Type de juridiction : Cour d’Appel
Juridiction : Cour d’Appel de Douai
Thématique : Films d’entreprise : la question des droits d’auteur
→ RésuméDans le cadre d’une convention de production, il est utile de stipuler une cession de droits d’auteur au bénéfice de la société commanditaire. La société ARC a ainsi commandé des vidéogrammes à un réalisateur, établissant un contrat-cadre précisant les conditions de réalisation. Toutefois, le réalisateur a contesté la validité de cette convention pour non-respect des exigences formelles du Code de la propriété intellectuelle. Selon l’ARCEPicle L. 131-3, chaque droit cédé doit être mentionné distinctement, et le domaine d’exploitation clairement délimité, ce qui a été respecté dans le contrat-cadre en question.
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Convention cadre de production
Qu’il s’agisse d’un contrat cadre ou d’une intervention ponctuelle et par sécurité juridique, il est préférable de stipuler une cession de droits d’auteur au bénéfice de la société qui commande à un prestataire des vidéos promotionnelles.
Dans cette affaire, pour ses activités de marketing, la société ARC a commandé à un réalisateur des vidéogrammes (contrat cadre). Le contrat-cadre posait les conditions dans lesquelles les prestations devaient être effectuées, chaque commande devant être l’objet d’un avenant particulier en référence aux clauses du contrat cadre (la société passait ses commandes de vidéogrammes en fournissant un « brief » au prestataire).
Le réalisateur a tenté sans succès d’obtenir la nullité de la convention cadre pour non-respect du formalisme imposé par le Code de la propriété intellectuelle (absence de précision des modes et des domaines d’exploitation des droits cédés …).
Précision des modes d’exploitation des droits cédés
Selon l’article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle (CPI) « la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée».
Ainsi se trouve prohibée la cession globale des oeuvres par des formules générales qui engloberaient tous les droits afférents aux oeuvres, sans aucune restriction. En l’espèce, un article du contrat-cadre énonçait clairement les modes d’exploitation cédés, tant pour les droits de reproduction et de représentation que d’adaptation.
Rémunération au forfait / Montant lésionnaire
Le réalisateur facturait son travail, de façon indépendante, sur la base d’un tarif de 450€/ jour. Ce tarif forfaitaire n’a pas été jugé comme lésionnaire (7/12ème) au sens de l’article L. 131-5 du CPI.
Le recours au forfait a également été validé. L’article L. 131-4 du CPI fixe le principe selon lequel la cession par l’auteur de ses droits sur son oeuvre peut être totale ou partielle, « elle doit comporter au profit de l’auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation.» La rémunération de l’auteur peut être évaluée forfaitairement, notamment lorsque la contribution de l’auteur ne constitue pas l’un des éléments essentiels de la création intellectuelle de l’oeuvre, soit que l’utilisation de l’’œuvre ne présente qu’un caractère accessoire par rapport à l’objet exploité.
Tel était bien la situation en l’espèce où la société, qui ne procédait à aucune exploitation marchande des vidéogrammes litigieux, se contentait de les diffuser, à titre gratuit, dans un cadre interne ou auprès de tiers aux fins de présentation de la société, de son site de production ou de ses produits. Ne percevant aucune rémunération de tiers pour ces vidéogrammes, la société se trouvait aussi dans l’impossibilité de calculer une participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente de ses produits, lesquelles sont le résultat d’une politique globale de vente.
Cession des oeuvres sous une forme non prévisible
Selon l’article L.131-6 du CPI « la clause d’une cession qui tend à conférer le droit d’exploiter l’œuvre sous une forme non prévisible ou non prévue à la date du contrat doit être expresse et stipuler une participation corrélative aux profits d’exploitation.»
Un article du contrat-cadre prévoyait que la cession des vidéogrammes comprenait :
– Les droits de production total ou partiel, provisoire ou permanent, de l’ensemble des prises de vues et Vidéos réalisés dans le cadre des missions confiées par tous moyens, dans toutes les définitions, dans tous les formats et sur tous types de support de diffusion connus ou inconnus.
– les droits de représentation de l’ensemble des prises de vues et Vidéos réalisées dans le cadre des missions confiées, par tous procédés de communication au public connus ou inconnus, par tout moyen et à destination de tous public notamment dans le cadre de transmission par télédiffusion, présentation ou projection publique, enregistrement magnétique ou numérique.
Une telle clause vaut donc mention expresse de l’imprévisibilité du support de diffusion et procédé de communication au sens de la loi.
Cession globale des œuvres futures
Au sens de l’article L131-1 du CPI, la cession globale des œuvres futures est nulle. Toutefois, le contrat-cadre fixait seulement la nature et l’étendue des droits et obligations des parties, dans l’hypothèse où, par la suite, la société commanderait des vidéogrammes. Il n’opérait donc pas une cession globale des oeuvres futures mais prévoyait, par avance, les conditions régissant la cession de chaque oeuvre à réaliser ultérieurement par une commande subséquente.
Attention au droit à la paternité
Le réalisateur a toutefois obtenu une indemnité au titre du non-respect de son droit à la paternité : le nom et la qualité de réalisateur étaient absents des vidéogrammes réalisés (10 000 euros de dommages-intérêts).
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