Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Lyon
Thématique : Rupture contractuelle et indemnisation : enjeux d’une représentation commerciale.
→ RésuméLa société Daw France, filiale d’un groupe allemand, a engagé un agent commercial pour vendre ses produits dans la région Rhône-Alpes. En décembre 2019, un client important, la société La Boîte à outils, a annoncé son intention de lancer un appel d’offres, ce qui a suscité des tensions entre les parties. En janvier 2020, la société Daw France a demandé des comptes à l’agent commercial, qui a refusé de les fournir. Les discussions ont continué, mais un désaccord persistant a conduit à une réunion en mars 2020.
En mai 2020, Daw France a informé l’agent commercial que La Boîte à outils souhaitait déréférencer certains produits, ce qui a été confirmé par un courriel en juillet 2020. Daw France a alors demandé à l’agent de ne plus représenter la société auprès de ce client, ce qui a été acté par un courriel fin août 2020. En septembre 2020, La Boîte à outils a notifié le déréférencement de tous les produits de Daw France. L’agent commercial a alors imputé à Daw France la rupture de leur contrat et a demandé une indemnisation. En janvier 2021, il a assigné la société en justice pour faire constater la rupture et obtenir des compensations. Le tribunal a constaté une résiliation partielle du contrat en juillet 2020, à l’initiative de Daw France, et une résiliation totale en janvier 2021, à l’initiative de l’agent, justifiée par des circonstances imputables à Daw France. Le tribunal a condamné Daw France à verser des indemnités à l’agent commercial. Daw France a interjeté appel, contestant la décision du tribunal. L’agent a également formulé des demandes supplémentaires. La cour a confirmé la décision de première instance, en condamnant Daw France à verser des sommes pour préavis et indemnités, tout en ajoutant une condamnation pour des commissions impayées. |
N° RG 23/02604 – N° Portalis DBVX-V-B7H-O4EP
Décision du
Tribunal Judiciaire de LYON
Au fond
du 28 février 2023
RG : 21/00944
ch n°1 cab 01 A
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 08 Avril 2025
APPELANTE :
La SARL DAW FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Thierry BRAILLARD de la SELARL THIERRY BRAILLARD ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 124
ayant pour avocat plaidant Me Fabien BARBUDAUX-LE FEUVRE de la SELARL BBO Société d’avocats, avocat au barreau de PARIS
INTIME :
M. [C] [L]
né le 09 Avril 1969 à [Localité 5] (43)
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Amandine BIAGI, avocat au barreau de LYON, toque : 1539
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Date de clôture de l’instruction : 17 Octobre 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Décembre 2024
Date de mise à disposition : 18 Février 2025 prorogée au 08 Avril 2025, les avocats dûment avisés conformément à l’article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Patricia GONZALEZ, président
– Stéphanie LEMOINE, conseiller
– Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
La société Daw France, filiale française du groupe allemand Daw, fabrique et commercialise des peintures et produits destinés à la protection et à la décoration des bâtiments à destination des professionnels et du grand public sous les marques Caparol et Alpina et elle a mis en place un réseau d’agents commerciaux.
Par contrat d’agent commercial du 31 octobre 2014, la société Daw France a confié à M. [L] le mandat de vendre en son nom et pour son compte les produits de ses gammes grand public (GSP 1er prix, Gamme Pro et Alpina) sur le secteur Rhône-Alpes.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 12 décembre 2019, la société La Boîte à outils, cliente de la société Daw France, a informé cette dernière qu’elle souhaitait lancer un appel d’offre sur l’ensemble des produits référencés chez Daw France, avec un risque consécutif de déréférencement total ou partiel.
Par courrier électronique du 31 janvier 2020, la société Daw France a demandé à M. [L] des comptes-rendus d’activité. Ce dernier a refusé. Plusieurs correspondances sont intervenues aux termes desquelles chacun a maintenu sa position.
Une réunion s’est tenue entre les parties le 19 mars 2020 au sujet de l’appel d’offre.
Par courrier électronique du 29 mai 2020, la société Daw France a signalé à M. [L] que la société La Boîte à outils souhaitait déréférencer les produits GSP et demandait la suppression de tout passage des agents commerciaux à compter du ler janvier 2021.
Une réunion s’est tenue entre les parties le 3 juin 2020 aux fins d’élaborer une nouvelle proposition. Les échanges se sont poursuivis et ont mis en lumière un désaccord s’agissant des propositions à formuler et des responsabilités respectives.
Par courrier électronique du 10 juillet 2020, la société La Boîte à outils a communiqué à la société Daw France son refus de sa nouvelle offre de prix, précisant ne plus souhaiter l’appui des agents commerciaux afin de bénéficier d’un meilleur tarif.
Par courrier électronique du 20 juillet 2020, la société Daw France a demandé à M. [L] de ne plus la représenter pour assurer la commercialisation de ses produits auprès de cette cliente, à compter d’une date précisée ultérieurement.
Par courrier électronique du 31 juillet 2020, la société Daw France a confirmé à M. [L] que la société La Boîte à outils n’a accepté de poursuivre les relations qu’à la condition expresse que la force de vente n’intervienne plus, fixant, sous réserve de confirmation, la date d’effectivité de la mesure au 1er septembre 2020, date à laquelle les visites devraient s’arrêter.
Par courrier électronique du 31 août 2020, la société Daw France a confirmé à M. [L] que sa représentation sur la cliente La Boîte à outils prendrait fin le lendemain, soit le 1er septembre 2020, et qu’elle ne pourrait maintenir son commissionnement.
Par courrier du 24 septembre 2020, la société La Boîte à outils a notifié à la société Daw France le déréférencement de tous ses produits compte tenu des résultats de l’appel d’offre, et ce en trois phases (1er février 2021, 1er avril 2021, 1er octobre 2021).
Par courrier recommandé avec accusé réception du 7 octobre 2020, M. [L] a imputé à la société Daw France la rupture du contrat d’agent commercial et formulé des demandes d’indemnisation au titre du préavis non respecté et du préjudice subi.
Par courrier recommandé avec accusé réception du 9 octobre 2020, la société Daw France a réfuté les prétentions de M. [L]. Les échanges entre les parties n’ont pas permis d’aboutir à un accord.
Par acte introductif d’instance du 19 janvier 2021, M. [L] a fait assigner la société Daw France devant le tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir constater la rupture de son contrat d’agent commercial et d’obtenir l’indemnisation de son préavis et des conséquences préjudiciables de la rupture, outre le paiement de ses commissions.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 23 janvier 2021, M. [L] a notifié à la société Daw France la rupture de leurs relations contractuelles.
Par jugement contradictoire du 28 février 2023, le tribunal judiciaire de Lyon a :
– constaté la résiliation partielle, au 20 juillet 2020, du contrat d’agence commerciale liant M. [L] à la société Daw France, à l’initiative de cette dernière s’agissant du retrait de la société La Boîte à outils du mandat de représentation,
– constaté la résiliation totale, au 23 janvier 2021, du contrat d’agence commerciale liant M. [L] à la société Daw France, à l’initiative de M. [L] justifiée par des circonstances imputables à la société Daw France,
– condamné la société Daw France à payer à M. [L] la somme de 8.761,50 euros HT au titre du rappel de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021,
– condamné la société Daw France à payer à M. [L] la somme de 127.814,88 euros HT au titre de l’indemnité compensatrice du préjudice résultant de la résiliation partielle, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021,
– condamné la société Daw France à payer à M. [L] la somme de 23.220 euros HT au titre de l’indemnité compensatrice du préjudice résultant de la résiliation totale, avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2021,
– ordonné la capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière,
– débouté M. [L] de ses demandes au titre des rappels de commission,
– constaté que la société Daw France a libéré M. [L] de la clause de non-concurrence prévue à l’article 15 du contrat d’agence commerciale du 31 octobre 2014,
– déclaré sans objet la demande de nullité ou de déclarer réputée non écrite la clause de non-concurrence prévue à l’article 15 du contrat d’agence commerciale du 31 octobre 2014,
– condamné la société Daw France à payer à M. [L] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit,
– condamné la société Daw France aux dépens, avec droit de recouvrement.
Par déclaration du 28 mars 2023, la société Daw France a interjeté appel.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 14 octobre 2024, la société Daw France demande à la cour de :
– la déclarer recevable en son appel et la jugeant bien fondée,
– infirmer le jugement du 28 février 2023 en ce qu’il :
– a constaté la résiliation partielle, au 20 juillet 2020, du contrat d’agence commerciale liant M. [L] à la concluante, à l’initiative de cette dernière, s’agissant du retrait de la société La Boîte à outils du mandat de représentation,
– a constaté la résiliation totale, au 23 janvier 2021, du contrat d’agence commerciale liant M. [L] à la concluante, à l’initiative de M. [L] justifiée par des circonstances imputables à la société Daw France,
– l’a condamnée à payer à M. [L] la somme de 8.761,50 euros HT au titre du rappel de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021,
– l’a condamnée à payer à M. [L] la somme de 127.814,88 euros HT au titre de l’indemnité compensatrice du préjudice résultant de la résiliation partielle, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021,
– l’a condamnée à payer à M. [L] la somme de 23.220 euros HT au titre de l’indemnité compensatrice du préjudice résultant de la résiliation totale, avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2021,
– a ordonné la capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière,
– l’a condamnée à payer à M. [L] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’a condamnée aux dépens, avec droit de recouvrement au profit de Me Amandine Biagi, avocat, sur son affirmation de droit,
Statuant à nouveau
– juger que le contrat d’agence commerciale liant M. [L] à la concluante n’a pas fait l’objet d’une résiliation partielle,
– juger que la résiliation du contrat d’agence commerciale survenue le 23 janvier 2021 est intervenue à la seule initiative de M. [L] et qu’elle n’a aucunement été justifiée par des circonstances qui pourraient être imputables à la concluante,
En conséquence,
– débouter purement et simplement M. [L] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner M. [L] à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [L] à lui payer les entiers dépens, incluant ceux d’exécution qui seront pris en charge par la partie succombante, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
***
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 2 janvier 2024, M. [L] demande à la cour de :
– rejeter tous les moyens, fins et prétentions de la société Daw France,
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 28 février 2023 en ce que le tribunal a :
– constaté la résiliation partielle, au 20 juillet 2020, du contrat d’agence commerciale le liant à la société Daw France, à l’initiative de la société Daw France s’agissant du retrait de la société La Boîte à outils du mandat de représentation,
– constaté la résiliation totale, au 23 janvier 2021, du contrat d’agence commerciale le liant à la société Daw France, à son initiative justifiée par des circonstances imputables à la société Daw France,
– condamné la société Daw France à lui payer la somme de 127.814,88 euros HT au titre de l’indemnité compensatrice du préjudice résultant de la résiliation partielle, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021,
– condamné la société Daw France à lui la somme de 23.220 euros HT au titre de l’indemnité compensatrice du préjudice résultant de la résiliation totale, avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2021,
– ordonné la capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière,
– constaté que la société Daw France l’a libéré de la clause de non-concurrence prévue à l’article 15 du contrat d’agence commerciale du 31 octobre 2014,
– déclaré sans objet la demande de nullité ou de déclarer réputée non écrite la clause de non-concurrence prévue à l’article 15 du contrat d’agence commerciale du 31 octobre 2014,
– condamné la société Daw France à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Daw France aux dépens.
– réformer le jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 28 février 2023 en ce que le tribunal l’a débouté de ses demandes au titre des rappels de commissions et en ce qu’il a limité le montant de l’indemnité de préavis comme suite à la résiliation partielle à la somme de 8.761,50 euros HT,
Et statuant à nouveau,
– condamner la société Daw France à lui payer la somme de 50.344,86 euros HT, outre TVA en vigueur, à titre de rappel forfaitaire de commissions,
– condamner la société Daw France à lui payer une somme de 10.651,25 euros HT au titre du rappel de préavis comme suite à la rupture partielle, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021,
– ordonner la capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière,
A titre subsidiaire,
– déclarer que le contrat d’agence commerciale le liant à la société Daw France est résilié à la date du 23 janvier 2021, sans résiliation partielle préalable, en raison de circonstances imputables à la société Daw France,
– condamner la société Daw France à lui payer la somme de 151.034,60 euros HT au titre de l’indemnité compensatrice du préjudice résultant de la résiliation, avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2021,
En tout état de cause,
– confirmer le jugement pour le surplus,
– condamner la société Daw France à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Daw France aux dépens de la procédure d’appel.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 octobre 2024.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a rejeté la demande de rappel de commissions de M. [C] [L].
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Daw france à payer à M. [C] [L] la somme de 25.000 euros à titre de commissions impayées avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2021.
Condamne la société Daw France à payer à M. [C] [L] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Condamne la société Daw France aux dépens d’appel.
La greffière, La Présidente,
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