Type de juridiction : Cour d’appel.
Juridiction : Cour d’appel de Lyon
Thématique : Responsabilité du syndicat des copropriétaires pour nuisances olfactives.
→ RésuméPar acte authentique du 27 juillet 2015, une société a acquis plusieurs lots dans un immeuble en copropriété, comprenant des locaux loués à une locataire exerçant une activité de spa. Deux jours après l’acquisition, la locataire a signalé des problèmes de fuite et d’odeurs d’égouts, rendant une salle de soins inutilisable. En septembre 2015, un huissier a constaté les désordres, et la société a mis en demeure le syndic bénévole de l’immeuble d’effectuer des réparations urgentes.
En novembre 2015, un syndic a été désigné, et des travaux de remise en état du réseau d’eaux usées ont été votés en février 2017, mais n’ont été réalisés qu’en septembre 2018. En 2019, la société a demandé une expertise judiciaire, qui a confirmé l’origine des nuisances dans les parties communes. Le juge des référés a ordonné des travaux de curage et de démolition partielle d’un mur, sous peine d’astreinte. En janvier 2021, la société a assigné le syndicat des copropriétaires et le syndic en indemnisation. Le tribunal a condamné les deux entités à verser des sommes pour les préjudices subis par la société, notamment en raison des nuisances olfactives. Le syndicat a interjeté appel, demandant la réformation du jugement, tandis que la société a également formé un appel incident. En appel, le syndicat a soutenu qu’il n’était pas responsable des préjudices, tandis que la société a insisté sur le lien de causalité entre les nuisances et ses pertes. La cour a confirmé la responsabilité du syndicat des copropriétaires pour défaut d’entretien des parties communes, tout en reconnaissant la carence du syndic dans la gestion des travaux. Finalement, la cour a condamné in solidum le syndicat et le syndic à indemniser la société, tout en ajustant les montants dus. |
N° RG 23/00324 – N° Portalis DBVX-V-B7H-OXCW
Décision du
Tribunal Judiciaire de SAINT-ETIENNE
Au fond
du 15 novembre 2022
RG : 21/00254
ch 1
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 08 Avril 2025
APPELANTE :
Le Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] représenté par son Syndic en exercice la SARL SOCIETE DE GESTION IMMOBILIERE
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Fabrice PILLONEL, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMEES :
La société DIDIER INVEST
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
ayant pour avocat plaidant Me Romain MONTAGNON de la SELARL NEO DROIT, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
La SARL PATRIMMOGEST
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Karine MONTAGNE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
ayant pour avocat plaidant la SELARL CABINET LAURENT FAVET, avocat au barreau de GRENOBLE
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Date de clôture de l’instruction : 21 Mars 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 Février 2025
Date de mise à disposition : 08 Avril 2025
Audience tenue par Patricia GONZALEZ, président, et Stéphanie LEMOINE, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l’audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Patricia GONZALEZ, président
– Stéphanie LEMOINE, conseiller
– Bénédicte LECHARNY, conseiller
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte authentique du 27 juillet 2015, la société Didier invest (la société) a fait l’acquisition, dans un immeuble en copropriété situé à [Localité 6], de plusieurs lots constitués de locaux et d’une cave loués en bail commercial à la société Le spa des neiges exerçant une activité de centre UV, hamam, spa, centre de balnéothérapie, massages et soins corporels (la locataire).
Deux jours après cette acquisition, la locataire a transféré à la société un courriel adressé au précédent bailleur, datant du 8 juillet 2015, aux termes duquel elle attirait son attention sur l’existence d’une fuite au niveau de la cave et sur la présence de fortes odeurs d’égouts dans ses locaux, rendant inutilisable une salle de soins.
Le 2 septembre 2015, la société a fait établir un procès-verbal de constat par un huissier de justice.
Le 22 septembre 2015, le conseil de la société a mis en demeure le syndic bénévole de l’immeuble d’avoir à faire assainir les caves et réparer les canalisations de toute urgence.
L’assemblée générale des copropriétaires du 30 novembre 2015 a désigné la société Patrimmogest (le syndic) en qualité de syndic de l’immeuble à compter du 1er janvier 2016.
Au mois de février 2017, le syndic a convoqué une assemblée générale des copropriétaires au cours de laquelle des travaux de remise en état du réseau d’eaux usées ont été votés. Ils ont été réalisés et réceptionnés le 14 septembre 2018.
Saisi par la société, le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Etienne a, par une ordonnance du 21 février 2019, ordonné une mesure d’expertise au contradictoire du syndicat des copropriétaires de l’immeuble (le syndicat des copropriétaires). L’expert judiciaire a déposé son rapport le 23 juillet 2019.
Le 29 juillet 2019, la société a mis en demeure le syndicat des copropriétaires d’avoir à réaliser sous huit jours :
– les travaux de curage complet des caves tels que préconisés par l’expert judiciaire dans son rapport,
– les travaux de démolition partielle du mur de la cave de façon à accéder à la cassure de la canalisation et vérifier qu’il n’y a pas de résidus de matières fécales derrière le mur.
Par une nouvelle ordonnance du 14 novembre 2019, le juge des référés, saisi par la société, a :
– condamné le syndicat des copropriétaires et le syndic à procéder dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance, à un curage complet du sol des caves de l’immeuble, tel que préconisé par l’expert judiciaire aux termes de son rapport du 23 juillet 2019, et à la démolition partielle du mur de la cave de façon à accéder à la cassure de la canalisation et vérifier qu’il n’y a pas de résidus de matières fécales derrière le mur, à peine d’une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, ladite astreinte courant pendant un délai de 3 mois,
– condamné le syndicat des copropriétaires et le syndic à payer à la société la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Le 6 janvier 2020, le syndicat des copropriétaires a sollicité du juge des référés l’organisation d’une nouvelle expertise judiciaire afin que l’expert se prononce sur la conformité des travaux proposés par la société Suez par rapport à ceux qu’il avait préconisés en cours d’expertise.
Par une troisième ordonnance du 9 avril 2020, le juge des référés a ordonné une seconde expertise confiée au même expert qui a rendu son second rapport le 16 septembre 2020.
Le 18 janvier 2021, la société a assigné le syndicat des copropriétaires et le syndic devant le tribunal judiciaire de Saint Etienne en indemnisation de ses préjudices.
Par jugement contradictoire du 15 novembre 2022, le tribunal a :
– condamné in solidum le syndicat des copropriétaires et le syndic à lui payer :
la somme de 17 387,10 euros TTC en réparation de l’ensemble des préjudices subis au titre des nuisances,
celle de 6 000 euros TTC sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum le syndicat des copropriétaires et le syndic aux entiers dépens, comprenant notamment les frais de la première expertise judiciaire taxés à la somme de 5 000 euros TTC, le coût du procès-verbal de constat d’huissier du 2 septembre 2015 pour un montant de 380,36 euros TTC et les frais de signification de l’assignation en référé expertise du 29 janvier 2019 pour un montant de 69,35 euros TTC,
– dit, en application des dispositions de l’article 10-1 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, que la société sera dispensée de toute participation à la dépense commune des frais de procédure comprenant les dépens et l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires,
– condamné le syndic à relever et garantir le syndicat des copropriétaires à hauteur de la moitié des condamnations prononcées au profit de la société,
– autorisé Me Romain Montagnon à recouvrer directement les dépens dont il a fait l’avance, et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– déclaré n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision.
Par déclaration du 13 janvier 2023, le syndicat des copropriétaires a relevé appel du jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 octobre 2023, il demande à la cour de :
– réformer, infirmer et ou annuler le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau pour le tout,
– rejeter les appels incidents formés par la société et le syndic,
– débouter la société et le syndic de toutes leurs demandes à son égard,
Subsidiairement,
– condamner le syndic à le relever et garantir indemne de toute condamnation prononcée contre lui,
– condamner la société et/ou le syndic à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société et/ou le syndic aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les sommes prévues par les articles R. 444-3 et ses annexes, et A. 444-31 du code de commerce, portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, ajoutées en sus aux sommes auxquelles ils seront condamnés et laissées entièrement à leur charge, distraits au profit de Me Fabrice Pillonel, avocat, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 décembre 2023, la société demande à la cour de :
– débouter le syndicat des copropriétaires de son appel principal et de l’intégralité de ses demandes,
– débouter le syndic de son appel incident et de l’intégralité de ses demandes,
– la déclarer bien fondée en son appel incident formé à l’encontre du jugement ce qu’il a limité la condamnation in solidum du syndicat des copropriétaires ainsi que de le syndic à lui payer :
la somme de 17 387,10 euros TTC en réparation de l’ensemble des préjudices subis par cette dernière au titre des nuisances olfactives,
celle de 6 000 euros TTC sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’infirmer de ces chefs,
– le confirmer pour le surplus et y ajoutant,
– condamner in solidum le syndicat des copropriétaires et le syndic à lui payer la somme de 30 702,90 euros TTC (9 387,10 + 1 438,40 + 2 408,40 + 2 469 + 10 000 + 5 000) en réparation de l’ensemble des préjudices subis par cette dernière au titre de ces nuisances,
– condamner in solidum le syndicat des copropriétaires et le syndic à lui payer la somme de 12 874 euros TTC sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en première instance,
– condamner in solidum le syndicat des copropriétaires et le syndic à lui payer la somme de 5 652 euros TTC sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
– condamner in solidum le syndicat des copropriétaires et le syndic aux dépens d’appel,
– dire et juger, en application des dispositions de l’article 10-1 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, qu’elle sera dispensée de toute participation à la dépense commune des frais de procédure comprenant les dépens et l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires,
– autoriser Me Romain Montagnon à recouvrer directement les dépens dont il a fait l’avance, et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 29 janvier 2024, le syndic demande à la cour de :
– réformer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
– débouter la société de l’ensemble de ses demandes en réparation d’un préjudice matériel et immatériel dont il n’est pas démontré qu’ils seraient en lien direct et certain avec des nuisances olfactives alléguées,
– débouter le syndicat des copropriétaires de son action en garantie dirigée à son encontre,
– condamner in solidum le syndicat des copropriétaires et la société à lui verser la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamner en outre aux entiers dépens de la procédure distraits au profit de Me Karine Montagne, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
– confirmer le jugement entrepris en ce que la société a été déboutée de ses demandes au titre de la perte des loyers et de l’absence de refacturation des charges et taxes foncières,
– confirmer le jugement entrepris en ce que l’action en garantie exercée par le syndicat des copropriétaires contre lui a été limitée à 50% des condamnations prononcées au profit de la société,
– débouter le syndicat des copropriétaires de son appel non fondé,
– débouter la société de son appel incident non fondé,
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a été alloué à la société les sommes suivantes :
– 9 387,10 euros TTC au titre de la réfection des fenêtres et de la devanture,
– 5 000 euros au titre de la perte de chance de vendre son local,
– réformer le jugement en ce qu’il l’a condamné in solidum avec le syndicat des copropriétaires à payer à la société une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour une prétendue résistance abusive,
Statuant à nouveau,
– débouter la société de ses demandes sur les postes précités dirigées à son encontre,
– réformer le jugement entrepris en ce qu’une indemnité au titre des frais irrépétibles a été mise à sa charge,
– débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile en ce qu’elle est dirigée à son encontre,
– statuer ce que de droit sur les dépens distraits au profit des avocats de la cause.
Par ordonnance du 6 juillet 2003, la mise en état a constaté que la demande de la société tendant à voir prononcer la radiation de l’affaire était devenue sans objet par suite du règlement de la condamnation prononcée par le jugement dont appel.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 mars 2024.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré en ce qu’il :
– condamne in solidum le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] et la société Patrimmogest à payer à la société Didier invest la somme de 17 387,10 euros TTC en réparation de l’ensemble des préjudices subis au titre des nuisances,
– condamne la société Patrimmogest à relever et garantir le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] à hauteur de la moitié des condamnations prononcées au profit de la société Didier invest,
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] et la société Patrimmogest à payer à la société Didier invest la somme de 15’823,50 euros,
Condamne la société Patrimmogest à relever et garantir le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] à hauteur de 80% des condamnations prononcées au profit de la société Didier invest,
Condamne la société Patrimmogest à payer à la société Didier invest la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] de sa demande sur le même fondement,
Condamne la société Patrimmogest aux dépens d’appel,
Déboute le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] de sa demande tendant à voir inclure dans les dépens l’intégralité du droit de recouvrement ou d’encaissement prévu par l’article R. 444-3 du code de commerce.
La greffière La présidente
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