Cour d’appel de Dijon, 20 mars 2025, RG n° 24/00349
Cour d’appel de Dijon, 20 mars 2025, RG n° 24/00349

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Dijon

Thématique : Licenciement économique contesté : enjeux de la fraude et de la gestion d’entreprise.

Résumé

Un salarié a été embauché par la société Case Poclain, devenue Mac Cormick, en tant qu’opérateur fabrication en 1998. Après une liquidation judiciaire de l’entreprise en 2010, celle-ci a été reprise par la société YTO France en 2011. Pour maintenir la compétitivité, un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) a été mis en place, initialement prévu pour 80 postes, mais réduit à 68. Le salarié a été licencié pour motif économique en avril 2019.

Le tribunal administratif a rejeté les demandes d’annulation de la validation du PSE par la DIRECCTE, décision confirmée par la cour administrative d’appel et le Conseil d’État. En octobre 2019, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement, le jugeant sans cause réelle et sérieuse. En mai 2021, la société YTO France a été placée en liquidation judiciaire, et un liquidateur a été désigné.

En mars 2024, le conseil de prud’hommes a donné raison au salarié, déclarant son licenciement injustifié et fixant des indemnités à son bénéfice. Le liquidateur a interjeté appel de cette décision, demandant l’infirmation du jugement et la confirmation de la légitimité du licenciement. Le salarié a, de son côté, demandé la confirmation du jugement initial et l’octroi de diverses indemnités.

Le CGEA-AGS a également contesté le jugement, arguant que la juridiction prud’homale n’était pas compétente pour apprécier les motifs économiques du licenciement, ceux-ci ayant été validés par l’administration. La société a soutenu que les difficultés économiques étaient réelles et justifiaient le licenciement, tout en rejetant les accusations de fraude formulées par le salarié.

La cour a examiné les éléments de preuve, notamment les engagements non tenus par la société lors de la reprise, et a conclu que les difficultés économiques invoquées ne résultaient pas uniquement de facteurs externes, mais aussi de manquements de la société. En conséquence, le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse, entraînant l’octroi d’indemnités au salarié.

S.E.L.A.R.L. [U] & ASSOCIES

prise en la personne de Me [H], es qualité de liquidateur

judiciaire de la SAS YTO FRANCE

C/

[F] [R]

Association CENTRE DE GESTION ET D’ETUDE AGS (CGEA) D'[Localité 7]

C.C.C le 20/03/25 à:

-Me GUIDON

-Me GERBAY

-Me MATHIEU

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 20/03/25 à:

-Me ROYAUX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 20 MARS 2025

MINUTE N°

N° RG 24/00349 – N° Portalis DBVF-V-B7I-GOAF

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de CHAUMONT, décision attaquée en date du 29 Mars 2024, enregistrée sous le n°

APPELANTE :

S.E.L.A.R.L. [U] & ASSOCIES prise en la personne de Me [H], es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS YTO FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Etienne GUIDON de la SELARL CABINET GUIDON – BOZIAN, avocat au barreau de NANCY, Maître Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉS :

[F] [R]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Romain ROYAUX de la SCP ROYAUX, avocat au barreau d’ARDENNES

Association CENTRE DE GESTION ET D’ETUDE AGS (CGEA) D'[Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Mikaël MATHIEU de la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI-THIBAULT, avocat au barreau d’AUBE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 janvier 2025 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Olivier MANSION, Président de chambre, et Rodolphe UGUEN-LAITHIER, conseiller chargé d’instruire l’affaire et qui a fait rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de:

Olivier MANSION, président de chambre,

Fabienne RAYON, présidente de chambre,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN,

ARRÊT rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M. [F] [R] (le salarié) a été embauché par la société Case Poclain devenue Mac Cormick, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er janvier 1998 avec une reprise d’ancienneté au 1er juillet 1996 en qualité d’opérateur fabrication.

La société a fait l’objet d’une liquidation judiciaire le 7 décembre 2010 et a été reprise en mars 2011 par la société YTO France (la société).

Afin de maintenir la compétitivité du groupe, un projet de réorganisation de l’activité et un plan de sauvegarde de l’emploi portant initialement sur une réduction de 80 postes, finalement ramené à hauteur de 68 emplois, a été présenté aux partenaires sociaux, aboutissant à un accord majoritaire PSE validé par la DIRECCTE le 9 avril 2019.

Le salarié a été licencié pour motif économique le 16 avril 2019.

Par jugement du 6 septembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté les demandes de certains salariés tendant à voir annuler la décision de la DIRECCTE GRAND EST du 9 avril 2019 validant l’accord collectif majoritaire portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi au sein de l’entreprise, décision confirmée par la cour administrative d’appe1 de Nancy le 4 février 2020 puis par le Conseil d’Etat le 2 décembre 2024.

Par requête du 22 octobre 2019, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Chaumont afin de juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamner l’employeur aux conséquences indemnitaires afférentes.

Par jugement du 31 mai 2021, le tribunal de commerce de Chaumont a prononcé la liquidation judiciaire de la société YTO France et désigné Me [P] [Z] en qualité de liquidateur judiciaire, lequel a été remplacé par la SELARL [U] et associés, représentée par Me [H], le 7 juillet 2023.

Par jugement du 29 mars 2024, le conseil de prud’hommes de Chaumont a accueilli l’essentiel des demandes du salarié.

Par déclaration du 3 mai 2024, la SELARL [U] et associés, représentée par Me [H], es qualité de liquidateur de la société YTO France, a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions du 11 décembre 2024, l’appelante demande de :

– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

– juger le licenciement pour motif économique notifié au salarié bien-fondé,

– débouter le salarié de l’intégralité de ses demandes et de son appel incident,

à titre infiniment subsidiaire,

– limiter les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse aux montant fixés par le juge départiteur,

– condamner le salarié au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 22 octobre 2024, le salarié demande de :

– dire tant irrecevable que mal fondé l’appel de la SELARL [U] et associés, es qualité de liquidateur de la société YTO France et la débouter de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

* dit n’y avoir lieu à statuer sur l’incompétence du conseil de prud’hommes pour ce qui concerne l’appréciation de l’ordre des critères de licenciement,

* dit que le licenciement du salarié est injustifié, sans cause réelle et sérieuse,

* fixé au passif de la société YTO France la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– l’infirmer quant au surplus,

– juger recevable et bien fondé l’appel incident,

– juger n’y avoir lieu à statuer sur l’incompétence du conseil de prud’hommes pour ce qui concerne l’appréciation de l’ordre des critères de licenciements,

– ‘juger que le licenciement économique est injustifié, cause sans cause réelle et sérieuse’,

– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société YTO France les créances suivantes au bénéfice du salarié :

* 46 042,50 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 17 649,60 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* 6 139,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 613,90 euros au titre des congés payés afférents,

* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner aux AGS CGEA de garantir les indemnités ainsi fixées,

– condamner la SELARL [U] et associés, es qualité de liquidateur de la société

YTO France aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de ses dernières conclusions du 22 octobre 2024, l’AGS-CGEA d'[Localité 7] demande de :

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

* dit n’y avoir lieu à statuer sur l’incompétence du conseil de prud’hommes pour ce qui concerne l’appréciation de l’ordre des critères de licenciement,

* dit que le licenciement du salarié est injustifié, comme étant sans cause réelle et sérieuse,

* fixé au passif de la société la créance du salarié à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents,

* déclaré le jugement opposable à l’UNEDIC, AGS-CGEA, délégation d'[Localité 7],

– se déclarer incompétent en ce qui concerne l’appréciation des critères d’ordre des licenciements décidés en application d’un accord d’entreprise majoritaire validé par la DIRECCTE, au profit du tribunal administratif, qui a déjà statué par décision définitive du 6 septembre 2019,

– se déclarer incompétent pour statuer sur la faute ou fraude de l’employeur, et sur la contestation des ruptures des contrats de travail intervenues dans le cadre d’un PSE validé,

– débouter les salariés de l’ensemble de leurs demandes,

à titre subsidiaire,

– dire que le CGEA ne sera tenu à garantie des sommes auxquelles l’employeur pourrait être condamné que dans les limites, conditions et modalités prévues par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail,

– dire notamment que la garantie du CGEA ne pourra s’appliquer sur les conséquences financières d’une fraude ou faute de gestion, et sur l’article 700 du code de procédure civile.

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

 


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