Cour d’appel de Douai, 3 avril 2025, RG n° 24/00407
Cour d’appel de Douai, 3 avril 2025, RG n° 24/00407

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Douai

Thématique : Suspicion de manœuvres déloyales et atteinte à la confidentialité des données professionnelles.

Résumé

Un dirigeant d’entreprise, précédemment employé par la société Candéliance, a été licencié pour faute grave, ce qui a entraîné la levée de son engagement de non-concurrence. Après son licenciement, il a créé une nouvelle société, Quasar, et a continué à exercer une activité similaire à celle de Candéliance, entraînant la rupture de contrats entre Candéliance et plusieurs de ses clients.

La société Candéliance, suspectant des actes de concurrence déloyale, a demandé une mesure d’instruction pour enquêter sur des comportements suspects de l’ancien dirigeant, notamment des transferts massifs de fichiers et la suppression de courriels professionnels. Un rapport d’un technicien informatique a révélé des activités anormales sur le système de gestion de Candéliance, suggérant une tentative de vol de données.

Le tribunal a initialement autorisé des mesures d’investigation, mais celles-ci ont été contestées par le dirigeant et sa société, qui ont fait appel. Ils ont demandé l’annulation des mesures d’investigation, arguant que le rapport ne prouvait pas de manière concluante la copie ou la suppression de données confidentielles.

En appel, la cour a confirmé que les suspicions de comportements déloyaux justifiaient les mesures d’instruction, mais a également noté que certaines mesures étaient excessives et manquaient de fondement juridique. La cour a finalement rétracté l’ordonnance initiale, annulant les mesures d’instruction et ordonnant la restitution des documents prélevés. Les sociétés Hédifiance et Candéliance ont été condamnées à verser des frais au dirigeant et à Quasar, tout en étant interdites d’utiliser les informations obtenues lors des mesures d’instruction.

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 03/04/2025

****

N° de MINUTE : 25/185

N° RG 24/00407 – N° Portalis DBVT-V-B7I-VKO7

Ordonnance (N° 23/01071) rendue le 16 janvier 2024 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTS

Monsieur [T] [M]

né le 09 mars 1994 à [Localité 4]

de nationalité française

demeurant [Adresse 1]

SARL Quasar prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 1]

Représentés par Me David Lacroix, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

INTIMÉES

SAS Candeliance agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 2]

SAS Hedifiance agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 3]

Représentées par Me Charles Merlen, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 29 mai 2024, tenue par Dominique Gilles magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Aude Bubbe, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 avril 2025 après prorogation du du délibéré initialement fixé au 19 septembre 2024 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Béatrice Capliez, adjoint administratif faisant fonction de

greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 22 mai 2024

****

Vu l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Lille du 16 janvier 2024 ayant :

-débouté M. [T] [M] et la SARL Quasar de leur demande en nullité des mesures d’investigations réalisées suivant procès-verbal du 19 juillet 2023,

-ordonné le retrait des débats de la pièce n°24, à savoir le procès-verbal de constat du 19 juillet 2023, communiqué par les SAS Hédifiance et Candéliance,

-rejeté la demande en rétractation de l’ordonnance sur requête du 6 juin 2023,

-débouté M. [M] et la SARL Quasar de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné M. [M] et la SARL Quasar à payer aux SAS Hédifiance et Candéliance la somme globale de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné les mêmes aux dépens ;

 

Vu l’appel de cette ordonnance interjeté par M. [M] et la SARL Quasar, par déclaration reçue au greffe de la cour le 29 janvier 2024, intimant les sociétés Candéliance et Hédifiance ;

 

Vu les dernières conclusions de M. [M] et de la SARL Quasar déposées et signifiées le 17 mai 2024, demandant à la cour de :

-infirmer l’ordonnance entreprise sauf en ce qu’elle a ordonné le retrait de la pièce n°24 communiquée par les sociétés Hédifiance et Candéliance ;

-rétracter l’ordonnance sur requête du 21 juin 2023  et rejeter leur requête ;

-annuler les mesures d’investigation exécutées à sa suite ;

-ordonner au commissaire de justice de leur restituer l’intégralité des pièces et éléments prélevées ;

-ordonner aux intimées de leur restituer l’intégralité des pièces et éléments prélevées, à peine d’astreinte ;

-interdire aux intimées de faire état, produire et utiliser tous documents ou renseignements recueillis à l’occasion de l’exécution de la mesure d’instruction, en particulier à l’occasion d’une action en justice ;

-à titre subsidiaire :

-amender l’ordonnance entreprise

– procéder  à la suppression dans l’annexe des mots suivants :« NOVA  ECLAIRAGE AMENAGEMENT’,«@nova-ea.fr »,« BH TECHNOLOGIES »,   « @bh-technologies.com »,  «   CHRYSALIS »,  « @chrysaliséclairage.

com »,  « LEC » ,  « @lec.fr », « com. »,  « calculs  prix »,  « tableau  négoce »,  tous les mots  clés  situés dans la rubrique  «  produits  commercialisés par la  société  LEC »,  « produits  commercialisés par la  société CHRYSALIS »  et  « clients des  sociétés CANDELIANCE et  Hédifiance  gérés  par Monsieur [M]

-ordonner au commissaire de justice et à l’expert informatique dont il s’est attaché les services de retraiter les  données saisies et de restituer  à  la  société  Quasar et  à  M. [M] tous document, renseignements, copies de fichiers ou autres prélevés au moyen desmotsclés et ensemble de mots  clés qui viennent  d’être  énumérés, dans le mois de la signification de  la  décision  à  intervenir sous astreinte de 100  ‘  par jour de retard et par document ou support de quelque sorte que ce soit ;

-dans tous les cas :

-condamner les sociétés Hédifrance et Candéliance prises indivisément à leur payer 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-débouter ces sociétés de toutes demandes contraires ;

-les condamner aux dépens ;

 

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 22 mai 2024, les sociétés Hédifiance et Candéliance prient la cour de confirmer l’ordonnance entreprise et, en tout état de cause, de débouter les appelants de leurs demandes et de condamner M. [M] à verser à la société Candéliance 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

 

L’ordonnance de clôture est du 22 mai 2024.

PAR CES MOTIFS

 

Réforme l’ordonnance entreprise,

Statuant sur les chefs réformés et y ajoutant :

Rétracte l’ordonnance sur requête,

Constate par voie de conséquence la nullité des mesures d’instructions réalisées en exécution de celle-ci, par Maître [Y] [S] commissaire de justice associé de la société Actanord-Doco-Cazin-Van Autreeve-Deguines-[S]-Moreau

Ordonne la restitution à la société Quasar et à M. [M] de tous documents, renseignements, copies de fichiers, ou autre information prélevés lors de l’exécution de l’ordonnance sur requête rétractée,

Dit n’y avoir lieu à astreinte,

Interdit aux sociétés Hédifiance et Candéliance de faire état, produire et utiliser des documents et renseignements recueillis à l’occasion des diligences accomplies par le commissaire de justice, en particulier à l’occasion d’une éventuelle instance judiciaire,

Condamne in  solidum les sociétés Candéliance et Hédifiance à payer à M. [M] et la société Quasar pris ensemble la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure ;

 

Condamne in  solidum les sociétés Candéliance et Hédifiance aux dépens d’appel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

 

Le greffier

Béatrice Capliez

Le président

Dominique Gilles

 


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