Cour d’appel de Chambéry, 10 avril 2025, RG n° 23/01236
Cour d’appel de Chambéry, 10 avril 2025, RG n° 23/01236

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Chambéry

Thématique : Licenciement pour faute grave : enjeux de loyauté et d’obligations contractuelles.

Résumé

La SAS [H] électricité, spécialisée dans les installations électriques, a été confrontée à un litige avec un ancien directeur commercial. Ce dernier, embauché à plusieurs reprises depuis 2007, a été licencié pour faute grave en juin 2021. Les motifs de licenciement incluaient des refus répétés de répondre à des appels d’offres, l’utilisation des ressources de l’entreprise pour des travaux personnels, l’installation d’une caméra de surveillance dans son bureau, et des comportements de harcèlement envers une collaboratrice.

L’ancien directeur a contesté son licenciement devant le conseil des prud’hommes, arguant que les faits reprochés étaient prescrits et que la procédure de licenciement avait été mal conduite. Il a également demandé des indemnités pour licenciement abusif et des primes d’intéressement. Le conseil des prud’hommes a jugé que le licenciement était conforme et a débouté l’ancien directeur de ses demandes.

L’affaire a été portée en appel, où l’ancien directeur a demandé la réformation du jugement, notamment sur la recevabilité de certaines attestations et la justification de son licenciement. La SAS [H] électricité a, de son côté, demandé la confirmation du jugement initial et a soulevé des griefs contre l’ancien directeur pour exécution déloyale de son contrat de travail.

La cour d’appel a finalement confirmé le licenciement pour faute grave, tout en condamnant l’ancien directeur à verser des dommages et intérêts à la SAS [H] électricité pour l’utilisation abusive des ressources de l’entreprise. Les dépens ont été partagés, et la cour a statué sur la recevabilité des pièces produites par les deux parties.

CS25/092

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 10 AVRIL 2025

N° RG 23/01236 – N° Portalis DBVY-V-B7H-HJ5R

[U] [H]

C/ S.A.S. [H] ELECTRICITE

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BONNEVILLE en date du 11 Juillet 2023, RG F 21/00113

APPELANT :

Monsieur [U] [H]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentant : Me Karine GAYET de la SELARL MORELL ALART ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON – Représentant : Me Franck GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMEE :

S.A.S. [H] ELECTRICITE

[Adresse 24]

[Adresse 24]

[Localité 4]

Représentant : Me Laurence MAYBON de la SARL MAYBON ASSOCIES, avocat au barreau d’ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue en audience publique le 14 Janvier 2025, devant Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, qui s’est chargé(e) du rapport, les parties ne s’y étant pas opposées, avec l’assistance de Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier à l’appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,

et lors du délibéré :

Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Françoise SIMOND, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

********

Exposé du litige :

La SAS [H] électricité est une société qui intervient dans le domaine d’installations électriques et comprend entre 11 et 50 salariés. La SAS [H] électricité a été créée en 1979 par le père de M. [U] [H].

M. [U] [H] a été initialement embauché en qualité d’électricien à compter du 20 juin 2007 en contrat à durée indéterminée en qualité d’électricien ouvrier professionnel et a démissionné le 16 juin 2008. Il a ensuite été embauché par la société Gestia (devenue la société holding du groupe [H] électricité) le 1er juillet 2008 en qualité de responsable commercial en contrat à durée indéterminée.

Le 2 mai 2010, M. [H] a de nouveau été embauché par la SAS [H] électricité en qualité de directeur commercial à temps partiel puis à temps plein par avenant en date du 1er mai 2011.

Le 28 septembre 2015, M. [U] [H] a été promu de manière rétroactive au 1er juin 2015 en qualité de directeur commercial avec le statut de cadre dirigeant au visa de l’article L.3111-2 du code du travail.

Le 22 février 2016, M. [U] [H] a cédé les parts qu’il détenait dans la SAS [H] électricité.

Le 19 avril 2019, M. [U] [H] était nommé à compter du 1er mai 2019 de directeur commercial et du bureau d’études rattaché à la présidence de la SAS [H] électricité (M. [G] [H]), statut cadre, 35 heures par semaine, avec une rémunération mensuelle fixe de 4 200 ‘ à laquelle s’ajoutait une rémunération variable calculée sur le chiffre d’affaires.

Par acte réitératif de cession d’actions en date du 2 janvier 2021, la société Gestia a cédé la totalité des titres de la SAS [H] électricité à la société Connecteo.

Par un dernier avenant du 18 janvier 2021, M. [U] [H] et la SAS [H] électricité introduisaient une clause de non-concurrence dans le contrat de travail de M. [U] [H] et le même jour M. [U] [H] prenait l’engagement de ne pas démissionner de son poste de directeur commercial au sein de la SAS [H] électricité pour une durée minimale de 1 an à compter du 22 janvier 2021.

Par courrier du 11 juin 2021, la SAS [H] électricité a convoqué M. [U][H] à un entretien préalable à un éventuel licenciement et l’a mis à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 20 juin 2021, M. [H] a été licencié pour faute grave.

M. [H] a saisi le conseil des prud’hommes de Bonneville en date du 30 septembre 2021 aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes outre des rappels de primes d’intéressement.

Par jugement du 11 juillet 2023, le conseil des prud’hommes de Bonneville, a :

Rejeté les injonctions à communiquer suite à l’ordonnance de clôture du 24 avril 2023

Jugé que les faits énoncés dans le courrier de licenciement du 30 juin 2021 ne sont pas prescrits

Jugé que les attestations n°30,60,61,63,69,72,74,75 et 76 sont recevables

Jugé que le licenciement de M. [H] pour faute grave est conforme

Jugé que la demande de M. [H] en paiement de la prime d’intéressement pour l’année 2020 n’a pas de lien suffisant avec les demandes originaires et le renvoie à mieux se pourvoir

Débouté M. [H] de l’ensemble de se demandes sur le fond

Débouté la SAS [H] électricité de sa demande de dommages et intérêts de 15000 ‘

Jugé n’ay avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les deux parties

Jugé que les dépens sont partagés par moitié entre les parties.

La décision a été notifiée aux parties et M. [H] en a interjeté appel par le Réseau Privé Virtuel des Avocats le 10 août 2023.

Par dernières conclusions en date du 9 décembre 2024, M. [H] demande à la cour d’appel de :

1/ A titre liminaire

– JUGER la demande visant à faire déclarer irrecevables les attestations n°25 a à 25k et 47, nouvelle en cause d’appel conformément aux dispositions de l’article 564 du Code de procédure civile et, en conséquence, la DECLARER irrecevable,

2/ REFORMER le jugement du Conseil de prud’hommes de BONNEVILLE en ce qu’il a :

DIT ET JUGE que les faits énoncés dans le courrier de licenciement du 30 juin 2021 ne sont pas prescrits ;

DIT ET JUGE que les attestations n°30, 60,61,63,69,72,74,75 et 76 sont recevables ;

DIT ET JUGE que le licenciement de M. [U] [H] pour faute grave est conforme ;

DEBOUTE M. [U] [H] de l’ensemble de ses demandes sur le fond ;

DIT ET JUGE n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile pour les deux parties ;

DIT ET JUGE que les dépens sont partagés par moitié entre les parties. »

Statuant à nouveau,

CONSTATER que la Société [H] ELECTRICITE se refuse, malgré les sommations de communiquer, de produire :

-le registre unique du personnel,

-l’Accord d’entreprise d’intéressement et l’Accord relatif au Plan d’Epargne d’Entreprise,

-le chiffre d’affaires de la Société [H] ELECTRICITE, généré auprès du client KAUFMAN BROAD, année par année, depuis 2016 et jusqu’à ce jour,

-son bilan comptable au titre de l’année 2020, accompagné, lorsqu’il aura été établi, du rapport d’expertise judiciaire définitif,

-son bilan comptable au titre de l’année 2021,

-la réponse de la Société MARCORY, Madame [S], à l’appel d’offres relatif au Coteau Tranche II,

– les bulletins de salaire de décembre 2020 et janvier 2021 de l’ensemble du personnel,

JUGER que le licenciement pour faute grave de M. [H] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

CONDAMNER la Société [H] ELECTRICITE à verser à M. [U] [H] les sommes suivantes :

-Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 66 400 ‘ nets

-Indemnité de licenciement 30 802 ‘ nets

-Indemnité compensatrice de préavis 16 600 ‘ bruts

-Congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis 1 660 ‘ bruts

-Dommages et intérêts pour procédure irrégulière 5 533 ‘ nets

-Dommages et intérêts pour préjudice moral distinct 33 200 ‘ nets

-Annulation de la mise à pied à titre conservatoire

3/ CONFIRMER le jugement du Conseil de prud’hommes de BONNEVILLE en ce qu’il a débouté la Société [H] ELECTRICTE de sa demande de dommages et intérêts de 15.000 ‘ ;

4/ En tout état de cause,

CONDAMNER la Société [H] ELECTRICITE à verser la somme de 6.000 ‘ au titre de l’article 700 du CPC ;

Par dernières conclusions en réponse en date du 17 décembre 2024, la SAS [H] électricité demande à la cour d’appel de :

1/ A titre liminaire, JUGER irrecevables les attestations adverses n° 25a, 25b, 25c, 25d, 25 e,25f, 25g, 25h, 25i, 25j, 25k, 47 produites aux débats ;L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 décembre 2024.

2/ CONFIRMER ledit jugement en ce qu’il a :

‘ Dit et jugé que les faits énoncés dans le courrier de licenciement du 30 juin 2021 ne

sont pas prescrits ;

‘ Dit et jugé que le licenciement de Monsieur [U] [H] pour faute grave est

conforme et, en conséquence, justifié ;

‘ Rejeté les sommations de communiquer suite à l’ordonnance de clôture du 24 avril

2023 ;

‘ Dit et jugé que les attestations de la Société [H] ELECTRICITÉ

n°30,60,61,63,69,72,74,75 et 76 sont recevables ;

‘ Dit et jugé que la demande de Monsieur [U] [H] en paiement de la prime

d’intéressement pour l’année 2020 n’a pas de lien suffisant avec ses demandes

originaires et l’a renvoyé à mieux se pourvoir ;

‘ Débouter Monsieur [U] [H] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

3/INFIRMER ledit jugement en ce qu’il a :

‘ Débouté la société [H] ELECTRICITE de sa demande reconventionnelle de

dommages et intérêts de 15.000 Euros pour manquement à l’obligation de loyauté ;

‘ Dit et jugé n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de

procédure civile pour les deux parties ;

‘ Dit et jugé que les dépens sont partagés par moitié entre les parties.

Statuant à nouveau sur le fond ;

CONSTATER que les pièces pour lesquelles une injonction de communiquer a été

faite n’ont aucun lien avec la rupture du contrat de travail ;

JUGER que Monsieur [U] [H] a manqué à son obligation de loyauté ;

JUGER que le licenciement pour faute grave de Monsieur [U] [H] est

justifié ;

En conséquence ;

DEBOUTER Monsieur [U] [H] des demandes suivantes :

 » Dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

 » Indemnité de licenciement,

 » Indemnité compensatrice de préavis,

 » Congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis,

 » Dommages et intérêts pour procédure irrégulière,

 » Dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

 » Annulation de la mise à pied à titre conservatoire

DEBOUTER Monsieur [U] [H] de l’intégralité de ses demandes ;

CONDAMNER Monsieur [U] [H] au paiement d’une somme de

15.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat

de travail ;

4/ En tout état de cause,

CONDAMNER Monsieur [U] [H] au paiement d’une indemnité de

5.000 ‘ en application de l’article 700 du CPC ;

CONDAMNER Monsieur [U] [H] aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 décembre 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DIT irrecevable la demande de la SAS [H] électricité d’écarter des débats les pièces 25a, 25b, 25c, 25d, 25e, 25f, 25h, 25i, 25j et 47 produites par M. [U] [H] en cause d’appel,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :

Rejeté les injonctions à communiquer suite à l’ordonnance de clôture du 24 avril 2023

Jugé que les attestations n°30,60,61,63,69,72,74,75 et 76 sont recevables

Jugé que le licenciement de M. [H] pour faute grave est conforme

Jugé que la demande de M. [H] en paiement de la prime d’intéressement pour l’année 2020 n’a pas de lien suffisant avec les demandes originaires et le renvoie à mieux se pourvoir

Débouté M. [H] de l’ensemble de ses demandes sur le fond

L’INFIRME pour le surplus

STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,

CONDAMNE M. [U] [H] à payer à la SAS [H] électricité la somme de 3000 ‘ de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [U] [H] aux dépens de l’instance

CONDAMNE M. [U] [H] à payer la somme de 4 000 ‘ à la SAS [H] électricité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour l’instance.

Ainsi prononcé publiquement le 10 Avril 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY,Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier La Présidente

 


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