Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Bordeaux
Thématique : Rectification des droits à la retraite : enjeux de l’affiliation des auto-entrepreneurs
→ RésuméUne auto-entrepreneuse a exercé son activité depuis le 1er janvier 2010, étant affiliée à la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse (CIPAV). En février 2022, elle a consulté son relevé de situation individuelle, qui a révélé des incohérences dans le nombre de points de retraite de base et complémentaire acquis entre 2010 et 2021. En mai 2022, elle a contesté ces points auprès de la commission de recours amiable de la CIPAV, qui a rejeté sa demande. En novembre 2022, elle a saisi le tribunal judiciaire de Bordeaux pour obtenir la rectification de ses droits.
Le tribunal a déclaré son recours recevable mais mal fondé, confirmant les points de retraite attribués par la CIPAV. En mars 2023, le tribunal a débouté l’auto-entrepreneuse de ses demandes et l’a condamnée à payer des frais de procédure. Insatisfaite, elle a interjeté appel en avril 2023, demandant la révision des points de retraite de base et complémentaire, ainsi que des dommages-intérêts pour préjudice moral. La CIPAV, également en appel, a contesté la recevabilité du recours et a demandé la confirmation du jugement initial. Elle a soutenu que le relevé de situation ne constituait pas une décision de sa part, mais un document indicatif. En revanche, l’auto-entrepreneuse a argué que ce relevé était une décision contestable, car il affectait ses droits à la retraite. La cour a finalement jugé que le relevé de situation constituait une décision de la CIPAV, rendant le recours recevable. Elle a infirmé le jugement initial concernant les points de retraite, ordonnant à la CIPAV de rectifier les points de retraite de base et complémentaire selon des montants précis. La cour a également condamné la CIPAV à verser des frais de procédure à l’auto-entrepreneuse, tout en déboutant cette dernière de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral. |
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION B
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ARRÊT DU : 03 AVRIL 2025
SÉCURITÉ SOCIALE
N° RG 23/01642 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NGM3
Madame [S] [U]
c/
LA CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D’ASSURANCE VIEILLESSE (CIPAV)
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d’huissier).
Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 mars 2023 (R.G. n°22/01469) par le Pôle social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d’appel du 04 avril 2023.
APPELANTE :
Madame [S] [U]
née le 28 Juin 1978 à [Localité 3]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS
dispensé de comparution
INTIMÉE :
LA CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D’ ASSURANCE VIEILLESSE (CIPAV), prise en la personne de son Directeur en exercice, domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 2]
représentée par Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
dispensé de comparution
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 février 2025, en audience publique, devant Madame Valérie COLLET, Conseillère magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a retenu l’affaire
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Paule Menu, présidente
Madame Sophie Lésineau, conseillère
Madame Valérie Collet, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Evelyne Gombaud,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE
FAITS ET PROCÉDURE
1- Mme [S] [U] a exercé une activité libérale en tant qu’auto-entrepreneur. Elle a été affiliée à la Caisse Interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV) en cette qualité depuis le 1er janvier 2010.
2- Le 23 février 2022, Mme [U] s’est procurée un relevé de situation individuelle via le site internet du [4] ([4]) ‘[4]’ faisant apparaître le nombre de points acquis concernant sa retraite de base ainsi que sa retraite complémentaire.
3- Par courrier du 30 mai 2022, Mme [U] a saisi la commission de recours amiable de la CIPAV afin de contester la comptabilisation de ses points de retraite de base et de ses points de retraite complémentaire acquis au titre de chaque année sur la période de 2010 à 2021 figurant sur son relevé de situation.
4- Par requête reçue le 3 novembre 2022, Mme [U] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux d’un recours contre la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable et ce afin de voir condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite de base et complémentaire qu’il a acquis sur la période de 2010 à 2021 et de mettre en conformité de son relevé de situation individuelle.
5- Par un jugement en date du 6 mars 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– déclaré le recours de Mme [U] recevable mais mal fondé ;
– l’a déboutée de ses demandes ;
– dit qu’il convient d’attribuer à Mme [U] les points de retraite de base suivants :
– pour 2010 : 131 points,
– pour 2011 : 190,5 points,
– pour 2012 : 263,8 points,
– pour 2013 : 247,2 points,
– pour 2014 : 212,6 points,
– pour 2015 : 160,7 points,
– pour 2016 : 292,5 points,
– pour 2017 : 291,7 points,
– pour 2018 : 529,6 points,
– pour 2019 : 529,9 points,
– pour 2020 : 541,1 points,
– pour 2021 : 533 points,
– dit qu’il convient d’attribuer à Mme [U] les points de retraite complémentaire suivants:
– 10 points de retraite complémentaire en 2010,
– 10 points de retraite complémentaire en 2011,
– 10 points de retraite complémentaire en 2012,
– 9 points de retraite complémentaire en 2013,
– 18 points de retraite complémentaire en 2014,
– 18 points de retraite complémentaire en 2015,
– 42 points de retraite complémentaire en 2016,
– 40 points de retraite complémentaire en 2017,
– 75 points de retraite complémentaire en 2018,
– 79 points de retraite complémentaire en 2019,
– 255 points de retraite complémentaire en 2020,
– 121 points de retraite complémentaire en 2021,
– débouté Mme [U] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamné Mme [U] à payer à la CIPAV la somme de 150 euros à titre d’indemnité de procédure sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l’instance ;
– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire du jugement.
6- Par déclaration enregistrée au greffe de la cour d’appel de Bordeaux le 4 avril 2023, Mme [U] a relevé appel de ce jugement.
7- Les parties ont été convoquées à l’audience du 13 février 2025.
PRÉTENTIONS
8- Mme [U], dispensée de comparaître et s’en remettant à ses conclusions transmises le 7 novembre 2023, par voie électronique, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, demande à la cour de :
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire d’Bordeaux en date du 6 mars 2023, sauf en ce qu’il a déclaré son recours recevable,
Et, statuant à nouveau,
– condamner la CIPAV à rectifier ses points de retraite complémentaire acquis sur la période 2010-2021 selon le détail suivant :
– 40 points en 2010,
– 40 points en 2011,
– 40 points en 2012,
– 36 points en 2013,
– 36 points en 2014,
– 36 points en 2015,
– 72 points en 2016,
– 72 points en 2017,
– 180 points en 2018,
– 252 points en 2019,
– 432 points en 2020,
– 432 points en 2021,
– condamner la CIPAV à rectifier ses points de retraite de base acquis sur la période 2010-2021 selon le détail suivant :
– 187,8 points en 2010,
– 288,6 points en 2011,
– 399,6 points en 2012,
– 374,6 points en 2013,
– 322,0 points en 2014,
– 327,9 points en 2015,
– 420,3 points en 2016,
– 427,3 points en 2017,
– 523,8 points en 2018,
– 533,3 points en 2019,
– 538,6 points en 2020,
– 538,6 points en 2021,
– condamner la CIPAV à lui transmettre et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;
– en cas de décision d’irrecevabilité sur les exercices 2010-2011, condamner la CIPAV à verser une indemnité supplémentaire de 3 000 euros par année non renseignée en réparation du préjudice causé par le manquement à l’obligation légale d’information de la caisse, soit 6 000 euros pour les années 2010 et 2011 ;
– condamner la CIPAV à lui payer la somme de 3 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi ;
– condamner la CIPAV à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
9- La CIPAV, dispensée de comparaître et s’en remettant à ses conclusions transmises le 28 janvier 2025, par voie électronique, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable le recours de Mme [U] et statuant à nouveau, déclarer irrecevable le recours formé par Mme [U]. Subsidiairement, si la cour confirmait le jugement rendu sur la recevabilité, il est demandé à la cour de :
– confirmer, le jugement rendu pour le reste de ses dispositions et :
– juger du bon calcul des points de retraite de base et de retraite complémentaire de
Mme [U] ;
– attribuer à Mme [U] les points de retraite de base suivants :
– 131 points de retraite de base en 2010,
– 190,5 points de retraite de base en 2011,
– 263,8 points de retraite de base en 2012,
– 247,2 points de retraite de base en 2013,
– 212,6 points de retraite de base en 2014,
– 160,7 points de retraite de base en 2015,
– 292,5 points de retraite de base en 2016,
– 291,7 points de retraite de base en 2017,
– 529,6 points de retraite de base en 2018,
– 529,9 points de retraite de base en 2019,
– 541,1points de retraite de base en 2020,
– 533 points de retraite de base en 2021,
– attribuer à Mme [U] les points de retraite complémentaire suivants :
– 10 points de retraite complémentaire en 2010,
– 10 points de retraite complémentaire en 2011,
– 10 points de retraite complémentaire en 2012,
– 9 points de retraite complémentaire en 2013,
– 18 points de retraite complémentaire en 2014,
– 18 points de retraite complémentaire en 2015,
– 42 points de retraite complémentaire en 2016,
– 40 points de retraite complémentaire en 2017,
– 75 points de retraite complémentaire en 2018,
– 79 points de retraite complémentaire en 2019,
– 255 points de retraite complémentaire en 2020,
– 121 points de retraite complémentaire en 2021,
En tout état de cause,
– débouter Mme [U] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner Mme [U] à lui payer la somme de 600 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement rendu le 6 mars 2023 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux sauf en ce qu’il a déclaré recevable le recours de Mme [S] [U],
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Condamne la CIPAV à rectifier les points de retraite de base acquis par Mme [S] [U] selon le détail suivant :
– 131 points de retraite de base en 2010,
– 190,5 points de retraite de base en 2011,
– 263,8 points de retraite de base en 2012,
– 247,2 points de retraite de base en 2013,
– 212,6 points de retraite de base en 2014,
– 160,7 points de retraite de base en 2015,
– 292,5 points de retraite de base en 2016,
– 291,7 points de retraite de base en 2017,
– 529,6 points de retraite de base en 2018,
– 529,9 points de retraite de base en 2019,
– 541,1points de retraite de base en 2020,
– 533 points de retraite de base en 2021,
Condamne la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par Mme [S] [U] selon le détail suivant :
– 40 points en 2010,
– 40 points en 2011,
– 40 points en 2012,
– 36 points en 2013,
– 36 points en 2014,
– 36 points en 2015,
– 72 points en 2016,
– 72 points en 2017,
– 180 points en 2018,
– 252 points en 2019,
– 432 points en 2020,
– 432 points en 2021,
Ordonne à la CIPAV de transmettre à Mme [S] [U] et de lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, et passé ce délai sous astreinte de 100 euros par jour de retard, pendant une durée maximale de 3 mois,
Y ajoutant,
Condamne la CIPAV à payer à Mme [S] [U] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la CIPAV de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la CIPAV aux dépens de première instance et d’appel.
Signé par Madame Marie-Paule Menu, présidente, et par Madame Evelyne Gombaud, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
E. Gombaud MP. Menu
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