Cour d’appel de Grenoble, 1 avril 2025, RG n° 22/04309
Cour d’appel de Grenoble, 1 avril 2025, RG n° 22/04309

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Grenoble

Thématique : Licenciement sans cause réelle et sérieuse : validation des droits du salarié.

Résumé

La SARL ADCP concept, exploitant un restaurant, a engagé un salarié en 2016 en tant qu’assistant manager, puis l’a promu manager et enfin directeur par avenants successifs. En septembre 2020, le salarié a pris des congés, et le 22 septembre, le restaurant a subi un cambriolage, entraînant le vol de tickets restaurants et de chèques vacances. En janvier 2021, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement et a été mis à pied à titre conservatoire. Le 20 janvier 2021, la société a notifié son licenciement pour faute grave.

Le salarié, estimant son licenciement injustifié, a saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir des rappels de salaire, une indemnité pour travail dissimulé et d’autres compensations. Le jugement du 7 novembre 2022 a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant la société à verser plusieurs sommes au salarié, y compris pour heures supplémentaires non rémunérées et pour travail dissimulé.

La société a interjeté appel, contestant notamment le jugement sur les heures supplémentaires et le licenciement. Le salarié a également demandé la confirmation du jugement tout en sollicitant une réévaluation des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour d’appel a examiné les éléments de preuve fournis par les deux parties, notamment les bulletins de salaire et les échanges de messages. Elle a conclu que le salarié avait effectivement réalisé des heures supplémentaires et que la société n’avait pas respecté ses obligations en matière de rémunération. Concernant le licenciement, la cour a jugé que les motifs invoqués par l’employeur n’étaient pas fondés, confirmant ainsi le jugement de première instance et révisant le montant des dommages et intérêts dus au salarié. La société a été condamnée à verser des sommes supplémentaires au salarié, y compris des frais de justice.

C1

N° RG 22/04309

N° Portalis DBVM-V-B7G-LTLE

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Nicolas BOURGEY

la SELARL SIDONIE LEBLANC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 01 AVRIL 2025

Appel d’une décision (N° RG 21/00349)

rendue par le conseil de prud’hommes – formation paritaire de Vienne

en date du 07 novembre 2022

suivant déclaration d’appel du 02 décembre 2022

APPELANTE :

E.U.R.L. ADCP CONCEPT prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Nicolas BOURGEY, avocat au barreau de Vienne

INTIME :

Monsieur [V] [J]

né le 27 Août 1989 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Sidonie LEBLANC de la SELARL SIDONIE LEBLANC, avocat au barreau de Grenoble

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, conseillère faisant fonction de présidente,

Mme Gwenaëlle TERRIEUX, conseillère,

M. Frédéric BLANC, conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 13 janvier 2025,

Mme Gwenaëlle TERRIEUX, conseillère chargée du rapport, assistée de Mme Fanny MICHON, greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile.

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 01 avril 2025, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 01 avril 2025.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL ADCP concept, créée en 2015, exploite un restaurant sous l’enseigne  » [5]  » à [Localité 3]. Elle emploie plus de onze salariés.

M. [V] [J], né le 27 août 1989, a été engagé par la société ADCP concept à compter du 12 août 2016 selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité d’assistant manager, statut employé, niveau 3, échelon 1 de la convention collective des hôtels, cafés restaurants.

Par avenant en date du 1er septembre 2017, M. [J] a été promu au poste de manager, statut agent de maîtrise, niveau 3, échelon 3.

Par avenant en date du 14 janvier 2019, M. [J] a été nommé aux fonctions de directeur, à compter du 18 janvier 2019, pendant l’absence pour arrêt maladie du directeur.

Par avenant en date du 1er juillet 2019, M. [J] a réintégré ses précédentes fonctions.

M. [J] a bénéficié de congés du 14 septembre au 27 septembre 2020.

Le 22 septembre 2020, le restaurant a été victime d’un cambriolage, à l’occasion duquel ont notamment été dérobés des tickets restaurants et des chèques ANCV dits chèques vacances.

Par courrier recommandé du 2 janvier 2021, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 janvier 2021 et mis à pied à titre conservatoire.

Par courrier recommandé du 20 janvier 2021, la société ADCP concept a notifié à M. [J] son licenciement pour faute grave.

Estimant son licenciement injustifié, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Vienne par requête déposée au greffe le 26 octobre 2021 afin d’obtenir la condamnation de la société ADCP concept à lui payer un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, une indemnité au titre du travail dissimulé, et diverses sommes au titre de la rupture de la relation de travail, outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 7 novembre 2022, le conseil de prud’hommes de Vienne a :

Dit et jugé que :

– Le licenciement de M. [J] ne repose pas sur une faute grave et est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– Les heures supplémentaires réalisées par M. [J] ne lui ont pas été rémunérées,

Condamné la société ADCP concept à verser à M. [J] les sommes de :

– 2 149,23 euros brut au titre des heures supplémentaires accomplies entre juin et août 2020,

– 214,92 euros brut au titre de l’indemnité de congés payés afférente,

– 14 394 euros net à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 9 596,68 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 4 798 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 479 euros au titre des congés payés pendant le préavis,

– 1 382,94 euros au titre de la mise à pied entre le 2 janvier et le 20 janvier 2021,

– 2 794,04 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société ADCP concept aux entiers dépens de l’instance,

Condamné la société ADCP concept à rembourser au Pôle emploi les indemnités perçues par M. [J] dans la limite de trois mois,

Débouté M. [J] du surplus de ses demandes,

Débouté la société ADCP concept de l’ensemble de ses demandes,

Dit qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire de droit.

La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception.

La société ADCP concept en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 02 décembre 2022.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 mars 2024, la société ADCP concept demande à la cour d’appel de :

 » Réformer le jugement rendu le 7 novembre 2022 par le Conseil de prud’hommes de Vienne en ce qu’il a :

– Dit et jugé que les heures supplémentaires réalisés par M. [J] ne lui ont pas été rémunérées,

– Condamné la société ADCP concept à verser à M. [J] les sommes suivantes :

– 2 149,23 euros brut au titre des heures supplémentaires accomplies entre juin et août 2020,

– 214,92 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférente,

– 14 394 euros net à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– Dit et jugé que le licenciement de M. [J] ne repose pas sur une faute grave et est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– Condamné la société ADCP concept à payer à M. [J] les sommes suivantes :

– 9 596,68 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 4 798 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 479 euros au titre des congés payés pendant le préavis,

– 1 382,94 euros au titre de la mise à pied entre le 2 janvier et le 20 janvier 2021,

– 2 794,04 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– Condamné la société ADCP concept à rembourser à M. [J] les indemnités perçues par M. [J] dans la limite de trois mois,

– Condamné la société ADCP concept à verser à M. [J] 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la société ADCP concept aux entiers dépens de l’instance,

– Débouté M. [J] du surplus de ses demandes,

– Débouté la société ADCP concept de l’ensemble de ses demandes,

– Juger irrecevable et débouter M. [J] de sa demande incidente aux fins d’une réévaluation du montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Dans la limite des chefs de demandes expressément critiqués et en réponse aux conclusions et pièces communiquées par l’intimé, débouter M. [J] de l’ensemble de ses autres demandes,

– Condamner M. [J] à verser à la société ADCP concept la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner M. [J] aux entiers dépens « .

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 mai 2023, M. [J] demande à la cour d’appel de :

 » Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé recevables et bien fondées les demandes de M. [J] dit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’employeur à lui verser :

– 2 149,23 euros brut au titre des heures supplémentaires accomplies entre juin et août 2020,

– 214,92 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférente,

– 14 394 euros net à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 9 596,68 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 4 798 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 479 euros au titre des congés payés pendant le préavis,

– 1 382,94 euros au titre de la mise à pied entre le 2 janvier et le 20 janvier 2021,

– 2 794,04 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société ADCP concept à rembourser à Pôle emploi les indemnités perçues par M. [J] dans la limite de 3 mois,

Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a limité le montant de son indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 9 596 euros,

Statuant à nouveau, condamner la société ADCP concept à lui payer les sommes suivantes :

– Dire et juger que le barème prévu par l’article L. 1235-2 du code du travail doit être écarté, ce plafonnement portant une atteinte au droit de M. [J] de recevoir une indemnisation adéquate au droit de M. [J] de recevoir une indemnisation adéquate de l’ensemble de ses préjudices, en violation des dispositions des articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT et de l’article 24 de la Charte sociale européenne et constituant une discrimination en violation du droit de l’Union européenne,

– Condamner la société ADCP concept à payer à M. [J] la somme de 23 991,70 euros net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire, si la cour ne retenait pas la nécessité d’écarter le plafond,

– Condamner la société ADCP concept à payer à M. [J] la somme de 11 995 euros correspondant à cinq mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L. 1235-2 du code du travail,

– Condamner la société ADCP concept à payer à M. [J] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ainsi qu’aux entiers dépens,

Débouter la société ADCP concept de toutes demandes reconventionnelles « .

Par ordonnance juridictionnelle du 12 septembre 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [J] tirée de la caducité de la déclaration d’appel de la société ADCP concept.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 10 décembre 2024.

L’affaire, fixée pour être plaidée à l’audience du 13 janvier 2025, a été mise en délibéré au 1er avril 2025.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE recevable la demande sur appel incident formée par M. [V] [J] de réévaluer le quantum des dommages et intérêts auxquels la société ADCP concept a été condamnée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en première instance ;

INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société ADCP concept à payer à M. [V] [J] les sommes de :

– 2 149,23 euros brut au titre des heures supplémentaires accomplies entre juin et août 2020,

– 214,92 euros brut au titre de l’indemnité de congés payés afférente,

– 9 596,68 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

LE CONFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société ADCP concept à payer à M. [V] [J] les sommes suivantes :

– 2 000 euros brut à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires réalisées entre les mois de juin et d’août 2020,

– 200 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

– 11 000 euros brut de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

DIT qu’une copie de la présente décision sera adressée à France travail à la diligence du greffe de la présente juridiction ;

DEBOUTE la société ADCP concept de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société ADCP concept aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Mme Hélène Blondeau-Patissier, conseillère faisant fonction de présidente, et par Mme Fanny Michon, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière, La conseillère faisant fonction de présidente,

 


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