Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Lyon
Thématique : Publicité individuelle des notaires prohibée
→ RésuméUn notaire a été sanctionné pour avoir enfreint le règlement national de la profession en se présentant dans la presse comme « le notaire qui décoiffe ». Selon l’article 4.4, la publicité personnelle est interdite, visant à préserver la dignité et l’impartialité de la profession. Les articles en question contenaient des éloges qui pouvaient être interprétés comme du démarchage, ce qui va à l’encontre des principes de réserve et de discrétion. La communication est permise, mais doit se limiter à des informations objectives sur les services, sans valorisation personnelle, afin de maintenir la confiance du public envers l’ensemble des notaires.
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« Le notaire qui décoiffe »
Un notaire a écopé d’une sanction disciplinaire pour non-respect du règlement national de la profession. Ce dernier était apparu dans la presse sous une rubrique Portait ou il était présenté comme « le notaire qui décoiffe ». La publicité à caractère personnel est prohibée par les principes de l’article 4.4 du règlement national des notaires, comme précisé par la Circulaire numéro 485 du 12 juillet 2016 du Conseil Régional, à savoir : les principes de réserve, dignité, discrétion, impartialité, objectivité, d’utilité pour le public, non-spéculation, cohérence, utilité pour l’ensemble de la profession. Or, les articles en cause recélaient diverses affirmations laudatives ou comparatives qui pouvaient être assimilées à du démarchage.
Contraintes du notaire en matière de communication
L’article 4.1 du règlement national des notaires pose le principe que le notaire se doit d’avoir en toutes circonstances à l’égard de ses confrères un comportement conforme à la probité, à l’honneur et à la délicatesse. Les notaires se doivent mutuellement respect, conseil et assistance. L’article 4.4.1 du même règlement dispose que toute publicité à caractère personnel est interdite au notaire. Seuls les organismes professionnels nationaux, régionaux et départementaux peuvent faire, par tous moyens à leur convenance, une publicité informative générale sur le notariat, les services qu’il peut offrir et les moyens dont il dispose pour répondre aux besoins de la clientèle. Toute intervention publique doit faire l’objet d’une information préalable du Président de la chambre.
La communication reste toutefois permise au notaire et même souhaitée dès lors qu’elle procure une information au public et que sa mise en oeuvre respecte les principes essentiels de la profession. La communication inclut la diffusion d’informations sur la nature des prestations de services proposées dès lors qu’elle est exclusive de toute forme de démarchage. La publicité personnelle reste interdite.
Le démarchage (ou offre de services personnalisés) visant à rechercher une clientèle potentielle par une action volontaire est interdit au notaire. La publicité personnelle du notaire ne peut être faite par voie de presse, affiche, film cinématographique, émission radiophonique ou télévisée, ou par internet. Quelle que soit la forme de la publicité utilisée, sont prohibés : « toute mention laudative ou comparative ».
La communication individuelle autorisée se limite donc à des informations sur la nature des prestations de service proposées hors tout démarchage ou sur une question d’actualité touchant la profession afin de promouvoir les spécificités de la profession et non pas celles de l’étude de celui qui communique. La prise de parole doit être maîtrisée ce qui implique que le notaire qui communique s’abstienne de mettre en avant ses qualités, ses performances ou sa singularité ou celles de son étude, une telle valorisation, de surcroît dépourvue d’impartialité, s’effectuant nécessairement au détriment des confrères.
Compatibilité de l’interdiction avec la liberté d’expression
L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme pose que « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière ». L’exercice de la liberté d’expression peut toutefois être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires à la protection de la réputation ou des droits d’autrui. Le souci de protection des libertés individuelles ne fait pas obstacle à la réglementation de certaines professions dont l’objectif est de préserver la dignité de ceux qui l’exercent et d’éviter les abus dont les conséquences néfastes se retourneraient contre le public.
Les notaires disposent de véritables prérogatives de puissance publique qu’ils reçoivent de l’Etat, lesquelles prérogatives confèrent aux actes qu’ils rédigent un gage d’authenticité. Ils constituent donc une catégorie particulière de professionnels à laquelle s’attache une confiance publique et sur laquelle l’Etat exerce un contrôle particulier de sorte que l’encadrement de leur liberté d’expression par des obligations déontologiques destinées à protéger leurs confrères contre des atteintes à leur réputation ou à leurs droits et à maintenir la confiance de l’opinion publique à leur égard ne constitue pas une atteinte disproportionnée à cette liberté.
Articles de presse laudatifs
Les articles de presse en cause ont été considérés comme laudatifs car soulignant le dynamisme de l’étude, en faisant état de l’augmentation du nombre des collaborateurs, des perspectives de progression du chiffre d’affaires et du développement très rapide de l’activité qui a doublé en deux ans. Ces publications n’avaient d’autre objet que de mettre en valeur le notaire et son étude, en soulignant son éclatante réussite et en le distinguant de ses confrères. Elles constituaient donc une publicité comparative, péjoratives pour les autres notaires dont elles suggéraient qu’ils n’étaient pas dynamiques, ni ouvertes et se cantonnaient à des activités mineures, ce qui caractérisait, à tout le moins, un manquement à l’obligation de délicatesse.
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