Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Dijon
Thématique : Incompétence de la juridiction prud’homale face à la gestion d’entreprise et aux motifs économiques de licenciement.
→ RésuméDans cette affaire, un salarié, engagé par la société Case Poclain (devenue Mac Cormick) en tant qu’opérateur fabrication, a été licencié pour motif économique le 16 avril 2019, suite à un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) validé par la DIRECCTE. La société avait été placée en liquidation judiciaire en décembre 2010 et reprise par la société YTO France en mars 2011. Un projet de réorganisation a été mis en place, initialement prévoyant la suppression de 80 postes, finalement réduits à 68.
Le salarié a contesté son licenciement, arguant qu’il était sans cause réelle et sérieuse. Le tribunal administratif a rejeté les demandes d’annulation de la validation du PSE, décision confirmée par la cour administrative d’appel et le Conseil d’État. En parallèle, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Chaumont pour obtenir des indemnités liées à son licenciement. Le 31 mai 2021, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société YTO France, désignant un liquidateur judiciaire. En mars 2024, le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement était injustifié, accordant des indemnités au salarié. Le liquidateur a interjeté appel de cette décision. Les parties ont présenté leurs arguments : le liquidateur soutenait que le licenciement était justifié par des difficultés économiques, tandis que le salarié dénonçait une fraude et une mauvaise gestion de la part de l’employeur. La cour a examiné la réalité des difficultés économiques invoquées et a conclu que celles-ci résultaient en partie de la non-exécution des engagements pris lors de la reprise de la société, caractérisant ainsi le licenciement comme sans cause réelle et sérieuse. En conséquence, des indemnités ont été allouées au salarié, tandis que les demandes du liquidateur ont été rejetées. |
S.E.L.A.R.L. BERTHELOT & ASSOCIES
prise en la personne de Me DUBOC, es qualité de liquidateur
judiciaire de la SAS YTO FRANCE
C/
[F] [O]
Association CENTRE DE GESTION ET D’ETUDE AGS (CGEA) D'[Localité 6]
C.C.C le 20/03/25 à:
-Me GUIDON
-Me GERBAY
-Me MATHIEU
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 20/03/25 à:
-Me ROYAUX
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 20 MARS 2025
MINUTE N°
N° RG 24/00356 – N° Portalis DBVF-V-B7I-GOAZ
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de CHAUMONT, décision attaquée en date du 29 Mars 2024, enregistrée sous le n°
APPELANTE :
S.E.L.A.R.L. BERTHELOT & ASSOCIES prise en la personne de Me DUBOC, es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS YTO FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Etienne GUIDON de la SELARL CABINET GUIDON – BOZIAN, avocat au barreau de NANCY, Maître Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉS :
[F] [O]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Me Romain ROYAUX de la SCP ROYAUX, avocat au barreau d’ARDENNES
Association CENTRE DE GESTION ET D’ETUDE AGS (CGEA) D'[Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Mikaël MATHIEU de la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI-THIBAULT, avocat au barreau d’AUBE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 janvier 2025 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Olivier MANSION, Président de chambre, et Rodolphe UGUEN-LAITHIER, conseiller chargé d’instruire l’affaire et qui a fait rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de:
Olivier MANSION, président de chambre,
Fabienne RAYON, présidente de chambre,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN,
ARRÊT rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
M. [F] [O] (le salarié) a été embauché par la société Case Poclain devenue Mac Cormick, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 juin 1990 avec reprise d’ancienneté au 1er avril 1989 en qualité d’opérateur fabrication.
La société a fait l’objet d’une liquidation judiciaire le 7 décembre 2010 et a été reprise en mars 2011 par la société YTO France (la société).
Afin de maintenir la compétitivité du groupe, un projet de réorganisation de l’activité et un plan de sauvegarde de l’emploi portant initialement sur une réduction de 80 postes, finalement ramené à hauteur de 68 emplois, a été présenté aux partenaires sociaux, aboutissant à un accord majoritaire PSE validé par la DIRECCTE le 9 avril 2019.
Le salarié a été licencié pour motif économique le 16 avril 2019.
Par jugement du 6 septembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté les demandes de certains salariés tendant à voir annuler la décision de la DIRECCTE GRAND EST du 9 avril 2019 validant l’accord collectif majoritaire portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi au sein de l’entreprise, décision confirmée par la cour administrative d’appe1 de Nancy le 4 février 2020 puis par le Conseil d’Etat le 2 décembre 2024.
Par requête du 23 octobre 2019, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Chaumont afin de juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamner l’employeur aux conséquences indemnitaires afférentes.
Par jugement du 31 mai 2021, le tribunal de commerce de Chaumont a prononcé la liquidation judiciaire de la société YTO France et désigné Me [Z] [W] en qualité de liquidateur judiciaire, lequel a été remplacé par la SELARL BERTHELOT et associés, représentée par Me DUBOC, le 7 juillet 2023.
Par jugement du 29 mars 2024, le conseil de prud’hommes de Chaumont a accueilli l’essentiel des demandes du salarié.
Par déclaration du 3 mai 2024, la SELARL BERTHELOT et associés, représentée par Me DUBOC, es qualité de liquidateur de la société YTO France, a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 11 décembre 2024, l’appelante demande de :
– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
– juger le licenciement pour motif économique notifié au salarié bien-fondé,
– débouter le salarié de l’intégralité de ses demandes et de son appel incident,
à titre infiniment subsidiaire,
– limiter les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse aux montant fixés par le juge départiteur,
– condamner le salarié au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions du 22 octobre 2024, le salarié demande de :
– dire tant irrecevable que mal fondé l’appel de la SELARL Berthelot et associés, es qualité de liquidateur de la société YTO France et la débouter de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions,
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
* dit n’y avoir lieu à statuer sur l’incompétence du conseil de prud’hommes pour ce qui concerne l’appréciation de l’ordre des critères de licenciement,
* dit que le licenciement du salarié est injustifié, sans cause réelle et sérieuse,
* fixé au passif de la société YTO France la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’infirmer quant au surplus,
– juger recevable et bien fondé l’appel incident,
– juger n’y avoir lieu à statuer sur l’incompétence du conseil de prud’hommes pour ce qui concerne l’appréciation de l’ordre des critères de licenciements,
– juger que le licenciement économique est injustifié comme étant sans cause réelle et sérieuse,
– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société YTO France les créances suivantes au bénéfice du salarié :
* 66 553,20 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 30 503,55 euros à titre d’indemnité de licenciement,
* 6 655,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 665,53 euros au titre des congés payés afférents,
* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner aux AGS CGEA de garantir les indemnités ainsi fixées,
– condamner la SELARL Berthelot et associés, es qualité de liquidateur de la société
YTO France aux entiers dépens de l’instance.
Aux termes de ses dernières conclusions du 22 octobre 2024, l’AGS-CGEA d'[Localité 6] demande de :
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
* dit n’y avoir lieu à statuer sur l’incompétence du conseil de prud’hommes pour ce qui concerne l’appréciation de l’ordre des critères de licenciement,
* dit que le licenciement du salarié est injustifié, comme étant sans cause réelle et sérieuse,
* fixé au passif de la société la créance du salarié à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents,
* déclaré le jugement opposable à l’UNEDIC, AGS-CGEA, délégation d'[Localité 6],
– se déclarer incompétent en ce qui concerne l’appréciation des critères d’ordre des licenciements décidés en application d’un accord d’entreprise majoritaire validé par la DIRECCTE, au profit du tribunal administratif, qui a déjà statué par décision définitive du 6 septembre 2019,
– se déclarer incompétent pour statuer sur la faute ou fraude de l’employeur, et sur la contestation des ruptures des contrats de travail intervenues dans le cadre d’un PSE validé,
– débouter les salariés de l’ensemble de leurs demandes,
à titre subsidiaire,
– dire que le CGEA ne sera tenu à garantie des sommes auxquelles l’employeur pourrait être condamné que dans les limites, conditions et modalités prévues par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail,
– dire notamment que la garantie du CGEA ne pourra s’appliquer sur les conséquences financières d’une fraude ou faute de gestion, et sur l’article 700 du code de procédure civile.
Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
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