Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Chambéry
Thématique : Prescription des actions en matière de construction : constatation de l’écoulement des délais.
→ RésuméLa procédure a été clôturée par ordonnance le 3 février 2025, et l’affaire a été examinée lors de l’audience du 18 février 2025. Les requérants, un couple et une société civile immobilière, ont assigné en justice deux sociétés, l’une étant le constructeur et l’autre l’assureur, pour obtenir réparation d’un dépassement de budget dans la construction d’un immeuble. Ils réclamaient 403.219 euros en raison d’une augmentation significative des coûts de construction.
Le contrat initial, signé en novembre 2014, prévoyait la construction d’un bâtiment de 140 m² pour un coût estimé de 445.334,40 euros. Cependant, la superficie a été augmentée à 174,16 m², et le coût prévisionnel a grimpé à 833.290,81 euros, sans que les maîtres d’ouvrage n’émettent de réserves sur ces augmentations. Ils ont également souscrit une assurance dommages-ouvrage pour un montant prévisionnel de 830.000 euros, ce qui témoigne de leur connaissance des dépassements budgétaires. La cour a constaté que les maîtres d’ouvrage avaient été informés des augmentations de coûts dès le printemps 2016 et avaient connaissance du dommage à partir de cette période. En conséquence, la prescription de leur action a commencé à courir à partir du 23 juin 2016, et la demande a été jugée irrecevable pour cause de prescription, car elle a été introduite après le délai légal de cinq ans. L’ordonnance a été infirmée, déclarant la demande des requérants comme prescrite. Ils ont été condamnés aux dépens, tandis que les sociétés défenderesses ont été déboutées de leur demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile. L’arrêt a été rendu publiquement et signé par les autorités judiciaires compétentes. |
NH/SL
N° Minute
[Immatriculation 2]/243
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile – Première section
Arrêt du Mardi 15 Avril 2025
N° RG 24/00686 – N° Portalis DBVY-V-B7I-HPL7
Décision attaquée : Ordonnance du Juge de la mise en état de [Localité 4] en date du 12 Avril 2024
Appelantes
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS- MAF, dont le siège social est situé [Adresse 1]
S.A.R.L. TEMA, dont le siège social est situé [Adresse 3]
Représentées par Me Bérangère HOUMANI, avocat postulant au barreau de CHAMBERY
Représentées par la SELARL DENIAU AVOCATS GRENOBLE, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE
Intimés
M. [N] [L]
né le 11 Mai 1959 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5]
Mme [W] [X] épouse [L]
née le 29 Septembre 1958 à [Localité 8], demeurant [Adresse 5]
S.C.I. LES OURS, dont le siège social est situé [Adresse 5]
Représentés par la SELARL F.D.A, avocats postulants au barreau de BONNEVILLE
Représentés par la SARL 08H08 AVOCATS, avocats plaidants au barreau d’ANGERS
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Date de l’ordonnance de clôture : 03 Février 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 février 2025
Date de mise à disposition : 15 avril 2025
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Composition de la cour :
– Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,
– Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
– M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
avec l’assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
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Faits et procédure
Mme [W] [X] et M. [N] [L], ci-après les époux [L], ont entrepris la construction d’un chalet à [Localité 6], dont ils ont confié la maîtrise d »uvre complète selon contrat du 14 novembre 2014 à la société Tema, assurée auprès de la société MAF en novembre 2014.
Les travaux de charpente couverture ont été confiés à la société Entreprise [S] [I], assurée auprès de la compagnie L’Auxiliaire.
Par acte d’huissier du 15 novembre 2022, la SCI Les Ours et les époux [L] ont assigné les sociétés Tema et Entreprise [S] [I] ainsi que leurs assureurs respectifs devant le tribunal judiciaire de Bonneville au visa des articles 1792 et 1231-1 du code civil.
Par ordonnance du 12 avril 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bonneville saisi par la SARL Tema et la MAF, a :
– Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action relative au dépassement allégué du budget ;
– Ordonné la réouverture des débats afin de s’assurer que la SCI Les Ours et les époux [L] ont abandonné les demandes concernant la société Entreprise [S] [I] ;
– Condamné in solidum la société Tema et la MAF à verser à la SCI Les Ours et aux époux [L] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Renvoyé la cause et les parties à l’audience de mise en état ;
– Réservé les dépens.
Au visa principalement des motifs suivants :
Le montant prévu soit la somme de 830.000 euros dans le contrat dommages-ouvrage au cours de l’année 2016 ne peut pas servir de point de départ au délai de prescription de l’article 2224 du code civil dès lors que ce montant a été lui-même augmenté et n’est pas celui qui fonde la demande ;
Les demandeurs n’ont eu connaissance du montant global et de l’ampleur de leur préjudice que lors du dernier paiement de leur projet immobilier ;
En outre, par conclusions en référé ils ont sollicité l’extension de la mission pour l’audience du 18 novembre 2019 afin de connaître les raisons de l’augmentation du coût du chantier et ces conclusions ont interrompu la prescription ;
Par déclaration au greffe du 17 mai 2024, la société Tema et la compagnie MAF, ont interjeté appel de la décision en ce qu’elle a :
– Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action relative au dépassement allégué du budget ;
– Condamné in solidum la société Tema et la compagnie MAF, à verser à la SCI Les Ours et aux époux [L] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 17 janvier 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Tema et la compagnie MAF demandent à la cour de :
– Réformer l’ordonnance en date du 12 avril 2024,
Et statuant à nouveau,
– Juger l’action des époux [L] et de la SCI Les Ours au titre du prétendu dépassement de budget, prescrite,
– Condamner in solidum les époux [L] et la SCI Les Ours, ou qui mieux le devra au règlement d’une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Perini.
Au soutien de leurs prétentions, les sociétés Tema et MAF font notamment valoir que :
La prescription court à compter du jour où les époux [L] ont été informés du coût des travaux qu’ils devraient finalement financer, ce qui correspond au mois de juin 2016, date à laquelle ils ont signé tous les marchés de travaux et déclaré un coût prévisible de 830.000 euros TTC à l’assureur dommages-ouvrage ;
Ce montant correspond bien au coût final puisque le coût définitif du chantier qu’ils évoquent à hauteur de 959.887,26 euros TTC comprend le coût de la construction soit 826.654,04 euros outre 133.254,18 euros au titre des honoraires.
Les conclusions d’extension de la mission au coût de la construction, développées oralement à l’audience devant le juge des référés, ont donné lieu à un rejet par ordonnance du 12 décembre 2019 et ne sont donc pas interruptives en application de l’article 2243 du code civil ;
Dès lors, la première demande au titre du prétendu dépassement de budget est intervenue par assignation en date du 17 novembre 2022, soit au delà des cinq années suivant juin 2016 et l’action des époux [L] et de la SCI Les Ours est prescrite.
Par dernières écritures du 27 juin 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, les époux [L] et la SCI Les Ours demandent à la cour de :
– Confirmer l’ordonnance du 12 avril 2024 en ce qu’elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action relative au dépassement allégué du budget soulevée par la société Tema et la MAF,
– Confirmer l’ordonnance du 12 avril 2024 en ce qu’elle a condamné in solidum la société Tema et la MAF à leur verser la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Condamner in solidum la société Tema et la MAF à leur verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles liés à la présente procédure d’appel,
– Condamner in solidum la société Tema et la MAF aux dépens.
Au soutien de leurs prétentions, les époux [L] et la SCI Les Ours font notamment valoir que :
S’ils ont effectivement déclaré à l’assureur dommages ouvrage, avec lequel ils ont contracté le 1er décembre 2016 et non pas en juin, un budget prévisionnel de 830.000 euros, ce budget a encore été très largement dépassé et ils n’ont eu connaissance du coût total du chantier que le 23 janvier 2019 après que l’assureur dommages-ouvrage leur a fait parvenir le récapitulatif définitif du montant du chantier déclaré par la société Tema, de sorte qu’ils pouvaient agir jusqu’au 24 janvier 2024 ;
Il appartenait à la société Tema de les informer sans délai en cas de dépassement de budget ce qu’elle n’a jamais fait, ne sollicitant à aucun moment leur accord pour les dépassements ;
La prescription a par ailleurs été suspendue par la saisine le 15 décembre 2021, du conseil de l’ordre des architectes, conformément au contrat, et interrompue par leurs conclusions notifiées le 12 novembre 2019 devant le juge des référés qui n’ont pas donné lieu à un rejet définitif .
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 3 février 2025 et l’affaire a été évoquée à l’audience du 18 février 2025.
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,
Infirme l’ordonnance entreprise en toutes les dispositions soumises à la cour ,
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevable comme prescrite, la demande de M. et Mme [L] et la SCI Les Ours, relative au dépassement allégué du budget,
Condamne M. et Mme [L] et la SCI Les Ours aux dépens,
Déboute la SARL Tema et la compagnie MAF de leur demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 15 avril 2025
à
Me Bérangère HOUMANI
la SELARL F.D.A
Copie exécutoire délivrée le 15 avril 2025
à
Me Bérangère HOUMANI
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