Cour d’appel de Chambéry, 15 avril 2025, RG n° 24/00562
Cour d’appel de Chambéry, 15 avril 2025, RG n° 24/00562

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Chambéry

Thématique : Clôture de l’instruction et évaluation des preuves dans un contexte de construction.

Résumé

Une ordonnance du 13 janvier 2025 a mis fin à l’instruction d’une affaire opposant une société acquéreuse à une société vendeuse. L’affaire a été plaidée le 11 février 2025. Selon l’article 145 du code de procédure civile, le demandeur doit prouver l’existence d’un motif légitime pour ordonner une mesure d’instruction avant tout procès. Dans ce cas, la société acquéreuse a tenté de démontrer des vices de construction et des défauts de conformité dans le bien acquis.

La société acquéreuse a signalé des réserves lors de la livraison du bien, mais un constat ultérieur a révélé plus d’une centaine de défauts, principalement esthétiques. La société vendeuse a entrepris des travaux pour remédier à ces problèmes, et un rapport de pointage a été établi, indiquant que seuls quelques défauts mineurs persistaient. La société acquéreuse a contesté la valeur probante de ce rapport, arguant qu’il avait été établi unilatéralement par la société vendeuse.

Cependant, la cour a noté que le rapport était corroboré par des photographies et que la société acquéreuse n’avait pas fourni de preuves suffisantes pour étayer ses allégations de vices persistants. De plus, la société acquéreuse n’a pas démontré qu’elle avait subi un préjudice de jouissance, alors que l’appartement avait été loué sans difficulté. En conséquence, la cour a confirmé l’ordonnance de référé, rejetant la demande de la société acquéreuse d’ordonner une expertise judiciaire.

La société acquéreuse a été condamnée aux dépens et à verser une somme à la société vendeuse pour les frais d’appel. La décision a été rendue publiquement, et les parties ont été informées conformément à la loi.

GS/SL

N° Minute

[Immatriculation 1]/257

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile – Première section

Arrêt du Mardi 15 Avril 2025

N° RG 24/00562 – N° Portalis DBVY-V-B7I-HO4U

Décision attaquée : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 4] en date du 02 Avril 2024

Appelante

S.A.S.U. SIRIUS 304, dont le siège social est situé [Adresse 3]

Représentée par la SCP LOUCHET CAPDEVILLE, avocats postulants au barreau d’ALBERTVILLE

Représentée par la SELARL PVB SOCIÉTÉ D’AVOCATS, avocats plaidants au barreau de MONTPELLIER

Intimée

S.A.R.L. ANTARES 1707, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représentée par la SCP MILLIAND THILL PEREIRA, avocats postulants au barreau d’ALBERTVILLE

Représentée par l’AARPI BIRD BIRD AARPI, avocats plaidants au barreau de LYON

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Date de l’ordonnance de clôture : 13 Janvier 2025

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 février 2025

Date de mise à disposition : 15 avril 2025

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Composition de la cour :

– Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,

– Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

– M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,

avec l’assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

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Faits et procédure

Suivant acte authentique du 10 novembre 2022, la société Antares 1707 a vendu à la société Sirius 304, en état futur d’achèvement, un appartement de haut standing n° 304 sis dans un ensemble immobilier dénommé l’Antares, implanté au sein de la station de ski de [Localité 7] à [Localité 6], moyennant un prix total de 6.120.000 euros.

La livraison est intervenue le 17 décembre 2022, avec réserves.

Après avoir fait dresser par un commissaire de justice, le 2 janvier 2023, un constat relevant plus d’une centaine de vices et défauts de conformité, l’acquéreur a successivement dénoncé de nombreuses réserves, par courriers recommandés des 12 et 25 janvier et 20 mars 2023.

Par courrier recommandé du 18 octobre 2023, la société Sirius 304 a mis en demeure la société Antares 1707 de terminer la levée de l’intégralité des réserves et désordres dénoncés et d’en justifier sous huitaine.

Excipant de ce que les travaux nécessaires à la levée de ces réserves n’auraient pas été entrepris par sa contractante, la société Sirius 304 a, suivant exploit en date du 06 décembre 2023, fait assigner la société Antares 1707 en référé-expertise.

Par ordonnance du 2 avril 2024, la présidente du tribunal judiciaire d’Albertville, a :

– rejeté la demande d’expertise formée par la société Sirius 304 ;

– rejeté les autres demandes ;

– condamné la société Sirius 304 aux dépens.

Au visa principalement des motifs suivants :

si plusieurs centaines de désordres et non conformités étaient listés à l’origine dans les rapports de pointage établis par le vendeur, seuls 3 restent mentionnés dans le dernier rapport du 6 décembre 2023 portant sur : un joint creux à refaire et un carrelage trop court en buanderie (1), ainsi que la robinetterie et vasque en attente de remplacement dans la chambre master (2 et 3) ;

ces éléments apparaissent très circoncrits, et parfaitement déterminés et déterminables, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une mesure d’expertise;

la société Sirius 304 ne justifie nullement des problèmes acoustiques qu’elle allègue;

aucun motif légitime à l’expertise ne se trouve ainsi caractérisé.

Par déclaration au greffe du 19 avril 2024, la société Sirius 304 a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions, hormis en ce qu’elle a rejeté les autres demandes.

Prétentions et moyens des parties

Aux termes de ses dernières écritures du 19 juillet 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Sirius 304 demande à la cour, statuant à nouveau, de :

– Infirmer l’ordonnance du 2 avril 2024 dans sa totalité ;

Statuant à nouveau,

– Désigner tel expert qu’il plaira à la Cour avec notamment mission de :

– Convoquer les parties, recueillir leurs explications, et se faire remettre tous documents utiles,

– Visiter l’ouvrage, dont l’adresse est : [Adresse 5], vérifier si les désordres allégués listés dans les courriers et mails de dénonce et dans la présente assignation existent, dans ce cas, les décrire,

– Prendre connaissance des documents de la cause,

– Constater la date de réception et/ou de livraison,

– Déterminer l’origine, la date d’apparition, la cause et l’imputabilité des désordres, malfaçons et non-conformités affectant le bien,

– Dire si ces désordres constituent des dommages qui affectent l’immeuble dans un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, et le rendent impropres à sa destination,

– Dans le cas où ces désordres constitueraient des dommages affectant l’ouvrage dans un de ses éléments d’équipement sans toutefois le rendre impropre à sa destination, dire si cet élément fait ou non indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert,

– Dans la mesure où il y aurait lieu de répondre à la question ci-dessus, préciser si ces désordres affectent la solidité du bien ou son bon fonctionnement,

– Indiquer les travaux propres à remédier à ces désordres et à leurs conséquences dommageables et en évaluer le coût et en préciser la durée,

– Fournir tous éléments permettant d’apprécier le cas échéant les responsabilités encourues et les préjudices subis,

– S’expliquer techniquement dans le cadre des chefs de mission sur les dires et observations des parties qu’il aura recueillis après leur avoir indiqué à quel point il en est arrivé dans ses investigations,

– Etablir un pré-rapport qui autorisera les dernières observations des parties dans le délai de vingt jours à compter de leur réception dans la rédaction du rapport définitif,

– Réserver les dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société Sirius 304 fait notamment valoir que :

le dernier rapport de réserves a été émis de manière unilatérale par la société Antares 1707 et ne correspond pas à la réalité des désordres qu’elle a invoqués et dénoncés ;

au contraire d’être circonscrits et déterminés, de nombreux désordres n’ont pas été pris en compte par le constructeur-vendeur ;

l’avis d’un expert judiciaire sera déterminant pour confirmer l’existence d’un préjudice de jouissance;

des désordres affectant le bien qu’elle a acquis continuent d’apparaître, comme le démontre le dégât des eaux qu’elle a subi en avril 2024 ;

le seul constat de l’existence de réserves non levées par le promoteur devait conduire le premier juge à faire droit à sa demande d’expertise;

il appartenait au vendeur de refuser la livraison de l’appartement s’il estimait ne pas être en mesure de mettre à sa disposition un bien conforme aux prescriptions contractuelles;

les malfaçons constatées sont d’autant moins acceptables qu’elles affectent un bien situé dans une résidence de prestige.

Dans ses dernières écritures du 23 septembre 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Antares 1707 demande de son côté à la cour de :

– Confirmer l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire d’Albertville le 2 avril 2024 en toutes ses dispositions ;

A titre principal,

– Rejeter la demande d’expertise judiciaire formée par la société Sirius 304, en l’absence de motif légitime et en raison d’une action manifestement vouée à l’échec ;

A titre subsidiaire,

– Si par extraordinaire, une expertise judiciaire était ordonnée, prendre acte de ses protestations et réserves d’usage quant à la demande d’expertise judiciaire ainsi que sur les responsabilités encourues mais également sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande ;

– Juger que les frais d’expertise seront intégralement à la charge de la société Sirius 304, en sa qualité de demanderesse à l’expertise ;

En tout état de cause,

– Rejeter l’intégralité des demandes de la société Sirius 304 ;

– Condamner la société Sirius 304 à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société Sirius 304 aux entiers dépens de l’instance.

Au soutien de ses prétentions, la société Antares 1707 fait notamment valoir que :

la société Sirius 304 a sollicité une livraison anticipée, en acceptant tous les risques liés à cette livraison précoce ;

lors de la livraison, la société Sirius 304 a soulevé des réserves qui ont d’ailleurs été inscrites dans le procès-verbal de livraison ;

elle a procédé à la levée de la totalité des réserves;

la société Sirius 304 n’apporte pas la preuve d’un motif légitime, condition nécessaire à une expertise judiciaire ;

toute action future qui serait engagée à son encontre serait manifestement vouée à l’échec.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.

Une ordonnance du 13 janvier 2025 a clôturé l’instruction de la procédure. L’affaire a été plaidée à l’audience du 11 février 2025.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,

Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé rendue le 2 avril 2024 par la présidente du tribunal judiciaire d’Albertville,

Y ajoutant,

Condamne la société Sirius 304 aux dépens exposés en cause d’appel,

Condamne la société Sirius 304 à payer à la société Antares 1707 la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande formée de ce chef par la société Sirius 304.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 15 avril 2025

à

la SCP LOUCHET CAPDEVILLE

la SCP MILLIAND THILL PEREIRA

Copie exécutoire délivrée le 15 avril 2025

à

la SCP MILLIAND THILL PEREIRA

 


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