Cour d’appel de Chambéry, 10 avril 2025, RG n° 23/01311
Cour d’appel de Chambéry, 10 avril 2025, RG n° 23/01311

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Chambéry

Thématique : Sanctions disciplinaires et licenciement : une évaluation de la légitimité et des conséquences financières.

Résumé

Un salarié a été embauché par la SAS Castilex en tant que magasinier/vendeur de pièces de rechange en juillet 2017. En février 2021, un avenant à son contrat lui a confié la gestion d’un centre auto, avec la promesse d’un nouveau contrat de directeur si ses performances étaient satisfaisantes. En décembre 2021, il a reçu un avertissement pour avoir fermé l’atelier plus tôt que prévu, qu’il a contesté. En janvier 2022, il a été mis à pied pour non-respect des gestes barrières liés à la COVID-19, sanction également contestée. En mars 2022, il a été licencié pour faute grave.

Le salarié a saisi le conseil des prud’hommes pour contester les sanctions et le licenciement, demandant des indemnités. Le jugement du 31 juillet 2023 a confirmé l’avertissement, annulé la mise à pied disciplinaire, et jugé le licenciement justifié. La SAS Castilex a été condamnée à verser plusieurs sommes au salarié, mais ce dernier a été débouté de ses demandes de dommages et intérêts.

Le salarié a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement sur plusieurs points, notamment l’annulation de l’avertissement et la reconnaissance de l’absence de cause réelle et sérieuse pour son licenciement. La SAS Castilex a également interjeté appel incident, soutenant que le licenciement était justifié.

En appel, la cour a confirmé certaines décisions du premier jugement, notamment l’annulation de la mise à pied et l’obligation de verser des rappels de salaire. Cependant, elle a également reconnu que le licenciement était abusif, condamnant la SAS Castilex à verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’à rembourser les allocations chômage perçues par le salarié. La SAS Castilex a été condamnée aux dépens et à verser des frais irrépétibles au salarié.

CS25/090

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 10 AVRIL 2025

N° RG 23/01311 – N° Portalis DBVY-V-B7H-HKF6

[P] [Y]

C/ S.A.S. CASTILEX société par actions simplifiée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CHAMBERY sous le n° 823 831 896, dont le siège social est à [Localité 7], [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX-LES-BAINS en date du 31 Juillet 2023, RG F 22/00027

APPELANT :

Monsieur [P] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Virginie ROYER, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMEE :

S.A.S. CASTILEX société par actions simplifiée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CHAMBERY sous le n° 823 831 896, dont le siège social est à [Localité 7], [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentant : Me Christelle LAVERNE de la SELARL ENOTIKO AVOCATS, avocat au barreau de CHAMBERY – Représentant : Me Laurent BANBANASTE, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue en audience publique le 14 Janvier 2025, devant Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, qui s’est chargé(e) du rapport, les parties ne s’y étant pas opposées, avec l’assistance de Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier à l’appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,

et lors du délibéré :

Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Françoise SIMOND, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

********

Exposé du litige :

M. [Y] a été embauché le 10 juillet 2017 par la SAS Castilex (qui exerce un centre de pièces automobiles de rechange sous l’enseigne Roady) en qualité de magasinier/vendeur pièces de rechanges et accessoires en contrat à durée indéterminée à temps plein de 169 heures. La SAS Castilex compte plus de 11 salariés.

Par avenant « à durée déterminée » en date du 15 février 2021, M. [Y] s’est vu confier la mission de la gestion du centre auto Roady Casilex du [Localité 7] avec une liste de missions jusqu’au 30 juin 2021 avec la précision que « si ces tâches s’avérèrent favorable et bénéfique pour l’entreprise, vous bénéficierez d’un nouveau contrat de Directeur de centre (échelon défini par la convention collective . Clause d’avenant : cet avenant peut être arrêté à tout moment si la gestion d’une des tâches est insatisfaisante »

Le 13 décembre 2021, un avertissement a été notifié à M. [Y] pour fermeture anticipée de l’atelier à 17Heures 38 au lieu de 18 Heures, que le salarié a contesté par courrier du 29 décembre 2021.

Le 18 janvier 2022, une mise à pied disciplinaire a été notifiée à M. [Y] au motif du non-respect des gestes barrières durant la période du Covid que M. [Y] a contesté par courrier du 21 janvier 2022.

Le 24 février 2022, M. [Y] a été convoqué à entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 4 mars 2022 avec mise à pied à titre conservatoire à compter du 24 février 2022.

Le 11 mars 2022, M. [Y] a été licencié pour faute grave.

M. [Y] a saisi le conseil des prud’hommes d’Aix-Les-Bains  en date du 8 juin 2022 aux fins de contester le bien-fondé des sanctions disciplinaires et de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement du 31 juillet 2023, le conseil des prud’hommes d’Aix-Les-Bains a :

Confirmé l’avertissement notifié le 13 décembre 2021,

Annulé la mise à pied disciplinaire notifiée le 18 janvier 2022,

Dit que le licenciement est intervenu pour une cause réelle et sérieuse,

Condamné la société CASTILEX à payer à Monsieur [P] [Y] avec intérêts au taux légal les sommes de :

2 146, 27 ‘ bruts outre 214, 63 ‘ bruts au titre du rappel de salaire pour la période probatoire du 15 février au 30 juin 2021,

451, 49 ‘ bruts outre 45,15 ‘ bruts au titre de la mise à pied disciplinaire du 20 janvier au 24 janvier 2022,

1 354, 83 ‘ bruts outre 135, 48 ‘ bruts de congés payés afférents au titre de la mise à pied conservatoire du 24 février au 1 1 mars 2022,

8 669, 28 ‘ bruts outre 866, 93 ‘ bruts de congés payés afférents au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

3 551 , 95 ‘ nets au titre de l’indemnité légale de licenciement

1 500 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Débouté M. [Y] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la mise à pied disicplinaire et de l’avertissement et au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Rappelé que l’exécution provisoire est de droit pour toute créance à caractère salarial dans la limite de neuf mois de salaire et pour tout document que l’employeur est légalement tenu de délivrer,

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire totale,

Fixé le salaire moyen à 2889,76’ bruts,

Débouté la SAS CASTILEX de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS CASTILEX aux entiers dépens de la présente instance

La décision a été notifiée aux parties et M. [Y] en a interjeté appel par le Réseau Privé Virtuel des Avocats en date du 4 septembre 2023 et la SAS Castilex en a interjeté appel incident par voie de conclusions.

Par dernières conclusions en date du 14 mai 2014, M. [Y] demande à la cour d’appel de :

INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes d’AIX-LES-BAINS le 31 juillet 2023 en ce qu’il a :

Confirmé l’avertissement notifié le 13 décembre 2021,

Dit que le licenciement est intervenu pour une cause réelle et sérieuse,

Débouté Monsieur [Y] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la mise à pied disciplinaire et de l’avertissement et au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Débouté Monsieur [Y] de sa demande tendant à ce qu’il soit enjoint à la société

CASTILEX d’avoir à produire le Règlement intérieur de l’entreprise,

Condamné la société CASTILEX à payer à Monsieur [Y] la somme de 1500 ‘ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le CONFIRMER pour le surplus,

Statuant à nouveau,

CONDAMNER la société CASTILEX à verser à Monsieur [P] [Y] les sommes de :

‘ 2 146,27 ‘ bruts à titre de rappel de salaire correspondant à la période probatoire du 15 février au 30 juin 2021 ;

‘ 214,63 ‘ bruts au titre des congés payés afférents ;

ENJOINDRE la société CASTILEX d’avoir à produire le Règlement intérieur de l’entreprise ;

ANNULER l’avertissement notifié le 13 décembre 2021 ;

ANNULER la mise à pied disciplinaire notifiée le 18 janvier 2022 ;

CONDAMNER la société CASTILEX à verser à Monsieur [P] [Y] les sommes de :

‘ 451,49 ‘ bruts à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied disciplinaire du 20 janvier 2022 au 24 janvier 2022 (4 jours) ;

‘ 45,15 ‘ bruts au titre des congés payés afférents ;

CONDAMNER la société CASTILEX à payer à Monsieur [P] [Y] la somme de 2 000 ‘ nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la notification de sanctions disciplinaires irrégulières, injustifiées ou disproportionnées ;

DIRE ET JUGER que le licenciement pour faute grave notifié à Monsieur [P] [Y] par la société CASTILEX est abusif ;

CONDAMNER en conséquence la société CASTILEX à payer à Monsieur [P] [Y] les sommes suivantes :

‘ 1 354,83 ‘ bruts à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire du 24 février 2022 au 11 mars 2022 ;

‘ 135,48 ‘ bruts au titre des congés payés afférents ;

‘ 8 669,28 ‘ bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

‘ 866,93 ‘ bruts au titre des congés payés afférents ;

‘ 3 551,95 ‘ nets au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

‘ 17 338,58 ‘ nets de CSG ‘ CRDS à titre de dommages et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNER la société CASTILEX à verser à Monsieur [P] [Y] la somme de 2 500 ‘ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile en première instance et celle de 2 500 ‘ sur le même fondement en cause d’appel ;

DEBOUTER la société CASTILEX de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

ASSORTIR les condamnations des intérêts de droit,

CONDAMNER la société CASTILEX aux entiers dépens.

Par dernières conclusions en réponse en date 27 février 2024, la SAS Castilex demande à la cour d’appel de :

Déclarer Monsieur [P] [Y] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes, et l’en débouter ;

Confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :

condamné la Société CASTILLEX au titre du rappel de salaire d’un montant de 2.146,27 ‘ outre 214,63 ‘ bruts au titre des congés payés afférents, montants non contesté par l’employeur devant le premier Juge,

confirmé l’avertissement notifié le 13 décembre 2021,

jugé que le salarié a commis une faute,

Déclarer la Société par actions simplifiée CASTILEX recevable et bien fondée en son appel incident ;

Infirmer la décision déférée en ce qu’elle a :

Annulé la mise à pied disciplinaire notifiée le 18 janvier 2022, et alloué au salarié les sommes de 451,49 ‘ outre 45,15 ‘ au titre de la mise à pied disciplinaire et de 1354,83 ‘ et 235,48 ‘ au titre de la mise à pied conservatoire,

Jugé que le jugement est intervenu pour une cause réelle et sérieuse mais que la faute commise par le salarié n’était pas constitutive d’une faute grave au motif qu’elle n’aurait pas été commise de manière intentionnelle,

Dire et juger que Monsieur [P] [Y] a commis une faute grave et que l’employeur était fondé à lui notifier la rupture de son contrat de travail sur ce fondement.

Infirmer la décision déférée en ce qu’elle a alloué au salarié :

la somme de 8669,28 ‘ outre 866,93 ‘ de congés au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

la somme de 3551,95 euros nets au titre de l’indemnité légale de licenciement.

Condamner Monsieur [P] [Y] à payer la somme de 3.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner Monsieur [P] [Y] aux entiers dépens

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 décembre 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :

Annulé la mise à pied disciplinaire notifiée le 18 janvier 2022,

Condamné la société CASTILEX à payer à Monsieur [P] [Y] avec intérêts au taux légal les sommes de :

2 146, 27 ‘ bruts outre 214, 63 ‘ bruts au titre du rappel de salaire pour la période probatoire du 15 février au 30 juin 2021,

451, 49 ‘ bruts outre 45,15 ‘ bruts au titre de la mise à pied disciplinaire du 20 janvier au 24 janvier 2022,

1 354, 83 ‘ bruts outre 135, 48 ‘ bruts de congés payés afférents au titre de la mise à pied conservatoire du 24 février au 1 1 mars 2022,

8 669, 28 ‘ bruts outre 866, 93 ‘ bruts de congés payés afférents au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

3 551, 95 ‘ nets au titre de l’indemnité légale de licenciement

1 500 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Débouté M. [Y] de ses demandes de dommages et intérêts au titre d ela mise à pied disicplinaire et de l’avertissement et au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Rappelé que l’exécution provisoire est de droit pour toute créance à caractère salarial dans la limite de neuf mois de salaire et pour tout document que l’employeur est légalement tenu de délivrer,

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire totale,

Fixé le salaire moyen à 2889,76’ bruts,

Débouté la SAS CASTILEX de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS CASTILEX aux entiers dépens de la présente instance

L’INFIRME pour le surplus

STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,

ANNULE l’avertissement notifié le 13 décembre 2021,

CONDAMNE la SAS Castilex à payer à M. [Y] la somme de 14 448,80 ‘ (5 mois de salaire) à titre de de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter présent arrêt,

Y ajoutant,

ORDONNE le remboursement par la SAS Castilex des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de six mois,

DIT qu’à cette fin, une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée à France Travail Rhône-Alpes – [Adresse 6] – [Localité 1], à la diligence du greffe de la présente juridiction,

CONDAMNE la SAS Castilex aux dépens d’appel,

CONDAMNE la SAS Castilex à payer la somme de 2 500 ‘ à M. [Y] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

DIT n’y avoir à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Ainsi prononcé publiquement le 10 Avril 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY,Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier La Présidente

 


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