Cour d’appel de Caen, 13 mars 2025, RG n° 24/00945
Cour d’appel de Caen, 13 mars 2025, RG n° 24/00945

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Caen

Thématique : Nullité d’un contrat de vente en raison d’informations manquantes et de vices de forme

Résumé

Dans cette affaire, un acheteur a acquis, par le biais d’un démarchage à domicile, une installation photovoltaïque, un système de chauffage et un ballon thermodynamique auprès d’un vendeur, la SAS Environnement de France, pour un montant de 26.500 euros. Un crédit affecté a été consenti par une banque pour financer cet achat. Après la réception des travaux et la conformité de l’installation, les fonds ont été débloqués et versés au vendeur.

Cependant, en juillet 2022, l’acheteur et son épouse ont assigné le vendeur et la banque devant le tribunal judiciaire, demandant l’annulation du contrat de vente et du crédit. En mars 2023, la société Environnement de France a été placée en liquidation judiciaire, et les époux ont déclaré leur créance au passif de cette liquidation.

Le tribunal a prononcé la nullité du contrat de vente et, par conséquent, celle du contrat de crédit. Il a également constaté des fautes de la banque dans l’exécution de ses obligations, mais a jugé que les époux n’avaient pas prouvé l’existence d’un préjudice, ce qui a permis à la banque de conserver son droit à restitution du capital. Néanmoins, la banque a été condamnée à restituer une somme de 2.826,81 euros aux époux.

Les époux ont interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement sur plusieurs points, notamment la reconnaissance d’un préjudice et la condamnation de la banque à restituer l’intégralité des sommes versées. La banque, de son côté, a contesté les conclusions du tribunal et a demandé à être déboutée de toutes les demandes des époux.

En appel, la cour a infirmé le jugement sur la question du préjudice, condamnant la banque à verser 29.326,81 euros aux époux, tout en confirmant le rejet de leur demande de dommages-intérêts pour préjudice moral. La cour a également statué sur les créances au passif de la liquidation judiciaire du vendeur et a condamné la banque aux dépens d’appel.

AFFAIRE :N° RG 24/00945

ARRÊT N°

NLG

ORIGINE : DECISION en date du 16 Novembre 2023 du Juge des contentieux de la protection d’ALENCON

RG n° 22/00258

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 13 MARS 2025

APPELANTS :

Monsieur [N] [S] [P]

né le 17 Février 1963 à [Localité 10] (75)

[Adresse 4]

[Localité 5]

Madame [D] [F] [C] épouse [P]

née le 03 Mars 1962 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentés par Me Marion LEBRUN, substituée par Me Salma EL FAHMI, avocats au barreau de CAEN,

Assistés de Me Ornella SCOTTO DI LIGUORI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES :

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE exerçant sous l’enseigne CETELEM

N° SIRET : 542 097 902

[Adresse 1]

[Localité 7]

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me France LEVASSEUR, avocat au barreau de CAEN,

Assistée de Me Jérémy DELAUNAY, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

S.C.P. BTSG, prise en la personne de Me [B], mandataire liquidateur de la SAS ENVIRONNEMENT DE FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 8]

prise en la personne de son représentant légal

S.A.S. ENVIRONNEMENT DE FRANCE

N° SIRET : 515 184 133

[Adresse 2]

[Localité 6]

prise en la personne de son représentant légal

Non représentées, bien que réguilièrement assignées

DEBATS : A l’audience publique du 13 Janvier 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 Mars 2025, sans opposition du ou des avocats, M. GOUARIN, Conseiller, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 13 mars 2025 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

*

* *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS

Selon bon de commande signé le 13 janvier 2018 dans le cadre d’un démarchage à domicile, M. [S] [P] a acquis auprès de la SAS Environnement de France une installation photovoltaïque, un système de chauffage et un ballon thermodynamique incluant les démarches administratives, moyennant un prix total de 26.500 euros TTC.

Par offre acceptée le 13 novembre 2018, la BNP Paribas Personal Finance (la banque) a consenti à M. [P] un crédit affecté au financement de cet achat d’un montant de 26.500 euros, au taux d’intérêt de 4,70 % l’an, remboursable en 180 échéances mensuelles.

Le 20 décembre 2018, l’acquéreur a signé un procès-verbal de réception des travaux et une demande de versement du montant du prix au vendeur par la banque.

Le 21 décembre 2018, le vendeur a attesté de la conformité de l’installation auprès du consuel.

L’installation a été raccordée au réseau électrique le 1er février 2019.

Le 7 février 2019, le vendeur a établi sa facture.

Le 20 mars 2019, les fonds ont été débloqués par la banque et versés au vendeur.

Le crédit affecté a été remboursé en totalité par anticipation le 14 mai 2021.

Le 8 juillet 2022, M. [P] et Mme [D] [C] épouse [P] ont assigné le vendeur et la banque devant le tribunal judiciaire d’Alençon aux fins, notamment, de voir annuler le contrat de vente et le crédit affecté.

Le 29 mars 2023, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Environnement de France et désigné la société BTSG en la personne de Me [G] [B] comme liquidateur.

Les 5 et 26 mai 2023, les époux [P] et la banque ont respectivement déclaré leur créance au passif de la liquidation judiciaire du vendeur.

Par jugement du 16 novembre 2023 rectifié le 16 février 2024, le tribunal judiciaire d’Alençon a :

– jugé que Mme [C] épouse [P] est recevable à agir,

– prononcé la nullité du contrat de vente du 13 janvier 2018,

– prononcé en conséquence la nullité du contrat de crédit du 13 janvier 2018,

– dit que la banque a commis des fautes personnelles dans l’exécution de ses obligations professionnelles,

– constaté que les époux [P] ne démontrent pas l’existence d’un préjudice et dit en conséquence que la banque ne peut être déboutée de son droit à restitution du capital,

– condamné la banque à restituer aux époux [P] la somme de 2.826,81 euros correspondant à la différence entre les échéances versées par les emprunteurs et le capital emprunté,

– condamné le liquidateur de la société Environnement de France à procéder à l’enlèvement du matériel litigieux et à la remise en état des lieux dans un délai de deux mois à compter de la signification de sa décision,

– dit qu’à défaut de reprise du matériel dans ce délai les époux [P] pourront disposer à leur guise dudit matériel,

– débouté les époux [P] de leur demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral,

– débouté la banque de ses autres demandes,

– condamné in solidum la société Environnement de France représentée par son liquidateur et la banque à verser aux époux [P] la somme de 3.000 euros à titre d’indemnité de procédure,

-o rdonné l’exécution provisoire de sa décision.

Selon déclarations des 16 et 17 avril 2024 enregistrées sous les n°24/945 et 24/967, les époux [P] ont relevé appel de cette décision.

Le 16 octobre 2024, ces affaires ont été jointes sous le n°24/945.

Par dernières conclusions du 16 octobre 2024, les appelants demandent à la cour d’infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a constaté que les époux [P] ne démontrent pas l’existence d’un préjudice et a dit en conséquence que la banque ne peut être déboutée de son droit à restitution du capital, a condamné la banque à restituer aux époux [P] la somme de 2.826,81 euros correspondant à la différence entre les échéances versées par les emprunteurs et le capital emprunté et les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral, statuant à nouveau de ces chefs, de juger que la banque a commis une faute lors du déblocage des fonds, de juger que la banque est privé de son droit à restitution du capital prêté, de juger qu’ils justifient d’un préjudice en lien avec les fautes de la banque, de condamner la banque à restituer l’intégralité des sommes versées par les époux [P] au titre du capital, des intérêts et frais accessoires en vertu du contrat de crédit en cause, soit la somme de 29.326,81 euros.

Subsidiairement, ils demandent à la cour de juger que la banque a manqué à son devoir de mise en garde, de condamner en conséquence celle-ci à leur payer la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice lié à la perte de chance de ne pas souscrire le prêt excessif, de juger que la banque a manqué à son obligation de conseil et de prononcer en conséquence la déchéance de l’intégralité du droit aux intérêts afférents au crédit en cause et de condamner la banque à leur rembourser les intérêts, frais et accessoires déjà versés.

En tout état de cause, les époux [P] demandent à la cour de condamner solidairement et in solidum la banque et la société Environnement de France représentée par son liquidateur à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de leur préjudice moral, de fixer cette somme au passif de la liquidation judiciaire de la société Environnement de France, de débouter les intimés de toutes leurs demandes, de condamner la banque et la société Environnement de France représentée par son liquidateur à leur payer la somme de 3.000 euros à titre d’indemnité de procédure ainsi qu’aux entiers dépens et de fixer cette somme au passif de la liquidation judiciaire de la société Environnement de France.

Par dernières conclusions du 8 octobre 2024, la banque demande à la cour d’infirmer le jugement attaqué sauf en ce qu’il a débouté les époux [P] de leur demande de dommages-intérêts au titre de leur préjudice moral, statuant à nouveau dans cette limite, de débouter les époux [P] de toutes leurs demandes.

Subsidiairement, elle demande à la cour de juger quelle n’a commis aucune faute, que M. [P] ne justifie d’aucun préjudice direct et personnel résultant directement d’une éventuelle faute de la banque, qu’il aurait dû restituer à la banque le capital prêté, ce qu’il a fait en procédant au remboursement intégral et anticipé du prêt et de débouter cet appelant de toutes ses demandes.

Plus subsidiairement, en cas de reconnaissance d’une faute de la banque et d’un préjudice de l’emprunteur, la banque demande à la cour de juger que M. [P] est tenu au remboursement du capital prêté et de limiter le montant des dommages-intérêts dus aux époux [P] à la somme de 1.250 euros.

À titre infiniment subsidiaire, elle demande à la cour de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Environnement de France à la somme de 26.500 euros à titre de dommages-intérêts.

En toutes hypothèses, la banque demande à la cour de débouter les appelants de toutes leurs demandes, de juger que les éventuelles condamnations prononcées le seront en deniers ou quittances et de condamner in solidum les appelants à lui payer la somme de 3.600 euros à titre d’indemnité de procédure ainsi qu’aux entiers dépens et, subsidiairement, de fixer ces sommes au passif de la liquidation de la société Environnement de France.

La société BTSG, ès qualités, n’a pas constitué avocat, les déclarations d’appel lui ayant été signifiées à personne morale les 4 et 7 juin 2024.

La société Environnement de France n’a pas constitué avocat, la déclaration d’appel lui ayant été signifiée le 7 juin 2024 suivant les modalités prévues à l’article 659 du code de procédure civile.

La mise en état a été clôturée le 11 décembre 2024.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt par défaut mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a constaté que les époux [P] ne démontraient pas l’existence d’un préjudice et a dit en conséquence que la banque ne pouvait être déboutée de son droit à restitution du capital, a condamné la banque à restituer aux époux [P] la somme de 2.826,81 euros correspondant à la différence entre les échéances versées par les emprunteurs et le capital emprunté et a débouté la banque de sa demande indemnitaire à l’encontre de la société Environnement de France ;

Confirme le jugement en ses autres dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

Condamne la BNP Paribas Personal Finance à verser M. [S] [P] et Mme [D] [C] épouse [P] la somme de 29.326,81 euros au titre du capital, des intérêts, frais et accessoires du crédit consenti le 13 novembre 2018 à M. [P] ;

Fixe à la somme de 25.600 euros à titre de dommages-intérêts la créance de la BNP Paribas Personal Finance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Environnement de France ;

Fixe à la somme de 3.000 euros et au montant des dépens de première instance la créance de M. [S] [P] et Mme [D] [C] épouse [P] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Environnement de France ;

Condamne la BNP Paribas Personal Finance aux dépens d’appel et à payer à M. [S] [P] et Mme [D] [C] épouse [P] la somme globale de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande d’indemnité de procédure formée par la BNP Paribas Personal Finance.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY

 


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