Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Limoges
Thématique : Clause de non-concurrence : validité et limites.
→ RésuméLa société BIOTOPE, spécialisée en ingénierie écologique, a embauché une salariée en 2007, avec un contrat de travail incluant une clause de non-concurrence. Au fil des années, la salariée a évolué dans ses fonctions, devenant responsable d’agence avec des avenants successifs modifiant ses responsabilités et sa rémunération. En 2023, après avoir notifié sa démission, elle a été informée par la société BIOTOPE qu’elle ne pouvait pas rejoindre une entreprise concurrente, RSK Environnement, en raison de la clause de non-concurrence.
La société BIOTOPE a activé cette clause après la démission de la salariée, lui demandant de confirmer qu’elle ne travaillerait pas pour RSK, sous peine de sanctions financières. Malgré cela, la salariée a été embauchée par RSK en octobre 2023. En réponse, BIOTOPE a saisi le conseil de prud’hommes pour faire valoir ses droits, demandant des indemnités pour violation de la clause de non-concurrence et de non-sollicitation. Le conseil de prud’hommes a d’abord jugé qu’il n’y avait pas lieu à référé, mais la société BIOTOPE a interjeté appel. La cour d’appel a ensuite infirmé cette décision, renvoyant l’affaire à un autre conseil de prud’hommes. En parallèle, BIOTOPE a déposé une demande en référé pour obtenir des provisions financières en raison de la violation des clauses contractuelles par la salariée. Finalement, la cour a jugé que les clauses de non-concurrence et de non-sollicitation étaient manifestement illicites, condamnant la salariée à rembourser une partie des indemnités perçues, tout en déboutant BIOTOPE de ses autres demandes. La société a également été condamnée à verser des frais à la salariée. |
ARRET N° .
N° RG 24/00469 – N° Portalis DBV6-V-B7I-BISSC
AFFAIRE :
Société BIOTOPE
C/
Mme [B] [W]
GV/MS
Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
jonction des affaires enrôlées sous les n° 24/469’et 24/832 ;
Grosse délivrée à Me Gladys GOUTORBE, Me Pierre FONROUGE, le 10-04-25
COUR D’APPEL DE LIMOGES
Chambre sociale
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ARRET DU 10 AVRIL 2025
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Le DIX AVRIL DEUX MILLE VINGT CINQ la chambre économique et sociale a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe:
ENTRE :
Société BIOTOPE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Gladys GOUTORBE, avocat au barreau de MONTPELLIER
APPELANTE d’une décision rendue le 07 DECEMBRE 2023 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BORDEAUX et d’une décision du 10 octobre 2024 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES de LIMOGES, par jonction des affaires enrôlées sous les n° 24/469’et 24/832 ;
ET :
Madame [B] [W]
née le 02 Avril 1971 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMEE
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, après transmission du dossier à cour sur article 82 du code de procédure civile, l’affaire a été fixée à l’audience du 18 Février 2025. L’ordonnance de clôture a été rendue le 05 février 2025.
La Cour étant composée de Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Présidente de chambre, de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, et de Madame Johanne PERRIER, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, assistées de Mme Sophie MAILLANT, Greffier. A cette audience, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, magistrat rapporteur, a été entendue en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 10 Avril 2025 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
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LA COUR
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FAITS ET PROCÉDURE
La société BIOTOPE, dont le siège social est situé à [Localité 6] (34), exerce une activité d’ingénierie écologique.
Suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er juin 2007, elle a embauché Mme [B] [W] en qualité d’assistante d’agence. Ce contrat comportait une clause de non-concurrence. Le lieu de travail de référence de Mme [W] était situé sur l’établissement de [Localité 6] (34).
Par avenant signé le 1er mars 2011, la fonction de Mme [W] a été modifiée pour devenir ‘responsable d’agence 1″, statut cadre. Sa rémunération a été augmentée et la clause de non-concurrence figurant à son contrat de travail également modifiée.
Par un nouvel avenant signé le 1er mars 2012, Mme [W] est devenue ‘responsable d’agence 3″.
L’article 6 de cet avenant prévoit une clause de non-concurrence rédigée en ces termes :
‘Compte tenu de la nature des fonctions qu’il exerce, le Salarié s’engage, à la cessation du contrat quel qu’en soit la cause ou l’auteur, à ne pas exercer, directement ou indirectement, de fonctions similaires ou concurrentes à celles exercées au sein de la société BIOTOPE.
Le salarié s’engage en conséquence à ne pas travailler en qualité de salarié ou de non salarié, d’intermédiaires, d’agent commercial, de sous-traitant, d’apporteurs d’affaires ou sous tout autre statut, pour une entreprise concurrente et à ne pas créer, directement ou indirectement, par personne interposée, d’entreprise ayant des activités concurrentes ou similaires à celles de la société BIOTOPE.
Cette obligation s’appliquera pendant une durée de 12 mois à compter de l’expiration du présent contrat et couvrira la France entière.
D’un commun accord entre les parties, la société BIOTOPE se réserve la possibilité de renoncer au bénéfice de la présente clause en informant le Salarié dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la rupture du contrat par l’employeur ou par le salarié, par lettre recommandée avec accusé de réception.
Si passé ce délai, I’Employeur n’a pas renoncé à cette clause, elle s’appliquera de plein droit jusqu’au terme fixé par les parties au présent contrat.
En contrepartie de l’engagement pris par le Salarié, la société s’engage à lui verser une contrepartie financière mensuelle égale à 30% de la moyenne mensuelle du salaire brut perçu au cours des 12 derniers mois d’activité (exclusion faite des primes exceptionnelles et des frais de déplacement) et ce quel que soit le mode de rupture du contrat de travail.
Toutefois, la société BIOTOPE sera dispensée de ce versement si elle a renoncé dans les délais prévus à l’application de la clause de non concurrence et que le Salarié se retrouve délié de toute obligation à ce titre.
En cas de violation de cette obligation, l’entreprise sera en droit de réclamer, outre la cessation immédiate de l’activité litigieuse, le versement par le Salarié d’une indemnité au moins égale à la rémunération totale perçue par lui au cours de ses 6 derniers mois de travail.
Le paiement de cette indemnité devra intervenir dans les huit jours après réception d’une mise en demeure d’avoir à cesser l’activité litigieuse adressée par lettre recommandée avec accusé de réception et restée sans effet.
Le paiement de cette indemnité ne porte pas atteinte aux droits que la société BIOTOPE se réserve expressément de poursuivre le Salarié en remboursement du préjudice pécuniaire et moral effectivement subi et de faire ordonner sous astreinte la cessation de l’activité concurrentielle.’
En son article 7, l’avenant du 1er mars 2012 contient une clause de non-sollicitation formulée en ces termes : ‘Le Salarié s’interdit, compte tenu des informations confidentielles qu’il détient et des relations qu’il aura établi avec la clientèle, les fournisseurs et les partenaires de la société (ou tout tiers rencontré dans le cadre de l’exécution du présent contrat), de recruter, solliciter ou prendre contact, directement ou indirectement avec le personnel, les partenaires de la société BIOTOPE, ses fournisseurs et ses clients.
Le Salarié s’interdit, pendant toute la durée du présent contrat et après sa rupture pour quelque raison que ce soit, d’engager directement ou indirectement ou de faciliter directement ou indirectement l’embauche par un tiers d’un ou plusieurs membres du personnel, salarié ou non, de BIOTOPE.
En cas de manquement à cette obligation, le Salarié versera à BIOTOPE une indemnité fixée et forfaitairement évaluée à six mois de salaires ou traitements bruts du membre du personnel concerné, sans que cette indemnité ne puisse être inférieure à la somme de 15.000,00 euros (QUINZE MILLE EUROS). sans préjudices des droits que BIOTOPE se réserve, d’obtenir réparation des dommages effectivement subis.’
Par avenant signé le 1er avril 2022, il a été convenu que Mme [W] exercerait les fonctions de ‘Responsable de l’animation du réseau commercial’. Sa rémunération a été augmentée. Les autres clauses et avenants du contrat de travail sont restés inchangés.
Par avenant signé le 1er janvier 2023, Mme [W] a été promue au poste de ‘Responsable d’agence [Localité 4] et coordinatrice commerciale nationale’. Elle a été rattachée à l’agence BIOTOPE de [Localité 3] avec possibilité de mutation par l’employeur. Les autres clauses et avenants au contrat sont restés inchangés.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 2 juin 2023, Mme [W] a notifié à la société BIOTOPE sa démission avec respect du préavis contractuel de trois mois.
La société BIOTOPE a été informée que Mme [W] allait intégrer la société RSK Environnement Holding en qualité de directrice du développement environnement.
Le 5 juin 2023, Mme [W] a fait diligenter par huissier un procès verbal constatant que ses accès au serveur de la société BIOTOPE lui étaient retirés.
Par lettre du 15 juin 2023, la société BIOTOPE a écrit à la société RSK Environnement, pour l’informer de l’existence d’une clause de non-concurrence figurant au contrat de travail de Mme [W]. Elle a ajouté que cette dernière avait un rôle-clé au sein de l’entreprise et que son débauchage pourrait être considéré comme un acte de concurrence déloyale.
Par courriel du 19 juin 2023, la société BIOTOPE a informé Mme [W] de la restriction de ses accès au serveur, sauf demande spécifique pour ses sujets de travail.
Puis, par courriel du 20 juin 2023, la société BIOTOPE a proposé à Mme [W] un poste de directeur adjoint du développement, avec une rémunération réévaluéee. Il l’a informée que, si elle persistait dans sa volonté d’intégrer RSK pour développer leurs solutions dans le domaine de l’environnement et du développement durable, il activerait la clause de non-concurrence à son égard.
Mme [W] a refusé cette offre le 3 juillet 2023.
Par courrier du 18 juillet 2023, la société BIOTOPE a pris en compte la démission de Mme [W] et l’a informée de l’activation de la clause de non-concurrence prévue par l’avenant du 1er mars 2012.
Mme [W] a bénéficié de congés payés du 19 au 29 juin 2023, puis a été placée en arrêt maladie du 30 juin 2023 jusqu’à sa sortie des effectifs de la société BIOTOPE au 2 septembre 2023.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 septembre 2023, la société BIOTOPE a demandé à Mme [W] de lui confirmer qu’elle ne travaillerait pas pour la société RSK Environnement, société concurrente, sous peine de voir appliquer les termes de la clause de non-concurrence, c’est à dire paiement d’une indemnité égale à ses 6 derniers mois de salaire et cessation de ses fonctions au sein de cette société.
Le 15 septembre 2023, Mme [W] a indiqué à la société BIOTOPE qu’elle n’exerçait aucune activité professionnelle.
Suivant contrat de travail signé le 18 septembre 2023, Mme [W] a été embauchée par la société RSK France à compter du 2 octobre 2023, en qualité de Directrice du Développement Environnement .
Elle a perçu des indemnités de la part de la société BIOTOPE au titre de sa clause de non-concurrence à partir du 2 septembre 2023 et jusqu’au 1er septembre 2024, la salariée s’étant opposée à clarifier auprès de son ancien employeur sa situation professionnelle.
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Par requête du 7 juillet reçue le 10 juillet 2023, Mme [B] [W] a saisi conseil de prud’hommes de Bordeaux en sa formation de référé aux fins de voir reconnaître le caractère illicite ou du moins inopposable de sa clause de non-concurrence à son égard.
Par ordonnance de référé rendue le 7 décembre 2023, le conseil de prud’hommes de Bordeaux s’est reconnu compétent territorialement, mais a dit qu’il n’y avait pas lieu à référé en raison de l’existence d’une contestation sérieuse.
La société BIOTOPE a interjeté appel de cette ordonnance le 26 décembre 2023.
Par arrêt du 19 juin 2024, la cour d’appel de Bordeaux a infirmé l’ordonnance entreprise, dit que le conseil de prud’hommes de Limoges était compétent territorialement pour statuer et a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Limoges.
L’instance a été enregistrée sous le numéro RG2400469 et fixée à l’audience du 6 janvier 2025 devant la cour d’appel de Limoges.
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Parallèlement, le 5 août 2024, la société BIOTOPE ayant pu obtenir par voie de constat d’huissier la confirmation que Mme [W] était employée au sein de la société RSK Environnement, elle a saisi en référé le conseil de prud’hommes de Limoges aux fins de faire condamner Mme [W] à lui payer les sommes de :
– 9 834,81 euros nets à titre de provision en remboursement des indemnités de non-concurrence ;
– 32’514,13 euros à titre de provision sur l’indemnité fixée forfaitairement par l’article 6 du contrat de l’avenant du 1er mars 2012 au titre de la violation de l’obligation de non-concurrence ;
– 32’514,13 euros à titre de provision sur l’indemnité fixée forfaitairement par l’article 7 du contrat de l’avenant du 1er mars 2012 au titre de la violation de l’obligation de non-sollicitation.
Par ordonnance de référé du 10 octobre 2024, le conseil de prud’hommes de Limoges a :
constaté la litispendance et la connexité des demandes formées devant la cour d’appel de Limoges et le conseil de prud’hommes de Limoges ;
renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Limoges qui examinera l’affaire lors de son audience du 6 janvier 2025.
L’instance a été enrôlée auprès de la cour d’appel de céans sous le numéro RG2400832, et l’instance numéro RG2400469 a été reportée au 18 février 2025 aux fins de la voir évoquée avec l’instance nouvellement enrôlée.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 février 2025.
Par un premier message communiqué par RPVA du 6 février 2025, le conseil de Mme [W] a ajouté 5 nouvelles pièces n° 29, n° 30, n° 31, n° 32 et n° 33 à son bordereau de pièces. Il a sollicité par un second message communiqué par RPVA du même jour, sans que des conclusions spécifiques soient prises à cet effet, le report de l’ordonnance de clôture au jour de l’audience de plaidoiries, pour communication de ces nouvelles pièces.
Par conclusions du 7 février 2025, la société BIOTOPE a demandé à la cour de prononcer l’irrecevabilité de ces 5 pièces, communiquées postérieurement à l’ordonnance de clôture. Elle a souligné que Mme [W] ne justifiait d’aucune cause grave révélée depuis l’ordonnance de clôture justifiant sa révocation.
Par conclusions en réplique du 10 février 2025, Mme [W] a demandé à ce que ces pièces soient déclarées recevables et que la clôture des débats soit reportée au jour de l’audience de plaidoirie, le 18 février suivant. Elle a fait valoir que les pièces communiquées avaient été présentées en première instance, et que la société BIOTOPE en avait donc eu connaissance en temps utile.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 19 décembre 2024, la société BIOTOPE demande à la cour de :
D’une part dans le cadre de l’instance enregistrée sous le numéro RG 24/00469 :
Recevoir l’appel principal formé par la SAS BIOTOPE le 26 décembre 2023 à l’encontre de l’ordonnance de référé rendue le 7 décembre 2023 par le Conseil de prud’hommes de BORDEAUX ;
Débouter Mme [W] de ses demandes, fins et conclusions dans le cadre de son appel incident ;
Confirmer l’ordonnance de référé rendue le 7 décembre 2023 par le Conseil de prud’hommes de BORDEAUX en ce qu’elle a :
‘- dit que la formation de référé n’est pas compétente pour statuer sur la demande formulée par Mme [W] au titre de l’application de sa clause de non-concurrence,
– dit, en conséquence, qu’il n’y a pas lieu à référé et a renvoyé Mme [W] à mieux se pourvoir’ ;
Débouter Mme [W] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, dès lors que l’intimée et requérante initiale à l’instance succombe dans ses prétentions, sa saisine du juge prud’homal étant bien malvenue ;
D’autre part dans le cadre de l’instance enregistrée sous le numéro RG 24/00 832 :
– recevoir la demande de référé de la société BIOTOPE ;
– constater que Mme [W] occupe un emploi auprès d’une entreprise concurrente de la société BIOTOPE en violation de l’obligation de non-concurrence prévue par l’article 6 de l’avenant du 1er mars 2012 ;
– constater que Mme [W] est en contact avec au moins un client de la société BIOTOPE qu’elle avait en charge au sein de son précédent emploi en violation de l’obligation de non-sollicitation prévue par l’article 7 de l’avenant du 1er mars 2012;
– constater que la société BIOTOPE subit un trouble manifestement illicite qu’il y a lieu de faire cesser ;
– juger que les demandes de la société BIOTOPE ne souffrent d’aucune contestation sérieuse ;
En conséquence,
– condamner Mme [W] à payer à la société BIOTOPE les sommes suivantes :
– 9 834,81 euros nets à titre de provision en remboursement des indemnités de non-concurrence ;
– 32’514,13 euros à titre de provision sur l’indemnité fixée forfaitairement par l’article 6 du contrat de l’avenant du 1er mars 2012 au titre de la violation de l’obligation de non-concurrence ;
– 32’514,13 euros à titre de provision sur l’indemnité fixée forfaitairement par l’article 7 du contrat de l’avenant du 1er mars 2012 au titre de la violation de l’obligation de non-sollicitation ;
– assortir ses obligations d’une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l’ordonnance à intervenir et se réserver la liquidation de l’astreinte ;
En tout état de cause,
Condamner Mme [W] au paiement de 8.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
La condamner aux entiers dépens, en ce compris les frais de constats d’huissiers.
La société BIOTOPE soutient que l’application de la clause de non-concurrence du contrat de travail à Mme [W] ne constitue pas un trouble manifestement illicite. Cette clause est géographiquement limitée, dans la durée et dans l’espace. Elle prévoit une contrepartie de 30% de la rémunération de la salariée, alors que des montants inférieurs et pour une durée plus longue ont été validés par la jurisprudence. Même en présence d’une contestation sérieuse, le juge des référé est compétent pour statuer pour prescrire les mesures nécessaires pour faire cesser le trouble manifestement illicite que lui cause l’emploi concurrentiel de Mme [W].
Par ailleurs, Mme [W] n’est pas privée de façon anormale de son droit à retrouver un emploi de commerciale dans d’autres branches d’activités, la clause litigieuse ne limitant ce droit qu’aux entreprises concurrentes de la société BIOTOPE, à savoir les bureaux d’études spécialisés dans le secteur de la biodiversité. En réalité, Mme [W], qui n’a pas recherché un autre emploi, a été débauchée par la société RSK Environnement.
La société BIOTOPE soutient que la clause de non-concurrence est nécessaire à la protection de ses intérêts légitimes. En effet, l’emploi de Mme [W] par une entreprise concurrente génère pour la société BIOTOPE un risque de détournement de clientèle, Mme [W] ayant eu un rôle de responsable d’agence et de coordinatrice commerciale et ayant participé aux comités de direction.
Il est manifeste que la société RSK Environnement Holding exerce une activité directement concurrente à celle de la société BIOTOPE, ayant pour activité principale celle de bureau d’études et de conseils dans le secteur de la biodiversité. Or, les nouvelles fonctions de Mme [W] incluent la prospection de nouvelles relations clients, le développement de relations clients, l’identification de nouvelles opportunités et marché, la création et le pilotage d’agences au profit de la société RSK Environnement. Or, ces activités entrent en concurrence avec celles de la société BIOTOPE. Mme [W] occupe donc une fonction similaire à celle qu’elle occupait au sein de la société BIOTOPE, pour une rémunération de 6 108,82 ‘ brut par mois.
Dans ces conditions, le débauchage de Mme [W] et son embauche à une fonction similaire à celle qu’elle occupait au sein de la société BIOTOPE constituent un acte de concurrence, étant précisé que le groupe RSK adopte une position particulièrement agressive sur le marché.
Mme [W] a agi en connaissance de cause. Elle a dissimulé aux juges et à son ancien employeur son nouvel emploi. C’est donc de manière déloyale qu’elle a continué à percevoir son indemnité de non-concurrence.
Par ailleurs, la société BIOTOPE soutient que son ex-salariée a été en relation avec l’un de ses clients, la société RTE, dont elle avait la charge dans le cadre de son précédent emploi, en violation manifeste de l’obligation de non-sollicitation qui était prévue à son contrat de travail, en son avenant 1er article 7. Cette clause n’a pas à être limitée dans le temps et dans l’espace et ne requiert pas l’octroi d’une contrepartie financière.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 14 janvier 2025, Mme [B] [W] demande à la cour de :
La recevoir en ses fins, moyens et conclusions,
La dire fondée,
Y faisant droit :
S’agissant de la clause de non-concurrence :
A titre principal :
Infirmant l’Ordonnance de référé du Conseil de prud’hommes de BORDEAUX du 7 décembre 2023 en ce qu’elle a : ‘Dit que la formation de référé n’est pas compétente pour statuer sur la demande formulée par Mme [W] au titre de l’application de sa clause de non-concurrence’,
Statuant à nouveau de ces chefs :
Juger que la clause de non-concurrence est manifestement illicite et, en conséquence, la déclarer inopposable à la salariée ;
A titre subsidiaire :
Constater que la contestation de la validité de la clause de non-concurrence est extrêmement sérieuse ;
Juger les notions d’« activité concurrente » et de « fonction similaire » nécessitent une interprétation relevant du juge du fond ;
En conséquence, INVITER la Société BIOTOPE à mieux se pourvoir du chef de la clause de non-concurrence ;
S’agissant de la clause de non-sollicitation :
A titre principal :
Juger que la clause de non-sollicitation est manifestement illicite et, en conséquence, la déclarer nulle et de nul effet
A titre subdiaire :
Juger que les notions de « client » et de « sollicitation » nécessitent une interprétation relevant du juge du fond ;
En conséquence, INVITER la Société BIOTOPE à mieux se pourvoir du chef de la clause de non-sollicitation ;
En tout état de cause :
Débouter la Société BIOTOPE de l’ensemble de ses fins, moyens et conclusions ;
Condamner la Société BIOTOPE à régler à Mme [W] la somme de 10.000 ‘ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure Civile en appel ;
Condamner la Société BIOTOPE aux entiers dépens.
Mme [W] soutient que la clause de non-concurrence incluse dans son contrat de travail est manifestement illicite en ce :
qu’elle la prive de la possibilité d’exercer normalement une activité conforme à sa formation et à son expérience professionnelle exclusivement acquise dans le domaine de l’écologie et de la biodiversité, le domaine d’activité de la société BIOTOPE étant très large ;
qu’elle n’est pas justifiée par un intérêt légitime de la société BIOTOPE, puisqu’elle-même est déjà soumise à une clause de confidentialité, de non-sollicitation et de cession des droits de propriété intellectuelle en vertu de son contrat de travail, la société BIOTOPE ne justifie pas du préjudice qu’elle allègue ;
qu’elle est manifestement disproportionnée, puisqu’elle vise la France entière, pour une contrepartie financière dérisoire.
A titre subsidiaire, Mme [W] soutient que cette clause n’est à tout le moins pas manifestement licite, en présence de contestations sérieuses relatives aux notions d’activité ‘concurrente ‘ et de ‘fonction similaire’. Ainsi, la société BIOTOPE doit être renvoyée à mieux se pourvoir, le juge des référés n’étant pas compétent pour statuer.
Par ailleurs, Mme [W] soutient que la clause de non-sollicitation,lui interdisant d’entrer en relation directement ou indirectement avec la clientèle de la société BIOTOPE, est manifestement illicite, car elle n’est limitée ni dans le temps ni dans l’espace et elle ne comporte aucune contrepartie financière.
Subsidiairement, cette clause n’est pas manifestement licite en présence de contestations sérieuses. Le juge des référés n’est donc pas compétent pour statuer.
En tout état de cause, Mme [W] soutient ne pas avoir violé cette clause de non-sollicitation en entrant en contact avec la société RTE dans le cadre de son nouvel emploi au sein de la société RSK Environnement, en premier lieu car la société RTE n’est pas un client, mais un ‘pouvoir adjudicataire’ de la société BIOTOPE. En second lieu, les deux sociétés n’ont fait que concourir dans le cadre d’un marché public ouvert par RTE, ce qui ne constitue pas une ‘sollicitation’ d’un client.
PAR CES MOTIFS
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La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
ORDONNE la jonction des affaires enrôlées sous les n° 24/469’et 24/832 ;
DÉCLARE irrecevables les pièces n° 29 à 33 de Mme [B] [W] communiquées après l’ordonnance de clôture ;
INFIRME l’ordonnance de référé rendue le 7 décembre 2023 par le conseil de prud’hommes de BORDEAUX en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à référé ;
Statuant à nouveau
DIT ET JUGE que la clause de non-concurrence et la clause de non-sollicitation, figurant au contrat de travail de Mme [B] [W], tel que modifié le 1er mars 2012 en ses articles 6 et 7, sont manifestement illicites ;
CONDAMNE Mme [B] [W] à payer à la société BIOTOPE la somme de 9 000 ‘ brut, à titre de provision, en remboursement des indemnités versées par la société BIOTOPE au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;
DEBOUTE la société BIOTOPE de ses autres demandes ;
CONDAMNE la société BIOTOPE à payer à Mme [B] [W] la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société BIOTOPE aux dépens.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
Sophie MAILLANT. Olivia JEORGER-LE GAC.
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