Cour d’appel de dijon, 14 mars 2024, N° RG 22/00045
Cour d’appel de dijon, 14 mars 2024, N° RG 22/00045

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Dijon

Thématique : Démarchage Téléphonique : décision du 14 mars 2024
Cour d’appel de Dijon
RG n°
22/00045

Résumé

Le 14 mars 2024, la Cour d’appel de Dijon a rendu un arrêt concernant la demande d’allocation adulte handicapé (AAH) de Mme [W]. Après avoir examiné les éléments de son dossier, la Cour a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Mâcon, qui avait débouté Mme [W] de sa demande. Bien que son taux d’incapacité ait été évalué à 60 %, la Cour a estimé qu’elle ne justifiait pas d’une restriction substantielle et durable à l’accès à l’emploi. En conséquence, Mme [W] a été condamnée aux dépens d’appel, et sa demande d’expertise médicale a également été rejetée.

[J] [W]

C/

G.I.E MDPH DE [Localité 3]

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 14 MARS 2024

MINUTE N°

N° RG 22/00045 – N° Portalis DBVF-V-B7G-F3NW

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pole social du TJ de MACON, décision attaquée en date du 16 Décembre 2021, enregistrée sous le n°20/00330

APPELANTE :

[J] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/001371 du 14/04/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Dijon)

comparante en personne, assistée de Maître Antonin CAILLE, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

G.I.E MDPH DE [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

non comparante, ni représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Janvier 2024 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Fabienne RAYON, chargé d’instruire l’affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Fabienne RAYON, Président de chambre,

Olivier MANSION, Président de chambre,

Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sandrine COLOMBO,

ARRÊT : réputé contradictoire,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Fabienne RAYON, Président de chambre, et par Sandrine COLOMBO, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 1er avril 2020, Mme [W] a déposé une demande d’allocation adulte handicapé (AAH) auprès de la maison des personnes handicapées de [Localité 3] (MDPH).

Le 6 juillet 2020 Mme [W] a formé un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) à l’encontre de la décision de rejet du 20 mai 2020 de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées de [Localité 3] (CDAPH) laquelle a, le 19 août 2020, maintenu son refus d’attribution de l’AAH, au motif d’un taux d’incapacité égal ou supérieur à 50 % et inférieur à 80 % et d’une absence de restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi.

Le 3 septembre 2020, Mme [W] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Mâcon, lequel, par jugement avant dire droit du 25 mars 2021 a ordonné une consultation médicale avec examen clinique de Mme [W] et remise d’un rapport écrit confiée au docteur [R] avec pour mission : ‘ d’émettre un avis sur le taux d’incapacité permanente présenté par Mme [J] [W] au 20 mai 2020, date de la décision de la MDPH ; dire quelles peuvent être les perspectives d’évolution de sa situation ; faire toute remarque d’ordre médical qui lui paraîtrait opportune à la parfaite appréciation de la situation médicale de la requérante ; « .

Le 31 mai 2021, le greffe du tribunal a réceptionné le rapport du 28 mai 2021 du docteur [R] qui indique aux termes de son examen que :  » Mme [J] [W], 56 ans, présente une gonarthrose bilatérale modérée favorisée par une obésité et des troubles statiques des membres inférieurs qui justifie l’attribution d’un taux d’IPP de 20 % selon le barème de la MDPH en vigueur, sachant qu’une amputation de jambe ou de cuisse relève d’un taux de 50 à 75 % ; elle présente par ailleurs un diabète mal équilibré sans complications qu’on évalue par un taux d’incapacité de 30 % ainsi que des troubles auditifs corrigés par le port de prothèses qu’on évalue par un taux d’IPP de 10 % compte tenu de la correction prothétique, soit un taux global d’incapacité de 60 %. « .

Par jugement du 16 décembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire a :

-débouté Mme [W] de sa demande d’attribution de l’AAH,

-confirmé la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées du 19 août 2020 ayant refusé l’attribution de l’AAH à Mme [W],

-condamné Mme [W] au paiement des entiers dépens, à l’exception des frais de consultation.

Par déclaration enregistrée le 17 janvier 2022, Mme [W] a relevé appel de cette décision.

A l’audience, Mme [W], assistée de son conseil, a repris ses conclusions adressées à l’intimée par lettre recommandée avec accusé de réception distribuée le 4 décembre 2023 aux termes desquels elle demande, de :

à titre principal,

-infirmer la décision déférée et statuant à nouveau,

-annuler les décisions de la MDPH en date du 6 juillet 2020 et du 19 août 2020,

-lui reconnaître une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi,

en conséquence,

-enjoindre la MDPH à régulariser sa situation en lui accordant le bénéfice de l’allocation adultes handicapés,

à titre subsidiaire,

-ordonner une expertise médicale, le médecin expert désigné ayant pour mission de :

*prendre connaissance de son entier dossier médical établi par la MDPH,

*prendre connaissance des pièces qui lui seront communiquées par elle,

*procéder à son examen médical,

*émettre un avis sur le taux d’incapacité permanente présentée par elle à la date de la décision de la MDPH,

*dire si elle présentait une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi résultant du handicap à la date de la décision de la MDPH,

*dire quelles peuvent être les perspectives d’évolution de sa situation,

*faire toute remarque d’ordre médical qui lui paraîtrait opportun à la parfaite appréciation de sa situation médicale,

-en tout état de cause, condamner la MDPH aux entiers dépens.

En substance, l’appelante soutient remplir les conditions d’attribution de l’AAH et que le docteur [R], dont les conclusions ont fondé la décision du jugement déféré, s’est basé sur des éléments étrangers, s’agissant de son absence d’activité professionnelle, aux critères définissant la restriction substantielle et durable à l’emploi, mais encore inopportuns au regard de ses prétendues motivations en cas de séparation d’avec son mari, faisant valoir, a contrario, l’avis de son médecin traitant, qui indique que son état de santé est incompatible avec une activité professionnelle, en précisant à cet égard qu’elle ne peut rester debout qu’un court instant, souffre d’un diabète important et subi une perte de décibel, ses troubles s’aggravant au fil du temps, de sorte que, associé à son taux d’incapacité de 60 % qui a été retenu, cet état de fait aurait dû conduire les premiers juges à annuler les décisions de la MDPH lui refusant le bénéfice de l’AAH. Sur la demande d’expertise présentée à titre subsidiaire, l’appelante fait valoir l’exposé laconique du médecin consultant qui ne permet pas d’apprécier si ses troubles sont de nature à entraîner une restriction substantielle à l’emploi, ni sa durabilité et relève que cette détermination ne figurait pas au rang des missions qui lui étaient imparties.

Pour un plus ample exposé des moyens de l’appelante développés oralement, il est renvoyé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, à ses dernières conclusions sus-visées.

La MDPH, convoquée par lettre recommandée dont elle a accusé réception le 13 novembre 2023, a envoyé des conclusions et pièces à la cour par courrier parvenu le 3 janvier 2024, sans comparaître ni solliciter de dispense de comparution.

SUR CE,

Sur la procédure

La procédure étant orale, il s’ensuit qu’à défaut pour la MDPH d’avoir comparu, ou demandé une dispense de comparution, la cour n’est pas saisie des conclusions et pièces transmises par elle le 3 janvier 2024 et la présente décision sera réputée contradictoire.

Sur le fond

En vertu des dispositions combinées des articles L 821-1, L 821-2, et D 821-1 du code de la sécurité sociale le bénéfice d’une AAH est reconnue, sous réserve notamment de conditions de ressources et de résidence, à toute personne dont le taux d’incapacité permanente est au moins égal à 80%, ou dont le taux d’incapacité permanente est compris entre 50 et 79%, avec reconnaissance, compte tenu du handicap, d’une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi.

En l’espèce, il est admis que Mme [W] présente un taux d’incapacité permanente entre 50 et 79 % comme l’a reconnu la CDAPH, confirmé par le médecin consultant désigné par le tribunal qui l’a évalué à 60 %, ce taux n’étant pas discuté par l’appelante qui axe sa critique du jugement déféré sur l’absence par les premiers juges, associée à ce taux de 60 %, de reconnaissance d’une restriction substantielle et durable à l’emploi.

Il convient donc de rechercher si compte tenu de son handicap, Mme [W] présente comme elle le soutient, une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi qui lui permettrait d’ouvrir droit à l’allocation aux adultes handicapés, étant rappelé qu’il convient à cet effet de se placer à la date de la demande présentée par la requérante à la MDPH, soit en avril 2020.

L’article D. 821-1-2 du code de l’action sociale et des familles précise que : « la restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi subie par une personne handicapée qui demande à bénéficier de l’allocation aux adultes handicapés est appréciée ainsi qu’il suit :

1° La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d’accès à l’emploi. A cet effet, sont à prendre en considération :

a) Les déficiences à l’origine du handicap ;

b) Les limitations d’activités résultant directement de ces mêmes déficiences ;

c) Les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap ;

d) Les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d’activités. Pour apprécier si les difficultés importantes d’accès à l’emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d’une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes 4 caractéristiques en matière d’accès à l’emploi.

2° La restriction pour l’accès à l’emploi est dépourvue d’un caractère substantiel lorsqu’elle peut être surmontée par le demandeur au regard :

a) Soit des réponses apportées aux besoins de compensation mentionnés à l’article L.144-1-1 du code de l’action sociale et des familles qui permettent de faciliter l’accès à l’emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée ;

b) Soit des réponses susceptibles d’être apportées aux besoins d’aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d’emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées ;

c) Soit des potentialités d’adaptation dans le cadre d’une situation de travail.

3° La restriction est durable dès lors qu’elle est d’une durée prévisible d’au moins un an à compter du dépôt de la demande d’allocation aux adultes handicapés, même si la situation médicale du demandeur n’est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans.

4° Pour l’application du présent article, l’emploi auquel la personne handicapée pourrait accéder s’entend d’une activité professionnelle lui conférant les avantages reconnus aux travailleurs par la législation du travail et de la sécurité sociale.

5° Sont compatibles avec la reconnaissance d’une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi :

a) L’activité à caractère professionnel exercée en milieu protégé par un demandeur admis au bénéfice de la rémunération garantie mentionnée à l’article L. 243-4 du code de l’action sociale et des familles ;

b) L’activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets du handicap du demandeur ;

c) Le suivi d’une formation professionnelle spécifique ou de droit commun, y compris rémunérée, résultant ou non d’une décision d’orientation prise par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées mentionnée à l’article L. 241-5 du code de l’action sociale et des familles. ».

Il appartient à l’appelante d’établir les faits qu’elle allègue à l’appui de sa demande.

En l’espèce, Mme [W] ne verse aucun élément contemporain à sa demande, sa pièce la plus ancienne, s’agissant d’une ordonnance médicale, étant datée du 14 décembre 2021, mais ses allégations sur son état de santé au jour de celle-ci, en se plaignant de souffrir d’importantes douleurs aux genoux, qui ont été diagnostiquées comme une gonarthrose bilatérale, de douleurs au niveau du rachis lombaire ainsi que de douleurs aux pieds, d’une obésité qualifiée de morbide, d’un diabète déséquilibré et d’importants problèmes d’audition ainsi que de vertiges, sont confirmées par les conclusions analogues du médecin consultant dont le rapport, non communiqué par les parties, mais déposé dans le dossier de 1ère instance adressé par le greffe du tribunal, a donc pu être consulté par la cour.

Or si les déficiences de Mme [W] ont un retentissement sur ses déplacements, ceux-ci s’effectuant à l’aide d’une canne, la seule existence d’une pénibilité dans la station debout et de troubles auditifs, lesquels font toutefois l’objet d’une correction par le port de prothèses, ne suffisent pas à caractériser un retentissement du handicap sur sa recherche d’emploi, n’étant pas incompatibles avec l’exercice de toute activité professionnelle, telle que depuis son domicile, de type démarchage téléphonique, étant relevé que l’appelante est taisante sur d’éventuelle qualification.

Par ailleurs Mme [W] ne justifie s’être déjà inscrite dans une démarche d’insertion professionnelle et par conséquent d’aucune vaine tentative, a fortiori liée à son handicap.

Enfin le certificat de son médecin traitant, le docteur [V], du 6 février 2023, attestant de l’incompatibilité de l’état de santé de Mme [W] avec une activité professionnelle est sans emport sur la solution du litige, dès lors que cette pièce est postérieure, ce depuis quasiment trois ans, à la demande d’allocation et qu’il revient à l’intéressée de former une nouvelle demande compte tenu de l’évolution éventuelle de son état de santé.

Ainsi, sans qu’il soit besoin d’ordonner une mesure d’instruction, laquelle ne saurait suppléer la carence des parties dans l’administration de la preuve, il y a lieu de considérer que Mme [W], âgée de 55 ans au jour de sa demande d’AAH du 1er avril 2020 ne justifie pas, à ce moment-là, du caractère insurmontable de l’accès à l’emploi dû à son handicap, nécessaire à la reconnaissance d’une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi.

Mme [W] sera conc déboutée de sa demande principale par voie de confirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré et de sa demande d’expertise sollicitée à titre subsidiaire.

Mme [W] qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par décision réputée contradictoire ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Deboute Mme [W] de sa demande d’expertise médicale ;

Condamne Mme [W] aux dépens de l’appel.

Le greffier Le président

Sandrine COLOMBO Fabienne RAYON

 


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