Cour d’appel de Lyon, 23 février 2022
Cour d’appel de Lyon, 23 février 2022

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Lyon

Thématique : Téléchargement de films au travail : attention aux ordinateurs partagés

Résumé

Le téléchargement de films au travail peut entraîner des sanctions, mais la preuve de la culpabilité d’un salarié n’est pas toujours évidente. Dans une affaire, une salariée a été accusée d’avoir téléchargé 138 films sur son ordinateur professionnel. Cependant, il a été établi que cet ordinateur avait été utilisé par d’autres personnes avant elle et qu’un logiciel de filtrage empêchait l’accès aux sites de téléchargement. De plus, d’autres collaborateurs pouvaient accéder à son ordinateur. Ainsi, la présence des fichiers ne prouve pas qu’elle en est responsable, rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour être sanctionné, le téléchargement de films au travail doit intervenir pendant les heures de travail.

Si un constat d’huissier prouve bien que 138 films ont été téléchargés et sont enregistrés sur l’ordinateur professionnel dont se servait une salariée, cependant, il ressort des pièces versées aux débats par la salariée i) qu’avant de lui être attribué, l’ordinateur a été utilisé par un stagiaire lequel attestait que ce matériel provenait d’un autre bureau ; ii) qu’un logiciel de filtrage (barracuda) a été installé sur tous les ordinateurs de l’entreprise qui interdisait à la salariée d’accéder aux sites de téléchargement de films avant que l’ordinateur litigieux soit mis à sa disposition; iii) que d’autres personnes que la salariée pouvaient accéder à son ordinateur, puisque les collaborateurs avaient été invités par le responsable informatique et le président à transmettre individuellement leurs identifiants et mots de passe.

Dans ces conditions, la présence des 138 fichiers de films constatée dans l’ordinateur professionnel de la salariée ne suffisait pas à démontrer que c’est elle qui les avait téléchargés, enregistrés et visionnés pendant les heures de travail.

Pour rappel, en application de l’article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse. Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 23 FEVRIER 2022

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/01999 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MIJP

A

C/

Société REALISATION BATIMENTS STRUCTURES RBS

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 28 Février 2019

RG : 17/00724

APPELANTE :

G A épouse X

née le […] à […]

[…]

[…]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Floriane DI SALVO, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société RBS REALISATION BATIMENTS STRUCTURES

[…]

[…]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Christian BROCHARD de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Mélodie SEROR, avocat au barreau de LYON,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Novembre 2021

Présidée par Joëlle DOAT, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Christophe GARNAUD, Greffier placé.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Joëlle DOAT, présidente

– Nathalie ROCCI, conseiller

– Antoine MOLINAR-MIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 23 Février 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame G A épouse X a été embauchée en qualité de responsable administrative et comptable, statut cadre, position 3.1, coefficient 170 par la société RBS suivant contrat de travail à durée indéterminée, du 1er janvier 2015, avec reprise d’ancienneté au 1er juin 2004 acquise dans les sociétés du groupe RBS-SIGNIUM.

Par lettre en date du 9 janvier 2017, la société RBS a convoqué madame X à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 19 janvier 2017 et lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire, puis, le 26 janvier 2017, une mesure de licenciement pour faute grave.

(…) Nous déplorons depuis plusieurs mois votre attitude à l’égard de Monsieur Z, Président de la Société.

En effet, vous adoptez un ton autoritaire et cynique à son encontre, ce qui est inacceptable. Bien plus, vous n’hésitez pas à remettre en cause son travail et son professionnalisme.

Plus grave, ces échanges se produisent régulièrement par courriels dont d’autres salariés de l’entreprise sont en copie, comme par exemple lors de vos échanges sur deux courriels du 16 novembre dernier concernant le dossier 588 CENTRE RECHERCHE DARGOIRE LYON BAYER BATIMENTI :

« ’ Mais je cesse ces conversations de classe maternelle. J’ai dépassé le niveau depuis bien longtemps.»

« ’Ah ! C’est vrai. Merci de ta perspicacité’ » « ’ Force est de constater que c’est assez compliqué d’obtenir tes avancements.»

Cette attitude constitue un abus dans l’exercice de votre liberté d’expression, mais également un manquement à votre devoir de loyauté. Ces faits sont d’autant plus graves eu égard à votre statut de cadre. Vous n’avez pas contesté ces faits lors de l’entretien préalable.

Par ailleurs, alors que vous étiez en mise à pied à titre conservatoire, nous avons découvert enregistrés sur le disque dur de votre ordinateur plus de 138 films apparaissant comme avoir été téléchargés illégalement. Vous avez toujours été l’unique utilisateur de cet ordinateur fixe. En enregistrant de tels films sur l’ordinateur de l’entreprise, vous lui faites encourir non seulement un risque en termes de sécurité en raison des atteintes potentielles au réseau, compte tenu de la présence probable de virus malveillants, mais également un risque pénal compte tenu de l’illégalité de tels agissements. Bien plus nous ne pouvons que nous interroger sur la finalité de la détention de films sur votre lieu de travail, si ce n’est de vaquer à des occupations personnelles pendant votre temps de travail.

De manière plus générale, durant votre mise à pied nous avons pu constater plusieurs manquements graves à vos obligations, divulgations d’informations confidentielles sur les rémunérations ou autres éléments comptables et financiers à d’autres salariés, encore la rétention d’informations importantes tel que la convocation à une expertise.

Ces faits constituent une faute d’une gravité telle qu’elle rend impossible pour nous la poursuite de votre contrat de travail, ainsi que votre maintien dans l’entreprise, même pendant le temps du préavis.

Par conséquent, nous avons le regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave. (…)

Par requête en date du 21 mars 2017, madame X a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon en lui demandant de dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et qu’il est intervenu dans des conditions vexatoires et de condamner la société RBS à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts et indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire outre congés payés afférents, dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et pour mauvaise foi dans la déclaration d’arrêts de travail.

Par jugement en date du 28 février 2019, le conseil de prud’hommes de Lyon a :

– dit que le licenciement pour faute grave de Madame G X n’est pas fondé mais qu’il repose sur une cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

– c o n d a m n é l a S A S R B S ( R E A L I S A T I O N B A T I M E N T S S T R U C T U R E S ) à v e r s e r à Mme X G les sommes suivantes :

16 940,00 euros nette à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,• 11 184,00 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis•

1 118,40 euros brut au titre des congés payés afférents•

2 365,79 euros brut à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,• 236,58 euros brut au titre des congés payés afférents• 1 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile•

– débouté Madame G X de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires.

– débouté Madame G X de sa demande de dommages et intérêts pour déclaration tardive d’arrêt de travail auprès de l’organisme de prévoyance complémentaire.

-débouté la SAS RBS (REALISATION BATIMENTS STRUCTURES) de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire autre que celle de droit.

– rappelé qu’aux termes des dispositions de l’article R 1454-28 du Code du Travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire, les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l’employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail….) ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l’article R 1454-14 du Code du Travail dans la limite de neuf mensualités, étant précisé que la moyenne brute des salaires des trois derniers mois doit être fixée à la somme de 3 728,00 euros.

– dit que les frais d’huissier de justice nécessaires, le cas échéant, à l’exécution du présent jugement seront a la charge de la défenderesse.

– condamné la SAS RBS (REALISATION BATIMENTS STRUCTURES) aux entiers dépens de la présente instance.

Madame A épouse X a interjeté appel de ce jugement, le 18 mars 2019.

Elle demande à la cour :

– de confirmer le jugement en ce qu’il a :

jugé que le licenciement pour faute grave était infondé,• condamné la SAS RBS à lui verser les sommes suivantes :• 16 940,00 euros nette à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,• 11 184,00 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis•

1 118,40 euros brut au titre des congés payés afférents•

2 365,79 euros brut à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,• 236,58 euros brut au titre des congés payés afférents• 1 600 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile•

– d’infirmer le jugement en ce qu’il :

• a jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

• l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires ;

• l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de la société RBS à. ses obligations en matière de déclaration des arrêts de travail auprès de l’organisme de prévoyance.

– de condamner la RBS au versement de :

• la somme de 44 500 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause- réelle et sérieuse ;

• la somme de 8 000 nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement prononcé dans des conditions particulièrement vexatoires ;

• la somme de 11 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison du manquement de l’employeur en matière de déclaration d’arrêts de travail ;

• la somme- de 3 000 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle soutient en substance :

– qu’elle n’a jamais fait l’objet du moindre reproche depuis le début des relations contractuelles quant à sa manière de s’exprimer et de s’adresser à ses supérieurs hiérarchiques, que si tel avait été le cas, la société RBS qui déclare déplorer son attitude depuis plusieurs mois aurait dû la sanctionner immédiatement et que ce motif ne peut donc constituer ni une faute grave, ni une cause réelle et sérieuse de licenciement

– qu’elle n’a jamais divulgué d’informations confidentielles relatives à la rémunération des collaborateurs et à la situation financière de la société et que c’est en raison de sa surcharge de travail que la convocation à une expertise a été transmise avec retard, si bien qu’il n’y a eu aucune dissimulation délibérée d’informations, pas plus que de préjudice en résultant pour la société

– qu’en réalité, la société RBS n’avait pas de motif valable pour la licencier, que l’ensemble des griefs qui lui sont reprochés ne sont que des prétextes pour se séparer d’elle après 12 années d’ancienneté, dans un contexte de dégradation de la situation économique de la société qui envisageait une réduction de la masse salariale

– qu’elle s’est sentie particulièrement isolée et humiliée par les procédés attentatoires et vexatoires de la société et a subi un préjudice distinct de celui résultant de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

La société RBS demande à la cour :

– de confirmer le jugement en toutes ses dispositions déboutant Madame X ;

– d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions la condamnant ;

En conséquence,

– de constater que le licenciement de Madame X est fondé sur une faute grave,

– de débouter Madame X de l’intégralité de ses demandes,

– de condamner Madame X aux entiers dépens de l’instance, ainsi qu’au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

– de réduire à de bien plus justes proportions le montant des dommages-intérêts qui seraient accordés.

Elle soutient en substance :

– que Mme X a commis des fautes graves, notamment en portant atteinte à l’image de son supérieur et en mettant à mal sa crédibilité, ce comportement s’étant aggravé au fil du temps pour atteindre un niveau inacceptable fin 2016, et en lui faisant courir un risque important en termes de sécurité en effectuant des téléchargements illégaux de films sur internet et que les autres faits ont été découverts pendant la période de mise à pied conservatoire

– que Mme X ne caractérise aucune circonstance particulière lors de la rupture de son contrat de travail et que c’est à bon droit que le conseil de prud’hommes a constaté qu’elle ne rapportait pas la preuve de l’usage de procédés vexatoire à son encontre.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 octobre 2021.

SUR CE :

Sur le licenciement

En application de l’article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Aux termes de la lettre de licenciement du 26 janvier 2017, la société RBS reproche à Mme X:

– son attitude depuis plusieurs mois à l’égard de M. Z, le président de la société, constitutive d’un abus dans l’exercice de sa liberté d’expression et d’un manquement à son devoir de loyauté

– la découverte de plus de 138 films enregistrés sur le disque dur de son ordinateur apparaissant avoir été téléchargés illégalement

– des manquements graves à ses obligations : la divulgation d’informations confidentielles sur les rémunérations ou autres éléments comptables et financiers à d’autres salariés ou la rétention d’informations importantes telle que la convocation à une expertise.

premier grief

La société RBS cite plus particulièrement deux courriels datés du 16 novembre 2016, extraits d’un échange professionnel entre Mme X et M. Z, la première interrogeant le second au sujet de l’avancement d’un dossier et ce dernier contestant être l’auteur des mentions figurant sur le tableau qui lui est présenté et répondant notamment à Mme X : ‘je ne sais pas si c’est GX qui déconne mais les infos ci-dessous sont complètement fausses’.

Le ton employé par Mme X dans les deux courriels ainsi visés par l’employeur n’a donné lieu à aucune remarque ou rappel à l’ordre de M. Z.

La société ne justifie pas avoir demandé à Mme X de s’exprimer d’une manière plus respectueuse à son égard, avant de lui remettre une convocation à un entretien préalable, un mois et demi plus tard, ce qui laisse présumer l’habitude d’une certaine liberté dans la forme de la communication écrite entre la salariée et son supérieur hiérarchique, confirmée par le fait que des courriels antérieurs au 16 novembre 2016 dont se prévaut désormais la société RBS n’avaient pas non plus entraîné de réaction de la part de l’employeur.

Les termes utilisés par Mme X dans les deux courriels litigieux, certes familiers, ne sont en tout état de cause pas constitutifs d’un abus de la liberté d’expression de la salariée, n’étant ni excessifs, ni injurieux, ni diffamatoires.

La société RBS verse également aux débats un message daté du 13 décembre 2016 dans lequel Mme X rappelle à M. Z, qui n’avait pas répondu à une demande d’instruction qu’elle lui avait adressée le 28 novembre 2016, la procédure à suivre pour chaque nouvelle affaire, sans que les termes employés soient déplacés ou inappropriés.

La déloyauté de Mme X à l’égard de son dirigeant par la remise en cause de son professionnalisme auprès des autres salariés n’est pas établie non plus, Mme X faisant observer avec justesse que son courriel initial du 16 novembre 2016 n’était adressé qu’à M. Z et que c’est lui qui a mis sa réponse en copie d’autres salariés de la société.

Le courriel de Mme X en date du 13 décembre 2016, intitulé ‘RAPPEL, mail adressé à William le 24 novembre 2016 en attente d’instruction’, envoyé à deux salariés outre M. Z ne peut pas non plus être analysé comme un manquement de Mme X à sa loyauté envers son dirigeant, puisque toutes les personnes destinataires étaient concernées par le traitement du dossier.

Dès lors, le caractère fautif de ces courriels et plus généralement de l’attitude de Mme X vis à vis du président de la société n’est pas démontré.

deuxième grief

La société RBS s’appuie sur un constat d’huissier de justice, dressé le 13 janvier 2017 en l’absence de Mme X (mise à pied à titre conservatoire depuis le 9 janvier 2017) dont il ressort que :

– dans le bureau de Mme G X, dont le nom figure sur la porte, il est présenté à l’huissier de justice un ordinateur PC fixe

– une page de connexion au profil d’utilisateur NadinePlum s’affiche et demande l’insertion d’un mot de passe

– après que l’huissier de justice a inséré et validé le mot de passe communiqué par M. C, le système d’exploitation affiche le bureau

– les informations du système et du PC s’affichent; le nom du PC est PC G

– l’huissier de justice constate la présence d’un disque dur interne appelé ‘disque local’ qui contient un seul dossier intitulé ‘films’, lequel une fois ouvert permet de constater à la racine la présence de 138 fichiers de format vidéo dont l’affichage s’effectue sous forme de miniatures.

Ce constat prouve que 138 films ont été téléchargés en 2010, 2011 et 2012 et sont enregistrés sur l’ordinateur professionnel dont se servait Mme X.

Cependant, il ressort des pièces versées aux débats par la salariée :

– qu’avant d’être attribué à Mme X, cet ordinateur a été utilisé du 23 mai au 29 juillet 2016 par un stagiaire lequel atteste que ce matériel provenait d’un autre bureau (ce qui n’est pas discuté par la société qui admet que l’ordinateur a été acquis en 2014 mais affirme qu’il n’a jamais été installé avant le 23 mai 2016) et qu’un très grand nombre de films étaient présents et stockés dans les documents vidéo de ce poste informatique

– qu’un logiciel de filtrage (barracuda) a été installé le 1er septembre 2016 sur tous les ordinateurs de l’entreprise qui interdisait à la salariée d’accéder aux sites de téléchargement de films avant que l’ordinateur litigieux soit mis à sa disposition le 14 septembre 2016

– que d’autres personnes que Mme X pouvaient accéder à son ordinateur, puisque les collaborateurs avaient été invités le 23 décembre 2016 par le responsable informatique et le président à transmettre individuellement leurs identifiants et mots de passe, ce qui est corroboré par le fait que le directeur général adjoint, M. C, a communiqué le mot de passe de la salariée à l’huissier de justice.

Dans ces conditions, la présence des 138 fichiers de films constatée le 13 janvier 2017 dans l’ordinateur professionnel de Mme X ne suffit pas à démontrer que c’est elle qui les a téléchargés, enregistrés et visionnés pendant les heures de travail.

Le grief n’est pas établi, comme l’a exactement relevé le conseil de prud’hommes.

troisième grief

A l’appui du premier fait énoncé de manière imprécise dans la lettre de licenciement, étant observé qu’il résulte du compte-rendu de l’entretien préalable du 19 janvier 2017 qu’il n’a pas été demandé à la salariée de s’expliquer sur ledit fait, l’employeur verse aux débats une attestation rédigée par M. D, ‘salarié RBS’ qui déclare qu’il a été informé par Mme X, lors de l’achat des véhicules de société de MM. Z et E, que la société était à découvert, qu’il a également été informé de l’augmentation de salaire de M. E fin 2016 et enfin que Mme X a commenté le salaire de M. Z en disant ‘c’est inadmissible de toucher 9 000 euros par mois alors qu’il ne fout rien’.

La société ne démontrant pas que M. D, qui occupait un poste de directeur général adjoint de la société, n’avait pas connaissance de la situation financière de la société et du montant du salaire des dirigeants, ces propos informels, à supposer que Mme X les ait réellement tenus, ne permettent pas de caractériser une faute imputable à la salariée dans l’exercice de ses fonctions.

Par ailleurs, la preuve du caractère fautif de la transmission par Mme X le 30 novembre 2016 à 13 heures de la convocation à une réunion d’expertise devant avoir lieu le même jour à 9 heures reçue par elle le 28 novembre 2016, en l’absence de tout élément de contexte, n’est pas rapportée, ce fait isolé n’étant pas de nature en tout état de cause à établir la réalité de la rétention d’information reprochée à Mme X dans la lettre de licenciement.

Le troisième grief n’est pas démontré.

En l’absence de fautes commises par Mme X, la mesure de licenciement dont elle a fait l’objet est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives à l’indemnité de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de congés payés afférents.

Il doit également être confirmé en ce qu’il a condamné la société RBS à rembourser à Mme X le salaire retenu pendant la durée de la mise à pied conservatoire injustifiée et l’indemnité de congés payés afférents après avoir relevé qu’aucune faute grave n’avait été démontrée.

Compte-tenu de l’ancienneté de Mme X dans l’entreprise (12 ans et 7 mois), de son âge (57 ans) et de sa situation postérieure au licenciement, la salariée n’ayant pas retrouvé d’emploi stable jusqu’à ce qu’elle bénéficie de ses droits à la retraite le 1er avril 2021, le préjudice qui lui a été causé par la rupture injustifiée de son contrat de travail doit être réparé par l’allocation de la somme de 42 500 euros bruts.

Il convient de condamner la société RBS à lui payer ladite somme à titre de dommages et intérêts.

Mme X démontre par ailleurs que son licenciement est intervenu dans des circonstances brutales et vexatoires caractérisées par :

– l’envoi d’une convocation à un entretien préalable à un licenciement assortie d’une mise à pied conservatoire datée du jour où elle a été placée en arrêt de travail après qu’elle eut constaté que quelqu’un s’était introduit dans son ordinateur, ainsi que l’écrit la déléguée du personnel suppléante : ‘je constate avec G X que sa boîte mail a fait l’objet d’un nettoyage en son absence et qu’elle ne retrouve pas les clefs du placard de ses documents de travail’

– les termes de la lettre de licenciement se référant à ces événements, :’nous ne pouvons qu’être surpris de la coïncidence entre ces allégations au demeurant fantaisistes dont nous ignorons l’origine et l’imminence de la convocation dont vous deviez faire l’objet’,

alors qu’elle n’avait jamais reçu de reproches antérieurement et démontre s’être investie de manière importante dans l’entreprise, ayant évoqué à plusieurs reprises dans ses échanges avec son employeur la lourdeur de sa charge de travail et l’existence de difficultés dans l’organisation de l’entreprise.

Le préjudice psychologique subi par Mme X en lien avec ces circonstances est démontré par les certificats médicaux du 13 janvier 2017 et du 2 février 2017 et les attestations émanant de l’entourage de la salariée.

Il convient de condamner la société RBS à payer à Mme X la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêt en réparation de ce préjudice.

Sur la demande de dommages et intérêts fondée sur le manquement de l’employeur à son obligation de déclaration de l’arrêt de travail

Les pièces versées aux débats par Mme F non contredites par les écritures informatiques produites en pièce 24 par l’employeur établissent que ce dernier n’a régularisé la déclaration de l’arrêt de travail de la salariée auprès de l’organisme de prévoyance que le 8 août 2017 malgré les demandes de celle-ci à compter du 13 février 2017, relayées par un courriel de son avocate du 11 mai 2017 à l’avocat de la société.

Le manquement étant établi, ainsi que son lien avec le préjudice subi par Mme X résultant du retard de sept mois apporté au versement de son complément de salaire et du temps passé à effectuer de nombreuses relances, il y a lieu de condamner la société RBS à verser à celle-ci la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts.

En application de l’article L 1235-4 du code du travail, il convient de condamner d’office la société RBS à rembourser à POLE EMPLOI les allocations de chômage qui ont été versées à la salariée dans la limite de six mois d’indemnités.

La société RBS, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d’appel et à payer à Mme X la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

INFIRME le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme X en dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, dommages et intérêts en raison des circonstances vexatoires du licenciement et dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de déclaration de l’arrêt de travail

STATUANT à nouveau sur ces chefs,

DIT que le licenciement de Mme X est dépourvu de cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la société RBS à payer à Mme X les sommes suivantes :

– 42 500 euros bruts à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le caractère injustifié du licenciement

– 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par les circonstances brutales et vexatoires du licenciement

– 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le manquement de la société RBS à son obligation de déclaration de l’arrêt de travail

CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions

CONDAMNE la société RBS à rembourser à POLE EMPLOI les allocations de chômage qui ont été versées à la salariée dans la limite de six mois d’indemnités

CONDAMNE la société RBS aux dépens d’appel

CONDAMNE la société RBS à payer à Mme X la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE

LA PRÉSIDENTE

 


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