que la compétence du signataire de la requête n’était pas justifiée.
Lors de l’audience, l’étranger, assisté d’un avocat commis d’office, a présenté ses observations, tandis que le préfet, représenté par un avocat, a demandé la confirmation de l’ordonnance initiale. Le tribunal a d’abord examiné la recevabilité de l’appel, concluant qu’il était formé dans les délais légaux. Cependant, la contestation de la compétence du signataire a été jugée irrecevable, car l’appelant n’a pas fourni de motivation suffisante. Concernant la prolongation de la rétention, le tribunal a rappelé que le juge peut être saisi pour prolonger la rétention en cas d’obstruction à l’éloignement, de demande de protection ou de menace pour l’ordre public. Le tribunal a noté que l’étranger avait des antécédents judiciaires, notamment des condamnations pour violences et évasion, ce qui justifiait une appréciation de la menace à l’ordre public. L’absence d’insertion sociale de l’étranger, combinée à son refus de titre de séjour, a été considérée comme un facteur de dangerosité. Enfin, le tribunal a estimé qu’il existait une perspective raisonnable d’éloignement, étant donné les relances faites auprès des autorités algériennes. En conséquence, l’ordonnance de prolongation de la rétention a été confirmée pour une période de 15 jours. |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE Metz
ORDONNANCE DU 01 AVRIL 2025
3ème prolongation
Nous, Frédéric MAUCHE, Président de chambre, agissant sur délégation de Monsieur le premier président de la cour d’appel de Metz, assisté de Sonia DE SOUSA, greffière ;
Dans l’affaire N° RG 25/00306 – N° Portalis DBVS-V-B7J-GLDB ETRANGER :
M. [E] [L]
né le 17 Juillet 1994 à [Localité 1] EN ALGERIE
de nationalité Algérienne
Actuellement en rétention administrative.
Vu la décision de M. LE PREFET DES VOSGES prononçant le placement en rétention de l’intéressé ;
Vu l’ordonnance rendue le 01 mars 2025 par le juge du tribunal judiciaire de Metz ordonnant la prolongation de la rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire et ce pour une durée maximale de 30 jours jusqu’au 30 mars 2025 inclus ;
Vu la requête en prolongation exceptionnelle de M. LE PREFET DES VOSGES ;
Vu l’ordonnance rendue le 31 mars 2025 à 09h39 à par le juge du tribunal judiciaire ordonnant la prolongation exceptionnelle de la rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire et ce pour une durée maximale de 15 jours jusqu’au 14 avril 2025 inclus ;
Vu l’acte d’appel de l’association assfam ‘ groupe sos pour le compte de M. [E] [L] interjeté par courriel le 31 mars 2025 à 17h13, contre l’ordonnance ayant statué sur la prolongation de la mesure de rétention administrative ;
Vu l’avis adressé à Monsieur le procureur général de la date et l’heure de l’audience ;
A l’audience publique de ce jour, à 14 H 30, en visioconference se sont présentés :
– M. [E] [L], appelant, assisté de Me Thomas GUYARD, avocat de permanence commis d’office, présent lors du prononcé de la décision ;
– M. LE PREFET DES VOSGES, intimé, représenté par Me Bettina DORFMANN, avocat au barreau de Paris substituant la selarl centaure avocats du barreau de Paris, présente lors du prononcé de la décision;
Me Thomas GUYARD et M. [E] [L], ont présenté leurs observations ;
M. LE PREFET DES VOSGES, représenté par son avocat a sollicité la confirmation de l’ordonnance entreprise ;
M. [E] [L], a eu la parole en dernier.
Sur ce,
– Sur la recevabilité de l’acte d’appel
L’appel est recevable comme ayant été formé dans les formes et délai prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
– Sur la compétence de l’auteur de la requête :
Dans son acte d’appel, M. [E] [L] soutient qu’il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête mais également qu’il est effectivement fait mention des empêchements éventuels des délégataires de signature et que si le signataire de la requête en prolongation n’est pas compétent, il appartient au juge judiciaire d’en tirer les conséquences et de prononcer sa remise en liberté.
Toutefois, l’article R 743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dispose que la déclaration d’appel doit être motivée à peine d’irrecevabilité. Or le seul moyen soulevé selon lequel « il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête mais également qu’il est effectivement fait mention des empêchements éventuels des délégataires de signature », ne constitue pas une motivation d’appel au sens de l’article précité, à défaut pour l’appelant de caractériser par les éléments de l’espèce dûment circonstanciés, l’irrégularité alléguée. Par ailleurs, il est rappelé qu’aucune disposition légale n’oblige l’administration à justifier de l’ indisponibilité du délégant et des empêchements éventuels des délégataires.
Il y a donc lieu de déclarer l’appel irrecevable sur ce point.
– Sur la prorogation au regard de la menace à l’ordre public :
L’article L742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit que A titre exceptionnel, le juge du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.
Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours.
M. [E] [L] soutient que l’administration ne démontre pas la survenance d’une urgence ou d’une menace à l’ordre public encore existante.
La cour considère que c’est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qu’il convient d’adopter que le juge du tribunal judiciaire a écarté ce moyen soulevé devant lui et repris devant la cour d’appel .
Il est précisé que la menace à l’ordre public doit être appréciée dans sa globalité et relevé notamment tant une condamnation du 18 décembre 2020 par la cour d’assises de Nancy pour des violences aggravées que du 21 mars 2022 de celle de Metz pour évasion dans le cadre de la même affaire.
Même s’il déclare sans pouvoir en justifier travailler et soutenir sa famille depuis sa sortie de maison d’arrêt, force est de constater que son absence d’insertion envisageable suite au refus de titre de séjour et donc de modification de son mode vie est de nature à conduire à une réitération de faits délictueux, menacant l’ordre public, elle caractérise la dangerosité de l’interessé qui reste toujours actuelle en cas de levée de la rétention sans évolution de sa situation administrative .
En conséquence, l’ordonnance entreprise est confirmée.
Sur l’absence de perspective d’éloignement :
Conformément à l’article L 741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il appartient au juge d’apprécier, à chaque stade de la procédure, s’il existe ou non une perspective raisonnable d’éloignement.
En l’espèce, force est de constater que l’absence de toute perspective raisonnable d’éloignement de M. [E] [L] n’est pas démontrée dès lors qu’il existe de multiples relances de demande d’audition auprès des autorités algériennes qui, n’ayant pas encore pris position, n’ont pas rejeté la demande préfectorale de retour de l’intéressé lequel revendique la nationalité algérienne de sorte qu’il existe une perspective raisonnable d’éloignement après l’entretien consulaire.
Le moyen invoqué par M. [E] [L] est rejeté
Il convient dès lors de confirmer l’ordonnance entreprise autorisant la prolongation de la rétention de M. [E] [L] pour une période de 15 jours.
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